Canadian banks put in a mixed showing in their latest quarterly results, amid concerns about mortgage maturities and slowing growth. Kim Parlee discusses the potential headwinds and tailwinds for the sector with Mario Mendonca, Managing Director at TD Cowen.
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Les grandes banques canadiennes viennent de publier leurs bénéfices. Certains estiment qu’on s’est trop inquiété de l’impact des prêts hypothécaires arrivant à échéance dans un contexte de taux d’intérêt élevés, mais certains prêteurs ont toujours des difficultés. Ces derniers résultats marquent le sixième trimestre consécutif de baisse du résultat par action. Je me suis entretenue avec Mario Mendonca, directeur général de TD Cowen. Je l’ai interrogé sur sa vision globale des résultats.
Les bénéfices se détériorent depuis un certain temps – depuis six trimestres consécutifs. Et cette détérioration est due à beaucoup de facteurs, en particulier la normalisation des pertes sur créances. Permettez-moi de clarifier. Il faut comprendre la différence entre normalisation et détérioration.
Après ou pendant la pandémie, les pertes sur créances étaient extrêmement faibles, de l’ordre de 15 ou 16 points de base. On revient progressivement à la normale, qui se situe entre 35 à 40 points de base. Ce retour à la normale a un impact important sur la croissance du résultat par action. Les pertes sur créances ont grimpé de plus de 80 % sur 12 mois au 4e trimestre.
Et il y a d’autres facteurs qui pèsent sur le résultat par action. Les bénéfices avant impôts et provisions – c’est-à-dire hors impôt et pertes sur créances – ont aussi subi des pressions. On a connu une croissance des bénéfices très modeste, de l’ordre de 2 % ce trimestre.
On peut l’expliquer par le fait que la croissance des prêts est en perte de vitesse. La croissance des prêts a vraiment diminué, à l’exception peut-être des cartes de crédit, où la croissance demeure assez solide. Les marges n’augmentent plus parce que les taux n’augmentent plus. Les dépenses sont assez élevées.
Si on combine une croissance plus faible des bénéfices avant impôts et provisions avec cette normalisation du crédit, on obtient une faible croissance du résultat par action. On peut d’ailleurs regarder le levier d’exploitation, qui correspond à la croissance des revenus sur 12 mois moins la croissance des dépenses sur 12 mois. Ce chiffre est resté négatif sept trimestres d’affilée, ce qui indique une croissance des dépenses supérieure à celle des revenus. Voilà les raisons de la faible croissance du résultat par action dans notre groupe.
Selon vous, quand cette tendance pourrait-elle s’inverser? On en est loin, mais j’aimerais vous poser une question. Vous notez que beaucoup s’inquiètent d’un effondrement des prêts hypothécaires. Les gens commencent à renouveler leurs prêts, et on voit un cycle se profiler. Vous dites dans une note que ces craintes sont peut-être exagérées. Je paraphrase. Dites-moi ce que vous voyez.
Oui. J’ai écrit dans une note – Le titre était un peu cavalier. J’ai écrit que les banques canadiennes ne passent pas sous des trains de marchandises. Les banques canadiennes, les organismes de réglementation, le ministère des Finances, les consommateurs et les emprunteurs voient tous une crise arriver à des kilomètres. Dans quelques années – disons dans un an et quelques – cette vague de renouvellements aura lieu et se traduira par des paiements nettement plus élevés. Quand on voit les ennuis arriver de si loin, on ne reste pas au milieu des rails en attendant de se faire écraser.
J’observe ces banques depuis plus de 20 ans, et je constate qu’elles ont d’excellentes facultés d’adaptation en cas de problème. Qu’est-ce que j’entends par là?
Tout d’abord, vous devez vous assurer que les emprunteurs sont bien conscients de l’imminence de ces paiements et de ces renouvellements. Vous les encouragez à faire des mises de fonds plus importantes. Vous les incitez à augmenter leurs versements à l’avance. C’est la première chose à faire. C’est une sorte de prix d’entrée. Toutes nos banques le font.
