Gestion de Placements TD (GPTD) lance un FNB pour offrir aux investisseurs une exposition mondiale au marché des crédits carbone en expansion ainsi que des occasions de diversification. Kim Parlee s’entretient avec Michael Craig et Hussein Allidina, cogestionnaires du FNB indiciel de crédits carbone mondiaux TD (TCBN).
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Bienvenue à Parlons argent. Ici Kim Parlee. La transition vers une économie à faibles émissions de carbone est bien entamée. Cette transition a des effets intéressants sur toutes sortes d’économies. Une façon d’inciter les pollueurs à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre est de mettre un prix sur celles-ci, donc de fixer un prix sur le carbone, et il existe à présent un FNB qui suit le prix des crédits carbone. Entrons dans les détails avec Michael Craig, chef, Répartition des actifs à Gestion de Placements TD, et Hussein Allidina, chef, Produits de base à Gestion de Placements TD. Ils sont cogestionnaires de portefeuille pour le FNB indiciel de crédits carbone mondiaux TD, de symbole TCBN, qui a été lancé aujourd’hui à la Bourse de Toronto. J’en ai dit beaucoup. J’en avais beaucoup à dire. C’est un plaisir de vous accueillir tous les deux.
Merci de nous avoir invités.
Commençons. Je veux aborder en détail le FNB et son fonctionnement. Mais avant, nous n’en avons pas parlé depuis un moment, donc je voudrais qu’on parle des marchés. En 30 secondes ou moins, pouvez-vous me dire ce que vous voyez actuellement, en cette fin d’été et en ce début d’automne?
Eh bien, les marchés ont encaissé un coup dur avec le discours de Powell vendredi dernier à Jackson Hole, et ce, partout dans le monde. Je pense que les banques centrales suivront le pas et que les taux augmenteront et demeureront élevés un certain temps, une perspective qui a fait peur aux marchés boursiers. Ils ont baissé de 5 à 6 % depuis. Donc, on aura une période de resserrement avec des taux plus élevés. Cela ne plaira pas aux marchés. Cela ne plaira pas aux consommateurs. Et je pense qu’on aura une hausse tout à fait volatile pour l’ensemble des marchés boursiers quand les gens se remettront du carnage et réévalueront où ils en sont.
Rien de plaisant. Eh bien. Une chose intéressante dont on va parler aussi, je crois, c’est de l’effet de compensation que quelque chose comme cela pourrait avoir sur les marchés pendant quelque temps. Mais parlons un peu du FNB indiciel de crédits carbone mondiaux TD. En fait, vous étiez tous les deux à la Bourse de Toronto ce matin, à l’ouverture des marchés. Vous aviez l’air plutôt contents, c’est vraiment excitant, ce qui s’est passé. Hussein, je peux commencer avec vous? Pourriez-vous expliquer, peut-être, ce que sont les crédits carbone et comment fonctionne le marché des crédits carbone?
Oui, bien sûr. Donc, il existe quelques manières différentes de mettre un prix sur le carbone au Canada, par exemple. On a une taxe sur le carbone. Ce n’est pas ce dont on parle avec ce FNB. Dans d’autres marchés, comme en Europe, en Californie, dans le nord-est des États-Unis et sur le marché des énergies renouvelables, il existe un système de plafonnement et d’échange. Dans les grandes lignes, cela signifie qu’une industrie visée par la réglementation doit acheter des crédits pour compenser ses émissions. Un crédit, en règle générale, correspond à une tonne de carbone produite chaque année en Europe. Une entité visée doit soumettre un crédit carbone, qu’elle se voit allouer ou qu’elle achète sur le marché libre, pour contrebalancer ses émissions de l’année précédente. En Europe en particulier, disons que vous êtes un raffineur et moi aussi, nous recevons tous deux une allocation. Si votre exploitation est plus propre que la mienne, vous pourriez avoir des crédits en trop, que vous pourriez alors vendre sur le marché. En tant qu’exploitant plus polluant, je devrais aller sur le marché et acheter ces crédits. Si je ne les ai pas, j’écope d’une amende quotidiennement, et il s’agit d’un montant plutôt exorbitant. Dans les faits, cette structure permet que le prix du carbone soit déterminé par le marché, et non par un organisme de réglementation ou le gouvernement. C’est le marché qui définit le prix du carbone. L’objectif est que ce prix atteigne un niveau qui nous découragent tous les deux d’avoir des émissions. Oui.
