La hausse des taux d’intérêt a été favorable au secteur bancaire. Mais les revers économiques et l’incertitude sur les marchés pèseront-ils sur les bénéfices à l’avenir? Greg Bonnell discute avec James Hunter, analyste, Banques et Assurance, Gestion de Placements TD, des perspectives pour les services financiers.
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La hausse des taux d’intérêt peut être considérée comme une bonne nouvelle pour le secteur bancaire, mais ça n’a pas été le cas en 2022. J’accueille maintenant James Hunter, analyste, Banques et Assurance à Gestion de Placements TD, qui va nous en dire plus. James, bienvenue à l’émission.
Merci beaucoup de m’avoir invité, Greg.
Parlons de l’année qui vient de passer. De toute évidence, nous savons que les banques centrales tentent de contenir l’inflation et que la hausse des taux d’intérêt a eu beaucoup d’effets sur de nombreuses catégories d’actif. À première vue, on pourrait dire que les services financiers bénéficient de taux d’intérêt plus élevés. Est-ce plus compliqué que ça?
Ça ne peut pas être plus compliqué que ça. Mais quand on pense à cette année, c’est essentiellement comme ça que les choses se sont passées sur le plan du rendement global. Les banques ont reculé de quelques points de pourcentage, et les assureurs ont légèrement augmenté. Et ils sont donc très proches du TSX. Et notre thèse pour le début de l’année, ça serait que les banques et les compagnies d’assurance vont profiter de la hausse des taux, les banques parce qu’elles ont des marges bénéficiaires plus élevées, et les compagnies d’assurance, parce qu’elles vont générer un revenu de placement plus élevé dans leurs portefeuilles de placement. On l’a vu dans les prévisions de bénéfices. Elles ont augmenté, les dividendes ont été très bons, un rendement de 4 % à 5 %, et il y a eu des hausses à deux chiffres des dividendes, ce qui est excellent. Et pour répondre à votre question, c’est que les évaluations ont simplement diminué un peu en raison des craintes d’une récession. On est donc en train de passer à travers ça. Mais dans l’ensemble, je dirais que les services financiers se sont vraiment bien comportés.
Quels sont certains des défis que présente un contexte de hausse des taux d’intérêt? Je pense notamment au portefeuille de prêts, on entend beaucoup parler du marché canadien de l’habitation, qui a été considérablement ralenti en raison de la hausse des coûts d’emprunt. Est-ce qu’à un moment donné ça a touché les banques?
Oui, si on parle de crédit, il ne faut pas oublier que les banques canadiennes ont un portefeuille de prêts d’environ 3 000 milliards de dollars. C’est un montant important. Et chaque année, elles doivent mettre de côté une partie de leurs bénéfices pour des prêts irrécouvrables. Ce sont les provisions pour pertes sur créances qui pourraient augmenter à mesure qu’on se rapproche de plus en plus de la récession économique vers laquelle on se dirige, mais ce sont les marges plus élevées qui les ont vraiment aidées à compenser ça. La croissance des revenus a été très bonne. Elles profitent de la hausse des taux d’intérêt. Le contrôle des dépenses a aussi été assez efficace. Alors oui, il y a eu ce genre de concessions entre les provisions et le côté des revenus et des dépenses, qui a été assez solide cette année.
À quoi faut-il réfléchir pour 2023? À l’heure actuelle, il semble que beaucoup de gens prévoient une récession, et le grand débat porte sur la question suivante : est-ce une récession profonde? Est-ce une récession mineure? Je crois que pendant une conversation à l’heure du dîner, on a entendu la première sous-gouverneure de la Banque du Canada dire qu’elle estimait que les mesures prises jusqu’à maintenant pour augmenter les coûts d’emprunt fonctionnaient. Mais vous savez, pour éviter un atterrissage brutal, c’est ce que tout le monde veut, non? Une sorte d’atterrissage en douceur. Dans ce contexte, les banques se retrouvent-elles dans une situation favorable avec de bonnes marges d’intérêt, mais sans une augmentation des provisions pour tenter de couvrir les prêts irrécouvrables?
Oui. Ce qui est bien, c’est que cette année, la croissance des revenus a vraiment compensé l’augmentation des provisions qu’on commence à voir. Ça a commencé lentement au troisième trimestre, et ça va probablement se poursuivre au quatrième trimestre. Je pense que ça a été le principal facteur cette année, et l’année prochaine, il y aura plus de risques liés à ce facteur-là, où la croissance des revenus pourrait ne pas être suffisante pour compenser l’augmentation des provisions. Et c’est ce avec quoi les investisseurs sont aux prises. On pense qu’il y aura une légère récession. Et puis, la question de savoir si la récession sera profonde ou mineure, ça va influencer notre sentiment positif ou non sur les diverses actions du secteur des services financiers.
