Alors que le conflit Russie-Ukraine s’intensifie, Kim Parlee et Hussein Allidina, chef, Produits de base, Gestion de Placements TD, expliquent pourquoi le prix du pétrole pourrait grimper au-dessus de 180 $ le baril.
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Le conflit Russie-Ukraine a eu des conséquences importantes sur les marchés, auxquelles plusieurs essaient encore de faire face. Mais certaines choses ressortent : les effets sur les produits de base, une augmentation généralisée du prix des actifs et des cours du pétrole, qui ont atteint leur plus haut niveau depuis plusieurs années, tout comme le gaz naturel. Pour nous dire ce qu’il voit sur les marchés et ce à quoi on devrait porter attention, Hussein Allidina est avec nous aujourd’hui. Il est chef des Produits de base à Gestion de Placements TD. Hussein, heureuse de vous voir. Je sais que vous êtes actuellement à Miami, à une conférence sur les produits de base. Je voudrais commencer en vous demandant : qu’est-ce qui se dit chez les gens que vous écoutez et avec qui vous interagissez sur ce qui se passe avec la Russie et l’Ukraine en ce moment?
Oui, Kim, merci de m’avoir invité. On s’inquiète clairement de l’équilibre entre l’offre et la demande, et de la capacité à répondre à la demande, surtout étant donné que l’équilibre sous-jacent était resserré avant même le début de cette guerre, en fait. On s’inquiète beaucoup pour l’approvisionnement. La Russie n’est pas un petit producteur de produits de base. Elle produit tous les produits de base qu’on consomme, d’une manière générale. Et il existe des défis associés à l’obtention de cet approvisionnement. Même si les sanctions ne le visent pas, les participants semblent hésitants à avoir ou à transporter des molécules ou des boisseaux russes parce qu’ils se demandent quelles seront les prochaines sanctions.
Parlons d’une de ces choses, des molécules, comme vous les appelez, c’est-à-dire du pétrole. Parlons de la trajectoire qu’aura le pétrole. Nous avons parlé ensemble plus tôt de plus de 100. À quoi devrait-on se préparer?
C’est très difficile, Kim, parce qu’on a commencé l’année avec un resserrement. Les stocks diminuent depuis la majeure partie des 16 derniers mois. On a parlé de la capacité de réserve limitée pour faire face aux perturbations. La Russie représente de 10 à 12 % de la production mondiale. Elle génère sept millions de barils par jour pour l’exportation. On n’a pas de quoi compenser. Et c’est dur pour les cours puisque la demande est rationnée. À court terme, sans offre supplémentaire, la seule manière d’équilibrer le marché, c’est de rationner la demande. Si on regarde l’embargo sur le pétrole arabe de 1974 et la révolution iranienne de 1979, après les pertes d’approvisionnement, les cours ont augmenté jusqu’à atteindre environ 6 % du PIB. Donc le fardeau pétrolier, soit la quantité de pétrole qu’on consomme par rapport au PIB, est de 6 %. On a encore besoin de 20 à 25 % pour atteindre ce point et, dans les faits, on n’est pas aux sommets de 2008. Je pense qu’en fonction de l’ampleur de la perturbation et de sa durée, c’est très possible que le prix du pétrole grimpe au-dessus de 150 $, voire de 180 $ par baril. Je ne pense pas qu’on puisse maintenir ces niveaux-là. Mais pour soulager les marchés, il faut que les cours augmentent de beaucoup. C’est ce que le pétrole brut fait à présent. Le gaz naturel européen a atteint de nouveaux sommets d’un jour à l’autre. C’est pour rationner la demande parce que c’est la seule chose qu’il est possible de faire à court terme pour rétablir l’équilibre.
Que se passe-t-il pour les boisseaux? Vous avez cité d’autres produits de base. On sait que le blé a connu une forte hausse, tout comme le maïs. Qu’est-ce que vous constatez? Je prends pour acquis que les conséquences ont aussi un effet domino dans ce cas-ci. Alors, qu’est-ce qui se dit?
