Après avoir atteint des sommets pendant la pandémie, de nombreux précurseurs technologiques ont vu leur action chuter depuis le début de l’année. Vitali Mossounov, gestionnaire de portefeuille et analyste des technologies mondiales à Gestion de Placements TD, explique à Greg Bonnell pourquoi les investisseurs ne doivent pas paniquer devant les perspectives du secteur des technologies.
Après avoir très bien traversé la pandémie, les actions du secteur des technologies ont été reléguées au second plan pendant la majeure partie de l’année, mais notre invité du jour affirme que les investisseurs doivent rester calmes. Cet invité, c’est Vitali Mossounov, analyste des technologies mondiales à Gestion de Placements TD. Vitali, c’est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd’hui.
Ravi d’être là, Greg, et aussi de voir du vert à l’écran aujourd’hui.
GREG : Ça fait plaisir à voir étant donné ce qu’on a vécu en tant qu’investisseurs. Donc parlons de technologie, ok? Cette année est une des pires de l’histoire, à part aujourd’hui. Que pensez-vous de ce marché?
Eh bien, ça va très mal… L’indice S&P est en baisse de 20 %. Le NASDAQ a baissé de 30 % cette année. On pourrait s’arrêter là, c’est suffisant. C’est la réalité. Je dirais que cette année, les investisseurs font face à un flux constant d’inquiétudes. Les taux sont plus élevés et augmentent toute l’année, ce qui ne fait que resserrer les conditions de liquidité sur le marché.
De plus, l’inflation vient encore du côté de la demande avec la consommation de biens, mais plus récemment, elle est aussi du côté de l’offre en raison d’un conflit géopolitique. Donc chaque mois, il y a une nouvelle inquiétude et les investisseurs se font malmener de toutes parts. Donc on ne va pas embellir la situation. C’est difficile.
Certains craignent que le pire qui reste à venir. Qu’est-ce que vous en pensez?
Eh bien, il y a toujours ce sentiment de panique chez les investisseurs dans des moments comme celui-ci… Et chaque investisseur doit se faire un peu psychologue, un psychologue amateur, si on veut. Si on demande à un psychologue amateur ou à un professionnel ce qu’est la panique, je pense qu’il s’agit d’une obsession, d’une compulsion par rapport à quelque chose d’irrationnel, non? Quelque chose à court terme. En ce moment, les investisseurs se concentrent beaucoup sur ce facteur d’inflation et deviennent un peu fous, non?
Et j’ai une bonne nouvelle pour eux. Tout passe. Ce n’est qu’une question de temps, avant de pouvoir surmonter cette peur. Entre-temps, ce qu’ils doivent faire, ce que chaque investisseur doit faire, c’est de se dire, est-ce le moment de paniquer? Ou est-ce le moment de regarder sur le long terme, ce qui compte, quels sont vos objectifs de placement?
Parlons-en. Vous avez parlé d’horizon. Bien sûr, en tant qu’investisseurs, on a tous des horizons de placement différents. Le quotidien peut être difficile pour nous, mais que pensez-vous du long terme?
Eh bien, à long terme, on revient toujours à la même chose. Qu’est-ce que vous achetez? Je pense que beaucoup d’investisseurs, même des spéculateurs, sont entrés sur le marché en 2020 et 2021, et pour eux, un placement n’était qu’un bout de papier. C’était simplement une promesse de gains.
En tant qu’investisseurs, il ne faut pas oublier qu’on achète des parts de sociétés, une créance sur les flux de trésorerie disponibles futurs de cette entreprise et, par conséquent, il est important de se soucier de certaines des choses qu’on a tendance à négliger quand tout va bien. La qualité de la direction, les avantages concurrentiels de l’entreprise.
À l’heure actuelle, tout investisseur doit se poser les questions suivantes : est-ce vraiment l’inflation qui devrait m’intéresser, cet indicateur à court terme des prix? Ou dois-je prendre un peu de recul et réfléchir à ce que je possède? Comment cette entreprise va-t-elle se porter sur trois, cinq ou dix ans?
