À Wall Street, un dicton dit : « ne vous battez pas contre la Fed ». Brad Simpson, stratège en chef à Gestion de patrimoine TD, explique à Greg Bonnell que c’est ce que les marchés ont semblé faire cet été : ils auraient spéculé que les décideurs feraient volte-face quant aux fortes hausses de taux d’intérêt.
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Mon prochain invité dit que la récente volatilité qu’on observe à la fois sur les marchés obligataires et boursiers suggère que les investisseurs se battent contre la Fed. Et ils perdent. Il en résulte de la volatilité. Brad Simpson est stratège en chef à Gestion de patrimoine TD. Brad, c’est un plaisir de vous avoir de nouveau avec nous aujourd’hui.
C’est un plaisir d’être là. Merci.
Eh bien. Parlons de ceux qui se battent contre la Fed. Nous avons eu une remontée estivale. Je pense que beaucoup de gens essaient de comprendre ce qui se passe. Ils se disent : attendez une minute. La Fed nous dit une certaine chose. Pourquoi le marché se comporte-t-il ainsi?
Oui. Je pense qu’il s’agit en fait d’une des choses les plus remarquables que j’ai vues sur les marchés. Et, au fil des ans, nous avons vu des choses tout à fait remarquables. On peut toujours compter sur cela, c’est tout à fait vrai. Et si on prend du recul et qu’on regarde ce qui s’est passé en juillet et au début d’août, les taux d’intérêt et les titres du Trésor américain à 10 ans commençaient à redescendre. Les marchés boursiers entamaient une remontée.
Et si on examinait l’indice des conditions financières, à la fois du côté des actions et les obligations, on voyait les conditions s’assouplir. Et les banques centrales ne voulaient pas trois choses : elles ne voulaient pas une diminution des taux, elles ne voulaient pas une remontée des marchés et, plus encore, elles ne voulaient pas voir que, dans le système bancaire traditionnel et dans les activités bancaires parallèles, les fonds diminuaient.
Naïvement, on a cru ce qu’on a bien voulu croire. Et on est tellement accoutumés à ce que la banque centrale vienne à la rescousse qu’à présent, on n’arrive pas à croire qu’elle n’interviendra pas. On se demande si c’est bien vrai.
Je pense que ce à quoi on assiste en ce moment, et on a écrit sur le sujet et on en a parlé tout l’été et on continuera à le faire, c’est à une aberration. Croyez-moi. Cela ne continuera pas. Maintenant, à la mi-août, je pense que les gens ont commencé à comprendre. Je pense qu’ils se réveillent et voient très clairement qu’il n’y aura pas de volte-face bientôt.
Est-ce que c’est l’événement de Jackson Hole qui a suscité cette prise de conscience? L’événement a duré peut-être sept ou huit minutes. Mais le ton y était dur, n’est-ce pas. Je ne m’attendrais pas à ce que le président d’une banque centrale semble rieur, mais il est simplement arrivé, a dit quelques points, puis est reparti.
Oui. On a vu l’effet dans les jours suivants. Avant Jackson Hole, dans les journaux, on commentait que l’événement serait de peu d’importance, que ce pourrait être un des événements de Jackson Hole les plus anodins depuis longtemps. Et je crois que les banques centrales mènent une campagne coordonnée en ce moment.
C’était ce dont a parlé Powell, il a été incroyablement clair. Dans les jours suivants, un gouverneur de la Fed après l’autre a déclaré la même chose : l’inflation est déraisonnable, il n’y a aucune volte-face à l’horizon, et on va continuer à la combattre. Et puis, bien entendu, la Banque centrale européenne a monté son taux à 0,75 point de base aujourd’hui. Elle a dit pratiquement la même chose. Hier, c’était la Banque du Canada. Donc, oui.
Je pense que la progression des choses sera intéressante. Je ne sais pas si les gens comprendront bien. Oh, OK. Elles voulaient juste dire juste pour un certain temps. S’il n’y a pas de signe de changement de régime, il n’y a pas de changement de régime. Un point c’est tout. Et il faut commencer à y penser de cette façon.
