
Les taux d’intérêt ont augmenté, mais cela n’a pas suffi à ralentir le marché de l’habitation. Greg Bonnell de MoneyTalk discute avec Rishi Sondhi, économiste, TD.
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Le marché du logement semblait repartir de plus belle cette année, jusqu’à ce que la Banque du Canada relève à nouveau les taux d’intérêt. Bien sûr, cette décision pèse sur l’activité. Pour discuter de la santé du marché du logement et de ce qui nous attend, j’accueille Rishi Sondhi, économiste à la TD. Rishi, c’est un plaisir de vous retrouver.
Merci de m’accueillir, Greg.
Lors de notre dernière discussion, la Banque du Canada marquait une pause. Les gens y ont vu le signe qu’il était peut-être temps de sortir de leur réserve et de s’engager sur le marché du logement. Depuis, les taux ont été relevés. Comment interprétez-vous ce marché?
Il y a eu des hausses de taux en juin et en juillet, et on a reçu les données sur le logement pour juin et juillet. Dans l’ensemble, on observe une certaine résilience de la demande. Les ventes ont légèrement augmenté en juin et juillet, dans tout le Canada. Elles ont augmenté dans presque toutes les provinces du pays sur cette période, à l’exception de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick où les ventes sont en baisse depuis la reprise des hausses de taux.
Je dirais donc qu’il y a un certain degré de résilience à la suite de ces hausses de taux. C’est ce qu’on observe du côté des ventes. Les prix moyens sont en baisse, mais ces chiffres peuvent dépendre du type de logements vendus au cours d’un mois donné.
Les prix de référence sont un indicateur plus juste de la tendance sous-jacente, et ils sont en hausse sur ces deux mois. Le marché reste donc assez tendu si l’on considère les mesures de l’offre mensuelle. Je dirais que la résilience est le thème sous-jacent qui ressort de ces données. D’accord. L’Association canadienne de l’immobilier a publié un rapport cette semaine qui regroupe tous les rapports régionaux pour nous donner une grande vue d’ensemble. Il est frappant de voir que plusieurs marchés comme Calgary et Edmonton affichent une forte activité. C’est Toronto qui a tiré les chiffres des ventes vers le bas. Est-ce dû au fait que Toronto est déjà une ville très chère, peut-être un peu plus sensible aux taux d’intérêt?
Sans aucun doute. C’est tout à fait le cas. On ressent vraiment les répercussions espérées des hausses de taux sur le marché de Toronto. Les ventes ont chuté d’environ 15 % depuis mai. Les prix ont baissé pendant deux mois consécutifs dans la région du Grand Toronto. C’est là que l’effet négatif des hausses de taux semble vraiment se faire sentir. Mais comme vous le dites, on a Calgary à l’autre bout du spectre où les chiffres sont très différents. Là-bas, les ventes ont augmenté de 10 % depuis la reprise des hausses de taux.
Je citerais plusieurs facteurs pour expliquer ce phénomène. Premièrement, la forte migration interprovinciale. Des acheteurs venus principalement de l’Ontario font grimper les prix en Alberta.
Il ne faut pas oublier qu’avant la pandémie, les prix étaient en baisse en Alberta. Et ils n’ont pas augmenté pendant la flambée observée avec la pandémie. Ils n’ont pas augmenté autant en Alberta et à Calgary que dans d’autres régions. Le marché reste donc relativement bien placé pour résister à des taux plus élevés, et c’est exactement ce qu’on constate.
Calgary a le vent en poupe en ce moment. Face à ces taux plus élevés, les gens tentent de prédire la prochaine décision de la Banque du Canada. Qu’en est-il des constructeurs? On entend sans cesse qu’on a besoin de plus de logements. Si le coût de financement est plus élevé pour les constructeurs, vont-ils se mettre à reporter des projets en attendant d’y voir plus clair?
Je dirais qu’il s’agit d’une question marginale. On entend effectivement parler de groupes qui ont de la difficulté à achever des projets à cause des coûts de financement. Mais dans l’ensemble, la construction résidentielle reste assez solide. Si on regarde les données des services liés au logement qui ont été publiées hier, les statistiques font état d’environ 250 000 unités annualisées. C’est un chiffre énorme qui dépasse de loin les tendances d’avant la pandémie.
