Le portefeuille équilibré 60/40 est une stratégie de placement clé depuis des années. Toutefois, l’efficacité de sa structure est remise en question en raison de la hausse des taux. Cliff Asness, fondateur, directeur général et chef des placements à AQR Capital Management, affirme que l’approche traditionnelle peut encore offrir des occasions aux investisseurs.
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Les hausses agressives de taux d'intérêt par les banques centrales ont remis en question la stratégie traditionnelle de portefeuille 60-40. Avec la perspective de taux d'intérêt plus bas, le 60-40 est-il sur le retour? J'ai eu l'occasion d'en parler avec le célèbre gestionnaire de fonds spéculatifs Cliff Asness, fondateur et directeur des placements de AQR Capital. Nous avons commencé par évoquer le fonctionnement de la stratégie de sa société.
AQR signifie Applied Quantitative Research. Je suis l'un des cofondateurs. Nous avons nos origines dans la finance universitaire qui remonte aux années 80. Ce que nous appelons à présent l'investissement quantitatif s'appelait alors l'investissement factoriel, a commencé. Notre groupe, notre noyau dur a travaillé à Goldman Sachs dans les années 90. Nous avons quitté en 1998. Nous négocions sur des modèles quantitatifs sur pratiquement tous les marchés. La seule chose qu'on ne fait pas au niveau quantitatif, ce sont les stratégies à haute fréquence. Nos stratégies ont des horizons de négociation et d'investissement. Nous faisons du travail quantitatif depuis le début de ma carrière. -Je n'ai jamais rien fait d'autre. -Voilà une base intéressante. Le portefeuille 60-40, on en a parlé dans le passé, a éprouvé des difficultés à cause des dislocations attribuables à la pandémie et des rendements prévisibles trop faibles. Que pensez-vous de ce secteur à l'heure actuelle? Marché obligataire, 60-40, que faut-il penser?
Chaque fois que je parle des perspectives pour le 60-40, mon collègue, Antti Ilmanen, un Finlandais, un associé de AQR, c'est notre gourou sur les rendements prévisibles à long terme, il a rédigé un livre à ce sujet sur un environnement futur à faible rendement. Il a paru fin 2021. C'était le moment parfait. Parfois, la chance vaut mieux que le talent. Un portefeuille mondial 60-40 a réalisé 4,5% au-delà de l'inflation depuis 100 ans. Certains disent que c'est beaucoup, mais c'est 40% d'obligations et vous retranchez l'inflation, c'est un rendement très sain. Il pensait qu'à la fin 2021, il y aurait un rendement de 1,5% à 2%. Personne ne sait exactement ce que ce chiffre devrait être. Je suis issu de la finance universitaire, personne ne le sait, mais 1,5% semblait extrêmement bas. Il a eu beaucoup de chance, parce que la pire année pour le portefeuille 60-40 depuis 50 ans a suivi immédiatement la parution de ce livre. Aujourd'hui, avec la remontée des taux d'intérêt, son chiffre est sans doute un peu inférieur à 3% mais proche de là. Il s'agit d'un rendement raisonnable pour un portefeuille 60-40 mondial. À 1,5, personne ne peut synchroniser les marchés. Je ne dis pas que jeudi prochain cela va baisser, mais enfin, cela ne va pas durer. À 3%, nous pensons que le 60-40 n'est pas aussi attrayant qu'il l'a été depuis 100 ans peut-être, mais sans doute assez raisonnable.
J'ai visité votre site web récemment. Il y a des rapports de recherche qui sont parus il y a deux semaines qui ont attiré l'attention de certains de nos spectateurs, signalant que les obligations n'auraient pas de valeur dans le portefeuille. Qu'en pensez-vous? Je paraphrase.