À quoi la situation ressemble-t-elle du côté des compagnies d’assurance et des compagnies d’assurance vie dans ce contexte? C’est un excellent aperçu sur ce qui se passe du côté des banques, la façon dont elles exercent leurs activités, et ce que ça signifie avec des taux d’intérêt plus élevés. Qu’en est-il des autres noms?
Oui. Le secteur de l’assurance est en fait très intéressant. Il ne faut pas oublier qu’il y a deux catégories différentes. Il y a les compagnies d’assurance de biens et de dommages, et les compagnies d’assurance vie. Les compagnies d’assurance de biens et de dommages ont connu une très bonne année. Et la raison derrière ça, c’est qu’elles ont un pouvoir inflationniste sur les prix. Si vous songez à souscrire une police d’assurance pour votre maison ou votre voiture, vous n’avez pas le choix. Vous êtes obligé d’en avoir une. Donc, si l’assureur augmente ses taux de 5 % ou de 10 % ou plus en raison de l’inflation, vous allez payer. Et ça s’est traduit par une hausse des bénéfices cette année. Et ça a été excellent pour ces actions, les compagnies d’assurance vie. Elles n’ont pas affiché un rendement aussi bon, mais elles se sont montrées assez résilientes, compte tenu de toutes les difficultés qu’on a connues cette année. Il ne faut pas oublier qu’elles font beaucoup d’affaires en Asie. Donc, pour Manuvie et la Sun Life, le ralentissement des ventes d’assurance a été un peu défavorable, car il y a eu, comme vous le savez, des politiques zéro COVID dans cette partie du monde. Il y a ensuite la transition comptable. Ce n’est pas aussi intéressant d’en parler, mais les bénéfices et la valeur comptable ont diminué l’an dernier, et ils vont diminuer aussi l’an prochain. Et les compagnies d’assurance doivent en informer les investisseurs. Et on a eu besoin d’un peu de temps pour assimiler ces nouvelles informations.
Quand je pense aux compagnies d’assurance vie, c’est évident qu’elles ont un passif à très long terme. Et on a l’impression qu’elles sont dans un contexte de faiblesse des taux depuis tellement longtemps. On a vu ces banques investir dans d’autres secteurs, parce qu’elles se sont rendu compte qu’elles n’obtiendraient pas ce type de rendement sur le marché obligataire. Les choses changent-elles maintenant ou à ces niveaux? Depuis le début de l’année, les taux d’intérêt ont fortement augmenté. Mais est-ce que ça ramène les compagnies d’assurance vie où elles étaient auparavant, à la façon dont le modèle d’affaires était structuré?
Je dirais que ça aide. Ça prend du temps pour filtrer les bénéfices des assureurs. Comme vous l’avez mentionné, le profil de passif est assez long, ce qui signifie que leurs actifs ont aussi une durée assez longue. Donc, chaque année où les taux sont un peu plus élevés ou se maintiennent à ces niveaux, le profil des bénéfices des compagnies d’assurance vie va faire augmenter le revenu de placement. C’est simplement que ça ne se produit pas dans un ou deux trimestres, comme c’est possible avec les banques. Ça prend quelques années. Je pense donc que ce thème va probablement les aider au cours des prochaines années si les taux restent plus élevés pendant une plus longue période.
On a parlé un peu de la faiblesse du marché de l’habitation. Et, bien sûr, on sait que le crédit suit aussi un cycle. À quoi doit-on réfléchir en ce qui concerne la qualité du crédit à l’approche de 2023?
En ce qui concerne la qualité du crédit, il faut réfléchir à trois choses : le taux de chômage, les prix des logements et les prix des produits de base; ce sont les trois principaux facteurs qui entrent en ligne de compte dans les prévisions économiques et qui déterminent vraiment les provisions et le crédit. Et, comme vous le savez, le taux de chômage a été extrêmement solide jusqu’à présent. Il se situe dans une fourchette de 5 % au Canada, ce qui est faible. Et c’est très bon pour le crédit. Ça signifie que les gens ont un emploi et qu’ils peuvent payer leurs factures. C’est donc un facteur favorable. Ce qui commence à peser sur les perspectives, c’est la baisse des prix des logements. Les gens n’ont pas autant confiance. Et c’est parce que leurs taux hypothécaires augmentent. Leur budget est donc un peu plus serré. Et ces facteurs, vous savez, peuvent parfois évoluer dans différentes directions. Mais au cours des deux prochaines années, ça sera probablement un ralentissement plutôt qu’une orientation plus positive.