Et vous avez mentionné les raffineurs comme exemple. C’est bien évidemment une des entreprises dont il est question, mais quels sont les autres types d’entreprises, les industries qui sont responsables de la plupart des émissions? Qui a le plus besoin de cette offre de crédits?
C’est une bonne question. Donc, d’abord, à l’échelle mondiale, on constate qu’on imposait auparavant peu de pénalités pour les émissions : il y a 10 ans, environ 5 % des émissions mondiales étaient visées par une forme ou une autre soit de tarification du carbone ou de système de plafonnement et d’échange. Aujourd’hui, cette statistique atteint presque 25 %. À l’avenir, ce nombre devrait continuer de croître à mesure que les économies de plus de pays établissent une tarification du carbone, plus spécifiquement du côté des industries visées. Si on se tourne vers l’Europe, principalement visée par notre FNB actuellement, environ 36 % des émissions sont couvertes par un programme de plafonnement et d’échange. Et dans l’économie, ce sont les secteurs les plus polluants qui sont ciblés. On pense ici aux matériaux industriels, aux pâtes et papiers, aux raffineries, à la production d’énergie, à l’aviation. La liste va s’enrichir au fil du temps, et plus d’industries seront donc ajoutées.
Je veux revenir là-dessus, mais avant, pouvez-vous expliquer pour quoi ce FNB est conçu?
Au tout début, nous allons suivre l’évolution des prix du carbone en Europe. L’Europe est le marché le plus important en ce moment, le plus liquide. D’un point de vue d’investisseur, il nous offre la plus grande liquidité et le moins de frictions pour établir une position. Dans quelque temps, vous savez – vous avez mentionné le nord-est, la Californie, le Royaume-Uni, etc. – d’autres marchés évolueront, et on s’attend à ce qu’ils soient représentés dans ce FNB. Mais pour le moment, pour des raisons de liquidité, le marché européen est celui que nous suivons. Ce n’est que le début, mais nous croyons qu’il s’agit d’un système très, très prudent pour réduire le carbone à long terme. Nous voulions nous assurer d’avoir un instrument de placement à utiliser dans nos comptes.
Il s’agit d’un moment intéressant pour lancer ce FNB. Comme vous l’avez dit, ce n’est qu’un début. Et vous avez mentionné que le prix des crédits carbone sera influencé par l’offre et la demande. Parlez-nous un peu plus de cela. Oui. Enfin, allez-y.
Alors en Europe, encore une fois, revenons à mon exemple de raffinerie. On se voit allouer des crédits. Par contre, l’allocation gratuite qu’on obtient diminue au fil du temps, et c’est volontaire, c’est prévu par la réglementation. En ce moment, dans les grandes lignes, les émissions totales doivent diminuer d’environ 2 % et quelque par année. Il se pourrait que cela cesse un jour, mais actuellement, l’allocation de crédits diminue à moins que notre demande de crédits diminue, ce qui signifie que nos émissions diminuent, et donc que le marché est en déficit. Au final, c’est pour cette raison qu’on est optimistes par rapport aux prix du carbone : en raison de la loi, la quantité de crédits qui circulent dans le système diminue.
Et j’imagine que cela serait en grande partie influencé par un retour de la croissance. Je me projette un peu dans l’avenir ici, mais avec la croissance, les émissions augmentent, et les besoins en crédits aussi. Mais si je comprends bien, les prix du carbone sont plutôt fixes en Europe, alors qu’ils ont été volatils ailleurs et qu’on constate de la volatilité dans beaucoup d’autres catégories d’actifs. Vous vous y attendez? Vous attendez-vous à plus de volatilité de ce côté?
