La plupart des grandes banques canadiennes affichent ce trimestre des résultats supérieurs aux attentes. Kim Parlee de Parlons Argent reçoit Mario Mendonca, directeur général de TD Cowen, pour discuter des résultats et des perspectives pour ces prêteurs.
Print Transcript
[LOGO SONORE]
Les grandes banques canadiennes ont publié leurs résultats trimestriels et la plupart dépassent les attentes. Pour mieux comprendre ces chiffres, j’accueille Mario Mendonca, directeur général de TD Cowen. Pour lire la mention juridique au complet sur les sociétés couvertes par TD Cowen, une division de Valeurs Mobilières TD, suivez le lien vers le site Web de Valeurs Mobilières TD à la fin de la vidéo.
Mario, ravie de vous voir. Avant d’aborder les performances globales des banques puis de chacune d’entre elles, pourriez-vous nous faire part de vos attentes pour le trimestre? Qu’est-ce que vous avez vu? Qu’est-ce qui retient votre attention?
Il y a un an, peut-être un peu plus d’un an, j’avais émis des réserves sur le levier d’exploitation des banques, la hausse brutale des dépenses, la baisse des revenus liés aux marchés des capitaux, la baisse des ratios de fonds propres, le ralentissement de la croissance des bilans. Principalement pour ces raisons, j’avais ramené le groupe en décembre 2022 d’une surpondération à une pondération inférieure à celle du marché.
Au vu des résultats du premier trimestre 2024 et à l’approche du deuxième trimestre, beaucoup de facteurs qui m’auraient incité à faire preuve d’une certaine prudence commencent à s’atténuer. Les ratios de fonds propres semblent solides. On anticipe un levier d’exploitation positif pour tout le groupe au deuxième trimestre. Les revenus liés aux marchés des capitaux se sont améliorés. Et si les taux d’intérêt baissent au deuxième semestre, cela pourrait soutenir la croissance du bilan.
Du point de vue des bénéfices avant impôts et provisions, le contexte s’améliore. Je m’attends à de meilleurs résultats de la part des banques canadiennes. Et comme vous l’avez dit, les bénéfices des banques canadiennes ne déçoivent pas, contrairement à 2023. Au premier trimestre, elles ont toutes atteint ou surpassé les attentes, à part BMO. Voilà pour les bénéfices avant impôts et provisions. Le crédit risque de se détériorer, et c’est un point qui mériterait qu’on s’y arrête.
Oui, j’aimerais qu’on en parle. Tout au début de votre rapport, vous soulignez qu’il s’agit du septième trimestre consécutif de baisse du bénéfice par action. A-t-on atteint le creux de la vague? Est-ce qu’on commence à remonter la pente? Parlez-moi de ce que vous surveillez, comme le cycle de crédit. Quels indices vous mettent sur la piste de ce qui pourrait arriver?
Oui. Il faut bien souligner que le bénéfice avant impôts et provisions augmente. C’est le côté positif. Par contre, le crédit se détériore. Cette détérioration est attribuable aux prêts personnels, les cartes et lignes de crédit, les prêts auto et remboursables par versements. Ces prêts représentent environ 10 % du solde des prêts au Canada. On voit une hausse très nette des taux de défaut et du montant brut des prêts douteux, ce qui est logique au vu de la hausse des cas d’insolvabilité chez les consommateurs.
On observe maintenant un effet sur les pertes sur créances. Elles sont en nette augmentation. En fait, la hausse des pertes sur créances n’est pas problématique en soi. Tout le monde s’y attendait. La question est de savoir si elles augmentent plus vite que prévu. Est-ce qu’elles augmentent plus rapidement que les banques ne le prévoyaient? Si le crédit se détériore en effet à un rythme plus soutenu que ce qu’anticipent les banques ou la plupart des analystes, on observe un effet négatif sur les bénéfices, ce qui risque de miner la confiance.
Et on peut soutenir que le crédit se détériore plus rapidement que les banques ne l’anticipaient ou que je ne l’anticipais.
