Le gouvernement fédéral a déposé un budget qui promet des milliards de dollars pour le logement, les programmes sociaux et la défense. Kim Parlee discute des principaux thèmes du budget avec James Orlando, directeur, Services économiques, Groupe Banque TD.
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Et voilà, un budget fédéral hautement anticipé vient d’être dévoilé. Nous sommes ici en présence de James Orlando, qui partagera son avis sur l’impact économique du budget sur le pays. Il est directeur de l’économie à Services économiques TD.
James, merci d’être parmi nous. Vous allez parler de l’incidence de ce budget sur l’inflation et la Banque du Canada, dans un moment. Je vais faire patienter le public un instant, mais tout d’abord, quel est votre avis global sur ce budget ? Comment le décririez-vous ?
Eh bien, c’est un budget de dépenses. Toutes sortes de dépenses. Il y a de nouvelles dépenses nettes au Canada. Bon nombre étaient attendues. Nous connaissions le programme libéral de l’élection. Nous savions que les libéraux s’étaient entendus avec le NPD sur de nouvelles dépenses, et bon nombre des mesures avaient fuité à l’avance, mais c’était le montant qu’on attendait.
Alors, 56 milliards de nouvelles dépenses nettes, c’est le nombre qu’on attendait. Parce que l’économie canadienne, à l’heure actuelle, tourne à plein régime. Alors, dans quelle mesure le gouvernement veut-il pousser la machine ? C’est la question.
Bon, je vais me permettre de changer d’avis. Passons au vif du sujet. James, quel est, selon vous, l’impact net anticipé sur l’économie et l’inflation ? Qu’en pensez-vous ?
Bien, c’est vraiment la clé. Quand on considère la croissance du PIB... Bon, on l’alimente, en ajoutant des dépenses. Mais quand il s’agit de la croissance globale à long terme, on n’en est pas trop sûr. On avait réclamé, avant la parution du budget, des mesures pour accroître la productivité. Il y en a, mais la plupart des dépenses vont vraiment aider les gens, comme les soins dentaires, la construction de maisons.
Ça, ça va avoir un impact sur le PIB, mais ça ne va pas nécessairement stimuler l’économie ni améliorer notre productivité, au pays. Mais ça va avoir un impact sur l’inflation à la marge.
On a déjà une inflation galopante de plus de 5 %. C’est à cause de l’actualité en Russie, en Ukraine ; la flambée des prix des produits de base. Et l’inflation va continuer à décoller.
La Banque du Canada annonce des mesures anti-inflation énergiques. Elle aura constaté que ce budget engendrera beaucoup de dépenses. Ça va gonfler le PIB, ça va engendrer un excédent de demande. Alors, c’est certainement quelque chose qui est à surveiller.
Discutons donc de quelques-unes des mesures qui ont été annoncées. Le logement est une mesure clé. C’est sans doute celle qui se fera le plus ressentir par la plupart des Canadiens. Par exemple, des nouveaux instruments d’épargne, des prolongements de crédit, des limites sur l’achat de propriétés par les étrangers. Selon vous, quel sera l’impact de ces mesures sur le marché du logement ?
Bon. Ce budget aborde le problème du logement sous plusieurs points de vue. Il y a les mesures relatives aux acheteurs étrangers, qui ont beaucoup fait les manchettes, et il y a l’offre. Le fait que l’offre est très insuffisante, au Canada, en matière de logement. Tous ces éléments vont, à la marge, sans doute affecter les prix du logement. Il y a aussi les primo-accédants.
Mais nous pensons que ce qui va avoir plus d’effet, dans l’avenir, c’est le fait que les taux d’intérêt ont tellement augmenté. Les mesures énergiques prises par la Banque du Canada... Quiconque suit les marchés financiers depuis le début de 2022 sait que le rendement des obligations du gouvernement a augmenté. Quiconque a parlé à une banque des taux d’intérêt sait que les taux de prêts hypothécaires augmentent.
