La Banque du Canada a mis en avant l’inflation persistante comme l’une des principales raisons de sa décision de maintenir le taux directeur malgré les signes de ralentissement de l’économie. Andrew Kelvin, chef, Stratégie canadienne et mondiale liée aux taux, Valeurs Mobilières TD, parle avec Greg Bonnell de MoneyTalk des perspectives pour les taux.
Print Transcript
La Banque du Canada maintient son taux directeur à 5% car elle craint que les mesures de l'inflation sous-jacente ne se rapprochent pas durablement de la fourchette cible. Andrew Kelvin, de Valeurs mobilières TD, nous rejoint pour nous en dire plus. Ce n'est pas une grande surprise, mais certaines des motivations... La Banque du Canada semblait préoccupée de l'inflation de base. Êtes-vous préoccupé? Je ne dirais pas que je suis préoccupé, mais je pense que c'était la position appropriée. Le gouverneur Macklem a vraiment cherché à communiquer le message que la Banque du Canada croit qu'elle a suffisamment serré la vis pour ramener l'inflation à la cible de 2%. Mais le simple fait qu'elle ait atteint le niveau voulu pour maîtriser l'inflation ne signifie pas qu'elle peut rapidement faire demi-tour. Il y aura une phase pendant laquelle la banque va réfléchir à la période pendant laquelle les taux devraient être à 5%. Bien sûr, la mise en garde, si l'inflation revient, les taux pourraient toujours remonter, c'est toujours le cas avec la banque centrale, mais à l'heure actuelle, la question est de savoir avec quelle rapidité ces progrès seront accomplis avec l'inflation sous-jacente. Les derniers chiffres de l'IPC montrent un progrès très limité. L'économie a suffisamment ralenti pour que la Banque puisse penser qu'il y aura davantage de desserrement de l'économie, que les pressions continueront à s'exercer sur les prix, mais le calendrier des coupures de taux dépendra de la rapidité avec laquelle l'inflation évoluera, parce qu'encore une fois, je partage l'importance attachée par le gouvernement à l'inflation sous-jacente. Compte tenu des données dont nous avons eu connaissance, il ne nous apparaît pas que nous allons avoir une discussion raisonnable de coupure de taux d'ici une ou deux réunions. Parlons-en, parce que le marché a certaines attentes. Autour du mois de juin, pense-t-on. Quand on a posé la question au gouverneur, la conversation quant à la durée pendant laquelle les taux vont demeurer au même niveau, est-ce que les marchés anticipent trop ou est-ce qu'ils voient quelque chose dans l'économie qui nous permette de supposer que d'ici le printemps ou l'été… Les marchés soupèsent les probabilités. Compte tenu du fait que la Banque du Canada s'est éloignée d'une menace crédible de hausse de taux d'intérêt, les marchés ont raison de supposer qu'il y aura une probabilité de plus en plus élevée de réduction de taux avec chaque réunion. Entre cette réunion et celle de début mars, il n'y a pas beaucoup de temps. Une coupure de taux au mois de mars serait un événement très, très significatif. Il faudrait que les choses se passent très mal très rapidement pour que l'on commence à en parler. Il s'agit d'une voie très étroite. Au mois d'avril, s'il y a quelques surprises à la baisse pour l'IPC, on ne peut pas en parler. Il reste toujours beaucoup de choses qui peuvent se passer d'ici la réunion d'avril. Quant à ce que les marchés envisagent, les marchés, à l'avance de la réunion pendant laquelle ils prévoient qu'il y ait une coupure, vont sans doute avoir calculé cette probabilité, mais pour adopter une attitude plus holistique, il y a eu 150 points de base de réduction prévus en 2024, c'est assez raisonnable, mais la question est de savoir quand les coupures vont commencer. Parlons du logement. La Banque du Canada a reconnu dans sa décision d'aujourd'hui que le coût du logement demeure, comme elle l'a elle-même dit, le facteur qui contribue le plus à l'inflation qui est supérieure à la cible. On a demandé gouverneur après la déclaration: Si c'est ce qu'il reste pour nous ramener à 2% d'inflation, pourquoi ne pas commencer à réduire les taux en permettant aux Canadiens de profiter d'un répit? Il a répondu que c'était plus compliqué que ça. Vous avez étudié la question. Il existe plusieurs façons d'y parvenir. La banque a déclaré dans le rapport de politique monétaire qu'elle prévoyait que l'inflation du logement demeure un facteur négatif qui empêcherait de parvenir à l'inflation de 2% d'ici quelques années. On n'attend pas une normalisation rapide de l'inflation des prix du logement. La banque a également déclaré dans la déclaration d'ouverture de la conférence de presse qu'elle allait chercher résolument à atteindre les objectifs d'inflation. Si vous dites que l'inflation des prix du logement va être supérieure à 2% pendant un cycle de politique monétaire, pendant plus qu'un ou deux ans, et que vous dites que vous allez parvenir à 2%, vous dites qu'il faut que les autres parties de l'économie affichent une inflation inférieure à 2% pour compenser l'inflation opiniâtre des prix du logement. Il n'y a pas que le prix du logement. La part de l'IPC qui est au-delà de 4% est au-delà de la norme historique. Normalement, ce serait 25 à 30% de la corbeille qui serait au-delà de 4%. Ce chiffre est autour de 45. Il n'y a pas que le logement. Le volet du logement. Certains des volets plus inflationnistes du logement sont exclus de la mesure de base de