Ceux qui sont un peu plus inquiets à l’égard de cet horizon repensent à la crise financière. Ils repensent à 2009 et craignent un effondrement de cette ampleur. Que répondez-vous à cette inquiétude?
Eh bien, tout résultat est possible. C’est toujours le cas. Mais aujourd’hui, les gens doivent être prudents, car… je pense qu’on parle de biais d’ancrage à 2008. Chaque fois que quelque chose va mal, tout le monde dit «rappelez-vous 2008», non? Ok, il pourrait toujours y avoir une situation similaire à 2008, mais quand on examine la probabilité que cela se passe, l’avenir est fondé sur la probabilité, vu l’état du marché de l’habitation aux États-Unis et du secteur économique, ce n’est pas le scénario de base vers lequel nous devrions nous tourner. Le vrai débat est de savoir si nous allons traverser la crise en douceur sans récession, ou connaître une récession typique? Et n’oubliez pas qu’en période de récession typique, les bénéfices se contractent de 10 %, 15 %, contrairement à 40 % en 2008 et en 2009, ce qui a bien sûr entraîné un effondrement. Encore une fois, faites attention à la panique, car elle peut vous faire penser aux événements passés qui ne sont pas nécessairement pertinents.
Vous avez parlé de l’inflation à quelques reprises. Il n’est pas possible d’ignorer l’inflation en tant qu’investisseur cette année, mais elle est toujours considérée comme négative, non? On dit que l’inflation fera ceci, puis entraînera cela, et telle chose se produira, etc.
Mais y a-t-il certains secteurs… Y a-t-il des sociétés qui pensent que l’inflation n’est pas la pire chose au monde?
Eh bien, l’inflation, si on regarde l’inflation actuelle et qu’on voit ce qui la motive, bien sûr, on voit, de façon objective, qu’elle fait grimper les taux d’actualisation de l’économie, la hausse des taux d’intérêt rend ce flux de bénéfices futurs moins précieux. Et cela nuit aux actions. C’est simplement la réalité empirique.
Mais ce que j’essaie de dire, c’est que la même inflation qu’on voit peut-être aujourd’hui comme un fardeau est un avantage pour de nombreux modèles d’affaires, et cela peut sembler étrange.
Donc je vous donne un exemple. Prenons deux des plus grandes entreprises aux États-Unis, et dans le monde, Visa et Mastercard, ce sont des réseaux de cartes de crédit, et leur modèle d’affaires est très intéressant. Chaque fois que vous dépensez quelque chose, une tasse de café à 2 $ par exemple, ils prennent une petite partie, un petit pourcentage. Personne ne s’en rend compte.
Si cette tasse de café devait passer de 2 $ à 3 $, la majorité de cette augmentation… Visa prélève toujours le même pourcentage d’un montant plus élevé. De l’autre côté, ils n’ont pas trop de coûts à assumer. Donc, une société comme celle-là gagne dans un contexte inflationniste, et ce n’est pas la seule.
C’est, selon moi, un point clé que vous avez soulevé, avec tout type d’investissement dans n’importe quel environnement. Il faut vraiment penser aux titres que vous détenez et réfléchir à l’effet des conditions actuelles sur différentes sociétés.
C’est exactement ça. Vous avez bien résumé la situation, je n’ai pratiquement rien à ajouter. Mais on a tendance à paniquer. Toutes les corrélations reviennent à la même chose, chaque catégorie d’actif, chaque action, on jette tout en même temps.
Donc je suis tout à fait d’accord. Et c’est une excellente période pour être réfléchi, pour être un investisseur, et s’intéresser à comprendre les modèles d’affaires et les avantages ou les inconvénients pour les entreprises dans ce contexte. Mais les choses ont changé. Les règles du jeu ont changé, et il faut plus de réflexion que jamais pour y participer.
[MUSIQUE]