On a vu qu’il y a eu un léger ralentissement de la hausse des prix du logement, le mois dernier. Ce sera le principal facteur sur le marché. Donc, même si la Banque du Canada dit qu’on a besoin de politiques prudentielles, comme le budget en inclue... Oui, on en a besoin, bien sûr, mais il faut surtout surveiller les taux d’intérêt. Et ces taux d’intérêt sont à la hausse et ça va être le facteur le plus important pour le logement.
Et qu’en est-il des mesures liées au climat ? J’ai vu plusieurs chiffres. 2,6 milliards de dollars d’investissements en crédit d’impôt, pour le captage du carbone. De grosses sommes prévues pour les véhicules carboneutres, autant pour des particuliers que pour les flottes. Donc, de nombreuses mesures. Qu’en pensez-vous ?
Bon. Le gouvernement cherche à faire tout son possible pour atteindre son objectif zéro émission nette. Il n’y a pas que les crédits d’impôt ; il y a aussi des encouragements aux investissements dans ce secteur. Il y a eu les émissions vertes, les émissions d’obligations vertes au Canada.
On en discutait tout à l’heure : il y a la question de la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques. Quiconque doit faire le plein d’essence, en ce moment, aura constaté que le prix de l’essence grimpe. Beaucoup de gens ont commencé à repenser aux véhicules électriques parce qu’on sait qu’il y aura une vague de demande d’achat dans l’avenir.
Alors, à quel niveau de la chaîne d’approvisionnement le Canada veut-il se situer ? En Ontario, le ministre des Finances a parlé du « cercle de feu », dans le nord de l’Ontario, qui est riche en minéraux. Tout ce dont on a besoin pour alimenter les chaînes d’approvisionnement de l’industrie des véhicules électriques.
Mais la question qui se pose, c’est de savoir : Comment allons-nous investir ? Nous contenter d’extraire les minerais ou participer à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement ?
Donc, nous balisons la voie, mais encore faut-il la suivre.
Oui, et ce ne sont pas des investissements qui se feront du jour au lendemain, comme vous l’avez dit. La question des minéraux critiques est intéressante.
La défense, aussi, n’était pas sur le radar de la plupart des ministres des Finances jusqu’à récemment. Les dépenses militaires seront donc à la hausse, n’est-ce pas ?
Oui, tout à fait. Bon, ça fait longtemps qu’on dit que le Canada n’investit pas suffisamment dans la défense. L’OTAN a un objectif de 2 % du PIB ; nous en sommes loin. Ce budget-ci ne nous permettra pas d’y parvenir. Oui, les dépenses augmentent, mais elles sont toujours très insuffisantes, par rapport à notre objectif.
Donc, oui, ce budget représente un certain progrès, mais nous sommes certains que ça ne va pas beaucoup contribuer à nous permettre d’atteindre cet objectif. On ne va pas parvenir à l’objectif de 2 % grâce aux mesures contenues dans ce budget.
James, excellent survol, jusqu’à présent. Une dernière question : quel genre de réaction cela suscitera-t-il sur les marchés ? Quel sera l’impact sur les devises, par exemple ? Anticipez-vous des changements ? Et au niveau des perceptions, aussi.
Excellente question. Nous surveillons les réactions initiales du marché; plutôt indifférentes. En fait, beaucoup des mesures étaient attendues. On disait tout à l’heure que bon nombre des informations avaient fuité. Il s’agit surtout de promesses tenues, de l’exécution d’un programme électoral. Les pronostics sont crédibles. Par exemple, le ratio de la dette au PIB va considérablement diminuer.
En ce qui concerne le rendement des obligations du gouvernement, l’obligation du Canada à 10 ans, par exemple, a augmenté d’un point de base. Donc, ce n’est pas grand-chose. Le dollar canadien ne bouge pas non plus.
Mais il y a une chose qu’il faut se rappeler : c’est qu’il y aura davantage de dépenses qu’il faudra financer. Nous avons rappelé que, bon, c’est difficile d’augmenter les impôts. Donc, ce sont des dépenses qu’on va financer par la dette.
Et la dette va poser problème parce que rappelez-vous : la Banque du Canada entame un resserrement quantitatif. Donc, le gouvernement du Canada va émettre des obligations, d’énormes émissions brutes, d’ici un an, en même temps que le plus gros acheteur de ses obligations ne les renouvelle plus à l’échéance. Donc, il faudra en tenir compte, c’est-à-dire sans les marchés financiers.