On construit encore un nombre considérable de logements, à un rythme qui frôle des sommets par rapport aux décennies précédentes. Je dirais que la hausse des taux a peut-être un impact marginal, mais les constructeurs continuent de lancer des mises en chantier, en partie à cause des prix. Les prix sont très élevés. Dans une certaine mesure, leur bénéfice net est donc protégé par les prix élevés.
Vous avez publié un rapport avec vos collègues des Services économiques TD vers la fin juillet. Vous évoquez la forte croissance démographique au pays. Vous soulignez que beaucoup s’inquiètent de l’impact sur la demande en logements. Cette croissance soutient le marché, mais où va-t-on trouver ces logements? C’est une question fascinante.
Vous avez vraiment creusé la question de la demande. Si on est plus nombreux au pays, la demande va s’accentuer et les taux d’intérêt risquent de devoir rester plus élevés plus longtemps. Dans ce cas, à quoi ressemblera le marché du logement à long terme? Hors du cadre de cette émission, beaucoup de gens me demandent quand les taux d’intérêt vont baisser. Quand est-ce que les taux vont baisser? Et je leur réponds que je ne sais pas. Oui. Oui. Vous avez mis le doigt sur le problème. Si la croissance démographique se poursuit au rythme de l’an dernier, où plus d’un million de gens sont arrivés au pays – Avec un tel influx de population, il y aura forcément des répercussions sur le marché du logement. Selon nos prévisions de base, on s’attend à une pénurie d’environ 200 000 logements, ou 200 000 à 250 000 logements dans les trois prochaines années.
Ce chiffre pourrait grimper à 500 000 si la population augmente très fortement. Il y a donc un impact sur le logement. Pour ce qui est des taux d’intérêt, la croissance de la population est, comme on le dit dans le rapport, un exemple classique de choc de la demande. Elle entraîne une pression sur la demande. Et dans un contexte de forte croissance démographique, comparativement à une croissance plus proche de la moyenne à long terme, les taux d’intérêt devraient rester élevés pour contrebalancer la demande et contenir l’inflation.
On arriverait presque à une situation où un taux plus élevé, ou disons un taux neutre permettrait à la banque centrale de ne pas stimuler l’économie, sans toutefois la freiner. Je pense que les gens s’appuient sur les 10 ou 20 dernières années pour se faire une idée du point auquel les taux d’intérêt vont se stabiliser. La réalité sera peut-être toute autre.
Oui. J’ai parlé de la hausse soutenue de la population. Si elle se maintient, les taux d’intérêt devront rester plus élevés que si la croissance de la population retombe à un niveau plus conforme aux normes historiques. On anticipe un taux neutre d’environ 2,5 %. Il faudrait que je vérifie, mais je crois que c’est de l’ordre de 2,5 %. On pense que le taux directeur pourrait se stabiliser à ce niveau à long terme. Là encore, ces prévisions sont alimentées par la hausse marquée de la population ces derniers temps.
Voilà donc des facteurs à long terme à étudier alors que malheureusement, la fin de l’été approche et que dans quelques semaines, l’automne sera à nos portes. À quoi ressemblera le marché du logement? Est-ce que tout repose sur les décisions de la Banque du Canada? Oui, ça dépend de la banque centrale mais aussi, plus largement, des taux obligataires. On est donc tributaires de la Fed et des perspectives économiques. Beaucoup de facteurs influencent les obligations. La Banque du Canada, bien sûr. Elle a augmenté les taux. Elle a resserré ses taux de 50 points de base. Selon nous, il n’y aura pas d’autres hausses de taux jusqu’à la fin de l’année, mais elles sont intégrées au système et elles ont un impact sur la demande.
Avant, la demande progressait assez fortement, mais elle s’est quelque peu essoufflée. Il y a donc des répercussions évidentes. Par ailleurs, les taux obligataires ont grimpé, ce qui devrait exercer une pression à la hausse sur les taux hypothécaires et ralentir évidemment la demande. On prévoit donc une légère baisse des ventes au second semestre, et une stabilisation générale des prix du moins sur des marchés comme la région du Grand Toronto au troisième trimestre, avant une véritable baisse au quatrième trimestre.
