Bien que la Banque du Canada (BdC) signale des progrès dans sa lutte contre l’inflation, l’inflation aux États-Unis demeure serrée. Andrew Kelvin, chef, Stratégie mondiale liée aux taux, Valeurs Mobilières TD, se penche sur les enjeux économiques liés à un écart des taux.
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La Banque du Canada a maintenu ses taux alors que les inquiétudes concernant l'inflation restent d'actualité. Mais y a-t-il des signes indiquant que des réductions pourraient se profiler au mois de juin? S'agit-il de la trajectoire la plus évidente? Andrew Kelvin de valeur mobilière TD nous rejoint pour en discuter. Bonjour, Andrew. Comme toujours, ça me fait plaisir de m'entretenir avec vous.
Et moi aussi. Une journée très intéressante. Il y a beaucoup à analyser.
Eh bien, Analysons. Commençons par la Banque du Canada. La déclaration elle-même était assez prudente, mais dès le début de la période des questions, Tiff Macklem a dit que le mois de juin était parmi les possibilités.
Le rapport sur la politique monétaire était un peu plus optimiste en fonction des données économiques récentes, plus que je ne l'aurais prévu. La déclaration du gouverneur et ses réponses ont en revanche été très prudentes. La première question à la conférence de presse a justement été si des coupures au mois de juin étaient parmi les possibilités. Il a répondu après quelques hésitations que oui. C'était une évidence dans un sens. Le mois de juin, c'est dans deux mois.
Les marchés pensent qu'il y a presque une chance sur deux qu'une coupure intervienne au mois de juin à l'avance de la conférence de presse, mais il est très rare d'entendre un gouverneur de la Banque du Canada dire exactement cela. En général, il déclare qu'il ne va pas commenter la prochaine réunion, que les choses seront décidées pour chaque réunion au fur et à mesure. S'agit-il toutefois du scénario le plus probable?
Nous pensons toujours que ce sera le mois de juillet. La question est de savoir de combien d'éléments la Banque du Canada doit-elle disposer pour être convaincue que les progrès réalisés dans la lutte contre l'inflation seront durables? Il y a un léger ajustement dans le discours de la banque. Elle déclarait antérieurement qu'il faudrait réaliser des progrès durables contre l'inflation. Maintenant il est question que les progrès réalisés dans la lutte contre l'inflation se maintiennent. C'est sans doute un contexte favorable à la baisse des taux d'intérêt, mais la banque veut être certaine que le contexte inflationniste va persister, qu'il ne s'agissait pas d'une réduction ponctuelle d'un mois ou deux, car les données canadiennes sont toujours un peu volatiles. C'est une question de principe. Combien d'éléments sont suffisants pour prendre une décision? Nous pensons que la banque attendra le mois de juillet, puisque compte tenu du fait que nous dépassons les cibles de l'inflation depuis quelques années, les attentes à l'égard de l'inflation sont très importantes. Celles-ci ne sont pas encore revenues à la normale.
Nous pensons que la Banque du Canada préférera pécher par excès de prudence et préférera se maintenir à 5%, peut-être un peu trop longtemps, que de réduire un peu trop tôt, surtout à l'abord du marché du printemps pour le logement. Nous pensons que le mois de juillet est plus probable, mais à notre avis, il s'agit d'un début du cycle d'assouplissement qui commencerait au milieu de l'année. Sans doute ce sera en juillet pour nous, ou encore au mois de juin.
Si la banque commence au mois de juillet, qu'est-ce qui se passera pour le reste de l'année? Est-ce qu'il y aura une coupure à chaque réunion ou si, après chaque coupure, la banque va procéder à une pause?