Oui. Du côté des céréales, la Russie et l’Ukraine sont deux très grands producteurs et exportateurs de blé. L’Ukraine est aussi un producteur important de maïs. Il y a des boisseaux qui sont bloqués en Ukraine, donc il y a un peu de perturbation physique de ce côté-là. Le plus gros problème avec les céréales, Kim, c’est que si la guerre continue jusqu’au printemps, avec la période des semis qui commence en mai, on court le risque de limiter grandement l’approvisionnement étant donné que les fermiers n’auront pas été capables d’aller dans les champs pour semer leurs cultures. Ce qui exacerbe le problème, comme on en a parlé, c’est cette hausse des prix des engrais et de l’énergie, qui contribuent à la production de ces produits de base. Du côté des consommateurs, si on est la Chine, l’Égypte ou la Jordanie, donc des pays qui dépendent de ces aliments et qui bien souvent les subventionnent, l’augmentation du prix d’un aliment est un problème majeur. Ce matin, les exportations américaines étaient en excellente forme parce qu’il y a selon moi un peu de panique du côté des consommateurs. Il faut de l’offre à tout prix. Il est très difficile de rationner la demande alimentaire, comme on l’a vu en 2006, 2007 et 2008.
Hussein, vu la situation, qu’est-ce que vous anticipez, qu’est-ce que vous surveillez pour comprendre la direction que prendront les choses ou à quels indicateurs prêterez-vous particulièrement attention?
Oui. C’est très, très difficile, en toute honnêteté, puisque ce qu’on doit prévoir, c’est l’avenir géopolitique. On doit surveiller de près ce qui se passe du côté du régime de sanctions pour le conflit Russie-Ukraine. L’Europe et les États-Unis ont été méthodiques dans leur imposition de sanctions pour ne pas resserrer des réserves énergétiques et alimentaires déjà limitées. Les acheteurs boudent les fournisseurs parce qu’ils ne savent pas comment le régime de sanctions évoluera. Nous devons surveiller cette situation. Je crois qu’il faut également surveiller les données à haute fréquence du côté à la fois de la demande et de l’offre. Pour la demande, il faut voir si le carburant à 4 $ commence à faire diminuer la demande aux États-Unis. Il faut surveiller les données à haute fréquence sur les exportations de maïs, de soya et de blé aux États-Unis. Ces données publiées toutes les semaines nous permettent de voir la réaction des pays consommateurs. Je pense qu’il est particulièrement important de voir si le producteur américain réagit à la hausse des prix. En 2008 et en 2009, on a constaté une hausse importante de la production américaine de schiste, qui a aidé à équilibrer le marché. Ce n’est pas encore le cas actuellement. C’est quelque chose à surveiller : il s’agit peut-être du seul allègement à court terme qu’on pourrait avoir. Et juste pour clarifier, même quand je parle du court terme, Kim, il s’agit de trois, quatre, six, sept mois au plus tôt pour que la production soit suffisante. Franchement, donc, on est dans le pétrin avec l’équilibre serré entre l’offre et la demande. Les prix, selon moi, doivent rester élevés pour rationner la demande et qu’on puisse trouver un équilibre.
Hussein, c’est toujours un plaisir. Merci d’avoir été des nôtres.
Merci de m’avoir reçu.
Oui, Kim, merci de m’avoir invité. On s’inquiète clairement de l’équilibre entre l’offre et la demande, et de la capacité à répondre à la demande, surtout étant donné que l’équilibre sous-jacent était resserré avant même le début de cette guerre, en fait. On s’inquiète beaucoup pour l’approvisionnement. La Russie n’est pas un petit producteur de produits de base. Elle produit tous les produits de base qu’on consomme, d’une manière générale. Et il existe des défis associés à l’obtention de cet approvisionnement. Même si les sanctions ne le visent pas, les participants semblent hésitants à avoir ou à transporter des molécules ou des boisseaux russes parce qu’ils se demandent quelles seront les prochaines sanctions.
Parlons d’une de ces choses, des molécules, comme vous les appelez, c’est-à-dire du pétrole. Parlons de la trajectoire qu’aura le pétrole. Nous avons parlé ensemble plus tôt de plus de 100. À quoi devrait-on se préparer?
