La Banque du Canada augmente son taux directeur à 0,50 % pour la première fois depuis 2018 et met les gens en garde contre la hausse de l’inflation et la nouvelle source d’incertitude importante que représente l’invasion russe de l’Ukraine. Anthony Okolie discute avec James Orlando, économiste principal, Groupe Banque TD, des efforts déployés par la banque centrale pour maîtriser la hausse des prix.
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La Banque du Canada a relevé son taux de 25 points de base ce matin. C’est la première hausse depuis 2018. James, des commentaires?
Merci, Anthony. C’est une décision à laquelle tout le monde s’attendait. On attendait une hausse depuis un bon moment déjà. Et on en a grandement besoin, compte tenu de la situation de l’emploi. C’est vrai que la vague Omicron a un peu entravé la reprise au Canada, mais on s’attend à un très fort rebond du marché du travail.
L’inflation dépasse 5 % au pays. À notre avis, cette hausse et celles qui suivront seront sans doute nécessaires pour atténuer un peu la pression inflationniste qui s’est accentuée au Canada.
Vous dites que d’autres hausses sont nécessaires. Combien de hausses prévoyez-vous cette année et où se situeront les taux à la fin de 2022?
Oui. On s’attend à une série de hausses de taux lors des prochaines réunions. Et la hausse d’aujourd’hui a mis le processus en marche. Le taux directeur serait d’environ 1,5 % d’ici la fin de 2022. On s’attend à ce qu’il se stabilise aux alentours de 1,75 % au début de 2023. Et avec ces hausses, la Banque du Canada espère calmer un peu l’inflation que l’on observe en ce moment. Elle est donc en train de se mettre à la page des évolutions de l’ensemble de l’économie.
On note que la Banque du Canada cite l’invasion russe en Ukraine comme une source majeure d’incertitude pour l’économie. Comment va-t-elle intégrer ce facteur à ces décisions en matière de politiques?
La Banque du Canada évoque le conflit entre la Russie et l’Ukraine dès le début de son communiqué. Ce qu’elle dit, c’est que... On a tous conscience que l’évolution de ce conflit est très incertaine. Personne ne sait. Personne ne sait vraiment quelles seront les répercussions économiques. Ou quel sera l’impact sur les marchés financiers.
Si la situation se détériore fortement, on risque un resserrement des conditions financières, avec des marchés boursiers qui continuent de chuter, une hausse des taux obligataires et des taux des obligations de société, un resserrement des marchés interbancaires. On aurait un resserrement des conditions financières.
Si on en arrivait là, ce serait un peu étrange que la Banque du Canada poursuive ses hausses de taux, parce qu’elles entraînent aussi un resserrement des conditions financières. Si la situation empire, il est tout à fait possible que la Banque du Canada retarde ses hausses de taux. On surveille de près ces évolutions. Et il est très clair que la Banque du Canada a aussi le regard braqué dessus.
Pour ce qui est des prochaines hausses de taux, pensez-vous qu’elles suffiront à endiguer l’inflation, ou est-ce que cette inflation va persister?
Selon nous, l’inflation va encore rester forte pendant un certain temps. Elle se situe à 5 % en ce moment. On craint qu’elle ne s’enracine davantage dans la société, ce qui se manifeste par la hausse des salaires, davantage de pouvoir de négociation, et tout ce qui va contribuer à alimenter la spirale. Les signes sont nombreux et bien visibles en ce moment.
Il est certain que l’inflation des prix des denrées alimentaires préoccupe énormément les Canadiens en ce moment.
L’augmentation progressive des taux devrait alléger la pression de la demande qui est à l’origine de l’inflation. Mais beaucoup de problèmes d’approvisionnement vont persister. Donc oui, les hausses de taux de la Banque du Canada, sans parler de celles de la Réserve fédérale, auront un effet et limiteront, espérons-le, la hausse que l’on observe actuellement. On espère que l’on va atteindre un pic, mais on ne reviendra pas nécessairement à un taux à 2 % immédiatement.
Et honnêtement, le conflit entre la Russie et l’Ukraine ne va faire qu’exacerber certaines pressions inflationnistes, qu’il s’agisse de la hausse des prix de l’énergie ou des denrées alimentaires. La Russie est un grand producteur de pétrole et de gaz naturel. C’est un scénario qui semble très probable en ce moment. Même si les hausses de taux devraient avoir un effet, il y a tellement d’autres facteurs qui vont probablement maintenir l’inflation au Canada à un niveau plus élevé qu’on le souhaiterait.
Oui. Les événements se bousculent. Qu’anticipez-vous pour le huard? Comment devrait-il évoluer, selon vous?
Pour ce qui est du huard, la plupart des Canadiens sont très surpris que le huard se négocie entre 0,78 $ et 0,79 $ US en ce moment, compte tenu du fait que les prix du pétrole sont si élevés. Habituellement, le huard suit la courbe des prix du pétrole, et leur évolution est intimement liée.
Je crois qu’en ce moment, le huard souffre un peu de l’aversion au risque qui plane sur les marchés boursiers. On est loin des sommets du début de 2022. Sans compter le fait que la Banque du Canada semblait en situation de devancer la Réserve fédérale pour ce qui est des hausses des taux d’intérêt. Et maintenant, la Réserve fédérale va emboîter le pas à la Banque du Canada à la mi-mars. Elle va relever ses taux d’intérêt sans doute au même rythme que la Banque du Canada, mais on peut s’attendre à des hausses de taux plus importantes, étant donné que l’inflation est bien plus forte aux États-Unis qu’au Canada.
