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La pandémie qui persiste a mis en lumière les lacunes des chaînes d’approvisionnement mondiales, notamment celles des constructeurs automobiles. Anthony Okolie et Thomas Feltmate, économiste principal, Groupe Banque TD, discutent des mesures que les sociétés automobiles pourraient devoir prendre pour éviter des perturbations futures.
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- Thomas, vous avez rédigé un excellent rapport sur les goulots d’étranglement de l’offre qui ont des répercussions sur les chaînes d’approvisionnement mondiales du secteur automobile et touchent également la production automobile. Mais avant d’aborder ce sujet, pouvez-vous nous donner d’autres exemples de facteurs cycliques qui ont un impact sur la production globale?
- C’est une bonne question. Prenons le cas des États-Unis, et pas seulement du secteur de l’automobile, mais certaines contraintes d’approvisionnement que nous observons de manière générale. Prenons la côte ouest, en particulier les ports de Los Angeles et Long Beach, qui représentent environ 40 % du fret qui entre aux États-Unis sur une base annuelle.
Les deux ports accusent un retard incroyable en ce moment. Ils n’arrivent pas à évacuer les transporteurs et le fret suffisamment rapidement pour recevoir les nouveaux navires et marchandises. Cela cause un nombre incroyable de goulots d’étranglement dans l’ensemble de l’offre américaine.
Tout récemment, l’administration Biden a pris des mesures assez importantes pour tenter d’atténuer ces pressions. On a donc permis l’ouverture des terminaux 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Pour que les camions puissent entrer et sortir et transporter plus de fret.
De plus, des amendes ont été imposées aux transporteurs dont les marchandises restent dans le port plus de neuf jours. Espérons qu’à l’approche de la période des fêtes, cela permettra d’atténuer certaines de ces pressions sur l’offre et de réussir à amener les produits aux entrepôts et les pièces aux usines de montage.
De plus, les pénuries de main-d’œuvre sont devenues un gros problème aux États-Unis. Dans tous les secteurs, à l’exception du transport, de l’entreposage, de la finance de l’immobilier et l’assurance, tous les autres secteurs restent inférieurs aux niveaux d’avant la pandémie, en ce qui concerne l’activité actuelle sur le marché de l’emploi.
Et, bien sûr, le secteur manufacturier n’est pas à l’abri. Prenons la production automobile et l’emploi dans le secteur de l’automobile en gros, nous sommes toujours à environ 5 % sous les niveaux d’avant la pandémie. Donc, il n’est pas possible d’envoyer les pièces aux usines de montage, et lorsque nous le faisons, on n’a pas les bons travailleurs ou assez de travailleurs pour assembler les véhicules, c’est un problème pour le secteur.
- Il y a aussi la crise énergétique en Chine, autre facteur susceptible d’influer sur la production automobile, en particulier l’an prochain. Pourquoi?
- Oui, c’est un risque intéressant qu’il va vraiment falloir surveiller au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Cela remonte à septembre, dans un effort pour réduire la consommation d’énergie, le gouvernement chinois a imposé des restrictions assez strictes sur la production de magnésium, qui exige beaucoup d’énergie.
C’est important pour le secteur de l’automobile pour deux raisons principales. Le magnésium est un élément clé de la production d’aluminium. Et, bien sûr, comme nous le savons, l’aluminium est un produit clé utilisé dans le processus de montage d’automobiles.
De plus, la Chine représente environ 85 % de l’offre mondiale de magnésium. Tout changement important de la production annuelle pourrait avoir des répercussions assez désastreuses sur le marché. Heureusement, ces restrictions ont été assouplies récemment.
Mais si l’on examine les niveaux de production globaux aujourd’hui, ils sont toujours d’environ 50 % en deçà des niveaux normaux. À moins d’un assouplissement de ces restrictions au cours des prochaines semaines et mois, cela pourrait avoir des répercussions assez désastreuses sur la production d’automobiles, particulièrement à l’approche de 2022.
ANTHONY OKOLIE : D’accord, j’aimerais maintenant revenir au problème de la chaîne d’approvisionnement. Est-il probable que la façon dont les constructeurs automobiles nord-américains gèrent leurs stocks ou établissent leurs chaînes d’approvisionnement change pour corriger ces lacunes dans la chaîne d’approvisionnement?