Les prix du carbone sont volatils comparativement à ceux de nos actions et de nos titres à revenu fixe traditionnels. Mais certaines choses me surprennent par rapport au carbone. Vous savez, si vous m’aviez demandé il y a 12 mois, pendant que l’Europe tombait en récession, si les prix du carbone allaient monter ou descendre, je vous aurais répondu que les prix du carbone, vu la faible croissance économique, diminueraient. Oui. Par contre, ce qui se passe en Europe, c’est qu’en raison de la pénurie de gaz naturel, des sources d’énergie plus polluantes, par exemple le charbon, voit leur production augmenter. Donc, la demande de crédits carbone augmente et les prix sont demeurés plutôt fixes. Aujourd’hui, ils se négocient à un peu plus de 80 € la tonne. Au point le plus élevé, on était presque à 100 € la tonne. Ils ont un peu reculé au cours de la dernière semaine, de la dernière semaine et demie, étant donné l’augmentation des inquiétudes sur ce que l’Europe pourrait faire avec le programme. Cela explique le ralentissement. Mais dans l’ensemble, les prix du carbone ont connu une meilleure performance que les actions et les titres à revenu fixe.
Depuis le début de l’exercice, les obligations et les actions ont baissé de plus de 10 %, tout comme les métaux. Mais le carbone a crû de 2 ou 3 %. Donc, oui, il y a eu beaucoup de volatilité, mais à l’échelle de l’année, les rendements sont bons. Oui. Et encore une fois, c’est fait pour être ainsi, n’est-ce pas? Personne ne veut que les crédits carbone connaissent une croissance fulgurante comme les prix de l’énergie, mais on ne veut certainement pas qu’ils diminuent. Jusqu’à un certain point, une certaine stabilité est encouragée, mais cela demeure une catégorie d’actif volatile. Cependant, elle se comporte un peu comme en vase clos. Elle n’a pas beaucoup de liens avec les obligations ou les actions.
C’est bien, puisque cela contrebalance le caractère cyclique de ce type de marché. On en est à peu près à 15 secondes d’existence, mais osez-vous faire des prévisions pour les prix? Vous avez dit à peu près 80 € la tonne en ce moment. À quoi devrions-nous nous attendre?
Nous n’avons pas de prévision officielle pour les prix. Mais si vous regardez ce que disent les chercheurs, la Banque mondiale, l’ONU et d’autres, si on veut quelque chance que ce soit d’atteindre nos objectifs climatiques pour Paris 2030, les prix doivent être supérieurs à 100 $ US la tonne. C’est le consensus sur ce qu’il faut atteindre. D’autres groupes ont fait des prédictions de prix beaucoup plus élevées. Si on regarde l’offre et la demande de carbone en Europe, il faudrait une croissance fortement ralentie, et donc beaucoup moins d’émissions de carbone, pour qu’il y ait un déficit. Cela entraînerait des prix supérieurs selon nous.
On a effleuré le sujet du fonctionnement du marché des crédits carbone. Mais je veux vous poser la question que les gens qui nous regardent se posent sûrement le plus : pourquoi mettre des parts d’un FNB de carbone dans son portefeuille? Je répondrais aux gens de faire leurs propres recherches et ce qui est bon pour eux, mais qu’en pensez-vous?