On peut agir du point de vue réglementaire. C’est exactement ce qu’a fait le BSIF la semaine dernière, en décidant de ne pas augmenter la réserve pour stabilité intérieure. On évite de mettre les banques sous pression pour qu’elles détiennent plus de capitaux. La Banque du Canada parle maintenant de ne pas augmenter les taux et laisse même entrevoir une baisse en 2024. Cette posture aide aussi à amortir le choc des renouvellements de prêts hypothécaires.
Je passe beaucoup de temps à lire les journaux, et ce que disent d’autres analystes et investisseurs sur le marché hypothécaire, et une leçon que j’ai apprise il y a bien longtemps me revient en tête. Nos banques canadiennes ne passent pas sous des trains de marchandises. Elles s’adaptent.
OK. Je vais revenir aux perspectives à long terme dans un instant, mais j’aimerais qu’on parle de certaines banques. Vous recommandez l’achat de deux actions. La Banque Royale et BMO sont convaincues que leur orientation actuelle va les aider à maintenir cette cote. Parlez-moi un peu de ce qui retient votre attention pour ces banques.
Oui. BMO est particulièrement bien positionnée. Son action se négocie à un ratio très proche de celui de la Scotia et de la CIBC. Mais en plus, l’année 2024 s’annonce prometteuse.
Par exemple, les importantes charges de restructuration vont fortement jouer sur la croissance des dépenses en 2024. BMO a aussi acquis Bank of the West. Les synergies d’intégration vont entraîner des économies sur les coûts. Au deuxième trimestre 2024, il est très possible que BMO fasse état d’un levier d’exploitation largement positif, simplement à cause de ces intégrations ou de la restructuration et de l’intégration.
Par ailleurs, BMO est fortement exposée aux marchés de capitaux américains. Pour moi, c’est très important. Il est possible qu’en 2024, les marchés de capitaux américains soient le principal moteur de croissance des revenus. Et cette situation serait favorable à BMO.
Mais au final, il y a beaucoup de facteurs positifs qui émergent pour 2024. En même temps, l’évaluation est assez basse, ce qui rappelle fortement la situation de la Scotia et la CIBC.
La situation de la Banque Royale est un peu différente. Son évaluation n’est pas aussi faible que celle de BMO. Ceci dit, j’aime ce qui se dessine pour 2024, comme de grands projets de restructuration. Espérons que l’opération avec HSBC Canada finira par se conclure, ce qui soutiendrait le rendement de la Banque Royale en 2024. Par ailleurs, cette banque est très exposée aux marchés de capitaux américains. Selon moi, cette exposition stimulera la croissance des revenus en 2024. Pour moi, ces deux banques sont en position prometteuse pour 2024.
Passons aux actions à conserver, selon vous : la CIBC et la Banque Nationale. Qu’est-ce qui motive l’avis que vous donnez pour ces deux banques?
La CIBC a affiché de bons résultats trimestriels. La CIBC a enregistré un autre trimestre de croissance modeste des dépenses. Le titre de mon rapport disait en gros que la CIBC est devenue l’un des chefs de file de la gestion des dépenses. Et j’en suis sincèrement convaincu. La banque a été claire, et la direction a clairement dit qu’en 2024, elle pourra abaisser la croissance des dépenses si les revenus ne sont pas au rendez-vous.
Là où le bât blesse avec la CIBC, c’est que la croissance des dépenses a pris le pas sur le chiffre d’affaires. Et en raison de certaines contraintes liées aux fonds propres et à la croissance insuffisante des prêts, je crois que la CIBC va avoir beaucoup de difficulté à augmenter son chiffre d’affaires. Je ne suis pas à l’aise avec l’idée de faire tout reposer sur la réduction des dépenses. Donc, même si l’action CIBC offre une belle décote et s’est bien comportée récemment, elle ne me semble pas bien positionnée pour l’année 2024.
