La Banque du Canada maintient son taux directeur malgré un léger essoufflement de l’économie au deuxième trimestre. Anthony Okolie s’entretient avec James Orlando, économiste principal, Groupe Banque TD, à propos des risques que le variant Delta fait peser sur la reprise au Canada au deuxième semestre.
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[MUSIQUE]
- La Banque du Canada a maintenu le taux du financement à un jour à 0,25 %, comme prévu. James, qu’est-ce que tu retiens surtout aujourd’hui?
- Merci, Anthony. En fait, la Banque du Canada a clairement annoncé deux choses. D’une part, elle reconnaît que le contexte de la croissance économique a considérablement changé. Les chiffres décevants du PIB au deuxième trimestre étaient au centre de ce rapport. Elle a souligné que les goulots d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement ont freiné la croissance des exportations, et que le ralentissement de l’activité immobilière a pesé sur l’investissement résidentiel.
Mais l’autre point important à retenir, c’est que la Banque du Canada estime qu’on a probablement atteint le creux pour cette année. Elle s’attend donc à un rebond de la croissance, avec une nette embellie pour la suite de 2021 par rapport au dernier trimestre. Je crois que le message que la Banque du Canada tente de faire passer, c’est qu’après un moment de faiblesse, on s’attend à une belle reprise.
- OK. Compte tenu du ralentissement visible de la croissance économique au Canada, est-ce qu’on s’éloigne d’un relèvement du taux directeur en 2022?
- Ok. On s’attend à un rebond dont les signes sont déjà visibles dans certaines données, dans des estimations provisoires du PIB, dans les gains d’emploi et la baisse du taux de chômage. C’est de bon augure pour les dépenses de consommation. À notre avis, la Banque du Canada devrait réduire son programme d’assouplissement quantitatif en octobre. Et même si nous avons connu un ralentissement, même si le chemin a été semé d’embûches, nous pensons que la Banque du Canada est toujours sur la bonne voie pour relever ses taux fin 2022. On est dans une situation où, à cause de la pandémie, il y a eu beaucoup de faux départs, beaucoup d’obstacles. Je pense qu’on commence tout simplement à s’habituer à cette dynamique.
- Et bien sûr, la Banque du Canada reste d’avis que l’inflation est temporaire. Qu’est-ce que tu en penses? Il ne fait aucun doute que l’inflation est en grande partie temporaire. Par exemple, l’essence a fortement augmenté mais on partait de prix très bas. On sait que les goulots d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement font considérablement monter le coût des processus de production. De l’avis de la plupart des économistes, ces problèmes devraient se résorber d’eux-mêmes.
Mais ce que la Banque du Canada reconnaît – et ce que nous disons depuis un certain temps – c’est que bon nombre des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement risquent de durer beaucoup plus longtemps qu’on ne l’imagine. Il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour augmenter la production. Il faut beaucoup de temps. Nous pensons donc que cette forte inflation va persister un peu plus longtemps, et il semble que la Banque du Canada l’admette également.
- Quels sont les risques pour les perspectives des banques à court terme?
- Le plus grand risque – de toute évidence, certains ont déjà mis à mal la croissance économique. On a mentionné les goulots d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement qui limitent la production, notamment automobile. On voit une baisse des exportations. On a constaté une légère baisse de la demande de logements ces derniers mois. Et combiné au variant Delta qui semble entraîner une hausse des taux d’infection partout au Canada, cela va certainement limiter les dépenses de consommation.
Même si le gouvernement n’impose pas de restrictions, on va se trouver dans une situation où les gens hésiteront peut-être un peu à sortir, à faire des choses et à se retrouver, comme ils le font en temps ordinaire. En quelque sorte, c’est une façon de s’autogouverner. C’est problématique parce que ce qui sous-tend actuellement ce rebond, c’est la baisse des dépenses en biens de consommation – comme on est tout le temps enfermés, on remplit nos maisons de produits, d’équipements de gym – au profit des services.
Et ces dépenses en services que l’on attend, dont on a vraiment besoin pour rebondir, risquent d’être limitées et ralenties à cause de la hausse des cas de COVID. On espère donc que ce ne sera que temporaire, que l’on pourra passer à travers. Mais le risque, c’est que cette situation se détériore considérablement, qu’elle freine nos dépenses et nos comportements, et qu’elle ralentisse la croissance de la consommation et le PIB en général.
- À ton avis, comment le dollar canadien va-t-il évoluer?
- Le huard est assez faible depuis quelque temps. Je crois que ça s’explique surtout par une croissance économique décevante au pays. La situation au Canada est très différente de celle aux États-Unis, où la croissance s’annonce très vigoureuse au cours des prochains mois. Au Canada, les chiffres récents sont en baisse, ce qui crée un peu d’incertitude.
- Au final, compte tenu des produits de base, pour que le dollar canadien s’apprécie, il faudrait d’abord que l’économie canadienne affiche une surperformance. Et ça semble difficile au cours des prochains mois. Ensuite, il faudrait que les prix des produits de base montent en flèche. Or le variant Delta provoque un ralentissement de la croissance chinoise. La Chine est l’un des plus grands acheteurs de produits de base, ce qui soutient l’économie canadienne et le dollar canadien. À notre avis, le huard est assez justement évalué en ce moment, à environ 0,79 $. Je ne m’attends pas à un élan en faveur d’une hausse du dollar canadien dans le contexte actuel.
