
Beaucoup de choses ont été écrites pour remettre en question les décisions de politique prises par la Banque du Canada, surtout pendant et après la pandémie. Beata Caranci, économiste en chef, Groupe Banque TD, parle des leçons apprises et de ce qu’elles signifient pour la politique monétaire à l’avenir.
Print Transcript
[LOGO AUDIO]
Les Services économiques TD publient un rapport intitulé « La Banque du Canada, l’erreur est humaine, le pardon est divin et l’évolution est nécessaire. » Pour nous donner un aperçu du dernier rapport et ce que cela signifie pour les perspectives de la Banque du Canada, nous accueillons Beata Caranci, économiste en chef au Groupe Banque TD. Ce rapport est fascinant.
J’ai donné le titre du rapport. Mais il y a une partie au bas qui , selon moi, est importante. On y lit que le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a fait des déclarations en octobre 2020.
C’est long, mais l’essentiel, c’est qu’on peut être sûr que les taux d’intérêt demeureront faibles pendant une longue période. Dites-moi pourquoi vous avez écrit sur cette déclaration. Pourquoi avoir parlé de cette déclaration, de ses perspectives et de son impact? Oui. C’était vraiment… cette citation circule beaucoup, avec des rumeurs des marchés et des médias. J’ai donc voulu m’exprimer pour dire qu’il ne faut pas oublier qu’à ce moment-là, on entrait dans une nouvelle vague de COVID.
Même les vaccins n’avaient pas été approuvés à ce stade. L’inflation était inférieure à 1 %. Et donc, en réalité, ce qu’elle tentait de faire, c’était de renforcer la confiance… de dire qu’on pouvait compter sur elle.
Mon idée, c’était de dire qu’il fallait pardonner cette déclaration. Et la prendre pour ce qu’elle était dans le contexte de cette période. L’erreur pour la Banque du Canada et la raison pour laquelle je voulais écrire là-dessus, c’est que le problème n’était pas la déclaration. Mais le fait qu’elle n’a jamais modifié son orientation ni sa façon de penser.
Elle a donc fait preuve… c’est un piège très courant dans les prévisions des économistes et des analystes. Lorsqu’on fixe son point de vue, on s’enlise dans une condition ou des règles passées, ou une analyse antérieure. Et on n’évolue pas vraiment en fonction du changement des données, ou s’il y a eu des modifications au sein de l’économie… des changements structurels, cycliques auxquels il faut porter attention et s’adapter.
Elle n’a donc pas eu une pensée adaptative au fur et à mesure de la pandémie. Courant 2021, il était très clair que les données s’étaient beaucoup améliorées par rapport à ce que tout le monde attendait. Mais elle n’a jamais changé de position. Et la question est de savoir pourquoi alors que les données étaient écrasantes?
Il y a des conséquences très réelles. Et juste avant, on parlait du fait que bien que les États-Unis aient traversé un cycle de désendettement, le Canada, lui, a traversé un cycle d’endettement. Et pour citer votre rapport… c’est bien quand les gens citent vos propres chiffres, non?
Mais c’est fascinant. « La part des montages de prêts hypothécaires à taux d’intérêt variable est passée de 6 % avant la pandémie à 56 % au quatrième trimestre de 2019. » Encore une fois, c’est la nature humaine. Si j’obtiens un faible taux, je vais refinancer le prêt à un faible taux, et maintenant on est vulnérables ou, plutôt, on a plus de dettes à un faible taux. Cela a donc eu des répercussions réelles.
Oui. Et normalement, quand on pense à une banque centrale, son mandat est de surveiller l’inflation et de créer la stabilité autour, la façon dont elle envisage les risques du marché du logement ne fait pas partie de son mandat officiel. C’est souvent traité comme un sous-produit des cycles de taux d’intérêt que doivent gérer les organismes de réglementation. Toutefois, si on laisse les taux d’intérêt à zéro pendant une très longue période, ce qu’elle a fait pendant environ huit trimestres…
Et tout le monde le faisait avant. Oui. On devient le principal facteur expliquant le comportement des gens sur le marché du logement. À mon avis, il y a une certaine responsabilité de réponse et d’augmentation des taux d’intérêt.
