L’Union européenne classe désormais le nucléaire et le gaz naturel parmi les sources d’énergie durables, ce qui pourrait attirer des capitaux supplémentaires vers des projets énergétiques. Kim Parlee discute des répercussions de cette décision avec Priti Shokeen, chef, Recherche et engagement ESG, Gestion de Placements TD.
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Si le projet de l’Union européenne est adopté, le nucléaire et le gaz naturel seront bientôt considérés comme des énergies vertes. Et elle a établi des critères permettant de classer ces deux sources d’énergie dans la catégorie des investissements durables. Priti Shokeen est chef, Recherche et engagement ESG à Gestion de Placements TD. Elle va nous expliquer ce que signifie ce changement et nous éclairer sur les conséquences. Priti, c’est toujours un plaisir de vous avoir avec nous. Tout d’abord, pourquoi l’Union européenne défend-elle ce changement?
Bonjour, Kim, ravie de vous retrouver. La Commission européenne a présenté un projet visant à inclure l’énergie nucléaire et le gaz naturel dans la taxonomie de l’Union européenne, ce qui reflète l’importance du gaz et du nucléaire dans l’atteinte de ses objectifs climatiques. On sait que ces deux sources d’énergie sont généralement incompatibles avec le label « vert » dans la plupart des taxonomies. Le but de la taxonomie, c’est de définir quelles sont les activités « vertes » ou de transition pour orienter les capitaux vers les activités qui contribuent à l’atteinte des objectifs climatiques.
Dans le cadre de cette proposition, le nucléaire et le gaz naturel entreraient dans la catégorie des activités « vertes », à condition que les nouvelles centrales répondent à certains critères. Pour qu’un projet de centrale nucléaire soit classé « vert », il faut qu’il s’accompagne d’un plan d’élimination sécuritaire et durable des déchets radioactifs.
Les centrales au gaz naturel doivent remplacer des centrales à charbon. Ces deux types de projets seraient donc soumis à des exigences strictes.
J’imagine que cette décision a été prise parce que l’on vit dans un monde avide d’énergie, et qu’il nous faut de meilleures sources. Mais cette mesure ne fait pas l’unanimité parmi les États membres. Pourquoi?
C’est vrai. Essentiellement, ceux qui sont en faveur de cette mesure disent que l’Union européenne doit trouver un équilibre entre la sécurité énergétique et ses objectifs climatiques. Ils considèrent le nucléaire et le gaz naturel comme une condition nécessaire à la transition climatique. Alors que pour les détracteurs, il s’agit d’un précédent dangereux et contre-productif qui affaiblit la crédibilité d’une taxonomie respectée, qui fait office de référence pour définir les activités vertes.
Ils ne nient pas la nécessité de trouver des moyens de répondre à la demande énergétique avec des sources fiables. Mais ils affirment que la taxonomie n’avait pas pour but d’aborder ces questions. Elle visait plutôt à donner une définition de la performance environnementale de diverses activités économiques. Certains pays sont donc en désaccord sur ce sujet. La France, par exemple, tire plus de 70 % de son énergie du nucléaire, et elle est favorable à l’ajout du nucléaire.
L’Allemagne y est fermement opposée. Et pour les pays d’Europe de l’Est, le gaz naturel est perçu comme essentiel à la couverture des besoins énergétiques et à la réduction de la dépendance au charbon. Et les investisseurs sont également divisés, car certains accueillent favorablement l’élargissement du nombre d’instruments d’investissement durables, tandis que d’autres y voient une étape paralysante dans le travail sur le climat.
Il y a donc des arguments des deux côtés. À GPTD, on considère que le nucléaire est une énergie cruciale qu’il ne faut pas écarter. On est en train de préparer un livre blanc, et on reviendra sur ce sujet. C’est une source d’énergie à faibles émissions qui est essentielle à la décarbonisation de l’économie. On espère vous en dire plus prochainement.