Cela dépend de ce que vous voulez faire. La logique ordinaire, avec laquelle je ne suis pas d'accord, c'est qu'un investisseur à long terme peut tolérer la volatilité et devrait donc détenir des actions. La théorie universitaire peut parfois vous égarer. Parfois, le monde est plus compliqué. Parfois ça peut aider, et ça, c'est un endroit où je pense que cela peut aider. Si vous prenez un cours de finance de première année dans un programme de MBA, on vous parle de la frontière efficace. Vous êtes censé investir dans la meilleure combinaison. Si ce ne sont que des actions et des obligations, tenons-nous-en à cela, la meilleure combinaison offrant le meilleur rendement pour le risque pris. Si vous êtes un investisseur agressif, vous pouvez tolérer beaucoup de risque. Vous êtes censé ajouter du levier. Or, cette théorie a fonctionné exceptionnellement bien depuis 100 ans et plus. J'ai rédigé un article à ce sujet en 1986. Elle s'est maintenue depuis 28 ans. Donc, il y a des investisseurs qui ne peuvent pas user de levier. L'inquiétude à l'égard des 100% d'actions, c'est qu'ils peuvent surestimer leur capacité de persévérer. Si vous ne pouvez pas absolument user de levier, vous devez emprunter 30 cents pour avoir un levier de 60-40 pour avoir un risque semblable, et à mon avis, un rendement à long terme plus élevé que les actions parce que vous commencez avec un meilleur portefeuille, un portefeuille qui a plus de rendement pour le risque pris. Tout particulièrement, quand les marchés haussiers durent quelque temps, il y a une prolifération des articles préconisant que tout le monde doit avoir 100% d'actions. Ce n'est pas un mauvais conseil, mais on peut faire mieux. AQR, bien sûr, est un fonds spéculatif, un fonds de couverture. Parlons-en. Les avantages des fonds de couverture et le rôle qu'ils peuvent jouer dans un portefeuille, la clé pour tout fonds de couverture, beaucoup d'entre eux ne le font pas, donc je pense que ce que la clé devrait être, c'est la question de savoir si l'on peut créer un rendement moyen positif décent qui n'est pas très corrélé, en fait, qui est idéalement non corrélé avec le portefeuille 60-40 des obligations et des actions. Non corrélé, ça veut dire: dites-moi ce qui arrive aux actions et aux obligations pendant une année. Nous avons gagné de l'argent. On ne va pas gagner d'argent tous les ans, mais je ne tire pas des leçons du marché boursier. C'est un facteur de diversification. Je pense qu'on peut le faire. Il y a un arbitrage. En effet, la recherche empirique, nous avons rédigé un article... Je commence beaucoup de phrases en disant "nous avons rédigé un article". Nous avons rédigé un article en 2001 qui s'appelle: "Est-ce que les fonds de couverture couvrent effectivement?" Le fonds de couverture moyen dans les indices publiés offre une corrélation de 0,8 par rapport aux actions. C'est très élevé. Cela veut dire qu'ils ne font pas ce que je viens de dire, essayer de créer quelque chose qui n'est pas corrélé. Mais nous croyons qu'il y a beaucoup de facteurs dans l'univers quantitatif, la qualité, la dynamique, la valeur, l'investissement à faible risque, qui peuvent avoir des montages qui créent un avantage à long et court terme. Nous ne sommes pas les seuls à le faire, mais l'industrie des fonds de couverture ne réalise pas ces éléments mais je pense que c'est réalisable.
Une stratégie de long cours, fondée sur le fait que le marché n'est pas parfait. S'il était parfait, on n'aurait pas besoin d'utiliser ces stratégies. Vous investissez pour contourner le problème.