Je pense que cela indiquait clairement que les risques financiers migraient et faisaient pencher la balance pour éviter de rester à 0, que c’était la chose la plus sécuritaire à faire parce qu’il fallait relancer l’inflation. Et même les propres recherches de la Banque du Canada montrent que les ménages ajustent leurs attentes d’inflation en fonction de l’évolution des prix des logements. Il y a donc une corrélation qu’il aurait fallu affiner dans leur réflexion.
Il nous reste quelques minutes, il y a une excellente phrase dans le rapport : « On aurait dû, aurait pu, il aurait fallu. Mais maintenant, c’est fait. » Oui. [RIRES]
Oui, on en est là maintenant. Qu’est-ce que ça veut dire pour le Canada en 2023? Oui. On est passé de l’autre côté, n’est-ce pas? [RIRE] Ces indications prospectives ont fait place à des excuses, ce qui est, selon moi, à mettre au crédit de la Banque du Canada, qui a avoué que c’était une erreur de synchronisation, de ne pas avoir quitté le niveau zéro, d’y être resté trop longtemps.
On est sortis de cette hausse rapide des taux d’intérêt maintenant et on est dans le contexte des risques financiers liés au secteur du logement. C’est pourquoi le Canada est plus à risque d’un ralentissement du cycle économique ou d’une lente reprise à long terme parce qu’on doit passer par un cycle de désendettement. Et cela signifie naturellement qu’on doit voler la croissance d’autres secteurs de l’économie où l’argent aurait été investi, les dépenses auraient été faites dans d’autres secteurs de la consommation.
Il y aura donc un effet à long terme. Et lorsqu’on a examiné la situation dans d’autres pays qui ont traversé des cycles de désendettement, il s’agit généralement d’événements pluriannuels. Il serait donc remarquable qu’on puisse s’en sortir complètement indemnes.
Il me reste une minute, mais quand on regarde les perspectives des taux d’intérêt de la Banque du Canada à ce stade, en supposant que le mea culpa soit derrière nous et qu’on regarde ce qu’elle pourrait faire à partir de maintenant, qu’est-ce que vous voyez? Les taux restent-ils élevés plus longtemps? Oui. Encore une fois, en ce moment, elle indique son intention de laisser les taux élevés pendant un certain temps parce qu’elle veut s’assurer que les conditions financières ne se relâchent pas trop rapidement, et qu’on ne voit pas le retour des comportements qu’on veut éviter. Selon nous, quand on examine les risques liés aux taux d’intérêt et le levier financier des prêts hypothécaires, ce serait inhabituel de voir les taux d’intérêt se maintenir à ce niveau vers la fin de l’année, car à chaque trimestre qui passe, de plus en plus de gens renouvelleront leur prêt hypothécaire à des taux d’intérêt beaucoup plus élevés qu’il y a un an.
Et puis, il y a cette composante de prêt hypothécaire à taux variable qui entre en jeu, c’est un peu plus instantané. C’est cet effet composé qui explique la baisse des perspectives économiques canadiennes par rapport à celles des États-Unis, simplement parce qu’il y a une dynamique ici qui nous est propres, pas à eux. On pense donc qu’il est possible de voir un certain soulagement, alors que les pressions des ménages continuent de s’intensifier au fil de l’année.