- James, merci de nous avoir accordé de ton temps.
- Merci.
[MUSIQUE]
- La Banque du Canada a maintenu le taux du financement à un jour à 0,25 %, comme prévu. James, qu’est-ce que tu retiens surtout aujourd’hui?
- Merci, Anthony. En fait, la Banque du Canada a clairement annoncé deux choses. D’une part, elle reconnaît que le contexte de la croissance économique a considérablement changé. Les chiffres décevants du PIB au deuxième trimestre étaient au centre de ce rapport. Elle a souligné que les goulots d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement ont freiné la croissance des exportations, et que le ralentissement de l’activité immobilière a pesé sur l’investissement résidentiel.
Mais l’autre point important à retenir, c’est que la Banque du Canada estime qu’on a probablement atteint le creux pour cette année. Elle s’attend donc à un rebond de la croissance, avec une nette embellie pour la suite de 2021 par rapport au dernier trimestre. Je crois que le message que la Banque du Canada tente de faire passer, c’est qu’après un moment de faiblesse, on s’attend à une belle reprise.
- OK. Compte tenu du ralentissement visible de la croissance économique au Canada, est-ce qu’on s’éloigne d’un relèvement du taux directeur en 2022?
- Ok. On s’attend à un rebond dont les signes sont déjà visibles dans certaines données, dans des estimations provisoires du PIB, dans les gains d’emploi et la baisse du taux de chômage. C’est de bon augure pour les dépenses de consommation. À notre avis, la Banque du Canada devrait réduire son programme d’assouplissement quantitatif en octobre. Et même si nous avons connu un ralentissement, même si le chemin a été semé d’embûches, nous pensons que la Banque du Canada est toujours sur la bonne voie pour relever ses taux fin 2022. On est dans une situation où, à cause de la pandémie, il y a eu beaucoup de faux départs, beaucoup d’obstacles. Je pense qu’on commence tout simplement à s’habituer à cette dynamique.
- Et bien sûr, la Banque du Canada reste d’avis que l’inflation est temporaire. Qu’est-ce que tu en penses? Il ne fait aucun doute que l’inflation est en grande partie temporaire. Par exemple, l’essence a fortement augmenté mais on partait de prix très bas. On sait que les goulots d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement font considérablement monter le coût des processus de production. De l’avis de la plupart des économistes, ces problèmes devraient se résorber d’eux-mêmes.
Mais ce que la Banque du Canada reconnaît – et ce que nous disons depuis un certain temps – c’est que bon nombre des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement risquent de durer beaucoup plus longtemps qu’on ne l’imagine. Il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour augmenter la production. Il faut beaucoup de temps. Nous pensons donc que cette forte inflation va persister un peu plus longtemps, et il semble que la Banque du Canada l’admette également.
- Quels sont les risques pour les perspectives des banques à court terme?
- Le plus grand risque – de toute évidence, certains ont déjà mis à mal la croissance économique. On a mentionné les goulots d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement qui limitent la production, notamment automobile. On voit une baisse des exportations. On a constaté une légère baisse de la demande de logements ces derniers mois. Et combiné au variant Delta qui semble entraîner une hausse des taux d’infection partout au Canada, cela va certainement limiter les dépenses de consommation.
Même si le gouvernement n’impose pas de restrictions, on va se trouver dans une situation où les gens hésiteront peut-être un peu à sortir, à faire des choses et à se retrouver, comme ils le font en temps ordinaire. En quelque sorte, c’est une façon de s’autogouverner. C’est problématique parce que ce qui sous-tend actuellement ce rebond, c’est la baisse des dépenses en biens de consommation – comme on est tout le temps enfermés, on remplit nos maisons de produits, d’équipements de gym – au profit des services.
Et ces dépenses en services que l’on attend, dont on a vraiment besoin pour rebondir, risquent d’être limitées et ralenties à cause de la hausse des cas de COVID. On espère donc que ce ne sera que temporaire, que l’on pourra passer à travers. Mais le risque, c’est que cette situation se détériore considérablement, qu’elle freine nos dépenses et nos comportements, et qu’elle ralentisse la croissance de la consommation et le PIB en général.
- À ton avis, comment le dollar canadien va-t-il évoluer?
- Le huard est assez faible depuis quelque temps. Je crois que ça s’explique surtout par une croissance économique décevante au pays. La situation au Canada est très différente de celle aux États-Unis, où la croissance s’annonce très vigoureuse au cours des prochains mois. Au Canada, les chiffres récents sont en baisse, ce qui crée un peu d’incertitude.
- Au final, compte tenu des produits de base, pour que le dollar canadien s’apprécie, il faudrait d’abord que l’économie canadienne affiche une surperformance. Et ça semble difficile au cours des prochains mois. Ensuite, il faudrait que les prix des produits de base montent en flèche. Or le variant Delta provoque un ralentissement de la croissance chinoise. La Chine est l’un des plus grands acheteurs de produits de base, ce qui soutient l’économie canadienne et le dollar canadien. À notre avis, le huard est assez justement évalué en ce moment, à environ 0,79 $. Je ne m’attends pas à un élan en faveur d’une hausse du dollar canadien dans le contexte actuel.
- James, merci de nous avoir accordé de ton temps.
- Merci.
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