Donc, deux caractéristiques doivent être mises de l’avant. A, les crédits carbone sont volatils, plus volatils que les actions et les obligations, mais B, ils tendent à évoluer en suivant un axe qui leur est propre. Il existe peu de corrélation avec d’autres actifs. En tant que répartiteur de multiples actifs, quand on trouve un placement qui augmentera sûrement et a une faible corrélation avec ce qu’on détient, c’est intéressant. Dans une perspective de diversification, il s’agit d’une option plutôt attirante. Ensuite, de plus en plus d’entreprises seront visées par ce protocole de négociation, ce qui aura un effet soit sur leurs revenus, soit sur leurs gains. Donc, une entreprise faisant face à une nouvelle dépense peut soit la faire payer par ses clients, ce qui se traduit par une diminution des profits, soit l’absorber, ce qui se traduit par des marges plus faibles. C’est une façon de protéger un portefeuille dans la mesure où le prix du carbone augmente. Donc, vous misez peut-être sur les compagnies pétrolières et, si leurs cours sont quelque peu touchés, vous compensez par le FNB de carbone. C’est cela. Il y a un aspect de diversification et un de protection. Vous savez, j’ai grandi sur la côte ouest. Je n’avais jamais entendu parler d’inondations dues à des rivières atmosphériques dans les 30 ans où j’y ai vécu. Et, en novembre seulement, il y en a eu trois. En ce moment, la moitié du Pakistan est sous l’eau. Le climat mondial change. Le changement climatique est bien réel. Et nous devons trouver de véritables solutions. Je pense que ce genre de mécanisme harmonise l’industrie et les consommateurs. Il faut prendre des décisions. Il faut innover ou moins consommer, et il faut le faire maintenant. Je pense que c’est ce qu’il y a d’intéressant avec cette solution.
En effet. Je suis curieuse, du point de vue du risque, quand on regarde cela, on peut voir la croissance et, tout aussi clairement, on voit la corrélation négative. Par contre, je crois qu’il existe aussi une réglementation stricte, ce qui pourrait en faire un enjeu politique. Dans un contexte inflationniste, cela représente un coût supplémentaire. Donc, quels sont les risques que les gens doivent garder en tête?
Oui. Je pense qu’en matière de carbone et de demande pour les crédits, la croissance est, de toute évidence, un risque important. Si la croissance économique est faible, il y a moins de production, donc moins d’émissions de carbone, et c’est un risque. Un risque extrême existe aussi parce que le marché dépend de la réglementation. La raison pour laquelle le SEQE-UE est en place est que le gouvernement européen s’est mis d’accord sur la quantité de crédits alloués et sur l’évolution de cette quantité au fil du temps. Il pourrait y avoir une pause ou une suspension du programme peu après la hausse des prix de l’énergie qui se produit en ce moment. Mais pour mettre les choses en perspective, Kim, je crois qu’il est important d’indiquer que le prix du carbone en Europe est de 80 $ la tonne. S’en débarrasser complètement ne résoudrait pas le problème énergétique. On peut même dire que cela l’empirerait parce qu’il faudrait une transition en raison des enjeux dont Mike a parlé. Mais je crois que le plus grand risque est que demain matin ou la semaine prochaine, l’Europe annonce une suspension du programme.
Une dernière question, et c’est un point que vous avez abordé aussi, mais sur le plan de la répartition des actifs, l’absence de corrélation est importante. Je pense que c’est ce qu’il y a d’intéressant à considérer pour les gens au moment où ils bâtissent leurs portefeuilles pour veiller à ce qu’ils résistent aux fluctuations des marchés.
Tout à fait. Oui, tout à fait. Nous avons beaucoup travaillé là-dessus. C’est ce que je conseillerais. Mais, vous savez, même si vous en venez à ce que la part occupée par le carbone dans le portefeuille soit assez importante, vous avez tout de même un portefeuille avec des caractéristiques intéressantes en matière de risque et de rendement. Donc, en fait, même quand on met les maths à l’épreuve, on peut avoir une répartition assez intéressante sans même avoir besoin de connaître quoi que ce soit sur la catégorie d’actif. On peut seulement se fier à ses caractéristiques en matière de risque et de rendement. Donc, la journée a été intéressante. Ce n’est pas tous les jours qu’on fait partie du lancement d’une toute nouvelle catégorie d’actif, puisque c’est pratiquement ce dont il s’agit, et ce qui est merveilleux, c’est qu’il s’agit d’une option qui améliore la dynamique des portefeuilles d’une façon qu’on n’aurait pas autrement.