l'inflation qui tourne autour de 3,5%. Donc c'est le logement qui est le facteur qui contribue le plus, mais il n'y a pas seulement le logement. En outre, le mandat de la banque est de parvenir à 2% d'inflation, pas 2% d'inflation hors logement. Si vous songez au calcul, si la banque devrait cibler une inflation de 2% hors logement, en reconnaissant que le logement serait au-delà de 2, à ce stade, vous ne ciblez plus 2% d'inflation. Cela n'est pas la décision de la banque, la décision unilatérale de la banque. La banque a un accord avec le gouvernement fédéral et c'est là où se situe la légitimité démocratique de la Banque du Canada qui exerce un contrôle si fort sur l'économie. La banque a un accord avec le gouvernement qui porte sur 2% d'inflation. Bien sûr, la banque a déclaré très clairement au début de notre conversation que la conversation autour de la table porte sur la durée pendant laquelle ces taux seront maintenus à ce niveau. On ne parle plus de hausse, il est prématuré de parler de baisse, mais la banque a déclaré qu'elle ne peut pas se lier les mains en disant qu'elle ne va pas augmenter les taux si le monde change. Que pourrait-il se produire pour amener la banque à relever les taux encore? Il faudrait que les ménages canadiens soient beaucoup plus résilients qu'ils ne l'ont été jusqu'ici. L'année 2023 a été une année de croissance très médiocre. Au milieu de l'année, la croissance était sans doute de 0%. Proche de zéro au quatrième trimestre également. Donc trois trimestres d'activité économique essentiellement inchangée. Nous ne prévoyons pas de rebond important pour le premier semestre de 2024. Le chômage a progressé de 1%. Tous ces éléments laissent entendre qu'il y aura un atterrissage en douceur. Si l'économie devait rebondir spectaculairement, si le marché du logement du printemps faisait renaître la confiance et une frénésie de consommation, je ne prévois pas que cela se produira, mais à titre d'exemple, une chose qui pourrait se produire, qui pourrait amener la Banque du Canada à changer de trajectoire, il s'agirait d'une perspective de croissance beaucoup plus robuste pour le Canada. La combinaison d'une inflation opiniâtre et d'une croissance lente, c'est plus conforme avec l'idée que la Banque du Canada demeurerait à 5% pendant une période plus longue. Pour que la banque doive relever les taux, il faudrait que les choses se passent très, très mal dans l'économie réelle. Il y a un élément que l'on oublie souvent. Pas vous et votre équipe, mais le premier paragraphe de la déclaration. Aujourd'hui, nous avons maintenu notre cible pour le taux à un jour à 5%. Parfois, on oublie que la banque poursuit sa politique de resserrement quantitatif, ce qui figure également dans le premier paragraphe. Cette question devient plus actuelle. Elle est déjà actuelle. Lorsque la pandémie a commencé, la Banque du Canada a commencé à acheter d'énormes quantités d'obligations du Canada afin de réduire les taux d'intérêt et de soutenir l'économie. Elle a cessé d'acheter ces obligations. Il y a un an et demi, elle a annoncé qu'elle n'achetait plus d'obligations. Pendant une époque normale, la Banque du Canada achète constamment de petites quantités d'obligations du gouvernement du Canada. Elle doit détenir des actifs sur son bilan par rapport à ses éléments de passif, le principal étant les billets en circulation. Elle détenait des obligations du gouvernement, des bons du Trésor, et ce, de façon la plus discrète possible. Elle ne voulait pas influencer les marchés, simplement détenir ces actifs, et au fur et à mesure que le nombre de billets en circulation augmentait, elle en achetait un peu plus. Le problème à l'heure actuelle, c'est d'établir une nouvelle normalité quant à l'ampleur de son bilan. La Banque du Canada laisse les obligations parvenir à maturité et son bilan se rétrécit. À un moment donné, la Banque du Canada parviendra à un niveau normal de bilan en fonction des dernières allocutions sur ce thème qui datent de quelque temps, du printemps dernier je crois. La banque pense que ce stade interviendra au quatrième trimestre 2024 ou pendant le premier semestre 2025. C'est l'estimation la plus récente, ce qui est une estimation. Pourquoi cela compte, c'est parce que le Gouvernement du Canada a commencé à augmenter l'émission d'obligations pour financer les déficits des investissements et ainsi de suite. Nous allons sans doute nous retrouver face à un programme d'emprunt assez agressif par le gouvernement du Canada en 2024 et 2025 pour financer les échéances, pour financer les déficits du gouvernement et pour diverses autres dépenses qui ne figurent pas nécessairement dans les déficits. Quand la Banque du Canada commencera à acheter des obligations pour stabiliser son bilan, cela va soulager quelque peu la pression qui s'exerce sur le marché obligataire canadien. C'est un peu gênant pour la Banque du Canada car elle ne va pas recommencer parce qu'elle essaie d'influencer les rendements, mais le calendrier qui s'aligne, la banque ne veut vraiment pas être considérée comme volant au secours du gouvernement. Elle détesterait cette analyse, mais à un moment donné, elle va finir le resserrement quantitatif parce que son bilan sera au niveau approprié et va recommencer à acheter des obligations lorsque son bilan sera parvenu au niveau approprié, ce qui va avoir à la marge un impact sur les rendements.