La Banque du Canada maintient son taux directeur à 5 %. La banque centrale annonce qu’elle commence à voir les conditions économiques nécessaires pour baisser les taux, mais qu’elle a besoin de plus de preuves de la durabilité de cette tendance. Hafiz Noordin, vice-président et directeur, Gestion active des portefeuilles de titres à revenu fixe, Gestion de Placements TD, discute avec Greg Bonnell de cette décision et des répercussions sur les marchés.
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La Banque du Canada maintient son taux directeur à 5 %. Elle indique qu’elle se rapproche d’une baisse de taux, mais qu’elle a besoin de plus de signes de ralentissement de l’inflation. Pour parler de cette décision, j’accueille Hafiz Noordin, vice-président et directeur, Gestion active des portefeuilles de titres à revenu fixe à Gestion de Placements TD. Hafiz, c’est toujours un plaisir de vous voir.
Je suis ravi d’être avec vous.
Tout d’abord, j’aimerais savoir comment vous analysez l’annonce de la Banque du Canada d’aujourd’hui. Est-ce qu’elle nous prépare à une réduction dès juin ou juillet?
Oui, je pense qu’elle essaie de garder cette option pour le mois de juin. Lors de la conférence de presse, le gouverneur Macklem a répondu à la question « Est-ce possible? » « Est-ce que juin reste une date envisageable? » par oui.
Donc, comparativement à ce qui se passe aux États-Unis, où une baisse au mois de juin est de moins en moins probable, on commence à voir une divergence.
Oui. Quand on regarde l’annonce et les commentaires préparés, évidemment, on a eu une question très intrigante dès le départ. Est-ce que juin est une option? Eh bien, oui, mais il faut qu’elle soit soutenue et pas simplement par une baisse temporaire des pressions inflationnistes. Les progrès à cet égard doivent être durables.
Il ne nous reste que quelques semaines avant la prochaine réunion. Que faut-il qu’il se passe? Qu’est-ce qui l’aidera à rester sur cette voie?
Eh bien, je pense que les deux tendances favorables au début d’un cycle de réduction des taux, ce sont les tendances désinflationnistes. L’IPC sur 12 mois est passé à un peu moins de 3 %. On a progressé de 2,8 % sur 12 mois grâce à un résultat de base d’environ 3,2 %. Mais l’important, c’est que la tendance soit à la baisse. Et si cela continue, d’ici la réunion de juin, on sera à environ 2,5 %, ce qui est assez près de 2 %.
L’autre tendance, c’est le marché du travail. Le taux de chômage est monté à 6,1 %. La tendance est donc assez claire. Et tant que le chômage restera au niveau actuel et qu’il ne retournera pas en deçà de 6 %, alors elle pourra être assurée de sortir de ce niveau maximal de restriction de la politique.
Au-delà des risques que l’on connaît, même en tant qu’investisseurs, au-delà des décisions relatives aux taux, des conflits géopolitiques, de l’impact sur les routes maritimes, je trouve intéressant que la Banque du Canada indique qu’elle pense que l’économie va se consolider. Mais qu’en même temps, à mesure que l’économie croît, elle réduira l’inflation. Il me semble que c’est une question d’équilibre, n’est-ce pas?
Ça l’est. Et elle semble compter sur un scénario idéal. C’est intéressant. Elle a vraiment rehaussé les chiffres de la croissance pour 2024. En janvier, elle prévoyait un taux inférieur à 1 %. Maintenant, elle prévoit une croissance de 1,5 % du PIB cette année pour toutes les raisons dont nous avons parlé, en ce sens que la croissance mondiale est bonne.
C’est donc le scénario idéal : on améliore les données de croissance, mais on indique que l’inflation continuera de baisser. C’est là qu’il va falloir regarder les données. Le Canada se trouve-t-il vraiment dans un contexte où il n’a pas une demande aussi forte que celle des États-Unis et peut atteindre la cible d’inflation plus facilement?
Pour nous guider, il faut toujours regarder ce qui se passe aux États-Unis. Et il semble vraiment que ce soit plus difficile là-bas de voir une tendance à la baisse de l’inflation, alors que la croissance reste résiliente.
Je suis content que vous rameniez les États-Unis dans la conversation, parce que vous y avez fait allusion plus tôt. S’il est possible qu’on ait ici une réduction en juin ou peut-être en juillet, mais de moins en moins probable de la part de la Fed, est-ce qu’on va commencer à parler de divergences entre les banques centrales… que se passera-t-il dans ce cas?
Eh bien, cela pourrait devenir une réalité. Et on voit déjà certains de ces facteurs. On voit une sorte de… lorsqu’on examine les taux à 10 ans au Canada et aux États-Unis, il y a un écart d’environ 85 points de base, ce qui représente un écart historique important. Les taux américains sont plus élevés parce que leur croissance est plus forte là-bas. Et ils pourraient devoir maintenir des taux plus élevés plus longtemps.