Partout au Canada, les prix moyens devraient baisser aux troisième et quatrième trimestres. À court terme, on pense que les taux d’intérêt vont entraîner une baisse sur le marché. [MUSIQUE]
Le marché du logement semblait repartir de plus belle cette année, jusqu’à ce que la Banque du Canada relève à nouveau les taux d’intérêt. Bien sûr, cette décision pèse sur l’activité. Pour discuter de la santé du marché du logement et de ce qui nous attend, j’accueille Rishi Sondhi, économiste à la TD. Rishi, c’est un plaisir de vous retrouver.
Merci de m’accueillir, Greg.
Lors de notre dernière discussion, la Banque du Canada marquait une pause. Les gens y ont vu le signe qu’il était peut-être temps de sortir de leur réserve et de s’engager sur le marché du logement. Depuis, les taux ont été relevés. Comment interprétez-vous ce marché?
Il y a eu des hausses de taux en juin et en juillet, et on a reçu les données sur le logement pour juin et juillet. Dans l’ensemble, on observe une certaine résilience de la demande. Les ventes ont légèrement augmenté en juin et juillet, dans tout le Canada. Elles ont augmenté dans presque toutes les provinces du pays sur cette période, à l’exception de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick où les ventes sont en baisse depuis la reprise des hausses de taux.
Je dirais donc qu’il y a un certain degré de résilience à la suite de ces hausses de taux. C’est ce qu’on observe du côté des ventes. Les prix moyens sont en baisse, mais ces chiffres peuvent dépendre du type de logements vendus au cours d’un mois donné.
Les prix de référence sont un indicateur plus juste de la tendance sous-jacente, et ils sont en hausse sur ces deux mois. Le marché reste donc assez tendu si l’on considère les mesures de l’offre mensuelle. Je dirais que la résilience est le thème sous-jacent qui ressort de ces données. D’accord. L’Association canadienne de l’immobilier a publié un rapport cette semaine qui regroupe tous les rapports régionaux pour nous donner une grande vue d’ensemble. Il est frappant de voir que plusieurs marchés comme Calgary et Edmonton affichent une forte activité. C’est Toronto qui a tiré les chiffres des ventes vers le bas. Est-ce dû au fait que Toronto est déjà une ville très chère, peut-être un peu plus sensible aux taux d’intérêt?
Sans aucun doute. C’est tout à fait le cas. On ressent vraiment les répercussions espérées des hausses de taux sur le marché de Toronto. Les ventes ont chuté d’environ 15 % depuis mai. Les prix ont baissé pendant deux mois consécutifs dans la région du Grand Toronto. C’est là que l’effet négatif des hausses de taux semble vraiment se faire sentir. Mais comme vous le dites, on a Calgary à l’autre bout du spectre où les chiffres sont très différents. Là-bas, les ventes ont augmenté de 10 % depuis la reprise des hausses de taux.
Je citerais plusieurs facteurs pour expliquer ce phénomène. Premièrement, la forte migration interprovinciale. Des acheteurs venus principalement de l’Ontario font grimper les prix en Alberta.
Il ne faut pas oublier qu’avant la pandémie, les prix étaient en baisse en Alberta. Et ils n’ont pas augmenté pendant la flambée observée avec la pandémie. Ils n’ont pas augmenté autant en Alberta et à Calgary que dans d’autres régions. Le marché reste donc relativement bien placé pour résister à des taux plus élevés, et c’est exactement ce qu’on constate.
Calgary a le vent en poupe en ce moment. Face à ces taux plus élevés, les gens tentent de prédire la prochaine décision de la Banque du Canada. Qu’en est-il des constructeurs? On entend sans cesse qu’on a besoin de plus de logements. Si le coût de financement est plus élevé pour les constructeurs, vont-ils se mettre à reporter des projets en attendant d’y voir plus clair?
Je dirais qu’il s’agit d’une question marginale. On entend effectivement parler de groupes qui ont de la difficulté à achever des projets à cause des coûts de financement. Mais dans l’ensemble, la construction résidentielle reste assez solide. Si on regarde les données des services liés au logement qui ont été publiées hier, les statistiques font état d’environ 250 000 unités annualisées. C’est un chiffre énorme qui dépasse de loin les tendances d’avant la pandémie.