Pour la Banque Nationale, les perspectives sont différentes. Pour moi, son modèle d’affaires semble quelque peu vulnérable. Elle a fortement accru ses activités au Cambodge. Je crois que c’est maintenant la plus grande banque de prêt du Cambodge. Mais là-bas, les prêts douteux bruts commencent à augmenter. Je serais surpris que la Banque Nationale subisse beaucoup de pertes au Cambodge, mais avec la hausse des prêts douteux bruts, je pense qu’elle va freiner la croissance des prêts dans ce pays.
Pour ce qui est des marchés de capitaux, certaines de ses activités semblent sensibles aux changements de réglementation fiscale, en particulier aux impôts. Les dividendes reçus par les sociétés canadiennes vont maintenant être imposés, ce qui pourrait affecter ses activités liées aux produits d’actions structurés au Canada. Je ne vais pas trop entrer dans les détails, mais la Banque Nationale a reconnu que ce changement pourrait poser problème en 2024. L’action de la Banque Nationale n’est pas sous-évaluée, et c’est une autre raison pour laquelle je recommande de conserver cette position.
J’aimerais terminer sur la Scotia. Pour reprendre vos propos, on croyait en avoir fini avec les mauvaises nouvelles, et voilà qu’on manque de 24 % les prévisions. Elle est passée en premier, et elle a certainement donné le ton pour les autres. Que se passe-t-il avec la Scotia?
La Scotia a affiché des résultats très inférieurs aux prévisions au 4e trimestre, ce qui s’explique par les dépenses, et par les pertes sur créances. Je pense qu’il est juste de dire que les résultats du 4e trimestre ne reflètent probablement pas le potentiel de bénéfices de la Scotia. Je soupçonne que son potentiel est supérieur aux chiffres du 4e trimestre, malgré des résultats très décevants. D’ailleurs, c’est la seule banque à présenter un tel écart avec les prévisions.
La Scotia... Pour moi, c’est une banque en chantier. À la journée des investisseurs – Je crois que c’était la semaine dernière. À la Journée des investisseurs, la Scotia a très bien expliqué comment elle va développer ses activités.
J’ai écouté attentivement les membres de la direction, et j’ai confiance en eux. Leurs propos me semblent très légitimes. Il me semble que leur plan tient la route. Le problème que j’anticipe à court terme, c’est que la banque ne va pas suivre le même rythme de croissance que ses pairs.
Pendant quelques années, je pense qu’elle va se faire dépasser par ses pairs sur le plan de la croissance des bénéfices, car elle met l’accent sur la primauté du client, l’un des grands thèmes de la journée des investisseurs. Je crois fermement en la capacité de la direction à redresser la barre, mais je ne crois pas qu’elle y arrivera à courte échéance. À court terme, je m’attends à ce que certains de ses pairs la surpassent. C’est pourquoi elle se situe au bas de mon classement.
Quand vous vous projetez en 2024, c’est intéressant parce que chacune des banques part d’une position différente. Pour 2024, vous dites que la Scotia va avoir besoin d’un peu de temps pour régler ses problèmes. La CIBC devrait mettre plus l’accent sur la croissance et moins sur les dépenses.
Si vous deviez caractériser vers quoi on se dirige, j’ai l’impression qu’on en revient aux trains de marchandises. Il semble qu’un atterrissage en douceur se prépare, que les banques en sont conscientes et qu’elles vont réussir à composer avec le contexte de l’année prochaine.
Oui. J’ai un point de vue très nuancé à ce sujet pour le groupe. Je ne fais pas partie du camp des catastrophistes qui annoncent une explosion de nos banques canadiennes à cause des prêts hypothécaires. Je l’ai répété à maintes reprises. Je ne fais pas partie de ce camp. À court terme, le marché semble optimiste à l’égard des banques, car les taux baissent. Il y a moins de risque associé à un atterrissage brutal, car les taux baissent.
