Le dernier budget fédéral comprend une hausse d’impôt grandement attendue pour les institutions financières, notamment les banques et les compagnies d’assurance. Anthony Okolie discute avec Mario Mendonca, directeur général, Valeurs Mobilières TD, des conséquences pour les banques canadiennes et de ses perspectives pour le secteur.
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[MUSIQUE]
Le dernier budget fédéral comprend une hausse d’impôt grandement attendue pour les institutions financières, notamment les banques et les compagnies d’assurance. Il prévoit un impôt unique de 15 % sur le revenu imposable de plus d’un milliard de dollars et une hausse d’impôt de 1,5 % pour les bénéfices de plus de 100 millions de dollars. Pour en savoir plus, je suis accompagné de Mario Mendonca, directeur général à Valeurs Mobilières TD. Mario, quelle pourrait être l’importance de ce nouvel impôt sur les bénéfices des banques?
Bien sûr. J’aimerais toutefois parler d’un point : l’impôt de 15 % ne s’applique qu’aux bénéfices de 2021, alors ce sont vraiment des recettes fiscles ponctuelles. Ce n’est pas quelque chose de continu. La hausse d’impôt de 1,5 % est un impôt continu. En règle générale, le marché ne met pas trop l’accent sur les mesures ponctuelles. On se soucie grandement des bénéfices prévisionnels.
Mais laissez-moi mettre les choses en perspective. Dans le budget, il est estimé que l’impact serait d’environ 6,1 milliards de dollars sur cinq ans. Ce n’est pas très élevé pour les banques canadiennes. Je sais que le montant de 6,1 milliards de dollars peut sembler élevé, mais pour les banques canadiennes, ce n’est pas beaucoup. En 2022, on estime que le revenu avant impôt de nos banques canadiennes, les six grandes banques, va s’élever à environ 81 milliards de dollars. S’il fallait augmenter ce chiffre de 5 % au cours des quatre prochaines années, de façon cumulative, sur cinq ans, on parlerait de 450 milliards de dollars.
N’oubliez pas que ce montant de 6,1 milliards de dollars n’est pas seulement un problème pour les banques, ça s’applique aussi aux compagnies d’assurance. Donc, si on prend les six grandes compagnies d’assurance, dont Intact et Definity, ça représenterait un autre revenu avant impôt de 100 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.
Dans l’ensemble, sur 550 milliards de dollars, un montant de 6,1 milliards de dollars, ça représente environ 1,1 %. Ce n’est pas beaucoup. Et vous pouvez voir que le marché n’a pas vraiment réagi à ça, parce qu’en fait, toutes les actions des banques étaient en hausse le jour suivant le budget. Le marché a donc, à mon avis, regardé attentivement ce chiffre-là et s’est dit : « Vous savez quoi? Ce n’est pas aussi important qu’on l’aurait pensé. Ce n’est pas un chiffre aussi important qu’on le pensait. »
Ce qui est le plus important, c’est l’effet que cela pourrait avoir sur la croissance des prêts hypothécaires. Et je serais heureux d’en parler aussi.
Alors parlons-en. Quelles sont vos perspectives sur la croissance des prêts hypothécaires?
Oui. Il y a eu des périodes dans le passé où, par exemple, l’impôt sur les acheteurs étrangers, ou les conséquences fiscales pour les acheteurs étrangers... et ça s’applique plus à la croissance des prêts hypothécaires pour nos banques canadiennes. Et c’est ce qui est ressorti du budget. Il y a eu des moments dans le passé où on a vu des situations comme celle-ci. L’impôt sur les acheteurs étrangers en Colombie-Britannique en 2016 et dans la RGT au milieu de 2017, deux mesures qui ont eu des répercussions à deux chiffres sur les volumes de prêts hypothécaires, et on parle de baisses.
Alors on pourrait voir un impact sur le volume global de prêts hypothécaires. Toutefois, pour ce qui est des emprunts hypothécaires, les banques vont continuer de les accroître. Mais les nouveaux prêts hypothécaires pourraient connaître une baisse dans les deux chiffres.