Il semble que ce soit fortement lié aux attentes à l’égard des taux. Si on revient six mois en arrière, tout le monde s’attendait à des baisses de taux en ce moment même. Elles ne sont pas au rendez-vous, mais elles arriveront peut-être en juin ou plus tard. Mais pourriez-vous nous parler de la sensibilité aux taux et des effets sur ce dont il est question aujourd’hui?
Les taux ont un impact général sur les banques. Les baisses de taux allègent un peu la pression sur les consommateurs, surtout sur les hypothèques à taux fixe arrivant à échéance et à taux variable. Quand les taux d’intérêt baissent, c’est positif pour le crédit. L’effet n’est pas immédiat. Il y a un décalage. Le crédit ne s’est pas détérioré quand les taux ont augmenté. Il a fallu du temps. Il en va de même quand les taux baissent. Quand les taux baisseront, les conditions de crédit vont s’améliorer en décalé.
L’autre point important, c’est que la baisse des taux pourrait relancer la demande de prêts. C’est un point très pertinent à mes yeux, parce qu’on s’est heurté à un problème lié à la demande et à l’offre de prêts. Les fonds propres des banques étant assez limités, l’offre était restreinte. La hausse des taux a restreint la demande. Conjuguée aux bons ratios de fonds propres, la baisse des taux pourrait corriger le tir. Il est possible que la demande de prêts augmente en même temps que les banques se sentent en mesure d’accorder ces prêts. La baisse des taux pourrait avoir un impact plutôt favorable sur la croissance du bilan et des prêts vers la fin de cette année.
Je suppose que c’est ce que vous attendez. Vous dites qu’il serait prématuré d’être plus optimiste pour le groupe à ce stade. Vous attendez que d’autres signes se manifestent.
Le plus important pour moi, c’est la hausse des bénéfices avant impôts et provisions. Je peux affirmer avec une grande confiance que les paramètres fondamentaux sous-jacents comme le levier d’exploitation, la croissance des bénéfices avant impôts et provisions, les ratios de fonds propres s’améliorent fortement. Si je reste relativement prudent à l’égard du groupe, c’est parce que j’attends la détérioration liée au crédit. Je ne veux pas dire que les prêts hypothécaires vont exploser et que les banques canadiennes seront aux prises avec de faibles ratios de fonds propres. Pas du tout.
Je dis que la hausse des pertes sur créances liées aux prêts personnels doit d’abord se répercuter sur les bénéfices des banques et la confiance des investisseurs. Passé ce stade, je pourrais relever avec confiance la cote des banques. Mais ça se produira peut-être bien plus tard dans l’année.
Très bien. Prenons chaque banque une par une. Commençons par la CIBC. Vous l’avez revue à la hausse après la publication de ses résultats trimestriels. Vous recommandez maintenant l’achat plutôt que la conservation. Qu’observez-vous du côté de la CIBC?
La CIBC affichait le ratio C/B prévisionnel le plus faible du groupe. Ce qui est intéressant, c’est que les facteurs attribuables à ce faible ratio C/B ont déjà commencé à s’estomper. Je vous donne un exemple. Elle a subi de fortes pertes sur créances à cause de l’immobilier commercial américain. À la fin de ce trimestre, la CIBC indique que ces pertes sont maintenant en baisse. Elles ont atteint leur point culminant. L’important pour moi, c’est que ces pertes diminuent.
La banque affichait un faible ratio de fonds propres, ce qui a pesé sur la croissance de son bilan. Son ratio de fonds propres est remonté à 13 %, l’un des plus élevés du groupe. De plus, la CIBC avait un levier d’exploitation assez élevé. Les bénéfices avant impôts et provisions se sont améliorés. Tous les facteurs qui expliquent le sentiment négatif à l’égard de la CIBC se tournent désormais en sa faveur. Il m’a donc semblé très raisonnable, dans le contexte de cette faible évaluation, d’exprimer des perspectives plus optimistes à l’égard de la CIBC.
D’accord. Passons à BMO, qui se situe probablement à l’autre extrémité du spectre ce trimestre. Je crois que c’est la seule banque qui n’a pas été à la hauteur des attentes. Pourquoi?