On ne manquera pas d’en reparler avec vous, Priti, parce que je pense que l’énergie nucléaire suscite un vif intérêt, tout comme les conséquences de ce choix. Pourriez-vous me faire part de votre point de vue, qu’est-ce que ça veut dire pour le Canada? Souvent, les décideurs canadiens se tournent vers l’étranger pour élaborer leurs politiques. Avez-vous une idée des retentissements pour le Canada, nous qui sommes traditionnellement très dépendants des combustibles fossiles?
Oui. Vous avez parfaitement raison. Beaucoup de pays se sont inspirés de l’Union européenne pour définir quelles activités sont vertes ou ne le sont pas. Elle fait office de référence pour d’autres pays qui élaborent leur propre taxonomie. Le Canada travaille aussi à l’élaboration d’une taxonomie qui lui est propre et reflète les réalités de son économie.
Avec l’élargissement de la définition de l’investissement vert au nucléaire et au gaz naturel, les investisseurs pourraient se tourner vers le Canada, où ces deux sources sont des piliers du bouquet énergétique. Le Canada est le sixième plus grand producteur d’énergie nucléaire derrière la Chine, les États-Unis, la France, la Russie et la Corée du Sud.
Et de notre côté, on a établi des liens avec des entreprises qui tentent de comprendre l’admissibilité de leurs projets nucléaires dans le cadre des obligations vertes des investisseurs. Si l’inclusion du nucléaire devenait une norme largement répandue, cela permettrait vraiment d’accroître l’offre d’obligations vertes, où les investisseurs trouveraient de plus en plus des moyens d’investir de façon plus durable, en particulier dans le contexte canadien. Donc oui, nous allons suivre cette évolution de très près.
Il ne me reste qu’une trentaine de secondes, Priti. J’imagine que les investisseurs vont devoir s’ajuster à ce qui est classé comme vert et ce qui ne l’est pas. Ce qui pourrait causer quelques secousses, du point de vue des flux de capitaux.
Absolument. Des critiques s’élèvent, car l’inclusion du nucléaire et du gaz naturel risquerait de décourager les investissements et la croissance dont on a tant besoin dans les sources d’énergie plus propres et renouvelables. Mais encore une fois, on doit trouver l’équilibre entre la demande énergétique à court terme et la planification énergétique à long terme. Même s’il y a des inquiétudes, je ne crois pas qu’elles soient très vives compte tenu des réalités actuelles.
D’accord. On se retrouvera après la publication de votre article sur l’énergie nucléaire. Je sais que beaucoup de gens l’attendent avec intérêt, Priti. Merci beaucoup.
Merci, Kim.
[MUSIQUE]
Bonjour, Kim, ravie de vous retrouver. La Commission européenne a présenté un projet visant à inclure l’énergie nucléaire et le gaz naturel dans la taxonomie de l’Union européenne, ce qui reflète l’importance du gaz et du nucléaire dans l’atteinte de ses objectifs climatiques. On sait que ces deux sources d’énergie sont généralement incompatibles avec le label « vert » dans la plupart des taxonomies. Le but de la taxonomie, c’est de définir quelles sont les activités « vertes » ou de transition pour orienter les capitaux vers les activités qui contribuent à l’atteinte des objectifs climatiques.
Dans le cadre de cette proposition, le nucléaire et le gaz naturel entreraient dans la catégorie des activités « vertes », à condition que les nouvelles centrales répondent à certains critères. Pour qu’un projet de centrale nucléaire soit classé « vert », il faut qu’il s’accompagne d’un plan d’élimination sécuritaire et durable des déchets radioactifs.
Les centrales au gaz naturel doivent remplacer des centrales à charbon. Ces deux types de projets seraient donc soumis à des exigences strictes.
J’imagine que cette décision a été prise parce que l’on vit dans un monde avide d’énergie, et qu’il nous faut de meilleures sources. Mais cette mesure ne fait pas l’unanimité parmi les États membres. Pourquoi?
C’est vrai. Essentiellement, ceux qui sont en faveur de cette mesure disent que l’Union européenne doit trouver un équilibre entre la sécurité énergétique et ses objectifs climatiques. Ils considèrent le nucléaire et le gaz naturel comme une condition nécessaire à la transition climatique. Alors que pour les détracteurs, il s’agit d’un précédent dangereux et contre-productif qui affaiblit la crédibilité d’une taxonomie respectée, qui fait office de référence pour définir les activités vertes.