Cela ne signifie pas qu’on pense que les taux d’intérêt reviendront à 0 %, 1 %, voire 2 % d’ici la fin de l’année. On pense simplement qu’ils pourraient baisser à environ 4,5 % ou 3,5 %… espérons-le. Les taux d’intérêt restent élevés et restrictifs par rapport au passé, mais cela enlève un peu de pression du côté financier des ménages. Cela pourrait entraîner une dynamique plus difficile, un atterrissage plus difficile si ça se prolonge jusqu’en 2024, alors que les prêts hypothécaires continuent de se renouveler. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]
Les Services économiques TD publient un rapport intitulé « La Banque du Canada, l’erreur est humaine, le pardon est divin et l’évolution est nécessaire. » Pour nous donner un aperçu du dernier rapport et ce que cela signifie pour les perspectives de la Banque du Canada, nous accueillons Beata Caranci, économiste en chef au Groupe Banque TD. Ce rapport est fascinant.
J’ai donné le titre du rapport. Mais il y a une partie au bas qui , selon moi, est importante. On y lit que le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a fait des déclarations en octobre 2020.
C’est long, mais l’essentiel, c’est qu’on peut être sûr que les taux d’intérêt demeureront faibles pendant une longue période. Dites-moi pourquoi vous avez écrit sur cette déclaration. Pourquoi avoir parlé de cette déclaration, de ses perspectives et de son impact? Oui. C’était vraiment… cette citation circule beaucoup, avec des rumeurs des marchés et des médias. J’ai donc voulu m’exprimer pour dire qu’il ne faut pas oublier qu’à ce moment-là, on entrait dans une nouvelle vague de COVID.
Même les vaccins n’avaient pas été approuvés à ce stade. L’inflation était inférieure à 1 %. Et donc, en réalité, ce qu’elle tentait de faire, c’était de renforcer la confiance… de dire qu’on pouvait compter sur elle.
Mon idée, c’était de dire qu’il fallait pardonner cette déclaration. Et la prendre pour ce qu’elle était dans le contexte de cette période. L’erreur pour la Banque du Canada et la raison pour laquelle je voulais écrire là-dessus, c’est que le problème n’était pas la déclaration. Mais le fait qu’elle n’a jamais modifié son orientation ni sa façon de penser.
Elle a donc fait preuve… c’est un piège très courant dans les prévisions des économistes et des analystes. Lorsqu’on fixe son point de vue, on s’enlise dans une condition ou des règles passées, ou une analyse antérieure. Et on n’évolue pas vraiment en fonction du changement des données, ou s’il y a eu des modifications au sein de l’économie… des changements structurels, cycliques auxquels il faut porter attention et s’adapter.
Elle n’a donc pas eu une pensée adaptative au fur et à mesure de la pandémie. Courant 2021, il était très clair que les données s’étaient beaucoup améliorées par rapport à ce que tout le monde attendait. Mais elle n’a jamais changé de position. Et la question est de savoir pourquoi alors que les données étaient écrasantes?
Il y a des conséquences très réelles. Et juste avant, on parlait du fait que bien que les États-Unis aient traversé un cycle de désendettement, le Canada, lui, a traversé un cycle d’endettement. Et pour citer votre rapport… c’est bien quand les gens citent vos propres chiffres, non?
Mais c’est fascinant. « La part des montages de prêts hypothécaires à taux d’intérêt variable est passée de 6 % avant la pandémie à 56 % au quatrième trimestre de 2019. » Encore une fois, c’est la nature humaine. Si j’obtiens un faible taux, je vais refinancer le prêt à un faible taux, et maintenant on est vulnérables ou, plutôt, on a plus de dettes à un faible taux. Cela a donc eu des répercussions réelles.
Oui. Et normalement, quand on pense à une banque centrale, son mandat est de surveiller l’inflation et de créer la stabilité autour, la façon dont elle envisage les risques du marché du logement ne fait pas partie de son mandat officiel. C’est souvent traité comme un sous-produit des cycles de taux d’intérêt que doivent gérer les organismes de réglementation. Toutefois, si on laisse les taux d’intérêt à zéro pendant une très longue période, ce qu’elle a fait pendant environ huit trimestres…
Et tout le monde le faisait avant. Oui. On devient le principal facteur expliquant le comportement des gens sur le marché du logement. À mon avis, il y a une certaine responsabilité de réponse et d’augmentation des taux d’intérêt.