Oui, c'est tout à fait exact. Le coprésident de mon comité de thèse était un certain Eugene Fama. Eugene est de loin le parrain, le demi-dieu de la théorie du marché efficace. Gene n'est pas un absolutiste, il ne pense pas que les marchés sont parfaitement efficaces, mais il est assez loin sur cette gamme. J'ai rédigé une thèse pour lui. Ce que je trouvais le plus effrayant dans une rencontre, c'était d'aller voir Gene. Il était très gentil, ce n'est pas cela qui me faisait peur, mais de dire que je voulais écrire une thèse, ce que j'ai fait, sur ce que l'on appelle la stratégie de dynamique de prix. C'est une stratégie qui consiste à acheter ce qui a monté depuis 6 à 12 mois et on vend ce qui baisse. Les adeptes de la stratégie de la frontière efficace sont agacés par le fait que ça marche. Il y a d'autres stratégiques qui sont plus rationnelles qui aident aussi, mais j'ai dû dire à Gene que je voulais rédiger une thèse sur le momentum de la dynamique de prix et j'ai dit: "Je pense que ça marche très bien." Il m'a dit: "Comment?" J'ai dit: "Je pense que ça marche très bien." Il a dit des mots qui m'ont paru religieux. Il a dit: "Si c'est dans les données, rédigez l'article." Autrement dit, "Peu importe si ça me plaît, rédigez l'article." Et mon point de vue sur les marchés efficaces, c'est que je ne pense pas qu'ils sont parfaits. Je pense qu'il y a des façons systématiques de les exploiter, d'exploiter le fait qu'ils ne sont pas parfaits. Je pense qu'ils sont plus parfaits que le gestionnaire actif moyen, ce serait peut-être l'influence qu'a Gene sur moi, et ils sont moins parfaits que Gene sans doute le croit. Mon point de vue le plus controversé, c'est que je pense que les marchés sont devenus moins parfaits pendant ma carrière, depuis une trentaine d'années. La plupart des gens supposent qu'avec la technologie qui s'améliore, les données instantanées, l'efficacité aurait accru. Oui, des stratégies qui dépendent de la vitesse, bien sûr, les cours réagissent plus rapidement aux informations nouvelles, mais même il y a 30 ans, on réagissait quelques minutes après une annonce. Maintenant, c'est quelques nanosecondes. Ce n'est pas un gain d'efficacité tellement énorme. Lorsqu'il s'agit d'établir de façon précise le cours des actions, plus d'information peut nous tromper. L'exemple le plus extrême, je ne dis pas que c'est la norme, ce sont les actions en mode aux États-Unis qui étaient essentiellement fondées sur la croyance des gens qu'ils savaient tout en fonction d'une recherche sur le web.
Les deux plus grosses bulles dans les données... Vous pouvez voir que je ne suis pas un élève de Gene Fama, parce que je crois qu'il y a eu des bulles et il n'apprécie pas ce mot. C'était à la fin des années 90, la bulle du dot-com. Et puis, 2019-2020, culminant de la COVID, les deux différences les plus extrêmes entre les actions coûteuses et bon marché depuis 20 et plus années, sur environ 70 ans, donc les données sont favorables à l'idée que les marchés sont devenus moins efficaces.
C'est une bonne et une mauvaise nouvelle pour les gestionnaires actifs. C'est une bonne nouvelle parce que si vous gagnez votre argent en tirant parti des inefficacités et qu'elles sont plus importantes, il devrait y avoir davantage d'argent à gagner, mais cela vous permet également plus difficilement de persévérer parce que les écarts peuvent être plus importants et durer plus longtemps, et ça, c'est la période pendant laquelle le monde pense que vous vous trompez et que vos clients se fâchent. Pour moi, c'est un arbitrage qui est juste. C'est plus difficile à faire, mais ce sera plus lucratif dans l'avenir si j'ai raison.
À présent, parlons des possibilités offertes par la valeur dans les actions. Depuis quelque trois années, il y a eu bien entendu des hauts et des bas. Parlons de cette relation entre les actions considérées comme étant bon marché et coûteuses.