C’est vrai. Pour moi, c’est dû en grande partie au contexte du quatrième trimestre 2023. Au trimestre dernier, BMO a suscité une vague d’optimisme, entre la réduction des coûts et l’acquisition. Les estimations étaient un peu élevées, y compris les miennes. Elle affiche un trimestre décevant, avec une baisse des marges dans le segment des grandes entreprises, des revenus liés aux frais, des revenus liés aux marchés des capitaux et un levier d’exploitation négatif. Tous ces facteurs ont contribué aux piètres résultats de BMO, notamment pour ce qui est des pertes sur créances. Je pense qu’on verra ce premier trimestre 2024 comme un point d’inflexion pour BMO. La banque a déclaré que le revenu serait au plus bas au premier trimestre 2024 et que les dépenses culmineraient, ce qui laisse présager un solide levier d’exploitation au deuxième trimestre et au-delà. Ce premier trimestre sera donc perçu comme le point d’inflexion pour BMO, à mon avis.
Très bien. La Scotia fait partie des banques qui ont surpassé les attentes. Qu’en pensez-vous? Vous faites une remarque intéressante en conclusion de votre rapport. Vous dites que la capacité de la Scotia à dégager moins de bénéfices est maintenant très claire. Qu’est-ce que vous entendez par là?
C’est très important, car les banques peuvent surpasser les prévisions pour deux raisons. Soit les résultats sont vraiment bons, soit les attentes étaient trop basses. Aucune autre banque n’a vu ses estimations pour 2024 reculer plus que la Scotia en 2023. J’entends par là que les analystes ont considérablement revu à la baisse les prévisions de bénéfices pour la Scotia. C’est donc plus facile de les surpasser. Les résultats ne sont donc pas forcément meilleurs, mais les attentes sont très faibles. Et c’est une bonne chose.
Les investisseurs auront plus de facilité à acheter des actions de la Scotia, sachant qu’il n’y aura pas de mauvaise surprise. Le problème pour la Scotia, c’est qu’il reste beaucoup de questions à régler. Elle doit réduire les prêts hypothécaires générés par des courtiers au Canada, accroître les dépôts au Canada, et peut-être réduire sa présence en Amérique latine. Elle va devoir régler ces grandes questions épineuses au cours des prochaines années.
Je préfère me tenir à l’écart pour cette banque, et m’abstenir de recommander l’achat pendant cette phase de changements. Elle doit d’abord me convaincre qu’elle a réussi à opérer ces changements avant que je ne change d’avis. Je n’en suis pas là pour l’instant. Je ne recommande certainement pas l’achat.
OK. Là aussi, on devra attendre les résultats des prochains trimestres. Pour finir, RBC. Vous notez qu’elle affiche depuis toujours une prime de valorisation de 6 % à 8 % par rapport au groupe. Est-ce encore justifié à l’heure actuelle? Qu’est-ce que vous constatez?
Je pense que oui. Pour moi, la RBC affiche une solide combinaison d’activités au Canada. Un solide volet d’assurance, beaucoup d’activité sur les marchés des capitaux, l’un des chefs de file de la gestion de patrimoine au pays. Ce modèle diversifié me conforte dans l’idée que c’est une bonne valeur à détenir. Ceci dit, deux points me posent problème. D’abord, sa filiale américaine, City National, connaît une période houleuse. C’est le cas depuis un an.
RBC déploie beaucoup d’efforts pour corriger la situation, mais soyons honnêtes. Quand une banque très bien évaluée affiche de mauvais résultats dans un segment, on se doit d’être clair à ce sujet. Je pense que RBC est en train de redresser la situation de City National, mais c’est sans aucun doute un échec. L’autre point important au sujet de RBC, c’est l’acquisition de HSBC Canada, une opération de très grande envergure. L’achat et l’intégration d’une institution aussi importante ont tendance à entraîner des résultats chaotiques dans les premiers trimestres.