Mais c’est là que mon point de vue devient un peu nuancé. On ne peut pas laisser les Canadiens s’endetter comme on le fait depuis 20 ans sans s’attendre à des conséquences. Il n’y aura pas forcément d’explosion du crédit, comme pour les prêts hypothécaires, mais il y a néanmoins des conséquences.
À mon avis, l’endettement excessif des consommateurs canadiens au cours des vingt dernières années va limiter la croissance des bilans. On ne peut pas accroître éternellement l’effet de levier. À un moment donné, la croissance des bilans va s’étouffer dans l’ensemble du groupe. Et on le constate déjà.
En plus, il faut aussi préserver le capital, parce que les besoins en capital augmentent. J’en conclus que la croissance de 7 à 8 % qu’on a observée dans l’ensemble du groupe ces dernières décennies sera très difficile à reproduire. Et si on traverse une période de croissance modeste des bilans, on va traverser une période de faible croissance des bénéfices, ce qui, selon moi, plafonne les évaluations.
À l’heure actuelle, le marché achète les actions des banques en se disant que la baisse des taux d’intérêt va venir au secours du crédit. Et je suis d’accord. Je comprends cette logique. Elle cadre avec mon point de vue. Par contre, j’ai alerté les investisseurs sur le fait que les banques ne sont plus dans un contexte permettant une croissance annuelle de 7 % à 8 % du résultat par action.
Les bilans seront soumis à des limitations. Je pense que ça va limiter la croissance des bénéfices. En fin de compte, je pense que ça va limiter les ratios. Les banques vont avoir du mal à atteindre des ratios cours-bénéfice de 10. L’époque des ratios cours-bénéfices de 12 me semble révolue, parce qu’on peut plus accroître le résultat par action au rythme qu’on a connu.
C’était Mario Mendonca, directeur général à TD Cowen. Pour rappel, les mentions juridiques sur les sociétés couvertes par Valeurs Mobilières TD sont disponibles au lien vers le site Web de Valeurs Mobilières TD à la fin de la vidéo. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]
Les grandes banques canadiennes viennent de publier leurs bénéfices. Certains estiment qu’on s’est trop inquiété de l’impact des prêts hypothécaires arrivant à échéance dans un contexte de taux d’intérêt élevés, mais certains prêteurs ont toujours des difficultés. Ces derniers résultats marquent le sixième trimestre consécutif de baisse du résultat par action. Je me suis entretenue avec Mario Mendonca, directeur général de TD Cowen. Je l’ai interrogé sur sa vision globale des résultats.
Les bénéfices se détériorent depuis un certain temps – depuis six trimestres consécutifs. Et cette détérioration est due à beaucoup de facteurs, en particulier la normalisation des pertes sur créances. Permettez-moi de clarifier. Il faut comprendre la différence entre normalisation et détérioration.
Après ou pendant la pandémie, les pertes sur créances étaient extrêmement faibles, de l’ordre de 15 ou 16 points de base. On revient progressivement à la normale, qui se situe entre 35 à 40 points de base. Ce retour à la normale a un impact important sur la croissance du résultat par action. Les pertes sur créances ont grimpé de plus de 80 % sur 12 mois au 4e trimestre.
Et il y a d’autres facteurs qui pèsent sur le résultat par action. Les bénéfices avant impôts et provisions – c’est-à-dire hors impôt et pertes sur créances – ont aussi subi des pressions. On a connu une croissance des bénéfices très modeste, de l’ordre de 2 % ce trimestre.
On peut l’expliquer par le fait que la croissance des prêts est en perte de vitesse. La croissance des prêts a vraiment diminué, à l’exception peut-être des cartes de crédit, où la croissance demeure assez solide. Les marges n’augmentent plus parce que les taux n’augmentent plus. Les dépenses sont assez élevées.