Tout d'abord, dans l'univers quantitatif, l'univers universitaire, la valeur est baptisée d'un nom trompeur. On parle toujours du cours par rapport à une donnée fondamentale. Ventes, bénéfices. Alors pour les investisseurs de l'école Graham et Dodd, ce n'est pas la valeur. C'est comparé aux risques ou aux opportunités. Il y a toutes sortes d'arguments, mais finalement, les deux écoles font la même chose. Les universitaires et les quantitatifs ont baptisé ce que j'aurais appelé le facteur de faible cours, le facteur de valeur, et puis il y a un facteur de rentabilité. Mais il y a énormément de problèmes de communication. Quand je parle de valeur, je parle des actions à faibles multiples qui battent les actions à multiples élevés. Oui, on peut incorporer d'autres facteurs, mais en moyenne, c'est le cas. Il y a une chose qu'on peut mesurer que personne n'avait mesurée. Je suis fier qu'on ait été les premiers à le faire en 1999. Il y a eu deux ou trois bulles avant. Personne à ma connaissance n'avait étudié l'amplitude de la différence, c'est-à-dire, l'approche universitaire standard consistait à trier des actions en fonction de la mesure préférée de valeur et voir quelle serait la différence entre coûteux et moins coûteux. Personne ne s'était posé la question en disant: parfois, ces multiples pourraient être semblables mais parfois très différents. Est-ce que l'opportunité est meilleure lorsqu'ils sont différents? Nous constatons, c'est peut-être sujet à controverse, que les opportunités sont plus grandes lorsque les écarts sont importants. Mettons que toutes les actions auraient le même multiple. Il n'y a pas beaucoup de possibilité de valeur. C'est en mars 2000 où il y a eu l'écart le plus important. Et puis, quelques mois après la COVID en octobre-novembre 2020, qui a beaucoup dépassé mars 2020. C'était le centième percentile. Parfois, je dis pour plaisanter le 120e percentile. Vous riez, beaucoup de gens ne comprennent pas parce que c'est une blague de maths. Il n'y a pas de 120e percentile. Simplement un nouveau centième. Mais c'est simplement nettement au-delà du centième percentile précédent. Le chiffre évolue, mais il a été plus ou moins inchangé depuis trois ans. Même l'an dernier, c'était les sept magnifiques. On dit que c'était une année défavorable pour la valeur. Si vous travaillez sur la valeur systématiquement, mille actions que vous appréciez, mille que vous n'appréciez pas dans le monde, c'est toujours une bonne année pour la valeur. Il y a trois jours, j'ai fait l'analyse, donc il s'est passé quelque chose de radical depuis le début de notre entretien. Je ne veux pas être trop précis, mais nous sommes au 83e percentile par rapport à hier. Ce n'est pas la même chose. On a beaucoup baissé, parce que rappelez-vous, c'était un nouveau centième percentile. Donc il y a eu un recul considérable de cet écart, mais c'est toujours... au niveau historique, c'est toujours très important. Il pourrait se refermer. Nous ne faisons pas des paris énormes, même au maximum, nous avons légèrement orienté notre portefeuille en faveur de la valeur. Ça nous plaît toujours. Nous pensons que c'est une façon de procéder. On inclura un peu plus de valeur que d'habitude parce que cet écart, ça compte. Vous faites une meilleure affaire que d'habitude. Le fait qu'on puisse avoir trois excellentes années et demie pour ce facteur de valeur, et ça peut toujours être au 83e percentile, cela témoigne de la mesure dans laquelle les choses étaient devenues extrêmes. Le point de départ... je n'aime pas utiliser le mot "fou", Gene Fama encore une fois se fâcherait, mais je pense que c'est devenu assez fou à la fin 2020.
AQR signifie Applied Quantitative Research. Je suis l'un des cofondateurs. Nous avons nos origines dans la finance universitaire qui remonte aux années 80. Ce que nous appelons à présent l'investissement quantitatif s'appelait alors l'investissement factoriel, a commencé. Notre groupe, notre noyau dur a travaillé à Goldman Sachs dans les années 90. Nous avons quitté en 1998. Nous négocions sur des modèles quantitatifs sur pratiquement tous les marchés. La seule chose qu'on ne fait pas au niveau quantitatif, ce sont les stratégies à haute fréquence. Nos stratégies ont des horizons de négociation et d'investissement. Nous faisons du travail quantitatif depuis le début de ma carrière. -Je n'ai jamais rien fait d'autre. -Voilà une base intéressante. Le portefeuille 60-40, on en a parlé dans le passé, a éprouvé des difficultés à cause des dislocations attribuables à la pandémie et des rendements prévisibles trop faibles. Que pensez-vous de ce secteur à l'heure actuelle? Marché obligataire, 60-40, que faut-il penser?