Je n’ai aucun doute quant à la qualité de l’action de RBC. On recommande l’achat. À court terme, on s’attend à un peu de flottement lors de l’intégration de HSBC. À long terme, elle mènera à de fortes baisses de coûts et à des ventes croisées. Ce sera une acquisition fructueuse. C’est mon avis. Mais bien sûr, à court terme, il va y avoir des moments difficiles. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]
Les grandes banques canadiennes ont publié leurs résultats trimestriels et la plupart dépassent les attentes. Pour mieux comprendre ces chiffres, j’accueille Mario Mendonca, directeur général de TD Cowen. Pour lire la mention juridique au complet sur les sociétés couvertes par TD Cowen, une division de Valeurs Mobilières TD, suivez le lien vers le site Web de Valeurs Mobilières TD à la fin de la vidéo.
Mario, ravie de vous voir. Avant d’aborder les performances globales des banques puis de chacune d’entre elles, pourriez-vous nous faire part de vos attentes pour le trimestre? Qu’est-ce que vous avez vu? Qu’est-ce qui retient votre attention?
Il y a un an, peut-être un peu plus d’un an, j’avais émis des réserves sur le levier d’exploitation des banques, la hausse brutale des dépenses, la baisse des revenus liés aux marchés des capitaux, la baisse des ratios de fonds propres, le ralentissement de la croissance des bilans. Principalement pour ces raisons, j’avais ramené le groupe en décembre 2022 d’une surpondération à une pondération inférieure à celle du marché.
Au vu des résultats du premier trimestre 2024 et à l’approche du deuxième trimestre, beaucoup de facteurs qui m’auraient incité à faire preuve d’une certaine prudence commencent à s’atténuer. Les ratios de fonds propres semblent solides. On anticipe un levier d’exploitation positif pour tout le groupe au deuxième trimestre. Les revenus liés aux marchés des capitaux se sont améliorés. Et si les taux d’intérêt baissent au deuxième semestre, cela pourrait soutenir la croissance du bilan.
Du point de vue des bénéfices avant impôts et provisions, le contexte s’améliore. Je m’attends à de meilleurs résultats de la part des banques canadiennes. Et comme vous l’avez dit, les bénéfices des banques canadiennes ne déçoivent pas, contrairement à 2023. Au premier trimestre, elles ont toutes atteint ou surpassé les attentes, à part BMO. Voilà pour les bénéfices avant impôts et provisions. Le crédit risque de se détériorer, et c’est un point qui mériterait qu’on s’y arrête.
Oui, j’aimerais qu’on en parle. Tout au début de votre rapport, vous soulignez qu’il s’agit du septième trimestre consécutif de baisse du bénéfice par action. A-t-on atteint le creux de la vague? Est-ce qu’on commence à remonter la pente? Parlez-moi de ce que vous surveillez, comme le cycle de crédit. Quels indices vous mettent sur la piste de ce qui pourrait arriver?
Oui. Il faut bien souligner que le bénéfice avant impôts et provisions augmente. C’est le côté positif. Par contre, le crédit se détériore. Cette détérioration est attribuable aux prêts personnels, les cartes et lignes de crédit, les prêts auto et remboursables par versements. Ces prêts représentent environ 10 % du solde des prêts au Canada. On voit une hausse très nette des taux de défaut et du montant brut des prêts douteux, ce qui est logique au vu de la hausse des cas d’insolvabilité chez les consommateurs.
On observe maintenant un effet sur les pertes sur créances. Elles sont en nette augmentation. En fait, la hausse des pertes sur créances n’est pas problématique en soi. Tout le monde s’y attendait. La question est de savoir si elles augmentent plus vite que prévu. Est-ce qu’elles augmentent plus rapidement que les banques ne le prévoyaient? Si le crédit se détériore en effet à un rythme plus soutenu que ce qu’anticipent les banques ou la plupart des analystes, on observe un effet négatif sur les bénéfices, ce qui risque de miner la confiance.
Et on peut soutenir que le crédit se détériore plus rapidement que les banques ne l’anticipaient ou que je ne l’anticipais.
Il semble que ce soit fortement lié aux attentes à l’égard des taux. Si on revient six mois en arrière, tout le monde s’attendait à des baisses de taux en ce moment même. Elles ne sont pas au rendez-vous, mais elles arriveront peut-être en juin ou plus tard. Mais pourriez-vous nous parler de la sensibilité aux taux et des effets sur ce dont il est question aujourd’hui?