Je pense que cela indiquait clairement que les risques financiers migraient et faisaient pencher la balance pour éviter de rester à 0, que c’était la chose la plus sécuritaire à faire parce qu’il fallait relancer l’inflation. Et même les propres recherches de la Banque du Canada montrent que les ménages ajustent leurs attentes d’inflation en fonction de l’évolution des prix des logements. Il y a donc une corrélation qu’il aurait fallu affiner dans leur réflexion.
Il nous reste quelques minutes, il y a une excellente phrase dans le rapport : « On aurait dû, aurait pu, il aurait fallu. Mais maintenant, c’est fait. » Oui. [RIRES]
Oui, on en est là maintenant. Qu’est-ce que ça veut dire pour le Canada en 2023? Oui. On est passé de l’autre côté, n’est-ce pas? [RIRE] Ces indications prospectives ont fait place à des excuses, ce qui est, selon moi, à mettre au crédit de la Banque du Canada, qui a avoué que c’était une erreur de synchronisation, de ne pas avoir quitté le niveau zéro, d’y être resté trop longtemps.
On est sortis de cette hausse rapide des taux d’intérêt maintenant et on est dans le contexte des risques financiers liés au secteur du logement. C’est pourquoi le Canada est plus à risque d’un ralentissement du cycle économique ou d’une lente reprise à long terme parce qu’on doit passer par un cycle de désendettement. Et cela signifie naturellement qu’on doit voler la croissance d’autres secteurs de l’économie où l’argent aurait été investi, les dépenses auraient été faites dans d’autres secteurs de la consommation.
Il y aura donc un effet à long terme. Et lorsqu’on a examiné la situation dans d’autres pays qui ont traversé des cycles de désendettement, il s’agit généralement d’événements pluriannuels. Il serait donc remarquable qu’on puisse s’en sortir complètement indemnes.
Il me reste une minute, mais quand on regarde les perspectives des taux d’intérêt de la Banque du Canada à ce stade, en supposant que le mea culpa soit derrière nous et qu’on regarde ce qu’elle pourrait faire à partir de maintenant, qu’est-ce que vous voyez? Les taux restent-ils élevés plus longtemps? Oui. Encore une fois, en ce moment, elle indique son intention de laisser les taux élevés pendant un certain temps parce qu’elle veut s’assurer que les conditions financières ne se relâchent pas trop rapidement, et qu’on ne voit pas le retour des comportements qu’on veut éviter. Selon nous, quand on examine les risques liés aux taux d’intérêt et le levier financier des prêts hypothécaires, ce serait inhabituel de voir les taux d’intérêt se maintenir à ce niveau vers la fin de l’année, car à chaque trimestre qui passe, de plus en plus de gens renouvelleront leur prêt hypothécaire à des taux d’intérêt beaucoup plus élevés qu’il y a un an.
Et puis, il y a cette composante de prêt hypothécaire à taux variable qui entre en jeu, c’est un peu plus instantané. C’est cet effet composé qui explique la baisse des perspectives économiques canadiennes par rapport à celles des États-Unis, simplement parce qu’il y a une dynamique ici qui nous est propres, pas à eux. On pense donc qu’il est possible de voir un certain soulagement, alors que les pressions des ménages continuent de s’intensifier au fil de l’année.
Cela ne signifie pas qu’on pense que les taux d’intérêt reviendront à 0 %, 1 %, voire 2 % d’ici la fin de l’année. On pense simplement qu’ils pourraient baisser à environ 4,5 % ou 3,5 %… espérons-le. Les taux d’intérêt restent élevés et restrictifs par rapport au passé, mais cela enlève un peu de pression du côté financier des ménages. Cela pourrait entraîner une dynamique plus difficile, un atterrissage plus difficile si ça se prolonge jusqu’en 2024, alors que les prêts hypothécaires continuent de se renouveler. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]