Au Canada, l’inflation a baissé pour s’établir à 3,1 % en octobre. Robert Both, stratège, Macroéconomie, Valeurs Mobilières TD, et Greg Bonnell, de MoneyTalk, discutent des données les plus récentes et des répercussions de cette baisse sur la politique monétaire de la Banque du Canada.
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L'inflation globale au Canada a ralenti à 3,1 % en octobre, juste au-dessus de la fourchette cible de la Banque du Canada. Peut-on dire que le cycle de hausses de la Banque centrale est terminé? Robert Both de Valeurs mobilières TD nous rejoint pour en discuter. Bonjour, Robert. Commençons par les statistiques sur l'inflation: 3,1 %, c'est l'inflation globale. Qu'est-ce qui vous a intéressé? Comme vous l'avez dit, nous sommes légèrement au-dessus de la fourchette cible, une baisse de 0,7 %. C'est une bonne nouvelle pour les Canadiens qui sont aux prises avec la hausse du coût de la vie ainsi que pour la Banque du Canada, puisque l'inflation est d'autant plus proche de son objectif. Comme pour tout rapport sur l'indice des prix à la consommation, il y a un certain nombre de facteurs. En l'occurrence, nous assistons à une divergence très nette entre les prix de l'énergie et ceux du logement. Les prix de l'énergie sont la principale force à la baisse au mois d'octobre. Le prix de l'essence a reculé de 6,4 % sur le mois précédent. Il y a également eu l'électricité et le carburant de chauffage. Quand on élimine ces éléments, les chiffres globaux semblent un peu moins positifs. Il y a eu également davantage de pression au niveau du logement au mois d'octobre. Ce sera un peu plus difficile à assimiler pour les ménages qui sont en difficulté financière. En effet, le loyer est un facteur clé de la hausse de l'IPC depuis plusieurs mois. Cette tendance s'est encore accélérée en octobre. Les loyers affichent la plus forte augmentation sur un mois depuis plusieurs décennies. Ceci témoigne de la pénurie de logements. Il y a également eu davantage de pression au niveau des coûts d'intérêts hypothécaires, ainsi que des taxes foncières, qui ont beaucoup plus augmenté que l'an dernier. Il y a donc un écart qui se creuse entre le prix du logement et l'ensemble de la corbeille de l'IPC. Ce qui m'a le plus frappé aujourd'hui, c'est l'amélioration dans les mesures d'inflation de base que scrute la Banque du Canada qui s'établissait à 3,8 % en septembre. En octobre elle se situe autour de 3,55 %. La Banque du Canada s'intéresse de très près au taux d'inflation de base sur 3 mois, lequel, depuis 12 mois, s'est maintenu dans une fourchette très serrée, mais il est descendu en deçà de cette fourchette au mois d'octobre. Alors qu'il était précédemment de 3,7 % en septembre, il est à présent de 3,0 %, ce qui est le haut de la cible de la Banque du Canada, de la fourchette cible. Il faudra que cela se prolonge pendant encore 2 mois pour qu'une tendance se dessine, mais cela devrait donner davantage confiance à la Banque quant à l'impact de sa politique de taux élevés sur la lutte contre les pressions relatives aux prix, et que l'inflation est sur la bonne voie pour parvenir à 2 %. Pour décembre, et décembre est tout proche, nous allons avoir une nouvelle décision sur les taux de la Banque du Canada. Notre banque centrale et celle des États-Unis n'ont rien fait depuis l'été, mais nous sommes dans l'expectative après ce qui s'est produit depuis lors. D'abord, que pensez-vous que la Banque va faire au niveau des taux? Nous ne prévoyons pas que la Banque du Canada réduise les taux avant le milieu de l'an prochain. Pour le mois de décembre, je pense qu'il faudrait franchir un seuil très élevé pour que la Banque annonce que des coupures de taux sont plus proches. Depuis le mois de juillet, la Banque du Canada n'est pas intervenue, mais elle a maintenu la menace de hausse de taux sur la table, ce qui a contribué à faire reculer l'inflation. Nous prévoyons que ce message demeurera inchangé en décembre. La Banque attendra de voir que davantage de progrès ont été accomplis dans la lutte contre l'inflation avant de rengainer la menace de hausses de taux, mais après quelques mois de plus de recul de l'inflation, notamment au niveau de l'inflation de base ainsi que de l'inflation globale dont on se rapproche du moment où l'on peut attendre un changement de cap de la Banque. Est-ce que le problème pour la Banque du Canada ne se situe pas tellement au niveau des données, lesquelles évoluent essentiellement dans la bonne direction, mais de la réaction du public? Je me rappelle au printemps, quand la Banque avait annoncé qu'elle allait en rester là et voir quel effet elle avait eu sur l'économie, le marché du logement a bondi. Et puis la Banque, dans l'été, a dû pratiquer de nouvelles hausses, ce qui a refroidi le marché. Est-ce que la banque se préoccupe de nos réactions à de petits changements de messages? La Banque sait pertinemment que ses communications sont interprétées par les marchés, par les milieux financiers. Il s'agit de maintenir les conditions financières serrées en gardant présente la menace de nouvelles hausses de taux, jusqu'à ce que la Banque soit certaine qu'il ne s'agit pas d'un phénomène ponctuel comme au printemps dernier, mais d'une tendance plus nette et plus durable vers 2 % d'inflation et une économie équilibrée. La plus grosse différence se situe, entre ce que nous avons vu en janvier et ce que nous avons aujourd'hui: c'est l'état de l'économie en général. En effet, au début de cette année, le marché du travail était encore très serré. On se situait toujours dans une situation de demande excédentaire. L'économie canadienne affiche une contraction au 2e trimestre, la croissance est demeurée plus ou moins à zéro pendant le 3e trimestre, et on commence à assister à un retour de l'offre excédentaire dans l'économie. La Banque ne veut pas changer de cap avant qu'elle ne soit certaine que les coupures de taux sont effectivement à l'horizon, mais avec encore quelques statistiques semblables, et s'il y a davantage de progrès dans les mesures d'inflation de base, nous pourrions nous rapprocher de ce point-là après la nouvelle année. Et comment la nouvelle année se présente-t-elle au niveau de l'économie et de l'emploi? Le cycle de hausses de taux que nous avons vécu a été extrêmement énergique. Peut-être certaines hausses ont pris plus longtemps à se répercuter sur l'économie. En ressentirons-nous le plein impact l'an prochain? La conjoncture demeurera très difficile pour la croissance en 2024. La principale source d'incertitude, c'est ce qui se produira dans l'économie aux 3e et 4e trimestres cette année. Nous pensons que la situation se stabilisera au 4e trimestre, que nous renouerons avec une croissance faible mais positive. Courant 2024, nous devrions nous rapprocher d'une croissance du PIB semblable à la tendance à long terme. C'est-à-dire que l'offre excédentaire va continuer de s'accumuler pendant le courant de l'an prochain et nous verrons également un facteur positif lorsque la Banque du Canada commencera à inverser sa politique monétaire restrictive pendant le 1er semestre de l'an prochain. Nous allons ainsi éviter de basculer dans un ralentissement plus abrupt. Nous prévoyons une croissance du PIB de 0,9 % l'an prochain. Nous pensons qu'avec la croissance démographique, qui est un facteur très important, il continuera d'y avoir une croissance des emplois, mais qui sera dépassée par la croissance de la population active. Le taux de chômage augmentera alors que l'économie avance de plus en plus dans une situation d'offre excédentaire.