Qu’est-ce qui est plus important que les prêts hypothécaires ou, plutôt, l’impôt sur les acheteurs étrangers, quels sont les effets des taux d’intérêt plus élevés? Et quel effet cela pourrait-il avoir sur les prêts hypothécaires? Un facteur qu’il faut vraiment prendre en considération, selon moi, c’est qu’avec l’ampleur de la hausse des taux, que ce soit 125, peut-être jusqu’à 250 points de base, au bout du compte, il y a aussi un précédent. Dans les années 80 et 90, quand les taux hypothécaires ont fortement augmenté, encore une fois, on a vu les volumes de prêts hypothécaires subir des pressions à deux chiffres. Et c’est logique, car lorsque les coûts d’emprunt augmentent de plus de 125 points de base, la taille de la maison que vous pouvez acheter diminue considérablement. On estime ça à environ 12 %.
Donc, la hausse des taux d’intérêt a, selon moi, des répercussions encore plus importantes que l’impôt sur les acheteurs étrangers. N’oubliez pas que les acheteurs étrangers ne représentent qu’environ 8 % de la totalité des propriétaires à Vancouver et environ 5 % des propriétaires à Toronto. Donc ce ne sont pas des chiffres très élevés.
ANTHONY OKOLIE : Dans ce contexte, croyez-vous que les banques canadiennes vont afficher des rendements supérieurs cette année? Eh bien, il s’agit d’une période difficile, car à très court terme, on s’attend à ce que la hausse des taux d’intérêt entraîne de meilleures marges pour nos banques canadiennes. C’est clairement une bonne nouvelle pour les bénéfices. On prévoit aussi une bonne croissance des prêts à court terme.
Mais au début de cette année, vers le 11 février, c’est la date du rapport, j’ai écrit dans ce rapport que les banques canadiennes semblaient un peu excessives du point de vue des évaluations, que le marché avait surtout pris en compte la hausse des taux. Ce qui s’est passé au cours des mois suivants, c’est que les évaluations ont subi des pressions. Les banques sont passées d’environ 11,4 fois les bénéfices de 2023 à environ 10,2 fois les bénéfices de 2023. Elles ont donc perdu une partie de leur élan.
Je dis que c’est une période difficile pour acheter des actions de banque, parce qu’il y a deux facteurs qui me poussent dans des directions différentes. D’une part, je crois vraiment que les bénéfices vont être solides au cours des prochains trimestres, et les évaluations semblent à nouveau assez bonnes. Je suis donc optimiste à l’égard des banques. J’ai l’impression qu’elles vont connaître de solides trimestres et que le marché va apprécier de nouveau ces facteurs-là.
Mais voici le risque. L’investisseur américain a déjà dépassé les avantages des taux. L’investisseur américain se tourne vers les banques américaines et réduit déjà ces actions en prévision des conséquences d’un cycle d’augmentation des taux. Il tient déjà compte des répercussions sur le crédit, comme l’augmentation des pertes sur créances à un moment donné en raison des taux d’intérêt plus élevés.
Et regardez ce que ça a fait aux banques américaines. Au cours des trois derniers mois, les banques installées sur les principales places financières et les banques régionales aux États-Unis ont reculé de 19 %. Au Canada, les banques ont reculé de 4 %. Il est donc clair qu’au Canada, on ne prend pas encore cette décision. Dans l’ensemble, les investisseurs canadiens continuent de tenir compte de la hausse des taux d’intérêt et de l’amélioration de la croissance des prêts, tandis que les investisseurs américains se tournent déjà vers le cycle de crédit.
C’est donc ce que je crois, selon moi. C’est la meilleure estimation que je puisse faire de ce qui va se passer dans un proche avenir. Les banques vont faire bonne figure. Les bénéfices vont être solides. La croissance des bénéfices va être bonne. Les marges vont en profiter. Mais à un moment donné, probablement plus tard cette année, on va devoir tenir compte des répercussions sur le crédit, comme ils le font aux États-Unis. Je suis très positif maintenant, mais je crois que je le serai moins au fur et à mesure que l’année va progresser.