Comme vous l’avez dit, on est si habitués à être secourus par les banques centrales. À un certain point, les investisseurs en ont même fait une petite crise. Et la banque centrale leur disait : d’accord, on vous a entendus. On va reculer. Ce n’est pas ce qui va se produire cette fois. Si sa position est ferme et qu’elle garde le cap, de quoi cet environnement aura-t-il l’air pour les investisseurs? Et combien de temps durera ce régime où on nous dit que les choses vont faire mal, qu’on sait qu’elles font mal, mais que c’est un mal nécessaire?
Je pense que, dans les grandes lignes, on croyait initialement, quand les choses ont commencé à rouvrir, qu’environ deux trimestres seraient nécessaires pour qu’on se sorte de la situation. Je pense qu’aujourd’hui, deux camps se dessinent. Et je crois que la meilleure manière d’osciller entre ces deux camps est d’adopter le consensus selon lequel tout se replacera dans les trois ou quatre prochains trimestres. Nous aurons miraculeusement une légère récession, accomplirons cette tâche difficile.
Si c’est ce qui se produisait, les marchés boursiers et des titres à revenu fixe seraient en assez bonne position. L’autre camp prévoit que les choses seront beaucoup plus longues et difficiles qu’on le croyait initialement. Et je pense qu’un point clé pour les investisseurs, et c’est probablement un thème clé sur lequel nous reviendrons encore et encore aujourd’hui, c’est que vu où on est en ce moment, il en faudra beaucoup pour aller là où nous devons aller.
C’est ce qui se produit souvent dans les marchés quand les liquidités abondent et qu’il y a beaucoup de mouvement et de dynamisme : les fluctuations sont attribuables à un grand nombre de spéculateurs et de négociateurs quantitatifs. C’est un monde où on veut être un investisseur. Et cela changement la dynamique. Le marché de négociation est très dur. Et je pense de plus en plus que si vous voulez déterminer la conjoncture économique, je pourrais vous sortir un graphique qui irait dans le sens de ce que vous voulez.
Je pourrais faire en sorte que les nombres s’adaptent à vos idées.
C’est parce qu’il y a tellement de données contradictoires. Et avec ces contradictions, il est très, très difficile de déterminer où on en est. C’est particulièrement difficile en ce moment parce qu’on peut prendre l’ensemble de données qu’on veut et créer une histoire à partir de cet ensemble.
Donc, la situation actuelle est que les banques centrales disent, en somme, il faut prendre le médicament. On sait qu’il goûte mauvais et que personne ne l’aime, mais c’est ce qu’il faut pour guérir. Au final, croyons-nous vraiment que les banques centrales vont maîtriser l’inflation et la faire diminuer?
Oui. Oui. Oui. Et je pense qu’il y a quelques raisons pour lesquelles c’est le cas. Je suis encore dans le camp qui a cette tendance à amplifier les choses. Si on recule dans le temps, dans la dernière année et demie, et qu’on regarde la masse monétaire, qu’on regarde M2, on voit une courbe en J qui va jusqu’au ciel. Et puis après, on se demande comment l’inflation a pu se produire? Eh bien, je pense que c’est très clair.
Après ce constat, si on donne aux gens beaucoup d’argent à dépenser, des taux d’intérêt très bas et beaucoup de temps, l’économie sera plutôt active. Et c’est ce qui s’est passé. Pour cette période qu’on veut étudier, il y a beaucoup d’aspects qu’on doit prendre en considération. Le secteur manufacturier commence à ralentir. Le coût de la nourriture aussi. Je sais qu’il est encore élevé, on en a parlé un peu la dernière fois, mais il commence à redescendre. Et on voit que c’est encore un peu une surprise à l’épicerie, mais ce n’est plus autant le cas puisque les coûts de base de la nourriture diminuent.
Et quand on passe à côté d’une station-service, on voit que le prix de l’essence a baissé. On est actuellement à 10 et ce qu’on dit, c’est que dans ce passage de 10 à 5, on est en plein milieu en ce moment. Tout bien considéré, c’est ce qui se passe. On est à la moitié. Rapidement, on devrait y arriver.
Ensuite, pour le passage d’un 5 à un 2 ou un 3, il y aura des choses plus délicates qu’on devra surveiller. Et je pense qu’il y a deux côtés déterminants à surveiller. D’un côté, on a le marché de l’habitation. De l’autre, le marché de l’emploi. Ce sont les deux choses qui vont déterminer à quelle vitesse on va se rendre au 2 ou au 3.