Tous ces facteurs sont plutôt en faveur du dollar canadien en ce moment, et le huard a eu énormément de mal à gagner du terrain. Cela dit, si la Russie et l’Ukraine parviennent à une résolution, si le conflit géopolitique s’apaise, le risque qui pèse sur la valeur du dollar canadien pourrait s’estomper. On pourrait observer une petite remontée du huard.
James, merci de nous avoir accordé de votre temps.
Merci.
[MUSIQUE]
Merci, Anthony. C’est une décision à laquelle tout le monde s’attendait. On attendait une hausse depuis un bon moment déjà. Et on en a grandement besoin, compte tenu de la situation de l’emploi. C’est vrai que la vague Omicron a un peu entravé la reprise au Canada, mais on s’attend à un très fort rebond du marché du travail.
L’inflation dépasse 5 % au pays. À notre avis, cette hausse et celles qui suivront seront sans doute nécessaires pour atténuer un peu la pression inflationniste qui s’est accentuée au Canada.
Vous dites que d’autres hausses sont nécessaires. Combien de hausses prévoyez-vous cette année et où se situeront les taux à la fin de 2022?
Oui. On s’attend à une série de hausses de taux lors des prochaines réunions. Et la hausse d’aujourd’hui a mis le processus en marche. Le taux directeur serait d’environ 1,5 % d’ici la fin de 2022. On s’attend à ce qu’il se stabilise aux alentours de 1,75 % au début de 2023. Et avec ces hausses, la Banque du Canada espère calmer un peu l’inflation que l’on observe en ce moment. Elle est donc en train de se mettre à la page des évolutions de l’ensemble de l’économie.
On note que la Banque du Canada cite l’invasion russe en Ukraine comme une source majeure d’incertitude pour l’économie. Comment va-t-elle intégrer ce facteur à ces décisions en matière de politiques?
La Banque du Canada évoque le conflit entre la Russie et l’Ukraine dès le début de son communiqué. Ce qu’elle dit, c’est que... On a tous conscience que l’évolution de ce conflit est très incertaine. Personne ne sait. Personne ne sait vraiment quelles seront les répercussions économiques. Ou quel sera l’impact sur les marchés financiers.
Si la situation se détériore fortement, on risque un resserrement des conditions financières, avec des marchés boursiers qui continuent de chuter, une hausse des taux obligataires et des taux des obligations de société, un resserrement des marchés interbancaires. On aurait un resserrement des conditions financières.
Si on en arrivait là, ce serait un peu étrange que la Banque du Canada poursuive ses hausses de taux, parce qu’elles entraînent aussi un resserrement des conditions financières. Si la situation empire, il est tout à fait possible que la Banque du Canada retarde ses hausses de taux. On surveille de près ces évolutions. Et il est très clair que la Banque du Canada a aussi le regard braqué dessus.
Pour ce qui est des prochaines hausses de taux, pensez-vous qu’elles suffiront à endiguer l’inflation, ou est-ce que cette inflation va persister?
Selon nous, l’inflation va encore rester forte pendant un certain temps. Elle se situe à 5 % en ce moment. On craint qu’elle ne s’enracine davantage dans la société, ce qui se manifeste par la hausse des salaires, davantage de pouvoir de négociation, et tout ce qui va contribuer à alimenter la spirale. Les signes sont nombreux et bien visibles en ce moment.
Il est certain que l’inflation des prix des denrées alimentaires préoccupe énormément les Canadiens en ce moment.
L’augmentation progressive des taux devrait alléger la pression de la demande qui est à l’origine de l’inflation. Mais beaucoup de problèmes d’approvisionnement vont persister. Donc oui, les hausses de taux de la Banque du Canada, sans parler de celles de la Réserve fédérale, auront un effet et limiteront, espérons-le, la hausse que l’on observe actuellement. On espère que l’on va atteindre un pic, mais on ne reviendra pas nécessairement à un taux à 2 % immédiatement.
Et honnêtement, le conflit entre la Russie et l’Ukraine ne va faire qu’exacerber certaines pressions inflationnistes, qu’il s’agisse de la hausse des prix de l’énergie ou des denrées alimentaires. La Russie est un grand producteur de pétrole et de gaz naturel. C’est un scénario qui semble très probable en ce moment. Même si les hausses de taux devraient avoir un effet, il y a tellement d’autres facteurs qui vont probablement maintenir l’inflation au Canada à un niveau plus élevé qu’on le souhaiterait.
Oui. Les événements se bousculent. Qu’anticipez-vous pour le huard? Comment devrait-il évoluer, selon vous?
Pour ce qui est du huard, la plupart des Canadiens sont très surpris que le huard se négocie entre 0,78 $ et 0,79 $ US en ce moment, compte tenu du fait que les prix du pétrole sont si élevés. Habituellement, le huard suit la courbe des prix du pétrole, et leur évolution est intimement liée.
Je crois qu’en ce moment, le huard souffre un peu de l’aversion au risque qui plane sur les marchés boursiers. On est loin des sommets du début de 2022. Sans compter le fait que la Banque du Canada semblait en situation de devancer la Réserve fédérale pour ce qui est des hausses des taux d’intérêt. Et maintenant, la Réserve fédérale va emboîter le pas à la Banque du Canada à la mi-mars. Elle va relever ses taux d’intérêt sans doute au même rythme que la Banque du Canada, mais on peut s’attendre à des hausses de taux plus importantes, étant donné que l’inflation est bien plus forte aux États-Unis qu’au Canada.
Tous ces facteurs sont plutôt en faveur du dollar canadien en ce moment, et le huard a eu énormément de mal à gagner du terrain. Cela dit, si la Russie et l’Ukraine parviennent à une résolution, si le conflit géopolitique s’apaise, le risque qui pèse sur la valeur du dollar canadien pourrait s’estomper. On pourrait observer une petite remontée du huard.
James, merci de nous avoir accordé de votre temps.
Merci.
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