Excellents points, James. Merci beaucoup !
Merci !
James, merci d’être parmi nous. Vous allez parler de l’incidence de ce budget sur l’inflation et la Banque du Canada, dans un moment. Je vais faire patienter le public un instant, mais tout d’abord, quel est votre avis global sur ce budget ? Comment le décririez-vous ?
Eh bien, c’est un budget de dépenses. Toutes sortes de dépenses. Il y a de nouvelles dépenses nettes au Canada. Bon nombre étaient attendues. Nous connaissions le programme libéral de l’élection. Nous savions que les libéraux s’étaient entendus avec le NPD sur de nouvelles dépenses, et bon nombre des mesures avaient fuité à l’avance, mais c’était le montant qu’on attendait.
Alors, 56 milliards de nouvelles dépenses nettes, c’est le nombre qu’on attendait. Parce que l’économie canadienne, à l’heure actuelle, tourne à plein régime. Alors, dans quelle mesure le gouvernement veut-il pousser la machine ? C’est la question.
Bon, je vais me permettre de changer d’avis. Passons au vif du sujet. James, quel est, selon vous, l’impact net anticipé sur l’économie et l’inflation ? Qu’en pensez-vous ?
Bien, c’est vraiment la clé. Quand on considère la croissance du PIB... Bon, on l’alimente, en ajoutant des dépenses. Mais quand il s’agit de la croissance globale à long terme, on n’en est pas trop sûr. On avait réclamé, avant la parution du budget, des mesures pour accroître la productivité. Il y en a, mais la plupart des dépenses vont vraiment aider les gens, comme les soins dentaires, la construction de maisons.
Ça, ça va avoir un impact sur le PIB, mais ça ne va pas nécessairement stimuler l’économie ni améliorer notre productivité, au pays. Mais ça va avoir un impact sur l’inflation à la marge.
On a déjà une inflation galopante de plus de 5 %. C’est à cause de l’actualité en Russie, en Ukraine ; la flambée des prix des produits de base. Et l’inflation va continuer à décoller.
La Banque du Canada annonce des mesures anti-inflation énergiques. Elle aura constaté que ce budget engendrera beaucoup de dépenses. Ça va gonfler le PIB, ça va engendrer un excédent de demande. Alors, c’est certainement quelque chose qui est à surveiller.
Discutons donc de quelques-unes des mesures qui ont été annoncées. Le logement est une mesure clé. C’est sans doute celle qui se fera le plus ressentir par la plupart des Canadiens. Par exemple, des nouveaux instruments d’épargne, des prolongements de crédit, des limites sur l’achat de propriétés par les étrangers. Selon vous, quel sera l’impact de ces mesures sur le marché du logement ?
Bon. Ce budget aborde le problème du logement sous plusieurs points de vue. Il y a les mesures relatives aux acheteurs étrangers, qui ont beaucoup fait les manchettes, et il y a l’offre. Le fait que l’offre est très insuffisante, au Canada, en matière de logement. Tous ces éléments vont, à la marge, sans doute affecter les prix du logement. Il y a aussi les primo-accédants.
Mais nous pensons que ce qui va avoir plus d’effet, dans l’avenir, c’est le fait que les taux d’intérêt ont tellement augmenté. Les mesures énergiques prises par la Banque du Canada... Quiconque suit les marchés financiers depuis le début de 2022 sait que le rendement des obligations du gouvernement a augmenté. Quiconque a parlé à une banque des taux d’intérêt sait que les taux de prêts hypothécaires augmentent.
On a vu qu’il y a eu un léger ralentissement de la hausse des prix du logement, le mois dernier. Ce sera le principal facteur sur le marché. Donc, même si la Banque du Canada dit qu’on a besoin de politiques prudentielles, comme le budget en inclue... Oui, on en a besoin, bien sûr, mais il faut surtout surveiller les taux d’intérêt. Et ces taux d’intérêt sont à la hausse et ça va être le facteur le plus important pour le logement.