Ils ne nient pas la nécessité de trouver des moyens de répondre à la demande énergétique avec des sources fiables. Mais ils affirment que la taxonomie n’avait pas pour but d’aborder ces questions. Elle visait plutôt à donner une définition de la performance environnementale de diverses activités économiques. Certains pays sont donc en désaccord sur ce sujet. La France, par exemple, tire plus de 70 % de son énergie du nucléaire, et elle est favorable à l’ajout du nucléaire.
L’Allemagne y est fermement opposée. Et pour les pays d’Europe de l’Est, le gaz naturel est perçu comme essentiel à la couverture des besoins énergétiques et à la réduction de la dépendance au charbon. Et les investisseurs sont également divisés, car certains accueillent favorablement l’élargissement du nombre d’instruments d’investissement durables, tandis que d’autres y voient une étape paralysante dans le travail sur le climat.
Il y a donc des arguments des deux côtés. À GPTD, on considère que le nucléaire est une énergie cruciale qu’il ne faut pas écarter. On est en train de préparer un livre blanc, et on reviendra sur ce sujet. C’est une source d’énergie à faibles émissions qui est essentielle à la décarbonisation de l’économie. On espère vous en dire plus prochainement.
On ne manquera pas d’en reparler avec vous, Priti, parce que je pense que l’énergie nucléaire suscite un vif intérêt, tout comme les conséquences de ce choix. Pourriez-vous me faire part de votre point de vue, qu’est-ce que ça veut dire pour le Canada? Souvent, les décideurs canadiens se tournent vers l’étranger pour élaborer leurs politiques. Avez-vous une idée des retentissements pour le Canada, nous qui sommes traditionnellement très dépendants des combustibles fossiles?
Oui. Vous avez parfaitement raison. Beaucoup de pays se sont inspirés de l’Union européenne pour définir quelles activités sont vertes ou ne le sont pas. Elle fait office de référence pour d’autres pays qui élaborent leur propre taxonomie. Le Canada travaille aussi à l’élaboration d’une taxonomie qui lui est propre et reflète les réalités de son économie.
Avec l’élargissement de la définition de l’investissement vert au nucléaire et au gaz naturel, les investisseurs pourraient se tourner vers le Canada, où ces deux sources sont des piliers du bouquet énergétique. Le Canada est le sixième plus grand producteur d’énergie nucléaire derrière la Chine, les États-Unis, la France, la Russie et la Corée du Sud.
Et de notre côté, on a établi des liens avec des entreprises qui tentent de comprendre l’admissibilité de leurs projets nucléaires dans le cadre des obligations vertes des investisseurs. Si l’inclusion du nucléaire devenait une norme largement répandue, cela permettrait vraiment d’accroître l’offre d’obligations vertes, où les investisseurs trouveraient de plus en plus des moyens d’investir de façon plus durable, en particulier dans le contexte canadien. Donc oui, nous allons suivre cette évolution de très près.
Il ne me reste qu’une trentaine de secondes, Priti. J’imagine que les investisseurs vont devoir s’ajuster à ce qui est classé comme vert et ce qui ne l’est pas. Ce qui pourrait causer quelques secousses, du point de vue des flux de capitaux.
Absolument. Des critiques s’élèvent, car l’inclusion du nucléaire et du gaz naturel risquerait de décourager les investissements et la croissance dont on a tant besoin dans les sources d’énergie plus propres et renouvelables. Mais encore une fois, on doit trouver l’équilibre entre la demande énergétique à court terme et la planification énergétique à long terme. Même s’il y a des inquiétudes, je ne crois pas qu’elles soient très vives compte tenu des réalités actuelles.
D’accord. On se retrouvera après la publication de votre article sur l’énergie nucléaire. Je sais que beaucoup de gens l’attendent avec intérêt, Priti. Merci beaucoup.
Merci, Kim.
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