Et les devises peuvent aussi nous guider. Le dollar américain s’apprécie par rapport au dollar canadien, ce qui indique que l’économie canadienne ne sera pas aussi solide et pourrait devoir effectuer des réductions alors que la Fed maintiendra un statu quo.
Je pense que cette divergence commence à se manifester, mais pourrait s’accélérer avec ce que nous voyons aujourd’hui.
Parlons du change, parce que dans cette situation, avec l’inflation plus élevée que prévu aux États-Unis et la Banque du Canada qui indique qu’une baisse en juin est possible, notre huard a fléchi. Si les divergences entre les banques centrales se manifestent au cours de l’année avec un recul du huard, risquons-nous d’importer l’inflation? On récupère beaucoup de choses des États-Unis.
Très bon point. Je pense que c’est le maintien de l’équilibre qui est le plus difficile, d’une part, sans s’inquiéter de l’inflation, une monnaie faible a tendance à être une bonne chose, parce que les exportations sont moins chères, ce qui a tendance à stimuler la demande intérieure.
Mais la principale préoccupation demeure l’inflation. Et la Banque du Canada ne peut pas examiner ses données de façon autonome. Il faut qu’elle regarde ce qui se passe aux États-Unis. Et même si elle peut procéder aux réductions dans ce contexte, elle ne peut pas être trop agressive, car la devise pourrait alors être très perturbée et causer beaucoup de volatilité sur les marchés financiers.
Ma dernière question est la suivante : on a un budget fédéral dans moins d’une semaine. Je pense que la Banque du Canada, de ce point de vue, ne veut probablement pas de dépenses importantes qui alimenteraient l’inflation. Est-ce le danger ici? Ou est-ce que ce budget ne devrait pas être très dispendieux?
Eh bien, il faut toujours s’inquiéter quand on entre dans une période électorale, ce qui est le cas l’année prochaine. Le risque est donc que les dépenses soient inflationnistes, sans être productives.
C’est bien d’avoir des dépenses qui augmentent la capacité de production de l’économie. Je pense que c’est le plus important. Mais si elles sont plus expansionnistes sans augmenter réellement l’offre du côté de l’économie, les préoccupations inflationnistes pourraient faire surface.
La Banque du Canada prévoit déjà 1,5 % de croissance du PIB cette année, on ne devrait pas voir… il ne semble pas nécessaire d’adopter d’autres mesures de relance budgétaire. Mais c’est un risque. Et c’est la raison pour laquelle elle a besoin d’une certaine souplesse. Après la semaine prochaine, on intégrera ça aux chiffres de la Banque du Canada. Ensuite, elle aura plus confiance en l’avenir.
Hafiz, c’est toujours un plaisir d’avoir votre point de vue. Merci d’être venu.
Merci beaucoup.
Hafiz Noordin de Gestion de Placements TD.
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La Banque du Canada maintient son taux directeur à 5 %. Elle indique qu’elle se rapproche d’une baisse de taux, mais qu’elle a besoin de plus de signes de ralentissement de l’inflation. Pour parler de cette décision, j’accueille Hafiz Noordin, vice-président et directeur, Gestion active des portefeuilles de titres à revenu fixe à Gestion de Placements TD. Hafiz, c’est toujours un plaisir de vous voir.
Je suis ravi d’être avec vous.
Tout d’abord, j’aimerais savoir comment vous analysez l’annonce de la Banque du Canada d’aujourd’hui. Est-ce qu’elle nous prépare à une réduction dès juin ou juillet?
Oui, je pense qu’elle essaie de garder cette option pour le mois de juin. Lors de la conférence de presse, le gouverneur Macklem a répondu à la question « Est-ce possible? » « Est-ce que juin reste une date envisageable? » par oui.
Donc, comparativement à ce qui se passe aux États-Unis, où une baisse au mois de juin est de moins en moins probable, on commence à voir une divergence.
Oui. Quand on regarde l’annonce et les commentaires préparés, évidemment, on a eu une question très intrigante dès le départ. Est-ce que juin est une option? Eh bien, oui, mais il faut qu’elle soit soutenue et pas simplement par une baisse temporaire des pressions inflationnistes. Les progrès à cet égard doivent être durables.
Il ne nous reste que quelques semaines avant la prochaine réunion. Que faut-il qu’il se passe? Qu’est-ce qui l’aidera à rester sur cette voie?
Eh bien, je pense que les deux tendances favorables au début d’un cycle de réduction des taux, ce sont les tendances désinflationnistes. L’IPC sur 12 mois est passé à un peu moins de 3 %. On a progressé de 2,8 % sur 12 mois grâce à un résultat de base d’environ 3,2 %. Mais l’important, c’est que la tendance soit à la baisse. Et si cela continue, d’ici la réunion de juin, on sera à environ 2,5 %, ce qui est assez près de 2 %.
L’autre tendance, c’est le marché du travail. Le taux de chômage est monté à 6,1 %. La tendance est donc assez claire. Et tant que le chômage restera au niveau actuel et qu’il ne retournera pas en deçà de 6 %, alors elle pourra être assurée de sortir de ce niveau maximal de restriction de la politique.