Et il est très probable que ce soit au quatrième trimestre de 2023 et au début de 2024 que les choses rentreront dans l’ordre. Ce n’est par pour tout de suite.
[MUSIQUE]
Mon prochain invité dit que la récente volatilité qu’on observe à la fois sur les marchés obligataires et boursiers suggère que les investisseurs se battent contre la Fed. Et ils perdent. Il en résulte de la volatilité. Brad Simpson est stratège en chef à Gestion de patrimoine TD. Brad, c’est un plaisir de vous avoir de nouveau avec nous aujourd’hui.
C’est un plaisir d’être là. Merci.
Eh bien. Parlons de ceux qui se battent contre la Fed. Nous avons eu une remontée estivale. Je pense que beaucoup de gens essaient de comprendre ce qui se passe. Ils se disent : attendez une minute. La Fed nous dit une certaine chose. Pourquoi le marché se comporte-t-il ainsi?
Oui. Je pense qu’il s’agit en fait d’une des choses les plus remarquables que j’ai vues sur les marchés. Et, au fil des ans, nous avons vu des choses tout à fait remarquables. On peut toujours compter sur cela, c’est tout à fait vrai. Et si on prend du recul et qu’on regarde ce qui s’est passé en juillet et au début d’août, les taux d’intérêt et les titres du Trésor américain à 10 ans commençaient à redescendre. Les marchés boursiers entamaient une remontée.
Et si on examinait l’indice des conditions financières, à la fois du côté des actions et les obligations, on voyait les conditions s’assouplir. Et les banques centrales ne voulaient pas trois choses : elles ne voulaient pas une diminution des taux, elles ne voulaient pas une remontée des marchés et, plus encore, elles ne voulaient pas voir que, dans le système bancaire traditionnel et dans les activités bancaires parallèles, les fonds diminuaient.
Naïvement, on a cru ce qu’on a bien voulu croire. Et on est tellement accoutumés à ce que la banque centrale vienne à la rescousse qu’à présent, on n’arrive pas à croire qu’elle n’interviendra pas. On se demande si c’est bien vrai.
Je pense que ce à quoi on assiste en ce moment, et on a écrit sur le sujet et on en a parlé tout l’été et on continuera à le faire, c’est à une aberration. Croyez-moi. Cela ne continuera pas. Maintenant, à la mi-août, je pense que les gens ont commencé à comprendre. Je pense qu’ils se réveillent et voient très clairement qu’il n’y aura pas de volte-face bientôt.
Est-ce que c’est l’événement de Jackson Hole qui a suscité cette prise de conscience? L’événement a duré peut-être sept ou huit minutes. Mais le ton y était dur, n’est-ce pas. Je ne m’attendrais pas à ce que le président d’une banque centrale semble rieur, mais il est simplement arrivé, a dit quelques points, puis est reparti.
Oui. On a vu l’effet dans les jours suivants. Avant Jackson Hole, dans les journaux, on commentait que l’événement serait de peu d’importance, que ce pourrait être un des événements de Jackson Hole les plus anodins depuis longtemps. Et je crois que les banques centrales mènent une campagne coordonnée en ce moment.
C’était ce dont a parlé Powell, il a été incroyablement clair. Dans les jours suivants, un gouverneur de la Fed après l’autre a déclaré la même chose : l’inflation est déraisonnable, il n’y a aucune volte-face à l’horizon, et on va continuer à la combattre. Et puis, bien entendu, la Banque centrale européenne a monté son taux à 0,75 point de base aujourd’hui. Elle a dit pratiquement la même chose. Hier, c’était la Banque du Canada. Donc, oui.
Je pense que la progression des choses sera intéressante. Je ne sais pas si les gens comprendront bien. Oh, OK. Elles voulaient juste dire juste pour un certain temps. S’il n’y a pas de signe de changement de régime, il n’y a pas de changement de régime. Un point c’est tout. Et il faut commencer à y penser de cette façon.
Comme vous l’avez dit, on est si habitués à être secourus par les banques centrales. À un certain point, les investisseurs en ont même fait une petite crise. Et la banque centrale leur disait : d’accord, on vous a entendus. On va reculer. Ce n’est pas ce qui va se produire cette fois. Si sa position est ferme et qu’elle garde le cap, de quoi cet environnement aura-t-il l’air pour les investisseurs? Et combien de temps durera ce régime où on nous dit que les choses vont faire mal, qu’on sait qu’elles font mal, mais que c’est un mal nécessaire?