Historiquement, une coupure ponctuelle serait très rare. Cela s'est déjà produit, en 2016 par exemple, mais ce serait un événement très rare. Passer d'une politique restrictive de 5% à 4,75%, puis marquer un temps d'arrêt, ce serait un message un peu étrange à l'égard des marchés. Lorsque la Banque du Canada commencera à réduire les taux, nous pensons qu'il y aura au minimum deux coupures de 25 points de base de suite et à partir de là, cela dépendra de l'évolution des données au niveau de l'inflation et de la croissance. Nous prévoyons que l'économie ralentira encore vers le milieu de cette année. Nous pensons que nous pourrions avoir quatre coupures de 25 points de base cette année et que nous arriverons à 4% d'ici la fin de l'année. Mais cela découlera comme d'habitude de l'évolution de l'indice des prix à la consommation et de l'économie.
Nous autres Canadiens sommes habitués à ce que les Américains soient sous le feu des projecteurs. Ce matin, l'inflation aux États-Unis a été annoncée et n'évolue pas dans la direction que les marchés attendaient. Est-ce que cela complique la conduite que tiendra la Banque du Canada, si les Américains de leur côté diffèrent les coupures de taux?
Pas à court terme. La réalité économique du Canada et des États-Unis est très différente. L'an dernier, le PIB américain a augmenté de plus de 2% de celui du Canada, du quatrième trimestre au quatrième trimestre. Et ce, malgré notre croissance démographique extraordinaire en 2023. La Banque du Canada et la Fed peuvent diverger pendant certaines périodes, surtout lorsqu'il s'agit des virages qu'elles opèrent. Compte tenu des réalités économiques de terrain au Canada où l'économie est plus faible qu'aux États-Unis, je ne pense pas que ce que la Fed fera aura véritablement un impact sur le moment où la première série de coupures sera pratiquée par la Banque du Canada, ou du moins pas tellement. Nous sommes tous humains. Si la Banque du Canada hésite entre la possibilité de réduire en juin ou en juillet ou bien encore en septembre, la Fed pourra influencer cette décision, bien sûr. Mais fondamentalement lorsqu'il s'agit, de coupures de taux aux États-Unis, il faut attendre que la situation change, que l'économie mollisse. Au Canada, cela s'est déjà produit. Nous pensons donc que la Banque du Canada a pas mal de marge pour agir indépendamment pendant la première partie d'un cycle de réduction. Si ultérieurement la réserve maintient les taux pendant très longtemps, ou encore si les États-Unis réduisent les taux très légèrement, cela aurait un impact pour la série suivante de réductions de taux par la Banque du Canada. En effet, la Banque du Canada pourrait parvenir à 4,5 ou 4,25 sans que la Fed ne fasse quoi que ce soit. Je pense que cela dépasserait l'entendement de penser que la Banque du Canada ne tiendrait nullement compte de ce que ferait la Fed, mais c'est une question pour 2025, plutôt que pour cette année.
Que concluez-vous après toutes ces discussions aux États-Unis, d'après la solidité du marché du travail, l'inflation parue aujourd'hui qui était plus élevée que prévue, peut-être que les taux seront plus élevés pendant plus longtemps ou peut-être même, un intervenant de la Fed a déclaré la semaine dernière qu'il fallait se préparer à la possibilité que les taux d'intérêt ne diminuent pas ou même qu'ils augmentent cette année? Ça n'a pas changé l'état d'esprit?
L'état d'esprit, début 2024, était semblable à celui que nous avions au début 2023, mais je ne pense pas que ça se produira cette année. L'économie a beaucoup molli mondialement par rapport au début 2023, il y a beaucoup plus de progrès dans la lutte contre l'inflation dans le monde cette année que début 2023. Je pense que la situation de 2023 ne se répétera pas. Je noterais par ailleurs que contrairement à la Banque du Canada où tout le monde cherche à s'en tenir à la même ligne, même si le gouverneur a reconnu qu'il y avait une diversité d'opinions dans le conseil au sein de la Fed. Chaque intervenant peut exprimer sa propre opinion. Je pense que l'idée qu'il y ait une hausse qui a été évoquée par un intervenant ne signifie pas que cette possibilité est sérieusement envisagée. Nous avons une idée de l'évaluation des taux neutres à long terme. dans un contexte de stabilité, mais en définitive, il faut attendre de voir comment l'économie réagit aux mesures de politique économique. Si l'inflation aux États-Unis ne recule pas davantage, si la croissance aux États-Unis ne recule pas davantage, oui, cela minerait les arguments en faveur de l'ampleur des taux d'intérêt que nous prévoyons en définitive. Si l'inflation se porte très bien, pourquoi après tout apporter des changements? Il s'agit d'une conversation qui est très intéressante aux États-Unis, mais la situation n'est pas présente dans la même mesure et de loin au Canada.