La hausse des taux d’intérêt peut être considérée comme une bonne nouvelle pour le secteur bancaire, mais ça n’a pas été le cas en 2022. J’accueille maintenant James Hunter, analyste, Banques et Assurance à Gestion de Placements TD, qui va nous en dire plus. James, bienvenue à l’émission.
Merci beaucoup de m’avoir invité, Greg.
Parlons de l’année qui vient de passer. De toute évidence, nous savons que les banques centrales tentent de contenir l’inflation et que la hausse des taux d’intérêt a eu beaucoup d’effets sur de nombreuses catégories d’actif. À première vue, on pourrait dire que les services financiers bénéficient de taux d’intérêt plus élevés. Est-ce plus compliqué que ça?
Ça ne peut pas être plus compliqué que ça. Mais quand on pense à cette année, c’est essentiellement comme ça que les choses se sont passées sur le plan du rendement global. Les banques ont reculé de quelques points de pourcentage, et les assureurs ont légèrement augmenté. Et ils sont donc très proches du TSX. Et notre thèse pour le début de l’année, ça serait que les banques et les compagnies d’assurance vont profiter de la hausse des taux, les banques parce qu’elles ont des marges bénéficiaires plus élevées, et les compagnies d’assurance, parce qu’elles vont générer un revenu de placement plus élevé dans leurs portefeuilles de placement. On l’a vu dans les prévisions de bénéfices. Elles ont augmenté, les dividendes ont été très bons, un rendement de 4 % à 5 %, et il y a eu des hausses à deux chiffres des dividendes, ce qui est excellent. Et pour répondre à votre question, c’est que les évaluations ont simplement diminué un peu en raison des craintes d’une récession. On est donc en train de passer à travers ça. Mais dans l’ensemble, je dirais que les services financiers se sont vraiment bien comportés.
Quels sont certains des défis que présente un contexte de hausse des taux d’intérêt? Je pense notamment au portefeuille de prêts, on entend beaucoup parler du marché canadien de l’habitation, qui a été considérablement ralenti en raison de la hausse des coûts d’emprunt. Est-ce qu’à un moment donné ça a touché les banques?
Oui, si on parle de crédit, il ne faut pas oublier que les banques canadiennes ont un portefeuille de prêts d’environ 3 000 milliards de dollars. C’est un montant important. Et chaque année, elles doivent mettre de côté une partie de leurs bénéfices pour des prêts irrécouvrables. Ce sont les provisions pour pertes sur créances qui pourraient augmenter à mesure qu’on se rapproche de plus en plus de la récession économique vers laquelle on se dirige, mais ce sont les marges plus élevées qui les ont vraiment aidées à compenser ça. La croissance des revenus a été très bonne. Elles profitent de la hausse des taux d’intérêt. Le contrôle des dépenses a aussi été assez efficace. Alors oui, il y a eu ce genre de concessions entre les provisions et le côté des revenus et des dépenses, qui a été assez solide cette année.
À quoi faut-il réfléchir pour 2023? À l’heure actuelle, il semble que beaucoup de gens prévoient une récession, et le grand débat porte sur la question suivante : est-ce une récession profonde? Est-ce une récession mineure? Je crois que pendant une conversation à l’heure du dîner, on a entendu la première sous-gouverneure de la Banque du Canada dire qu’elle estimait que les mesures prises jusqu’à maintenant pour augmenter les coûts d’emprunt fonctionnaient. Mais vous savez, pour éviter un atterrissage brutal, c’est ce que tout le monde veut, non? Une sorte d’atterrissage en douceur. Dans ce contexte, les banques se retrouvent-elles dans une situation favorable avec de bonnes marges d’intérêt, mais sans une augmentation des provisions pour tenter de couvrir les prêts irrécouvrables?
Oui. Ce qui est bien, c’est que cette année, la croissance des revenus a vraiment compensé l’augmentation des provisions qu’on commence à voir. Ça a commencé lentement au troisième trimestre, et ça va probablement se poursuivre au quatrième trimestre. Je pense que ça a été le principal facteur cette année, et l’année prochaine, il y aura plus de risques liés à ce facteur-là, où la croissance des revenus pourrait ne pas être suffisante pour compenser l’augmentation des provisions. Et c’est ce avec quoi les investisseurs sont aux prises. On pense qu’il y aura une légère récession. Et puis, la question de savoir si la récession sera profonde ou mineure, ça va influencer notre sentiment positif ou non sur les diverses actions du secteur des services financiers.