Chaque fois que je parle des perspectives pour le 60-40, mon collègue, Antti Ilmanen, un Finlandais, un associé de AQR, c'est notre gourou sur les rendements prévisibles à long terme, il a rédigé un livre à ce sujet sur un environnement futur à faible rendement. Il a paru fin 2021. C'était le moment parfait. Parfois, la chance vaut mieux que le talent. Un portefeuille mondial 60-40 a réalisé 4,5% au-delà de l'inflation depuis 100 ans. Certains disent que c'est beaucoup, mais c'est 40% d'obligations et vous retranchez l'inflation, c'est un rendement très sain. Il pensait qu'à la fin 2021, il y aurait un rendement de 1,5% à 2%. Personne ne sait exactement ce que ce chiffre devrait être. Je suis issu de la finance universitaire, personne ne le sait, mais 1,5% semblait extrêmement bas. Il a eu beaucoup de chance, parce que la pire année pour le portefeuille 60-40 depuis 50 ans a suivi immédiatement la parution de ce livre. Aujourd'hui, avec la remontée des taux d'intérêt, son chiffre est sans doute un peu inférieur à 3% mais proche de là. Il s'agit d'un rendement raisonnable pour un portefeuille 60-40 mondial. À 1,5, personne ne peut synchroniser les marchés. Je ne dis pas que jeudi prochain cela va baisser, mais enfin, cela ne va pas durer. À 3%, nous pensons que le 60-40 n'est pas aussi attrayant qu'il l'a été depuis 100 ans peut-être, mais sans doute assez raisonnable.
J'ai visité votre site web récemment. Il y a des rapports de recherche qui sont parus il y a deux semaines qui ont attiré l'attention de certains de nos spectateurs, signalant que les obligations n'auraient pas de valeur dans le portefeuille. Qu'en pensez-vous? Je paraphrase.
Cela dépend de ce que vous voulez faire. La logique ordinaire, avec laquelle je ne suis pas d'accord, c'est qu'un investisseur à long terme peut tolérer la volatilité et devrait donc détenir des actions. La théorie universitaire peut parfois vous égarer. Parfois, le monde est plus compliqué. Parfois ça peut aider, et ça, c'est un endroit où je pense que cela peut aider. Si vous prenez un cours de finance de première année dans un programme de MBA, on vous parle de la frontière efficace. Vous êtes censé investir dans la meilleure combinaison. Si ce ne sont que des actions et des obligations, tenons-nous-en à cela, la meilleure combinaison offrant le meilleur rendement pour le risque pris. Si vous êtes un investisseur agressif, vous pouvez tolérer beaucoup de risque. Vous êtes censé ajouter du levier. Or, cette théorie a fonctionné exceptionnellement bien depuis 100 ans et plus. J'ai rédigé un article à ce sujet en 1986. Elle s'est maintenue depuis 28 ans. Donc, il y a des investisseurs qui ne peuvent pas user de levier. L'inquiétude à l'égard des 100% d'actions, c'est qu'ils peuvent surestimer leur capacité de persévérer. Si vous ne pouvez pas absolument user de levier, vous devez emprunter 30 cents pour avoir un levier de 60-40 pour avoir un risque semblable, et à mon avis, un rendement à long terme plus élevé que les actions parce que vous commencez avec un meilleur portefeuille, un portefeuille qui a plus de rendement pour le risque pris. Tout particulièrement, quand les marchés haussiers durent quelque temps, il y a une prolifération des articles préconisant que tout le monde doit avoir 100% d'actions. Ce n'est pas un mauvais conseil, mais on peut faire mieux. AQR, bien sûr, est un fonds spéculatif, un fonds de couverture. Parlons-en. Les avantages des fonds de couverture et le rôle qu'ils peuvent jouer dans un portefeuille, la clé pour tout fonds de couverture, beaucoup d'entre eux ne le font pas, donc je pense que ce que la clé devrait être, c'est la question de savoir si l'on peut créer un rendement moyen positif décent qui n'est pas très corrélé, en fait, qui est idéalement non corrélé avec le portefeuille 60-40 des obligations et des actions. Non corrélé, ça veut dire: dites-moi ce qui arrive aux actions et aux obligations pendant une année. Nous avons gagné de l'argent. On ne va pas gagner d'argent tous les ans, mais je ne tire pas des leçons du marché boursier. C'est un facteur de diversification. Je pense qu'on peut le faire. Il y a un arbitrage. En effet, la recherche empirique, nous avons rédigé un article... Je commence beaucoup de phrases en disant "nous avons rédigé un article". Nous avons rédigé un article en 2001 qui s'appelle: "Est-ce que les fonds de couverture couvrent effectivement?" Le fonds de couverture moyen dans les indices publiés offre une corrélation de 0,8 par rapport aux actions. C'est très élevé. Cela veut dire qu'ils ne font pas ce que je viens de dire, essayer de créer quelque chose qui n'est pas corrélé. Mais nous croyons qu'il y a beaucoup de facteurs dans l'univers quantitatif, la qualité, la dynamique, la valeur, l'investissement à faible risque, qui peuvent avoir des montages qui créent un avantage à long et court terme. Nous ne sommes pas les seuls à le faire, mais l'industrie des fonds de couverture ne réalise pas ces éléments mais je pense que c'est réalisable.