Les taux ont un impact général sur les banques. Les baisses de taux allègent un peu la pression sur les consommateurs, surtout sur les hypothèques à taux fixe arrivant à échéance et à taux variable. Quand les taux d’intérêt baissent, c’est positif pour le crédit. L’effet n’est pas immédiat. Il y a un décalage. Le crédit ne s’est pas détérioré quand les taux ont augmenté. Il a fallu du temps. Il en va de même quand les taux baissent. Quand les taux baisseront, les conditions de crédit vont s’améliorer en décalé.
L’autre point important, c’est que la baisse des taux pourrait relancer la demande de prêts. C’est un point très pertinent à mes yeux, parce qu’on s’est heurté à un problème lié à la demande et à l’offre de prêts. Les fonds propres des banques étant assez limités, l’offre était restreinte. La hausse des taux a restreint la demande. Conjuguée aux bons ratios de fonds propres, la baisse des taux pourrait corriger le tir. Il est possible que la demande de prêts augmente en même temps que les banques se sentent en mesure d’accorder ces prêts. La baisse des taux pourrait avoir un impact plutôt favorable sur la croissance du bilan et des prêts vers la fin de cette année.
Je suppose que c’est ce que vous attendez. Vous dites qu’il serait prématuré d’être plus optimiste pour le groupe à ce stade. Vous attendez que d’autres signes se manifestent.
Le plus important pour moi, c’est la hausse des bénéfices avant impôts et provisions. Je peux affirmer avec une grande confiance que les paramètres fondamentaux sous-jacents comme le levier d’exploitation, la croissance des bénéfices avant impôts et provisions, les ratios de fonds propres s’améliorent fortement. Si je reste relativement prudent à l’égard du groupe, c’est parce que j’attends la détérioration liée au crédit. Je ne veux pas dire que les prêts hypothécaires vont exploser et que les banques canadiennes seront aux prises avec de faibles ratios de fonds propres. Pas du tout.
Je dis que la hausse des pertes sur créances liées aux prêts personnels doit d’abord se répercuter sur les bénéfices des banques et la confiance des investisseurs. Passé ce stade, je pourrais relever avec confiance la cote des banques. Mais ça se produira peut-être bien plus tard dans l’année.
Très bien. Prenons chaque banque une par une. Commençons par la CIBC. Vous l’avez revue à la hausse après la publication de ses résultats trimestriels. Vous recommandez maintenant l’achat plutôt que la conservation. Qu’observez-vous du côté de la CIBC?
La CIBC affichait le ratio C/B prévisionnel le plus faible du groupe. Ce qui est intéressant, c’est que les facteurs attribuables à ce faible ratio C/B ont déjà commencé à s’estomper. Je vous donne un exemple. Elle a subi de fortes pertes sur créances à cause de l’immobilier commercial américain. À la fin de ce trimestre, la CIBC indique que ces pertes sont maintenant en baisse. Elles ont atteint leur point culminant. L’important pour moi, c’est que ces pertes diminuent.
La banque affichait un faible ratio de fonds propres, ce qui a pesé sur la croissance de son bilan. Son ratio de fonds propres est remonté à 13 %, l’un des plus élevés du groupe. De plus, la CIBC avait un levier d’exploitation assez élevé. Les bénéfices avant impôts et provisions se sont améliorés. Tous les facteurs qui expliquent le sentiment négatif à l’égard de la CIBC se tournent désormais en sa faveur. Il m’a donc semblé très raisonnable, dans le contexte de cette faible évaluation, d’exprimer des perspectives plus optimistes à l’égard de la CIBC.
D’accord. Passons à BMO, qui se situe probablement à l’autre extrémité du spectre ce trimestre. Je crois que c’est la seule banque qui n’a pas été à la hauteur des attentes. Pourquoi?