Bienvenue à Parlons argent. Ici Kim Parlee. La transition vers une économie à faibles émissions de carbone est bien entamée. Cette transition a des effets intéressants sur toutes sortes d’économies. Une façon d’inciter les pollueurs à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre est de mettre un prix sur celles-ci, donc de fixer un prix sur le carbone, et il existe à présent un FNB qui suit le prix des crédits carbone. Entrons dans les détails avec Michael Craig, chef, Répartition des actifs à Gestion de Placements TD, et Hussein Allidina, chef, Produits de base à Gestion de Placements TD. Ils sont cogestionnaires de portefeuille pour le FNB indiciel de crédits carbone mondiaux TD, de symbole TCBN, qui a été lancé aujourd’hui à la Bourse de Toronto. J’en ai dit beaucoup. J’en avais beaucoup à dire. C’est un plaisir de vous accueillir tous les deux.
Merci de nous avoir invités.
Commençons. Je veux aborder en détail le FNB et son fonctionnement. Mais avant, nous n’en avons pas parlé depuis un moment, donc je voudrais qu’on parle des marchés. En 30 secondes ou moins, pouvez-vous me dire ce que vous voyez actuellement, en cette fin d’été et en ce début d’automne?
Eh bien, les marchés ont encaissé un coup dur avec le discours de Powell vendredi dernier à Jackson Hole, et ce, partout dans le monde. Je pense que les banques centrales suivront le pas et que les taux augmenteront et demeureront élevés un certain temps, une perspective qui a fait peur aux marchés boursiers. Ils ont baissé de 5 à 6 % depuis. Donc, on aura une période de resserrement avec des taux plus élevés. Cela ne plaira pas aux marchés. Cela ne plaira pas aux consommateurs. Et je pense qu’on aura une hausse tout à fait volatile pour l’ensemble des marchés boursiers quand les gens se remettront du carnage et réévalueront où ils en sont.
Rien de plaisant. Eh bien. Une chose intéressante dont on va parler aussi, je crois, c’est de l’effet de compensation que quelque chose comme cela pourrait avoir sur les marchés pendant quelque temps. Mais parlons un peu du FNB indiciel de crédits carbone mondiaux TD. En fait, vous étiez tous les deux à la Bourse de Toronto ce matin, à l’ouverture des marchés. Vous aviez l’air plutôt contents, c’est vraiment excitant, ce qui s’est passé. Hussein, je peux commencer avec vous? Pourriez-vous expliquer, peut-être, ce que sont les crédits carbone et comment fonctionne le marché des crédits carbone?
Oui, bien sûr. Donc, il existe quelques manières différentes de mettre un prix sur le carbone au Canada, par exemple. On a une taxe sur le carbone. Ce n’est pas ce dont on parle avec ce FNB. Dans d’autres marchés, comme en Europe, en Californie, dans le nord-est des États-Unis et sur le marché des énergies renouvelables, il existe un système de plafonnement et d’échange. Dans les grandes lignes, cela signifie qu’une industrie visée par la réglementation doit acheter des crédits pour compenser ses émissions. Un crédit, en règle générale, correspond à une tonne de carbone produite chaque année en Europe. Une entité visée doit soumettre un crédit carbone, qu’elle se voit allouer ou qu’elle achète sur le marché libre, pour contrebalancer ses émissions de l’année précédente. En Europe en particulier, disons que vous êtes un raffineur et moi aussi, nous recevons tous deux une allocation. Si votre exploitation est plus propre que la mienne, vous pourriez avoir des crédits en trop, que vous pourriez alors vendre sur le marché. En tant qu’exploitant plus polluant, je devrais aller sur le marché et acheter ces crédits. Si je ne les ai pas, j’écope d’une amende quotidiennement, et il s’agit d’un montant plutôt exorbitant. Dans les faits, cette structure permet que le prix du carbone soit déterminé par le marché, et non par un organisme de réglementation ou le gouvernement. C’est le marché qui définit le prix du carbone. L’objectif est que ce prix atteigne un niveau qui nous découragent tous les deux d’avoir des émissions. Oui.