- Je le pense, oui. Prenons le cadre standard que les fabricants d’automobiles ont suivi au cours des dernières décennies, une gestion des stocks «juste à temps» où les pièces étaient livrées aux usines de montage quelques heures parfois quelques minutes avant d’être utilisées dans le processus de montage. C’était très avantageux pour les fabricants automobiles au cours des dernières décennies, quand il n’y avait pas de problèmes dans la chaîne d’approvisionnement.
Bien sûr, au cours de la dernière année, il y a eu beaucoup de problèmes. Et c’est le cas pour la suite également. Par conséquent, si l’on se projette dans les années à venir, on assistera certainement à un remplacement de la gestion «juste à temps» par un modèle ressemblant davantage à un cadre «au cas où» avec une chaîne d’approvisionnement parallèle afin que les fabricants d’automobiles continuent d’exercer leurs activités dans cette chaîne intégrée mondialement si cela s’avère avantageux sur le plan économique.
Mais ils auront une chaîne d’approvisionnement parallèle en arrière-plan vers laquelle ils pourront facilement se tourner en cas de perturbations dans la chaîne d’approvisionnement principale. Je pense aussi à l’accumulation de stocks, pour les principales pièces et matériaux jugés absolument essentiels pour le processus de production, cela pourrait certainement se faire à l’avenir.
- Et qu’en est-il de la croissance du marché des véhicules électriques? On en a récemment entendu parler dans les médias, avec le budget potentiel de Biden, ainsi que Tesla et d’autres fabricants d’automobiles. Comment l’Amérique du Nord se compare-t-elle à la Chine et à l’UE pour créer ses chaînes d’approvisionnement nationales et mettre en place des incitatifs gouvernementaux, ainsi que le financement de la recherche et des investissements?
- Oui, c’est intéressant, c’est une situation où la demande mène à l’offre. Et ce que nous avons constaté jusqu’à présent en Amérique du Nord, c’est que nous n’avons pas encore observé une forte augmentation de l’adoption des véhicules électriques. Si l’on examine les sondages de consommateurs, on constate qu’il y a plusieurs raisons.
Avant tout, l’anxiété liée à l’autonomie demeure un gros problème aux États-Unis, parce que l’infrastructure de recharge n’a tout simplement pas progressé au rythme adéquat pour que les consommateurs achètent des véhicules électriques en toute tranquillité. Les incitatifs à la consommation jouent également un rôle, les incitatifs actuels ne sont tout simplement pas suffisants pour compenser l’écart initial de coût associé à l’achat d’un véhicule électrique.
Comme vous l’avez mentionné, nous avons été témoins de développements assez importants au cours du dernier mois, sous l’administration Biden. Donc, dans le cadre du plan d’infrastructures, 7 milliards de $ ont été affectés à l’amélioration de l’infrastructure de recharge aux États-Unis au cours des cinq prochaines années. 7 milliards $ équivalent à environ 250 000 nouvelles bornes de recharge sur les cinq prochaines années, ce qui représenterait une augmentation par cinq environ par rapport au niveau d’exploitation actuel, ce qui est assez significatif.
Et même s’il n’a pas encore été nécessairement adopté, le projet de loi sur les dépenses qui fait actuellement l’objet de négociations a affecté 555 milliards $ pour favoriser les incitatifs à la consommation. Cela pourrait donc augmenter l’incitatif à la consommation individuel du gouvernement fédéral de 7 500 $ à 12 500 $. Encore une fois, une réduction importante du prix de base devrait contribuer à élargir grandement la clientèle.
À mon avis, il n’y a pas eu beaucoup d’interventions du gouvernement dans le financement des fabricants d’automobiles pour qu’ils développent des usines de fabrication de batteries et financent les projets de recherche dans ce domaine. Mais je pense qu’à l’avenir, c’est certainement là que nous verrons le plus d’initiatives.
- Compte tenu de tout cela, quelles sont vos perspectives à moyen et à long terme pour le secteur de l’automobile?
- Je pense qu’à l’approche de 2022, la production sera toujours quelque peu entravée, en particulier au premier semestre de l’année en raison de la pénurie de puces. En ce moment, nous espérons que ces pressions commenceront à s’atténuer au deuxième semestre de l’année prochaine et que nous revenions à des niveaux d’exploitation plus proches de ceux de la production prépandémie sur une base mensuelle.
- Puis, à l’approche de 2023, nous devrions revenir à des niveaux de production annuels antérieurs à la pandémie, environ 18 millions d’unités, ce qui contribuera grandement à accroître les stocks sur le marché et vraiment à assouplir certaines des contraintes que nous avons observées au cours de la dernière année.