Et qu’en est-il des mesures liées au climat ? J’ai vu plusieurs chiffres. 2,6 milliards de dollars d’investissements en crédit d’impôt, pour le captage du carbone. De grosses sommes prévues pour les véhicules carboneutres, autant pour des particuliers que pour les flottes. Donc, de nombreuses mesures. Qu’en pensez-vous ?
Bon. Le gouvernement cherche à faire tout son possible pour atteindre son objectif zéro émission nette. Il n’y a pas que les crédits d’impôt ; il y a aussi des encouragements aux investissements dans ce secteur. Il y a eu les émissions vertes, les émissions d’obligations vertes au Canada.
On en discutait tout à l’heure : il y a la question de la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques. Quiconque doit faire le plein d’essence, en ce moment, aura constaté que le prix de l’essence grimpe. Beaucoup de gens ont commencé à repenser aux véhicules électriques parce qu’on sait qu’il y aura une vague de demande d’achat dans l’avenir.
Alors, à quel niveau de la chaîne d’approvisionnement le Canada veut-il se situer ? En Ontario, le ministre des Finances a parlé du « cercle de feu », dans le nord de l’Ontario, qui est riche en minéraux. Tout ce dont on a besoin pour alimenter les chaînes d’approvisionnement de l’industrie des véhicules électriques.
Mais la question qui se pose, c’est de savoir : Comment allons-nous investir ? Nous contenter d’extraire les minerais ou participer à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement ?
Donc, nous balisons la voie, mais encore faut-il la suivre.
Oui, et ce ne sont pas des investissements qui se feront du jour au lendemain, comme vous l’avez dit. La question des minéraux critiques est intéressante.
La défense, aussi, n’était pas sur le radar de la plupart des ministres des Finances jusqu’à récemment. Les dépenses militaires seront donc à la hausse, n’est-ce pas ?
Oui, tout à fait. Bon, ça fait longtemps qu’on dit que le Canada n’investit pas suffisamment dans la défense. L’OTAN a un objectif de 2 % du PIB ; nous en sommes loin. Ce budget-ci ne nous permettra pas d’y parvenir. Oui, les dépenses augmentent, mais elles sont toujours très insuffisantes, par rapport à notre objectif.
Donc, oui, ce budget représente un certain progrès, mais nous sommes certains que ça ne va pas beaucoup contribuer à nous permettre d’atteindre cet objectif. On ne va pas parvenir à l’objectif de 2 % grâce aux mesures contenues dans ce budget.
James, excellent survol, jusqu’à présent. Une dernière question : quel genre de réaction cela suscitera-t-il sur les marchés ? Quel sera l’impact sur les devises, par exemple ? Anticipez-vous des changements ? Et au niveau des perceptions, aussi.
Excellente question. Nous surveillons les réactions initiales du marché; plutôt indifférentes. En fait, beaucoup des mesures étaient attendues. On disait tout à l’heure que bon nombre des informations avaient fuité. Il s’agit surtout de promesses tenues, de l’exécution d’un programme électoral. Les pronostics sont crédibles. Par exemple, le ratio de la dette au PIB va considérablement diminuer.
En ce qui concerne le rendement des obligations du gouvernement, l’obligation du Canada à 10 ans, par exemple, a augmenté d’un point de base. Donc, ce n’est pas grand-chose. Le dollar canadien ne bouge pas non plus.
Mais il y a une chose qu’il faut se rappeler : c’est qu’il y aura davantage de dépenses qu’il faudra financer. Nous avons rappelé que, bon, c’est difficile d’augmenter les impôts. Donc, ce sont des dépenses qu’on va financer par la dette.
Et la dette va poser problème parce que rappelez-vous : la Banque du Canada entame un resserrement quantitatif. Donc, le gouvernement du Canada va émettre des obligations, d’énormes émissions brutes, d’ici un an, en même temps que le plus gros acheteur de ses obligations ne les renouvelle plus à l’échéance. Donc, il faudra en tenir compte, c’est-à-dire sans les marchés financiers.
Excellents points, James. Merci beaucoup !
Merci !