Et vous avez mentionné les raffineurs comme exemple. C’est bien évidemment une des entreprises dont il est question, mais quels sont les autres types d’entreprises, les industries qui sont responsables de la plupart des émissions? Qui a le plus besoin de cette offre de crédits?
C’est une bonne question. Donc, d’abord, à l’échelle mondiale, on constate qu’on imposait auparavant peu de pénalités pour les émissions : il y a 10 ans, environ 5 % des émissions mondiales étaient visées par une forme ou une autre soit de tarification du carbone ou de système de plafonnement et d’échange. Aujourd’hui, cette statistique atteint presque 25 %. À l’avenir, ce nombre devrait continuer de croître à mesure que les économies de plus de pays établissent une tarification du carbone, plus spécifiquement du côté des industries visées. Si on se tourne vers l’Europe, principalement visée par notre FNB actuellement, environ 36 % des émissions sont couvertes par un programme de plafonnement et d’échange. Et dans l’économie, ce sont les secteurs les plus polluants qui sont ciblés. On pense ici aux matériaux industriels, aux pâtes et papiers, aux raffineries, à la production d’énergie, à l’aviation. La liste va s’enrichir au fil du temps, et plus d’industries seront donc ajoutées.
Je veux revenir là-dessus, mais avant, pouvez-vous expliquer pour quoi ce FNB est conçu?
Au tout début, nous allons suivre l’évolution des prix du carbone en Europe. L’Europe est le marché le plus important en ce moment, le plus liquide. D’un point de vue d’investisseur, il nous offre la plus grande liquidité et le moins de frictions pour établir une position. Dans quelque temps, vous savez – vous avez mentionné le nord-est, la Californie, le Royaume-Uni, etc. – d’autres marchés évolueront, et on s’attend à ce qu’ils soient représentés dans ce FNB. Mais pour le moment, pour des raisons de liquidité, le marché européen est celui que nous suivons. Ce n’est que le début, mais nous croyons qu’il s’agit d’un système très, très prudent pour réduire le carbone à long terme. Nous voulions nous assurer d’avoir un instrument de placement à utiliser dans nos comptes.
Il s’agit d’un moment intéressant pour lancer ce FNB. Comme vous l’avez dit, ce n’est qu’un début. Et vous avez mentionné que le prix des crédits carbone sera influencé par l’offre et la demande. Parlez-nous un peu plus de cela. Oui. Enfin, allez-y.
Alors en Europe, encore une fois, revenons à mon exemple de raffinerie. On se voit allouer des crédits. Par contre, l’allocation gratuite qu’on obtient diminue au fil du temps, et c’est volontaire, c’est prévu par la réglementation. En ce moment, dans les grandes lignes, les émissions totales doivent diminuer d’environ 2 % et quelque par année. Il se pourrait que cela cesse un jour, mais actuellement, l’allocation de crédits diminue à moins que notre demande de crédits diminue, ce qui signifie que nos émissions diminuent, et donc que le marché est en déficit. Au final, c’est pour cette raison qu’on est optimistes par rapport aux prix du carbone : en raison de la loi, la quantité de crédits qui circulent dans le système diminue.
Et j’imagine que cela serait en grande partie influencé par un retour de la croissance. Je me projette un peu dans l’avenir ici, mais avec la croissance, les émissions augmentent, et les besoins en crédits aussi. Mais si je comprends bien, les prix du carbone sont plutôt fixes en Europe, alors qu’ils ont été volatils ailleurs et qu’on constate de la volatilité dans beaucoup d’autres catégories d’actifs. Vous vous y attendez? Vous attendez-vous à plus de volatilité de ce côté?