Une stratégie de long cours, fondée sur le fait que le marché n'est pas parfait. S'il était parfait, on n'aurait pas besoin d'utiliser ces stratégies. Vous investissez pour contourner le problème.
Oui, c'est tout à fait exact. Le coprésident de mon comité de thèse était un certain Eugene Fama. Eugene est de loin le parrain, le demi-dieu de la théorie du marché efficace. Gene n'est pas un absolutiste, il ne pense pas que les marchés sont parfaitement efficaces, mais il est assez loin sur cette gamme. J'ai rédigé une thèse pour lui. Ce que je trouvais le plus effrayant dans une rencontre, c'était d'aller voir Gene. Il était très gentil, ce n'est pas cela qui me faisait peur, mais de dire que je voulais écrire une thèse, ce que j'ai fait, sur ce que l'on appelle la stratégie de dynamique de prix. C'est une stratégie qui consiste à acheter ce qui a monté depuis 6 à 12 mois et on vend ce qui baisse. Les adeptes de la stratégie de la frontière efficace sont agacés par le fait que ça marche. Il y a d'autres stratégiques qui sont plus rationnelles qui aident aussi, mais j'ai dû dire à Gene que je voulais rédiger une thèse sur le momentum de la dynamique de prix et j'ai dit: "Je pense que ça marche très bien." Il m'a dit: "Comment?" J'ai dit: "Je pense que ça marche très bien." Il a dit des mots qui m'ont paru religieux. Il a dit: "Si c'est dans les données, rédigez l'article." Autrement dit, "Peu importe si ça me plaît, rédigez l'article." Et mon point de vue sur les marchés efficaces, c'est que je ne pense pas qu'ils sont parfaits. Je pense qu'il y a des façons systématiques de les exploiter, d'exploiter le fait qu'ils ne sont pas parfaits. Je pense qu'ils sont plus parfaits que le gestionnaire actif moyen, ce serait peut-être l'influence qu'a Gene sur moi, et ils sont moins parfaits que Gene sans doute le croit. Mon point de vue le plus controversé, c'est que je pense que les marchés sont devenus moins parfaits pendant ma carrière, depuis une trentaine d'années. La plupart des gens supposent qu'avec la technologie qui s'améliore, les données instantanées, l'efficacité aurait accru. Oui, des stratégies qui dépendent de la vitesse, bien sûr, les cours réagissent plus rapidement aux informations nouvelles, mais même il y a 30 ans, on réagissait quelques minutes après une annonce. Maintenant, c'est quelques nanosecondes. Ce n'est pas un gain d'efficacité tellement énorme. Lorsqu'il s'agit d'établir de façon précise le cours des actions, plus d'information peut nous tromper. L'exemple le plus extrême, je ne dis pas que c'est la norme, ce sont les actions en mode aux États-Unis qui étaient essentiellement fondées sur la croyance des gens qu'ils savaient tout en fonction d'une recherche sur le web.
Les deux plus grosses bulles dans les données... Vous pouvez voir que je ne suis pas un élève de Gene Fama, parce que je crois qu'il y a eu des bulles et il n'apprécie pas ce mot. C'était à la fin des années 90, la bulle du dot-com. Et puis, 2019-2020, culminant de la COVID, les deux différences les plus extrêmes entre les actions coûteuses et bon marché depuis 20 et plus années, sur environ 70 ans, donc les données sont favorables à l'idée que les marchés sont devenus moins efficaces.
C'est une bonne et une mauvaise nouvelle pour les gestionnaires actifs. C'est une bonne nouvelle parce que si vous gagnez votre argent en tirant parti des inefficacités et qu'elles sont plus importantes, il devrait y avoir davantage d'argent à gagner, mais cela vous permet également plus difficilement de persévérer parce que les écarts peuvent être plus importants et durer plus longtemps, et ça, c'est la période pendant laquelle le monde pense que vous vous trompez et que vos clients se fâchent. Pour moi, c'est un arbitrage qui est juste. C'est plus difficile à faire, mais ce sera plus lucratif dans l'avenir si j'ai raison.