Si on combine une croissance plus faible des bénéfices avant impôts et provisions avec cette normalisation du crédit, on obtient une faible croissance du résultat par action. On peut d’ailleurs regarder le levier d’exploitation, qui correspond à la croissance des revenus sur 12 mois moins la croissance des dépenses sur 12 mois. Ce chiffre est resté négatif sept trimestres d’affilée, ce qui indique une croissance des dépenses supérieure à celle des revenus. Voilà les raisons de la faible croissance du résultat par action dans notre groupe.
Selon vous, quand cette tendance pourrait-elle s’inverser? On en est loin, mais j’aimerais vous poser une question. Vous notez que beaucoup s’inquiètent d’un effondrement des prêts hypothécaires. Les gens commencent à renouveler leurs prêts, et on voit un cycle se profiler. Vous dites dans une note que ces craintes sont peut-être exagérées. Je paraphrase. Dites-moi ce que vous voyez.
Oui. J’ai écrit dans une note – Le titre était un peu cavalier. J’ai écrit que les banques canadiennes ne passent pas sous des trains de marchandises. Les banques canadiennes, les organismes de réglementation, le ministère des Finances, les consommateurs et les emprunteurs voient tous une crise arriver à des kilomètres. Dans quelques années – disons dans un an et quelques – cette vague de renouvellements aura lieu et se traduira par des paiements nettement plus élevés. Quand on voit les ennuis arriver de si loin, on ne reste pas au milieu des rails en attendant de se faire écraser.
J’observe ces banques depuis plus de 20 ans, et je constate qu’elles ont d’excellentes facultés d’adaptation en cas de problème. Qu’est-ce que j’entends par là?
Tout d’abord, vous devez vous assurer que les emprunteurs sont bien conscients de l’imminence de ces paiements et de ces renouvellements. Vous les encouragez à faire des mises de fonds plus importantes. Vous les incitez à augmenter leurs versements à l’avance. C’est la première chose à faire. C’est une sorte de prix d’entrée. Toutes nos banques le font.
On peut agir du point de vue réglementaire. C’est exactement ce qu’a fait le BSIF la semaine dernière, en décidant de ne pas augmenter la réserve pour stabilité intérieure. On évite de mettre les banques sous pression pour qu’elles détiennent plus de capitaux. La Banque du Canada parle maintenant de ne pas augmenter les taux et laisse même entrevoir une baisse en 2024. Cette posture aide aussi à amortir le choc des renouvellements de prêts hypothécaires.
Je passe beaucoup de temps à lire les journaux, et ce que disent d’autres analystes et investisseurs sur le marché hypothécaire, et une leçon que j’ai apprise il y a bien longtemps me revient en tête. Nos banques canadiennes ne passent pas sous des trains de marchandises. Elles s’adaptent.
OK. Je vais revenir aux perspectives à long terme dans un instant, mais j’aimerais qu’on parle de certaines banques. Vous recommandez l’achat de deux actions. La Banque Royale et BMO sont convaincues que leur orientation actuelle va les aider à maintenir cette cote. Parlez-moi un peu de ce qui retient votre attention pour ces banques.
Oui. BMO est particulièrement bien positionnée. Son action se négocie à un ratio très proche de celui de la Scotia et de la CIBC. Mais en plus, l’année 2024 s’annonce prometteuse.
Par exemple, les importantes charges de restructuration vont fortement jouer sur la croissance des dépenses en 2024. BMO a aussi acquis Bank of the West. Les synergies d’intégration vont entraîner des économies sur les coûts. Au deuxième trimestre 2024, il est très possible que BMO fasse état d’un levier d’exploitation largement positif, simplement à cause de ces intégrations ou de la restructuration et de l’intégration.
Par ailleurs, BMO est fortement exposée aux marchés de capitaux américains. Pour moi, c’est très important. Il est possible qu’en 2024, les marchés de capitaux américains soient le principal moteur de croissance des revenus. Et cette situation serait favorable à BMO.