Au-delà des risques que l’on connaît, même en tant qu’investisseurs, au-delà des décisions relatives aux taux, des conflits géopolitiques, de l’impact sur les routes maritimes, je trouve intéressant que la Banque du Canada indique qu’elle pense que l’économie va se consolider. Mais qu’en même temps, à mesure que l’économie croît, elle réduira l’inflation. Il me semble que c’est une question d’équilibre, n’est-ce pas?
Ça l’est. Et elle semble compter sur un scénario idéal. C’est intéressant. Elle a vraiment rehaussé les chiffres de la croissance pour 2024. En janvier, elle prévoyait un taux inférieur à 1 %. Maintenant, elle prévoit une croissance de 1,5 % du PIB cette année pour toutes les raisons dont nous avons parlé, en ce sens que la croissance mondiale est bonne.
C’est donc le scénario idéal : on améliore les données de croissance, mais on indique que l’inflation continuera de baisser. C’est là qu’il va falloir regarder les données. Le Canada se trouve-t-il vraiment dans un contexte où il n’a pas une demande aussi forte que celle des États-Unis et peut atteindre la cible d’inflation plus facilement?
Pour nous guider, il faut toujours regarder ce qui se passe aux États-Unis. Et il semble vraiment que ce soit plus difficile là-bas de voir une tendance à la baisse de l’inflation, alors que la croissance reste résiliente.
Je suis content que vous rameniez les États-Unis dans la conversation, parce que vous y avez fait allusion plus tôt. S’il est possible qu’on ait ici une réduction en juin ou peut-être en juillet, mais de moins en moins probable de la part de la Fed, est-ce qu’on va commencer à parler de divergences entre les banques centrales… que se passera-t-il dans ce cas?
Eh bien, cela pourrait devenir une réalité. Et on voit déjà certains de ces facteurs. On voit une sorte de… lorsqu’on examine les taux à 10 ans au Canada et aux États-Unis, il y a un écart d’environ 85 points de base, ce qui représente un écart historique important. Les taux américains sont plus élevés parce que leur croissance est plus forte là-bas. Et ils pourraient devoir maintenir des taux plus élevés plus longtemps.
Et les devises peuvent aussi nous guider. Le dollar américain s’apprécie par rapport au dollar canadien, ce qui indique que l’économie canadienne ne sera pas aussi solide et pourrait devoir effectuer des réductions alors que la Fed maintiendra un statu quo.
Je pense que cette divergence commence à se manifester, mais pourrait s’accélérer avec ce que nous voyons aujourd’hui.
Parlons du change, parce que dans cette situation, avec l’inflation plus élevée que prévu aux États-Unis et la Banque du Canada qui indique qu’une baisse en juin est possible, notre huard a fléchi. Si les divergences entre les banques centrales se manifestent au cours de l’année avec un recul du huard, risquons-nous d’importer l’inflation? On récupère beaucoup de choses des États-Unis.
Très bon point. Je pense que c’est le maintien de l’équilibre qui est le plus difficile, d’une part, sans s’inquiéter de l’inflation, une monnaie faible a tendance à être une bonne chose, parce que les exportations sont moins chères, ce qui a tendance à stimuler la demande intérieure.
Mais la principale préoccupation demeure l’inflation. Et la Banque du Canada ne peut pas examiner ses données de façon autonome. Il faut qu’elle regarde ce qui se passe aux États-Unis. Et même si elle peut procéder aux réductions dans ce contexte, elle ne peut pas être trop agressive, car la devise pourrait alors être très perturbée et causer beaucoup de volatilité sur les marchés financiers.
Ma dernière question est la suivante : on a un budget fédéral dans moins d’une semaine. Je pense que la Banque du Canada, de ce point de vue, ne veut probablement pas de dépenses importantes qui alimenteraient l’inflation. Est-ce le danger ici? Ou est-ce que ce budget ne devrait pas être très dispendieux?
Eh bien, il faut toujours s’inquiéter quand on entre dans une période électorale, ce qui est le cas l’année prochaine. Le risque est donc que les dépenses soient inflationnistes, sans être productives.
C’est bien d’avoir des dépenses qui augmentent la capacité de production de l’économie. Je pense que c’est le plus important. Mais si elles sont plus expansionnistes sans augmenter réellement l’offre du côté de l’économie, les préoccupations inflationnistes pourraient faire surface.
La Banque du Canada prévoit déjà 1,5 % de croissance du PIB cette année, on ne devrait pas voir… il ne semble pas nécessaire d’adopter d’autres mesures de relance budgétaire. Mais c’est un risque. Et c’est la raison pour laquelle elle a besoin d’une certaine souplesse. Après la semaine prochaine, on intégrera ça aux chiffres de la Banque du Canada. Ensuite, elle aura plus confiance en l’avenir.
Hafiz, c’est toujours un plaisir d’avoir votre point de vue. Merci d’être venu.
Merci beaucoup.
Hafiz Noordin de Gestion de Placements TD.
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