ANTHONY OKOLIE : Mario, excellents commentaires, comme d’habitude. Merci beaucoup de vous être joint à nous.
Merci.
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Le dernier budget fédéral comprend une hausse d’impôt grandement attendue pour les institutions financières, notamment les banques et les compagnies d’assurance. Il prévoit un impôt unique de 15 % sur le revenu imposable de plus d’un milliard de dollars et une hausse d’impôt de 1,5 % pour les bénéfices de plus de 100 millions de dollars. Pour en savoir plus, je suis accompagné de Mario Mendonca, directeur général à Valeurs Mobilières TD. Mario, quelle pourrait être l’importance de ce nouvel impôt sur les bénéfices des banques?
Bien sûr. J’aimerais toutefois parler d’un point : l’impôt de 15 % ne s’applique qu’aux bénéfices de 2021, alors ce sont vraiment des recettes fiscles ponctuelles. Ce n’est pas quelque chose de continu. La hausse d’impôt de 1,5 % est un impôt continu. En règle générale, le marché ne met pas trop l’accent sur les mesures ponctuelles. On se soucie grandement des bénéfices prévisionnels.
Mais laissez-moi mettre les choses en perspective. Dans le budget, il est estimé que l’impact serait d’environ 6,1 milliards de dollars sur cinq ans. Ce n’est pas très élevé pour les banques canadiennes. Je sais que le montant de 6,1 milliards de dollars peut sembler élevé, mais pour les banques canadiennes, ce n’est pas beaucoup. En 2022, on estime que le revenu avant impôt de nos banques canadiennes, les six grandes banques, va s’élever à environ 81 milliards de dollars. S’il fallait augmenter ce chiffre de 5 % au cours des quatre prochaines années, de façon cumulative, sur cinq ans, on parlerait de 450 milliards de dollars.
N’oubliez pas que ce montant de 6,1 milliards de dollars n’est pas seulement un problème pour les banques, ça s’applique aussi aux compagnies d’assurance. Donc, si on prend les six grandes compagnies d’assurance, dont Intact et Definity, ça représenterait un autre revenu avant impôt de 100 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.
Dans l’ensemble, sur 550 milliards de dollars, un montant de 6,1 milliards de dollars, ça représente environ 1,1 %. Ce n’est pas beaucoup. Et vous pouvez voir que le marché n’a pas vraiment réagi à ça, parce qu’en fait, toutes les actions des banques étaient en hausse le jour suivant le budget. Le marché a donc, à mon avis, regardé attentivement ce chiffre-là et s’est dit : « Vous savez quoi? Ce n’est pas aussi important qu’on l’aurait pensé. Ce n’est pas un chiffre aussi important qu’on le pensait. »
Ce qui est le plus important, c’est l’effet que cela pourrait avoir sur la croissance des prêts hypothécaires. Et je serais heureux d’en parler aussi.
Alors parlons-en. Quelles sont vos perspectives sur la croissance des prêts hypothécaires?
Oui. Il y a eu des périodes dans le passé où, par exemple, l’impôt sur les acheteurs étrangers, ou les conséquences fiscales pour les acheteurs étrangers... et ça s’applique plus à la croissance des prêts hypothécaires pour nos banques canadiennes. Et c’est ce qui est ressorti du budget. Il y a eu des moments dans le passé où on a vu des situations comme celle-ci. L’impôt sur les acheteurs étrangers en Colombie-Britannique en 2016 et dans la RGT au milieu de 2017, deux mesures qui ont eu des répercussions à deux chiffres sur les volumes de prêts hypothécaires, et on parle de baisses.
Alors on pourrait voir un impact sur le volume global de prêts hypothécaires. Toutefois, pour ce qui est des emprunts hypothécaires, les banques vont continuer de les accroître. Mais les nouveaux prêts hypothécaires pourraient connaître une baisse dans les deux chiffres.