C’est vrai. Pour moi, c’est dû en grande partie au contexte du quatrième trimestre 2023. Au trimestre dernier, BMO a suscité une vague d’optimisme, entre la réduction des coûts et l’acquisition. Les estimations étaient un peu élevées, y compris les miennes. Elle affiche un trimestre décevant, avec une baisse des marges dans le segment des grandes entreprises, des revenus liés aux frais, des revenus liés aux marchés des capitaux et un levier d’exploitation négatif. Tous ces facteurs ont contribué aux piètres résultats de BMO, notamment pour ce qui est des pertes sur créances. Je pense qu’on verra ce premier trimestre 2024 comme un point d’inflexion pour BMO. La banque a déclaré que le revenu serait au plus bas au premier trimestre 2024 et que les dépenses culmineraient, ce qui laisse présager un solide levier d’exploitation au deuxième trimestre et au-delà. Ce premier trimestre sera donc perçu comme le point d’inflexion pour BMO, à mon avis.
Très bien. La Scotia fait partie des banques qui ont surpassé les attentes. Qu’en pensez-vous? Vous faites une remarque intéressante en conclusion de votre rapport. Vous dites que la capacité de la Scotia à dégager moins de bénéfices est maintenant très claire. Qu’est-ce que vous entendez par là?
C’est très important, car les banques peuvent surpasser les prévisions pour deux raisons. Soit les résultats sont vraiment bons, soit les attentes étaient trop basses. Aucune autre banque n’a vu ses estimations pour 2024 reculer plus que la Scotia en 2023. J’entends par là que les analystes ont considérablement revu à la baisse les prévisions de bénéfices pour la Scotia. C’est donc plus facile de les surpasser. Les résultats ne sont donc pas forcément meilleurs, mais les attentes sont très faibles. Et c’est une bonne chose.
Les investisseurs auront plus de facilité à acheter des actions de la Scotia, sachant qu’il n’y aura pas de mauvaise surprise. Le problème pour la Scotia, c’est qu’il reste beaucoup de questions à régler. Elle doit réduire les prêts hypothécaires générés par des courtiers au Canada, accroître les dépôts au Canada, et peut-être réduire sa présence en Amérique latine. Elle va devoir régler ces grandes questions épineuses au cours des prochaines années.
Je préfère me tenir à l’écart pour cette banque, et m’abstenir de recommander l’achat pendant cette phase de changements. Elle doit d’abord me convaincre qu’elle a réussi à opérer ces changements avant que je ne change d’avis. Je n’en suis pas là pour l’instant. Je ne recommande certainement pas l’achat.
OK. Là aussi, on devra attendre les résultats des prochains trimestres. Pour finir, RBC. Vous notez qu’elle affiche depuis toujours une prime de valorisation de 6 % à 8 % par rapport au groupe. Est-ce encore justifié à l’heure actuelle? Qu’est-ce que vous constatez?
Je pense que oui. Pour moi, la RBC affiche une solide combinaison d’activités au Canada. Un solide volet d’assurance, beaucoup d’activité sur les marchés des capitaux, l’un des chefs de file de la gestion de patrimoine au pays. Ce modèle diversifié me conforte dans l’idée que c’est une bonne valeur à détenir. Ceci dit, deux points me posent problème. D’abord, sa filiale américaine, City National, connaît une période houleuse. C’est le cas depuis un an.
RBC déploie beaucoup d’efforts pour corriger la situation, mais soyons honnêtes. Quand une banque très bien évaluée affiche de mauvais résultats dans un segment, on se doit d’être clair à ce sujet. Je pense que RBC est en train de redresser la situation de City National, mais c’est sans aucun doute un échec. L’autre point important au sujet de RBC, c’est l’acquisition de HSBC Canada, une opération de très grande envergure. L’achat et l’intégration d’une institution aussi importante ont tendance à entraîner des résultats chaotiques dans les premiers trimestres.
Je n’ai aucun doute quant à la qualité de l’action de RBC. On recommande l’achat. À court terme, on s’attend à un peu de flottement lors de l’intégration de HSBC. À long terme, elle mènera à de fortes baisses de coûts et à des ventes croisées. Ce sera une acquisition fructueuse. C’est mon avis. Mais bien sûr, à court terme, il va y avoir des moments difficiles. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]