À quoi la situation ressemble-t-elle du côté des compagnies d’assurance et des compagnies d’assurance vie dans ce contexte? C’est un excellent aperçu sur ce qui se passe du côté des banques, la façon dont elles exercent leurs activités, et ce que ça signifie avec des taux d’intérêt plus élevés. Qu’en est-il des autres noms?
Oui. Le secteur de l’assurance est en fait très intéressant. Il ne faut pas oublier qu’il y a deux catégories différentes. Il y a les compagnies d’assurance de biens et de dommages, et les compagnies d’assurance vie. Les compagnies d’assurance de biens et de dommages ont connu une très bonne année. Et la raison derrière ça, c’est qu’elles ont un pouvoir inflationniste sur les prix. Si vous songez à souscrire une police d’assurance pour votre maison ou votre voiture, vous n’avez pas le choix. Vous êtes obligé d’en avoir une. Donc, si l’assureur augmente ses taux de 5 % ou de 10 % ou plus en raison de l’inflation, vous allez payer. Et ça s’est traduit par une hausse des bénéfices cette année. Et ça a été excellent pour ces actions, les compagnies d’assurance vie. Elles n’ont pas affiché un rendement aussi bon, mais elles se sont montrées assez résilientes, compte tenu de toutes les difficultés qu’on a connues cette année. Il ne faut pas oublier qu’elles font beaucoup d’affaires en Asie. Donc, pour Manuvie et la Sun Life, le ralentissement des ventes d’assurance a été un peu défavorable, car il y a eu, comme vous le savez, des politiques zéro COVID dans cette partie du monde. Il y a ensuite la transition comptable. Ce n’est pas aussi intéressant d’en parler, mais les bénéfices et la valeur comptable ont diminué l’an dernier, et ils vont diminuer aussi l’an prochain. Et les compagnies d’assurance doivent en informer les investisseurs. Et on a eu besoin d’un peu de temps pour assimiler ces nouvelles informations.
Quand je pense aux compagnies d’assurance vie, c’est évident qu’elles ont un passif à très long terme. Et on a l’impression qu’elles sont dans un contexte de faiblesse des taux depuis tellement longtemps. On a vu ces banques investir dans d’autres secteurs, parce qu’elles se sont rendu compte qu’elles n’obtiendraient pas ce type de rendement sur le marché obligataire. Les choses changent-elles maintenant ou à ces niveaux? Depuis le début de l’année, les taux d’intérêt ont fortement augmenté. Mais est-ce que ça ramène les compagnies d’assurance vie où elles étaient auparavant, à la façon dont le modèle d’affaires était structuré?
Je dirais que ça aide. Ça prend du temps pour filtrer les bénéfices des assureurs. Comme vous l’avez mentionné, le profil de passif est assez long, ce qui signifie que leurs actifs ont aussi une durée assez longue. Donc, chaque année où les taux sont un peu plus élevés ou se maintiennent à ces niveaux, le profil des bénéfices des compagnies d’assurance vie va faire augmenter le revenu de placement. C’est simplement que ça ne se produit pas dans un ou deux trimestres, comme c’est possible avec les banques. Ça prend quelques années. Je pense donc que ce thème va probablement les aider au cours des prochaines années si les taux restent plus élevés pendant une plus longue période.
On a parlé un peu de la faiblesse du marché de l’habitation. Et, bien sûr, on sait que le crédit suit aussi un cycle. À quoi doit-on réfléchir en ce qui concerne la qualité du crédit à l’approche de 2023?
En ce qui concerne la qualité du crédit, il faut réfléchir à trois choses : le taux de chômage, les prix des logements et les prix des produits de base; ce sont les trois principaux facteurs qui entrent en ligne de compte dans les prévisions économiques et qui déterminent vraiment les provisions et le crédit. Et, comme vous le savez, le taux de chômage a été extrêmement solide jusqu’à présent. Il se situe dans une fourchette de 5 % au Canada, ce qui est faible. Et c’est très bon pour le crédit. Ça signifie que les gens ont un emploi et qu’ils peuvent payer leurs factures. C’est donc un facteur favorable. Ce qui commence à peser sur les perspectives, c’est la baisse des prix des logements. Les gens n’ont pas autant confiance. Et c’est parce que leurs taux hypothécaires augmentent. Leur budget est donc un peu plus serré. Et ces facteurs, vous savez, peuvent parfois évoluer dans différentes directions. Mais au cours des deux prochaines années, ça sera probablement un ralentissement plutôt qu’une orientation plus positive.