On construit encore un nombre considérable de logements, à un rythme qui frôle des sommets par rapport aux décennies précédentes. Je dirais que la hausse des taux a peut-être un impact marginal, mais les constructeurs continuent de lancer des mises en chantier, en partie à cause des prix. Les prix sont très élevés. Dans une certaine mesure, leur bénéfice net est donc protégé par les prix élevés.
Vous avez publié un rapport avec vos collègues des Services économiques TD vers la fin juillet. Vous évoquez la forte croissance démographique au pays. Vous soulignez que beaucoup s’inquiètent de l’impact sur la demande en logements. Cette croissance soutient le marché, mais où va-t-on trouver ces logements? C’est une question fascinante.
Vous avez vraiment creusé la question de la demande. Si on est plus nombreux au pays, la demande va s’accentuer et les taux d’intérêt risquent de devoir rester plus élevés plus longtemps. Dans ce cas, à quoi ressemblera le marché du logement à long terme? Hors du cadre de cette émission, beaucoup de gens me demandent quand les taux d’intérêt vont baisser. Quand est-ce que les taux vont baisser? Et je leur réponds que je ne sais pas. Oui. Oui. Vous avez mis le doigt sur le problème. Si la croissance démographique se poursuit au rythme de l’an dernier, où plus d’un million de gens sont arrivés au pays – Avec un tel influx de population, il y aura forcément des répercussions sur le marché du logement. Selon nos prévisions de base, on s’attend à une pénurie d’environ 200 000 logements, ou 200 000 à 250 000 logements dans les trois prochaines années.
Ce chiffre pourrait grimper à 500 000 si la population augmente très fortement. Il y a donc un impact sur le logement. Pour ce qui est des taux d’intérêt, la croissance de la population est, comme on le dit dans le rapport, un exemple classique de choc de la demande. Elle entraîne une pression sur la demande. Et dans un contexte de forte croissance démographique, comparativement à une croissance plus proche de la moyenne à long terme, les taux d’intérêt devraient rester élevés pour contrebalancer la demande et contenir l’inflation.
On arriverait presque à une situation où un taux plus élevé, ou disons un taux neutre permettrait à la banque centrale de ne pas stimuler l’économie, sans toutefois la freiner. Je pense que les gens s’appuient sur les 10 ou 20 dernières années pour se faire une idée du point auquel les taux d’intérêt vont se stabiliser. La réalité sera peut-être toute autre.
Oui. J’ai parlé de la hausse soutenue de la population. Si elle se maintient, les taux d’intérêt devront rester plus élevés que si la croissance de la population retombe à un niveau plus conforme aux normes historiques. On anticipe un taux neutre d’environ 2,5 %. Il faudrait que je vérifie, mais je crois que c’est de l’ordre de 2,5 %. On pense que le taux directeur pourrait se stabiliser à ce niveau à long terme. Là encore, ces prévisions sont alimentées par la hausse marquée de la population ces derniers temps.
Voilà donc des facteurs à long terme à étudier alors que malheureusement, la fin de l’été approche et que dans quelques semaines, l’automne sera à nos portes. À quoi ressemblera le marché du logement? Est-ce que tout repose sur les décisions de la Banque du Canada? Oui, ça dépend de la banque centrale mais aussi, plus largement, des taux obligataires. On est donc tributaires de la Fed et des perspectives économiques. Beaucoup de facteurs influencent les obligations. La Banque du Canada, bien sûr. Elle a augmenté les taux. Elle a resserré ses taux de 50 points de base. Selon nous, il n’y aura pas d’autres hausses de taux jusqu’à la fin de l’année, mais elles sont intégrées au système et elles ont un impact sur la demande.
Avant, la demande progressait assez fortement, mais elle s’est quelque peu essoufflée. Il y a donc des répercussions évidentes. Par ailleurs, les taux obligataires ont grimpé, ce qui devrait exercer une pression à la hausse sur les taux hypothécaires et ralentir évidemment la demande. On prévoit donc une légère baisse des ventes au second semestre, et une stabilisation générale des prix du moins sur des marchés comme la région du Grand Toronto au troisième trimestre, avant une véritable baisse au quatrième trimestre.
Partout au Canada, les prix moyens devraient baisser aux troisième et quatrième trimestres. À court terme, on pense que les taux d’intérêt vont entraîner une baisse sur le marché. [MUSIQUE]