Et moi aussi. Une journée très intéressante. Il y a beaucoup à analyser.
Eh bien, Analysons. Commençons par la Banque du Canada. La déclaration elle-même était assez prudente, mais dès le début de la période des questions, Tiff Macklem a dit que le mois de juin était parmi les possibilités.
Le rapport sur la politique monétaire était un peu plus optimiste en fonction des données économiques récentes, plus que je ne l'aurais prévu. La déclaration du gouverneur et ses réponses ont en revanche été très prudentes. La première question à la conférence de presse a justement été si des coupures au mois de juin étaient parmi les possibilités. Il a répondu après quelques hésitations que oui. C'était une évidence dans un sens. Le mois de juin, c'est dans deux mois.
Les marchés pensent qu'il y a presque une chance sur deux qu'une coupure intervienne au mois de juin à l'avance de la conférence de presse, mais il est très rare d'entendre un gouverneur de la Banque du Canada dire exactement cela. En général, il déclare qu'il ne va pas commenter la prochaine réunion, que les choses seront décidées pour chaque réunion au fur et à mesure. S'agit-il toutefois du scénario le plus probable?
Nous pensons toujours que ce sera le mois de juillet. La question est de savoir de combien d'éléments la Banque du Canada doit-elle disposer pour être convaincue que les progrès réalisés dans la lutte contre l'inflation seront durables? Il y a un léger ajustement dans le discours de la banque. Elle déclarait antérieurement qu'il faudrait réaliser des progrès durables contre l'inflation. Maintenant il est question que les progrès réalisés dans la lutte contre l'inflation se maintiennent. C'est sans doute un contexte favorable à la baisse des taux d'intérêt, mais la banque veut être certaine que le contexte inflationniste va persister, qu'il ne s'agissait pas d'une réduction ponctuelle d'un mois ou deux, car les données canadiennes sont toujours un peu volatiles. C'est une question de principe. Combien d'éléments sont suffisants pour prendre une décision? Nous pensons que la banque attendra le mois de juillet, puisque compte tenu du fait que nous dépassons les cibles de l'inflation depuis quelques années, les attentes à l'égard de l'inflation sont très importantes. Celles-ci ne sont pas encore revenues à la normale.
Nous pensons que la Banque du Canada préférera pécher par excès de prudence et préférera se maintenir à 5%, peut-être un peu trop longtemps, que de réduire un peu trop tôt, surtout à l'abord du marché du printemps pour le logement. Nous pensons que le mois de juillet est plus probable, mais à notre avis, il s'agit d'un début du cycle d'assouplissement qui commencerait au milieu de l'année. Sans doute ce sera en juillet pour nous, ou encore au mois de juin.
Si la banque commence au mois de juillet, qu'est-ce qui se passera pour le reste de l'année? Est-ce qu'il y aura une coupure à chaque réunion ou si, après chaque coupure, la banque va procéder à une pause?
Historiquement, une coupure ponctuelle serait très rare. Cela s'est déjà produit, en 2016 par exemple, mais ce serait un événement très rare. Passer d'une politique restrictive de 5% à 4,75%, puis marquer un temps d'arrêt, ce serait un message un peu étrange à l'égard des marchés. Lorsque la Banque du Canada commencera à réduire les taux, nous pensons qu'il y aura au minimum deux coupures de 25 points de base de suite et à partir de là, cela dépendra de l'évolution des données au niveau de l'inflation et de la croissance. Nous prévoyons que l'économie ralentira encore vers le milieu de cette année. Nous pensons que nous pourrions avoir quatre coupures de 25 points de base cette année et que nous arriverons à 4% d'ici la fin de l'année. Mais cela découlera comme d'habitude de l'évolution de l'indice des prix à la consommation et de l'économie.