- Thomas, merci beaucoup de votre présence aujourd’hui.
- C’est un plaisir. Merci de l’invitation.
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- Thomas, vous avez rédigé un excellent rapport sur les goulots d’étranglement de l’offre qui ont des répercussions sur les chaînes d’approvisionnement mondiales du secteur automobile et touchent également la production automobile. Mais avant d’aborder ce sujet, pouvez-vous nous donner d’autres exemples de facteurs cycliques qui ont un impact sur la production globale?
- C’est une bonne question. Prenons le cas des États-Unis, et pas seulement du secteur de l’automobile, mais certaines contraintes d’approvisionnement que nous observons de manière générale. Prenons la côte ouest, en particulier les ports de Los Angeles et Long Beach, qui représentent environ 40 % du fret qui entre aux États-Unis sur une base annuelle.
Les deux ports accusent un retard incroyable en ce moment. Ils n’arrivent pas à évacuer les transporteurs et le fret suffisamment rapidement pour recevoir les nouveaux navires et marchandises. Cela cause un nombre incroyable de goulots d’étranglement dans l’ensemble de l’offre américaine.
Tout récemment, l’administration Biden a pris des mesures assez importantes pour tenter d’atténuer ces pressions. On a donc permis l’ouverture des terminaux 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Pour que les camions puissent entrer et sortir et transporter plus de fret.
De plus, des amendes ont été imposées aux transporteurs dont les marchandises restent dans le port plus de neuf jours. Espérons qu’à l’approche de la période des fêtes, cela permettra d’atténuer certaines de ces pressions sur l’offre et de réussir à amener les produits aux entrepôts et les pièces aux usines de montage.
De plus, les pénuries de main-d’œuvre sont devenues un gros problème aux États-Unis. Dans tous les secteurs, à l’exception du transport, de l’entreposage, de la finance de l’immobilier et l’assurance, tous les autres secteurs restent inférieurs aux niveaux d’avant la pandémie, en ce qui concerne l’activité actuelle sur le marché de l’emploi.
Et, bien sûr, le secteur manufacturier n’est pas à l’abri. Prenons la production automobile et l’emploi dans le secteur de l’automobile en gros, nous sommes toujours à environ 5 % sous les niveaux d’avant la pandémie. Donc, il n’est pas possible d’envoyer les pièces aux usines de montage, et lorsque nous le faisons, on n’a pas les bons travailleurs ou assez de travailleurs pour assembler les véhicules, c’est un problème pour le secteur.
- Il y a aussi la crise énergétique en Chine, autre facteur susceptible d’influer sur la production automobile, en particulier l’an prochain. Pourquoi?
- Oui, c’est un risque intéressant qu’il va vraiment falloir surveiller au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Cela remonte à septembre, dans un effort pour réduire la consommation d’énergie, le gouvernement chinois a imposé des restrictions assez strictes sur la production de magnésium, qui exige beaucoup d’énergie.
C’est important pour le secteur de l’automobile pour deux raisons principales. Le magnésium est un élément clé de la production d’aluminium. Et, bien sûr, comme nous le savons, l’aluminium est un produit clé utilisé dans le processus de montage d’automobiles.
De plus, la Chine représente environ 85 % de l’offre mondiale de magnésium. Tout changement important de la production annuelle pourrait avoir des répercussions assez désastreuses sur le marché. Heureusement, ces restrictions ont été assouplies récemment.
Mais si l’on examine les niveaux de production globaux aujourd’hui, ils sont toujours d’environ 50 % en deçà des niveaux normaux. À moins d’un assouplissement de ces restrictions au cours des prochaines semaines et mois, cela pourrait avoir des répercussions assez désastreuses sur la production d’automobiles, particulièrement à l’approche de 2022.
ANTHONY OKOLIE : D’accord, j’aimerais maintenant revenir au problème de la chaîne d’approvisionnement. Est-il probable que la façon dont les constructeurs automobiles nord-américains gèrent leurs stocks ou établissent leurs chaînes d’approvisionnement change pour corriger ces lacunes dans la chaîne d’approvisionnement?
- Je le pense, oui. Prenons le cadre standard que les fabricants d’automobiles ont suivi au cours des dernières décennies, une gestion des stocks «juste à temps» où les pièces étaient livrées aux usines de montage quelques heures parfois quelques minutes avant d’être utilisées dans le processus de montage. C’était très avantageux pour les fabricants automobiles au cours des dernières décennies, quand il n’y avait pas de problèmes dans la chaîne d’approvisionnement.