Les prix du carbone sont volatils comparativement à ceux de nos actions et de nos titres à revenu fixe traditionnels. Mais certaines choses me surprennent par rapport au carbone. Vous savez, si vous m’aviez demandé il y a 12 mois, pendant que l’Europe tombait en récession, si les prix du carbone allaient monter ou descendre, je vous aurais répondu que les prix du carbone, vu la faible croissance économique, diminueraient. Oui. Par contre, ce qui se passe en Europe, c’est qu’en raison de la pénurie de gaz naturel, des sources d’énergie plus polluantes, par exemple le charbon, voit leur production augmenter. Donc, la demande de crédits carbone augmente et les prix sont demeurés plutôt fixes. Aujourd’hui, ils se négocient à un peu plus de 80 € la tonne. Au point le plus élevé, on était presque à 100 € la tonne. Ils ont un peu reculé au cours de la dernière semaine, de la dernière semaine et demie, étant donné l’augmentation des inquiétudes sur ce que l’Europe pourrait faire avec le programme. Cela explique le ralentissement. Mais dans l’ensemble, les prix du carbone ont connu une meilleure performance que les actions et les titres à revenu fixe.
Depuis le début de l’exercice, les obligations et les actions ont baissé de plus de 10 %, tout comme les métaux. Mais le carbone a crû de 2 ou 3 %. Donc, oui, il y a eu beaucoup de volatilité, mais à l’échelle de l’année, les rendements sont bons. Oui. Et encore une fois, c’est fait pour être ainsi, n’est-ce pas? Personne ne veut que les crédits carbone connaissent une croissance fulgurante comme les prix de l’énergie, mais on ne veut certainement pas qu’ils diminuent. Jusqu’à un certain point, une certaine stabilité est encouragée, mais cela demeure une catégorie d’actif volatile. Cependant, elle se comporte un peu comme en vase clos. Elle n’a pas beaucoup de liens avec les obligations ou les actions.
C’est bien, puisque cela contrebalance le caractère cyclique de ce type de marché. On en est à peu près à 15 secondes d’existence, mais osez-vous faire des prévisions pour les prix? Vous avez dit à peu près 80 € la tonne en ce moment. À quoi devrions-nous nous attendre?
Nous n’avons pas de prévision officielle pour les prix. Mais si vous regardez ce que disent les chercheurs, la Banque mondiale, l’ONU et d’autres, si on veut quelque chance que ce soit d’atteindre nos objectifs climatiques pour Paris 2030, les prix doivent être supérieurs à 100 $ US la tonne. C’est le consensus sur ce qu’il faut atteindre. D’autres groupes ont fait des prédictions de prix beaucoup plus élevées. Si on regarde l’offre et la demande de carbone en Europe, il faudrait une croissance fortement ralentie, et donc beaucoup moins d’émissions de carbone, pour qu’il y ait un déficit. Cela entraînerait des prix supérieurs selon nous.
On a effleuré le sujet du fonctionnement du marché des crédits carbone. Mais je veux vous poser la question que les gens qui nous regardent se posent sûrement le plus : pourquoi mettre des parts d’un FNB de carbone dans son portefeuille? Je répondrais aux gens de faire leurs propres recherches et ce qui est bon pour eux, mais qu’en pensez-vous?