C’est très difficile, Kim, parce qu’on a commencé l’année avec un resserrement. Les stocks diminuent depuis la majeure partie des 16 derniers mois. On a parlé de la capacité de réserve limitée pour faire face aux perturbations. La Russie représente de 10 à 12 % de la production mondiale. Elle génère sept millions de barils par jour pour l’exportation. On n’a pas de quoi compenser. Et c’est dur pour les cours puisque la demande est rationnée. À court terme, sans offre supplémentaire, la seule manière d’équilibrer le marché, c’est de rationner la demande. Si on regarde l’embargo sur le pétrole arabe de 1974 et la révolution iranienne de 1979, après les pertes d’approvisionnement, les cours ont augmenté jusqu’à atteindre environ 6 % du PIB. Donc le fardeau pétrolier, soit la quantité de pétrole qu’on consomme par rapport au PIB, est de 6 %. On a encore besoin de 20 à 25 % pour atteindre ce point et, dans les faits, on n’est pas aux sommets de 2008. Je pense qu’en fonction de l’ampleur de la perturbation et de sa durée, c’est très possible que le prix du pétrole grimpe au-dessus de 150 $, voire de 180 $ par baril. Je ne pense pas qu’on puisse maintenir ces niveaux-là. Mais pour soulager les marchés, il faut que les cours augmentent de beaucoup. C’est ce que le pétrole brut fait à présent. Le gaz naturel européen a atteint de nouveaux sommets d’un jour à l’autre. C’est pour rationner la demande parce que c’est la seule chose qu’il est possible de faire à court terme pour rétablir l’équilibre.
Que se passe-t-il pour les boisseaux? Vous avez cité d’autres produits de base. On sait que le blé a connu une forte hausse, tout comme le maïs. Qu’est-ce que vous constatez? Je prends pour acquis que les conséquences ont aussi un effet domino dans ce cas-ci. Alors, qu’est-ce qui se dit?
Oui. Du côté des céréales, la Russie et l’Ukraine sont deux très grands producteurs et exportateurs de blé. L’Ukraine est aussi un producteur important de maïs. Il y a des boisseaux qui sont bloqués en Ukraine, donc il y a un peu de perturbation physique de ce côté-là. Le plus gros problème avec les céréales, Kim, c’est que si la guerre continue jusqu’au printemps, avec la période des semis qui commence en mai, on court le risque de limiter grandement l’approvisionnement étant donné que les fermiers n’auront pas été capables d’aller dans les champs pour semer leurs cultures. Ce qui exacerbe le problème, comme on en a parlé, c’est cette hausse des prix des engrais et de l’énergie, qui contribuent à la production de ces produits de base. Du côté des consommateurs, si on est la Chine, l’Égypte ou la Jordanie, donc des pays qui dépendent de ces aliments et qui bien souvent les subventionnent, l’augmentation du prix d’un aliment est un problème majeur. Ce matin, les exportations américaines étaient en excellente forme parce qu’il y a selon moi un peu de panique du côté des consommateurs. Il faut de l’offre à tout prix. Il est très difficile de rationner la demande alimentaire, comme on l’a vu en 2006, 2007 et 2008.
Hussein, vu la situation, qu’est-ce que vous anticipez, qu’est-ce que vous surveillez pour comprendre la direction que prendront les choses ou à quels indicateurs prêterez-vous particulièrement attention?
Oui. C’est très, très difficile, en toute honnêteté, puisque ce qu’on doit prévoir, c’est l’avenir géopolitique. On doit surveiller de près ce qui se passe du côté du régime de sanctions pour le conflit Russie-Ukraine. L’Europe et les États-Unis ont été méthodiques dans leur imposition de sanctions pour ne pas resserrer des réserves énergétiques et alimentaires déjà limitées. Les acheteurs boudent les fournisseurs parce qu’ils ne savent pas comment le régime de sanctions évoluera. Nous devons surveiller cette situation. Je crois qu’il faut également surveiller les données à haute fréquence du côté à la fois de la demande et de l’offre. Pour la demande, il faut voir si le carburant à 4 $ commence à faire diminuer la demande aux États-Unis. Il faut surveiller les données à haute fréquence sur les exportations de maïs, de soya et de blé aux États-Unis. Ces données publiées toutes les semaines nous permettent de voir la réaction des pays consommateurs. Je pense qu’il est particulièrement important de voir si le producteur américain réagit à la hausse des prix. En 2008 et en 2009, on a constaté une hausse importante de la production américaine de schiste, qui a aidé à équilibrer le marché. Ce n’est pas encore le cas actuellement. C’est quelque chose à surveiller : il s’agit peut-être du seul allègement à court terme qu’on pourrait avoir. Et juste pour clarifier, même quand je parle du court terme, Kim, il s’agit de trois, quatre, six, sept mois au plus tôt pour que la production soit suffisante. Franchement, donc, on est dans le pétrin avec l’équilibre serré entre l’offre et la demande. Les prix, selon moi, doivent rester élevés pour rationner la demande et qu’on puisse trouver un équilibre.
Hussein, c’est toujours un plaisir. Merci d’avoir été des nôtres.
Merci de m’avoir reçu.