Mais au final, il y a beaucoup de facteurs positifs qui émergent pour 2024. En même temps, l’évaluation est assez basse, ce qui rappelle fortement la situation de la Scotia et la CIBC.
La situation de la Banque Royale est un peu différente. Son évaluation n’est pas aussi faible que celle de BMO. Ceci dit, j’aime ce qui se dessine pour 2024, comme de grands projets de restructuration. Espérons que l’opération avec HSBC Canada finira par se conclure, ce qui soutiendrait le rendement de la Banque Royale en 2024. Par ailleurs, cette banque est très exposée aux marchés de capitaux américains. Selon moi, cette exposition stimulera la croissance des revenus en 2024. Pour moi, ces deux banques sont en position prometteuse pour 2024.
Passons aux actions à conserver, selon vous : la CIBC et la Banque Nationale. Qu’est-ce qui motive l’avis que vous donnez pour ces deux banques?
La CIBC a affiché de bons résultats trimestriels. La CIBC a enregistré un autre trimestre de croissance modeste des dépenses. Le titre de mon rapport disait en gros que la CIBC est devenue l’un des chefs de file de la gestion des dépenses. Et j’en suis sincèrement convaincu. La banque a été claire, et la direction a clairement dit qu’en 2024, elle pourra abaisser la croissance des dépenses si les revenus ne sont pas au rendez-vous.
Là où le bât blesse avec la CIBC, c’est que la croissance des dépenses a pris le pas sur le chiffre d’affaires. Et en raison de certaines contraintes liées aux fonds propres et à la croissance insuffisante des prêts, je crois que la CIBC va avoir beaucoup de difficulté à augmenter son chiffre d’affaires. Je ne suis pas à l’aise avec l’idée de faire tout reposer sur la réduction des dépenses. Donc, même si l’action CIBC offre une belle décote et s’est bien comportée récemment, elle ne me semble pas bien positionnée pour l’année 2024.
Pour la Banque Nationale, les perspectives sont différentes. Pour moi, son modèle d’affaires semble quelque peu vulnérable. Elle a fortement accru ses activités au Cambodge. Je crois que c’est maintenant la plus grande banque de prêt du Cambodge. Mais là-bas, les prêts douteux bruts commencent à augmenter. Je serais surpris que la Banque Nationale subisse beaucoup de pertes au Cambodge, mais avec la hausse des prêts douteux bruts, je pense qu’elle va freiner la croissance des prêts dans ce pays.
Pour ce qui est des marchés de capitaux, certaines de ses activités semblent sensibles aux changements de réglementation fiscale, en particulier aux impôts. Les dividendes reçus par les sociétés canadiennes vont maintenant être imposés, ce qui pourrait affecter ses activités liées aux produits d’actions structurés au Canada. Je ne vais pas trop entrer dans les détails, mais la Banque Nationale a reconnu que ce changement pourrait poser problème en 2024. L’action de la Banque Nationale n’est pas sous-évaluée, et c’est une autre raison pour laquelle je recommande de conserver cette position.
J’aimerais terminer sur la Scotia. Pour reprendre vos propos, on croyait en avoir fini avec les mauvaises nouvelles, et voilà qu’on manque de 24 % les prévisions. Elle est passée en premier, et elle a certainement donné le ton pour les autres. Que se passe-t-il avec la Scotia?
La Scotia a affiché des résultats très inférieurs aux prévisions au 4e trimestre, ce qui s’explique par les dépenses, et par les pertes sur créances. Je pense qu’il est juste de dire que les résultats du 4e trimestre ne reflètent probablement pas le potentiel de bénéfices de la Scotia. Je soupçonne que son potentiel est supérieur aux chiffres du 4e trimestre, malgré des résultats très décevants. D’ailleurs, c’est la seule banque à présenter un tel écart avec les prévisions.
La Scotia... Pour moi, c’est une banque en chantier. À la journée des investisseurs – Je crois que c’était la semaine dernière. À la Journée des investisseurs, la Scotia a très bien expliqué comment elle va développer ses activités.