À présent, parlons des possibilités offertes par la valeur dans les actions. Depuis quelque trois années, il y a eu bien entendu des hauts et des bas. Parlons de cette relation entre les actions considérées comme étant bon marché et coûteuses.
Tout d'abord, dans l'univers quantitatif, l'univers universitaire, la valeur est baptisée d'un nom trompeur. On parle toujours du cours par rapport à une donnée fondamentale. Ventes, bénéfices. Alors pour les investisseurs de l'école Graham et Dodd, ce n'est pas la valeur. C'est comparé aux risques ou aux opportunités. Il y a toutes sortes d'arguments, mais finalement, les deux écoles font la même chose. Les universitaires et les quantitatifs ont baptisé ce que j'aurais appelé le facteur de faible cours, le facteur de valeur, et puis il y a un facteur de rentabilité. Mais il y a énormément de problèmes de communication. Quand je parle de valeur, je parle des actions à faibles multiples qui battent les actions à multiples élevés. Oui, on peut incorporer d'autres facteurs, mais en moyenne, c'est le cas. Il y a une chose qu'on peut mesurer que personne n'avait mesurée. Je suis fier qu'on ait été les premiers à le faire en 1999. Il y a eu deux ou trois bulles avant. Personne à ma connaissance n'avait étudié l'amplitude de la différence, c'est-à-dire, l'approche universitaire standard consistait à trier des actions en fonction de la mesure préférée de valeur et voir quelle serait la différence entre coûteux et moins coûteux. Personne ne s'était posé la question en disant: parfois, ces multiples pourraient être semblables mais parfois très différents. Est-ce que l'opportunité est meilleure lorsqu'ils sont différents? Nous constatons, c'est peut-être sujet à controverse, que les opportunités sont plus grandes lorsque les écarts sont importants. Mettons que toutes les actions auraient le même multiple. Il n'y a pas beaucoup de possibilité de valeur. C'est en mars 2000 où il y a eu l'écart le plus important. Et puis, quelques mois après la COVID en octobre-novembre 2020, qui a beaucoup dépassé mars 2020. C'était le centième percentile. Parfois, je dis pour plaisanter le 120e percentile. Vous riez, beaucoup de gens ne comprennent pas parce que c'est une blague de maths. Il n'y a pas de 120e percentile. Simplement un nouveau centième. Mais c'est simplement nettement au-delà du centième percentile précédent. Le chiffre évolue, mais il a été plus ou moins inchangé depuis trois ans. Même l'an dernier, c'était les sept magnifiques. On dit que c'était une année défavorable pour la valeur. Si vous travaillez sur la valeur systématiquement, mille actions que vous appréciez, mille que vous n'appréciez pas dans le monde, c'est toujours une bonne année pour la valeur. Il y a trois jours, j'ai fait l'analyse, donc il s'est passé quelque chose de radical depuis le début de notre entretien. Je ne veux pas être trop précis, mais nous sommes au 83e percentile par rapport à hier. Ce n'est pas la même chose. On a beaucoup baissé, parce que rappelez-vous, c'était un nouveau centième percentile. Donc il y a eu un recul considérable de cet écart, mais c'est toujours... au niveau historique, c'est toujours très important. Il pourrait se refermer. Nous ne faisons pas des paris énormes, même au maximum, nous avons légèrement orienté notre portefeuille en faveur de la valeur. Ça nous plaît toujours. Nous pensons que c'est une façon de procéder. On inclura un peu plus de valeur que d'habitude parce que cet écart, ça compte. Vous faites une meilleure affaire que d'habitude. Le fait qu'on puisse avoir trois excellentes années et demie pour ce facteur de valeur, et ça peut toujours être au 83e percentile, cela témoigne de la mesure dans laquelle les choses étaient devenues extrêmes. Le point de départ... je n'aime pas utiliser le mot "fou", Gene Fama encore une fois se fâcherait, mais je pense que c'est devenu assez fou à la fin 2020.