Nous autres Canadiens sommes habitués à ce que les Américains soient sous le feu des projecteurs. Ce matin, l'inflation aux États-Unis a été annoncée et n'évolue pas dans la direction que les marchés attendaient. Est-ce que cela complique la conduite que tiendra la Banque du Canada, si les Américains de leur côté diffèrent les coupures de taux?
Pas à court terme. La réalité économique du Canada et des États-Unis est très différente. L'an dernier, le PIB américain a augmenté de plus de 2% de celui du Canada, du quatrième trimestre au quatrième trimestre. Et ce, malgré notre croissance démographique extraordinaire en 2023. La Banque du Canada et la Fed peuvent diverger pendant certaines périodes, surtout lorsqu'il s'agit des virages qu'elles opèrent. Compte tenu des réalités économiques de terrain au Canada où l'économie est plus faible qu'aux États-Unis, je ne pense pas que ce que la Fed fera aura véritablement un impact sur le moment où la première série de coupures sera pratiquée par la Banque du Canada, ou du moins pas tellement. Nous sommes tous humains. Si la Banque du Canada hésite entre la possibilité de réduire en juin ou en juillet ou bien encore en septembre, la Fed pourra influencer cette décision, bien sûr. Mais fondamentalement lorsqu'il s'agit, de coupures de taux aux États-Unis, il faut attendre que la situation change, que l'économie mollisse. Au Canada, cela s'est déjà produit. Nous pensons donc que la Banque du Canada a pas mal de marge pour agir indépendamment pendant la première partie d'un cycle de réduction. Si ultérieurement la réserve maintient les taux pendant très longtemps, ou encore si les États-Unis réduisent les taux très légèrement, cela aurait un impact pour la série suivante de réductions de taux par la Banque du Canada. En effet, la Banque du Canada pourrait parvenir à 4,5 ou 4,25 sans que la Fed ne fasse quoi que ce soit. Je pense que cela dépasserait l'entendement de penser que la Banque du Canada ne tiendrait nullement compte de ce que ferait la Fed, mais c'est une question pour 2025, plutôt que pour cette année.
Que concluez-vous après toutes ces discussions aux États-Unis, d'après la solidité du marché du travail, l'inflation parue aujourd'hui qui était plus élevée que prévue, peut-être que les taux seront plus élevés pendant plus longtemps ou peut-être même, un intervenant de la Fed a déclaré la semaine dernière qu'il fallait se préparer à la possibilité que les taux d'intérêt ne diminuent pas ou même qu'ils augmentent cette année? Ça n'a pas changé l'état d'esprit?
L'état d'esprit, début 2024, était semblable à celui que nous avions au début 2023, mais je ne pense pas que ça se produira cette année. L'économie a beaucoup molli mondialement par rapport au début 2023, il y a beaucoup plus de progrès dans la lutte contre l'inflation dans le monde cette année que début 2023. Je pense que la situation de 2023 ne se répétera pas. Je noterais par ailleurs que contrairement à la Banque du Canada où tout le monde cherche à s'en tenir à la même ligne, même si le gouverneur a reconnu qu'il y avait une diversité d'opinions dans le conseil au sein de la Fed. Chaque intervenant peut exprimer sa propre opinion. Je pense que l'idée qu'il y ait une hausse qui a été évoquée par un intervenant ne signifie pas que cette possibilité est sérieusement envisagée. Nous avons une idée de l'évaluation des taux neutres à long terme. dans un contexte de stabilité, mais en définitive, il faut attendre de voir comment l'économie réagit aux mesures de politique économique. Si l'inflation aux États-Unis ne recule pas davantage, si la croissance aux États-Unis ne recule pas davantage, oui, cela minerait les arguments en faveur de l'ampleur des taux d'intérêt que nous prévoyons en définitive. Si l'inflation se porte très bien, pourquoi après tout apporter des changements? Il s'agit d'une conversation qui est très intéressante aux États-Unis, mais la situation n'est pas présente dans la même mesure et de loin au Canada.