J’ai écouté attentivement les membres de la direction, et j’ai confiance en eux. Leurs propos me semblent très légitimes. Il me semble que leur plan tient la route. Le problème que j’anticipe à court terme, c’est que la banque ne va pas suivre le même rythme de croissance que ses pairs.
Pendant quelques années, je pense qu’elle va se faire dépasser par ses pairs sur le plan de la croissance des bénéfices, car elle met l’accent sur la primauté du client, l’un des grands thèmes de la journée des investisseurs. Je crois fermement en la capacité de la direction à redresser la barre, mais je ne crois pas qu’elle y arrivera à courte échéance. À court terme, je m’attends à ce que certains de ses pairs la surpassent. C’est pourquoi elle se situe au bas de mon classement.
Quand vous vous projetez en 2024, c’est intéressant parce que chacune des banques part d’une position différente. Pour 2024, vous dites que la Scotia va avoir besoin d’un peu de temps pour régler ses problèmes. La CIBC devrait mettre plus l’accent sur la croissance et moins sur les dépenses.
Si vous deviez caractériser vers quoi on se dirige, j’ai l’impression qu’on en revient aux trains de marchandises. Il semble qu’un atterrissage en douceur se prépare, que les banques en sont conscientes et qu’elles vont réussir à composer avec le contexte de l’année prochaine.
Oui. J’ai un point de vue très nuancé à ce sujet pour le groupe. Je ne fais pas partie du camp des catastrophistes qui annoncent une explosion de nos banques canadiennes à cause des prêts hypothécaires. Je l’ai répété à maintes reprises. Je ne fais pas partie de ce camp. À court terme, le marché semble optimiste à l’égard des banques, car les taux baissent. Il y a moins de risque associé à un atterrissage brutal, car les taux baissent.
Mais c’est là que mon point de vue devient un peu nuancé. On ne peut pas laisser les Canadiens s’endetter comme on le fait depuis 20 ans sans s’attendre à des conséquences. Il n’y aura pas forcément d’explosion du crédit, comme pour les prêts hypothécaires, mais il y a néanmoins des conséquences.
À mon avis, l’endettement excessif des consommateurs canadiens au cours des vingt dernières années va limiter la croissance des bilans. On ne peut pas accroître éternellement l’effet de levier. À un moment donné, la croissance des bilans va s’étouffer dans l’ensemble du groupe. Et on le constate déjà.
En plus, il faut aussi préserver le capital, parce que les besoins en capital augmentent. J’en conclus que la croissance de 7 à 8 % qu’on a observée dans l’ensemble du groupe ces dernières décennies sera très difficile à reproduire. Et si on traverse une période de croissance modeste des bilans, on va traverser une période de faible croissance des bénéfices, ce qui, selon moi, plafonne les évaluations.
À l’heure actuelle, le marché achète les actions des banques en se disant que la baisse des taux d’intérêt va venir au secours du crédit. Et je suis d’accord. Je comprends cette logique. Elle cadre avec mon point de vue. Par contre, j’ai alerté les investisseurs sur le fait que les banques ne sont plus dans un contexte permettant une croissance annuelle de 7 % à 8 % du résultat par action.
Les bilans seront soumis à des limitations. Je pense que ça va limiter la croissance des bénéfices. En fin de compte, je pense que ça va limiter les ratios. Les banques vont avoir du mal à atteindre des ratios cours-bénéfice de 10. L’époque des ratios cours-bénéfices de 12 me semble révolue, parce qu’on peut plus accroître le résultat par action au rythme qu’on a connu.
C’était Mario Mendonca, directeur général à TD Cowen. Pour rappel, les mentions juridiques sur les sociétés couvertes par Valeurs Mobilières TD sont disponibles au lien vers le site Web de Valeurs Mobilières TD à la fin de la vidéo. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]