Donc, deux caractéristiques doivent être mises de l’avant. A, les crédits carbone sont volatils, plus volatils que les actions et les obligations, mais B, ils tendent à évoluer en suivant un axe qui leur est propre. Il existe peu de corrélation avec d’autres actifs. En tant que répartiteur de multiples actifs, quand on trouve un placement qui augmentera sûrement et a une faible corrélation avec ce qu’on détient, c’est intéressant. Dans une perspective de diversification, il s’agit d’une option plutôt attirante. Ensuite, de plus en plus d’entreprises seront visées par ce protocole de négociation, ce qui aura un effet soit sur leurs revenus, soit sur leurs gains. Donc, une entreprise faisant face à une nouvelle dépense peut soit la faire payer par ses clients, ce qui se traduit par une diminution des profits, soit l’absorber, ce qui se traduit par des marges plus faibles. C’est une façon de protéger un portefeuille dans la mesure où le prix du carbone augmente. Donc, vous misez peut-être sur les compagnies pétrolières et, si leurs cours sont quelque peu touchés, vous compensez par le FNB de carbone. C’est cela. Il y a un aspect de diversification et un de protection. Vous savez, j’ai grandi sur la côte ouest. Je n’avais jamais entendu parler d’inondations dues à des rivières atmosphériques dans les 30 ans où j’y ai vécu. Et, en novembre seulement, il y en a eu trois. En ce moment, la moitié du Pakistan est sous l’eau. Le climat mondial change. Le changement climatique est bien réel. Et nous devons trouver de véritables solutions. Je pense que ce genre de mécanisme harmonise l’industrie et les consommateurs. Il faut prendre des décisions. Il faut innover ou moins consommer, et il faut le faire maintenant. Je pense que c’est ce qu’il y a d’intéressant avec cette solution.
En effet. Je suis curieuse, du point de vue du risque, quand on regarde cela, on peut voir la croissance et, tout aussi clairement, on voit la corrélation négative. Par contre, je crois qu’il existe aussi une réglementation stricte, ce qui pourrait en faire un enjeu politique. Dans un contexte inflationniste, cela représente un coût supplémentaire. Donc, quels sont les risques que les gens doivent garder en tête?
Oui. Je pense qu’en matière de carbone et de demande pour les crédits, la croissance est, de toute évidence, un risque important. Si la croissance économique est faible, il y a moins de production, donc moins d’émissions de carbone, et c’est un risque. Un risque extrême existe aussi parce que le marché dépend de la réglementation. La raison pour laquelle le SEQE-UE est en place est que le gouvernement européen s’est mis d’accord sur la quantité de crédits alloués et sur l’évolution de cette quantité au fil du temps. Il pourrait y avoir une pause ou une suspension du programme peu après la hausse des prix de l’énergie qui se produit en ce moment. Mais pour mettre les choses en perspective, Kim, je crois qu’il est important d’indiquer que le prix du carbone en Europe est de 80 $ la tonne. S’en débarrasser complètement ne résoudrait pas le problème énergétique. On peut même dire que cela l’empirerait parce qu’il faudrait une transition en raison des enjeux dont Mike a parlé. Mais je crois que le plus grand risque est que demain matin ou la semaine prochaine, l’Europe annonce une suspension du programme.
Une dernière question, et c’est un point que vous avez abordé aussi, mais sur le plan de la répartition des actifs, l’absence de corrélation est importante. Je pense que c’est ce qu’il y a d’intéressant à considérer pour les gens au moment où ils bâtissent leurs portefeuilles pour veiller à ce qu’ils résistent aux fluctuations des marchés.
Tout à fait. Oui, tout à fait. Nous avons beaucoup travaillé là-dessus. C’est ce que je conseillerais. Mais, vous savez, même si vous en venez à ce que la part occupée par le carbone dans le portefeuille soit assez importante, vous avez tout de même un portefeuille avec des caractéristiques intéressantes en matière de risque et de rendement. Donc, en fait, même quand on met les maths à l’épreuve, on peut avoir une répartition assez intéressante sans même avoir besoin de connaître quoi que ce soit sur la catégorie d’actif. On peut seulement se fier à ses caractéristiques en matière de risque et de rendement. Donc, la journée a été intéressante. Ce n’est pas tous les jours qu’on fait partie du lancement d’une toute nouvelle catégorie d’actif, puisque c’est pratiquement ce dont il s’agit, et ce qui est merveilleux, c’est qu’il s’agit d’une option qui améliore la dynamique des portefeuilles d’une façon qu’on n’aurait pas autrement.