Bien sûr, au cours de la dernière année, il y a eu beaucoup de problèmes. Et c’est le cas pour la suite également. Par conséquent, si l’on se projette dans les années à venir, on assistera certainement à un remplacement de la gestion «juste à temps» par un modèle ressemblant davantage à un cadre «au cas où» avec une chaîne d’approvisionnement parallèle afin que les fabricants d’automobiles continuent d’exercer leurs activités dans cette chaîne intégrée mondialement si cela s’avère avantageux sur le plan économique.
Mais ils auront une chaîne d’approvisionnement parallèle en arrière-plan vers laquelle ils pourront facilement se tourner en cas de perturbations dans la chaîne d’approvisionnement principale. Je pense aussi à l’accumulation de stocks, pour les principales pièces et matériaux jugés absolument essentiels pour le processus de production, cela pourrait certainement se faire à l’avenir.
- Et qu’en est-il de la croissance du marché des véhicules électriques? On en a récemment entendu parler dans les médias, avec le budget potentiel de Biden, ainsi que Tesla et d’autres fabricants d’automobiles. Comment l’Amérique du Nord se compare-t-elle à la Chine et à l’UE pour créer ses chaînes d’approvisionnement nationales et mettre en place des incitatifs gouvernementaux, ainsi que le financement de la recherche et des investissements?
- Oui, c’est intéressant, c’est une situation où la demande mène à l’offre. Et ce que nous avons constaté jusqu’à présent en Amérique du Nord, c’est que nous n’avons pas encore observé une forte augmentation de l’adoption des véhicules électriques. Si l’on examine les sondages de consommateurs, on constate qu’il y a plusieurs raisons.
Avant tout, l’anxiété liée à l’autonomie demeure un gros problème aux États-Unis, parce que l’infrastructure de recharge n’a tout simplement pas progressé au rythme adéquat pour que les consommateurs achètent des véhicules électriques en toute tranquillité. Les incitatifs à la consommation jouent également un rôle, les incitatifs actuels ne sont tout simplement pas suffisants pour compenser l’écart initial de coût associé à l’achat d’un véhicule électrique.
Comme vous l’avez mentionné, nous avons été témoins de développements assez importants au cours du dernier mois, sous l’administration Biden. Donc, dans le cadre du plan d’infrastructures, 7 milliards de $ ont été affectés à l’amélioration de l’infrastructure de recharge aux États-Unis au cours des cinq prochaines années. 7 milliards $ équivalent à environ 250 000 nouvelles bornes de recharge sur les cinq prochaines années, ce qui représenterait une augmentation par cinq environ par rapport au niveau d’exploitation actuel, ce qui est assez significatif.
Et même s’il n’a pas encore été nécessairement adopté, le projet de loi sur les dépenses qui fait actuellement l’objet de négociations a affecté 555 milliards $ pour favoriser les incitatifs à la consommation. Cela pourrait donc augmenter l’incitatif à la consommation individuel du gouvernement fédéral de 7 500 $ à 12 500 $. Encore une fois, une réduction importante du prix de base devrait contribuer à élargir grandement la clientèle.
À mon avis, il n’y a pas eu beaucoup d’interventions du gouvernement dans le financement des fabricants d’automobiles pour qu’ils développent des usines de fabrication de batteries et financent les projets de recherche dans ce domaine. Mais je pense qu’à l’avenir, c’est certainement là que nous verrons le plus d’initiatives.
- Compte tenu de tout cela, quelles sont vos perspectives à moyen et à long terme pour le secteur de l’automobile?
- Je pense qu’à l’approche de 2022, la production sera toujours quelque peu entravée, en particulier au premier semestre de l’année en raison de la pénurie de puces. En ce moment, nous espérons que ces pressions commenceront à s’atténuer au deuxième semestre de l’année prochaine et que nous revenions à des niveaux d’exploitation plus proches de ceux de la production prépandémie sur une base mensuelle.
- Puis, à l’approche de 2023, nous devrions revenir à des niveaux de production annuels antérieurs à la pandémie, environ 18 millions d’unités, ce qui contribuera grandement à accroître les stocks sur le marché et vraiment à assouplir certaines des contraintes que nous avons observées au cours de la dernière année.
- Thomas, merci beaucoup de votre présence aujourd’hui.
- C’est un plaisir. Merci de l’invitation.
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