Qu’est-ce qui est plus important que les prêts hypothécaires ou, plutôt, l’impôt sur les acheteurs étrangers, quels sont les effets des taux d’intérêt plus élevés? Et quel effet cela pourrait-il avoir sur les prêts hypothécaires? Un facteur qu’il faut vraiment prendre en considération, selon moi, c’est qu’avec l’ampleur de la hausse des taux, que ce soit 125, peut-être jusqu’à 250 points de base, au bout du compte, il y a aussi un précédent. Dans les années 80 et 90, quand les taux hypothécaires ont fortement augmenté, encore une fois, on a vu les volumes de prêts hypothécaires subir des pressions à deux chiffres. Et c’est logique, car lorsque les coûts d’emprunt augmentent de plus de 125 points de base, la taille de la maison que vous pouvez acheter diminue considérablement. On estime ça à environ 12 %.
Donc, la hausse des taux d’intérêt a, selon moi, des répercussions encore plus importantes que l’impôt sur les acheteurs étrangers. N’oubliez pas que les acheteurs étrangers ne représentent qu’environ 8 % de la totalité des propriétaires à Vancouver et environ 5 % des propriétaires à Toronto. Donc ce ne sont pas des chiffres très élevés.
ANTHONY OKOLIE : Dans ce contexte, croyez-vous que les banques canadiennes vont afficher des rendements supérieurs cette année? Eh bien, il s’agit d’une période difficile, car à très court terme, on s’attend à ce que la hausse des taux d’intérêt entraîne de meilleures marges pour nos banques canadiennes. C’est clairement une bonne nouvelle pour les bénéfices. On prévoit aussi une bonne croissance des prêts à court terme.
Mais au début de cette année, vers le 11 février, c’est la date du rapport, j’ai écrit dans ce rapport que les banques canadiennes semblaient un peu excessives du point de vue des évaluations, que le marché avait surtout pris en compte la hausse des taux. Ce qui s’est passé au cours des mois suivants, c’est que les évaluations ont subi des pressions. Les banques sont passées d’environ 11,4 fois les bénéfices de 2023 à environ 10,2 fois les bénéfices de 2023. Elles ont donc perdu une partie de leur élan.
Je dis que c’est une période difficile pour acheter des actions de banque, parce qu’il y a deux facteurs qui me poussent dans des directions différentes. D’une part, je crois vraiment que les bénéfices vont être solides au cours des prochains trimestres, et les évaluations semblent à nouveau assez bonnes. Je suis donc optimiste à l’égard des banques. J’ai l’impression qu’elles vont connaître de solides trimestres et que le marché va apprécier de nouveau ces facteurs-là.
Mais voici le risque. L’investisseur américain a déjà dépassé les avantages des taux. L’investisseur américain se tourne vers les banques américaines et réduit déjà ces actions en prévision des conséquences d’un cycle d’augmentation des taux. Il tient déjà compte des répercussions sur le crédit, comme l’augmentation des pertes sur créances à un moment donné en raison des taux d’intérêt plus élevés.
Et regardez ce que ça a fait aux banques américaines. Au cours des trois derniers mois, les banques installées sur les principales places financières et les banques régionales aux États-Unis ont reculé de 19 %. Au Canada, les banques ont reculé de 4 %. Il est donc clair qu’au Canada, on ne prend pas encore cette décision. Dans l’ensemble, les investisseurs canadiens continuent de tenir compte de la hausse des taux d’intérêt et de l’amélioration de la croissance des prêts, tandis que les investisseurs américains se tournent déjà vers le cycle de crédit.
C’est donc ce que je crois, selon moi. C’est la meilleure estimation que je puisse faire de ce qui va se passer dans un proche avenir. Les banques vont faire bonne figure. Les bénéfices vont être solides. La croissance des bénéfices va être bonne. Les marges vont en profiter. Mais à un moment donné, probablement plus tard cette année, on va devoir tenir compte des répercussions sur le crédit, comme ils le font aux États-Unis. Je suis très positif maintenant, mais je crois que je le serai moins au fur et à mesure que l’année va progresser.
ANTHONY OKOLIE : Mario, excellents commentaires, comme d’habitude. Merci beaucoup de vous être joint à nous.
Merci.
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