Je pense que, dans les grandes lignes, on croyait initialement, quand les choses ont commencé à rouvrir, qu’environ deux trimestres seraient nécessaires pour qu’on se sorte de la situation. Je pense qu’aujourd’hui, deux camps se dessinent. Et je crois que la meilleure manière d’osciller entre ces deux camps est d’adopter le consensus selon lequel tout se replacera dans les trois ou quatre prochains trimestres. Nous aurons miraculeusement une légère récession, accomplirons cette tâche difficile.
Si c’est ce qui se produisait, les marchés boursiers et des titres à revenu fixe seraient en assez bonne position. L’autre camp prévoit que les choses seront beaucoup plus longues et difficiles qu’on le croyait initialement. Et je pense qu’un point clé pour les investisseurs, et c’est probablement un thème clé sur lequel nous reviendrons encore et encore aujourd’hui, c’est que vu où on est en ce moment, il en faudra beaucoup pour aller là où nous devons aller.
C’est ce qui se produit souvent dans les marchés quand les liquidités abondent et qu’il y a beaucoup de mouvement et de dynamisme : les fluctuations sont attribuables à un grand nombre de spéculateurs et de négociateurs quantitatifs. C’est un monde où on veut être un investisseur. Et cela changement la dynamique. Le marché de négociation est très dur. Et je pense de plus en plus que si vous voulez déterminer la conjoncture économique, je pourrais vous sortir un graphique qui irait dans le sens de ce que vous voulez.
Je pourrais faire en sorte que les nombres s’adaptent à vos idées.
C’est parce qu’il y a tellement de données contradictoires. Et avec ces contradictions, il est très, très difficile de déterminer où on en est. C’est particulièrement difficile en ce moment parce qu’on peut prendre l’ensemble de données qu’on veut et créer une histoire à partir de cet ensemble.
Donc, la situation actuelle est que les banques centrales disent, en somme, il faut prendre le médicament. On sait qu’il goûte mauvais et que personne ne l’aime, mais c’est ce qu’il faut pour guérir. Au final, croyons-nous vraiment que les banques centrales vont maîtriser l’inflation et la faire diminuer?
Oui. Oui. Oui. Et je pense qu’il y a quelques raisons pour lesquelles c’est le cas. Je suis encore dans le camp qui a cette tendance à amplifier les choses. Si on recule dans le temps, dans la dernière année et demie, et qu’on regarde la masse monétaire, qu’on regarde M2, on voit une courbe en J qui va jusqu’au ciel. Et puis après, on se demande comment l’inflation a pu se produire? Eh bien, je pense que c’est très clair.
Après ce constat, si on donne aux gens beaucoup d’argent à dépenser, des taux d’intérêt très bas et beaucoup de temps, l’économie sera plutôt active. Et c’est ce qui s’est passé. Pour cette période qu’on veut étudier, il y a beaucoup d’aspects qu’on doit prendre en considération. Le secteur manufacturier commence à ralentir. Le coût de la nourriture aussi. Je sais qu’il est encore élevé, on en a parlé un peu la dernière fois, mais il commence à redescendre. Et on voit que c’est encore un peu une surprise à l’épicerie, mais ce n’est plus autant le cas puisque les coûts de base de la nourriture diminuent.
Et quand on passe à côté d’une station-service, on voit que le prix de l’essence a baissé. On est actuellement à 10 et ce qu’on dit, c’est que dans ce passage de 10 à 5, on est en plein milieu en ce moment. Tout bien considéré, c’est ce qui se passe. On est à la moitié. Rapidement, on devrait y arriver.
Ensuite, pour le passage d’un 5 à un 2 ou un 3, il y aura des choses plus délicates qu’on devra surveiller. Et je pense qu’il y a deux côtés déterminants à surveiller. D’un côté, on a le marché de l’habitation. De l’autre, le marché de l’emploi. Ce sont les deux choses qui vont déterminer à quelle vitesse on va se rendre au 2 ou au 3.
Et il est très probable que ce soit au quatrième trimestre de 2023 et au début de 2024 que les choses rentreront dans l’ordre. Ce n’est par pour tout de suite.
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