Conflit entre la Russie et l’Ukraine, volatilité sur les marchés, hausse des taux d’intérêt… les événements se bousculent, et les investisseurs ne manquent pas de raisons d’afficher une certaine nervosité. Brad Simpson, stratège en chef, Gestion de patrimoine TD, répond aux grandes questions que se posent les investisseurs.
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Depuis la Seconde Guerre mondiale, aucun conflit militaire n’a eu d’aussi fortes répercussions à l’échelle mondiale. C’est ce qu’affirme notre invité. Nous allons parler des réactions du marché et de l’avenir avec Brad Simpson, stratège en chef à Gestion de patrimoine TD. Brad, merci d’être des nôtres. Je lisais vos notes et vous faites remarquer, à juste titre, que personne ne paie un plus lourd tribut que les Ukrainiens dans cette guerre. C’est indiscutable. La situation est dramatique. Mais quand vous analysez la situation actuelle sur les marchés, vous formulez l’hypothèse qu’en périodes d’extrême incertitude, on se rapproche peut-être plus de la fin d’une correction que du début d’une correction. Et vous avez des graphiques à nous montrer. Après cette entrée en matière succincte, bienvenue, et quel est votre point de vue?
Bonjour, Kim. Ravi de vous voir. Effectivement. Il est clair que l’on vit une époque mouvementée. Ce que montre l’écran qui va s’afficher, c’est qu’effectivement, si vous interrogez des investisseurs individuels en ce moment, ils sont très pessimistes, autant si ce n’est plus qu’au moment de la grande crise financière. Et avec tout ce qui se passe dans le monde, il est logique d’être pessimiste. On a donc décidé de comparer l’évolution du S&P 500 par rapport à l’indice d’incertitude économique. Et ce que l’on voit ici, c’est le fonctionnement de cet indice d’incertitude. Les investisseurs parcourent les journaux à grand tirage et ils voient des mots comme « incertitude », « économie », « marchés », « incertitude sur les marchés » dont l’usage se généralise. Ensuite, ils regardent ce qu’en disent les prévisionnistes. Et quand on atteint ces pics, l’emploi de ce type de langage augmente dans la presse. Et puis les pronostics sur l’orientation de l’indice des prix à la consommation vont bon train, et on entend que les consommateurs ont peur, que la consommation va finir par ralentir. Et ces pronostics font monter en flèche l’indice d’incertitude. Au final, le résultat de tout cela, si on revient un peu en arrière – et on en a déjà discuté vous et moi – ce qui arrive, c’est que l’on se retrouve absorbé dans l’immédiat. Mais ce n’est pas ainsi que les marchés fonctionnent. Habituellement, les marchés réagissent en se disant que l’on vit une période sombre, mais que l’on ne va pas simplement se résigner. Les choses vont changer. Des mesures vont être prises. Des politiques vont être mises en place. Il va y avoir une action militaire. Il va y avoir une intervention. Il va se passer tout ce qui s’est passé depuis le 24 février. Et les marchés touchent le fond, puis ils repartent à partir de ce creux. Et si on regarde la situation actuelle, si on prend par exemple les contrats à terme e-mini S&P 500, ils ont piqué du nez le 24, à 4 094, avant de remonter de 13 % depuis cette date. Sur les 12 derniers jours de bourse, il y en a 10 qui ont été vraiment positifs. Quant au VIX, il a grimpé en flèche, presque jusqu’à 40, pour finalement redescendre aux alentours de 19. Et donc, malgré tous les moments difficiles, le marché a réagi de manière tout à fait classique.
J’aimerais vous poser une question, en me basant sur cette réaction classique dont vous parlez. Vous envisagez deux scénarios. Vous pensez qu’un scénario haussier est plus probable qu’un scénario baissier, mais pouvez-vous nous les exposer tous les deux?
Bien sûr. Et on est dans un contexte très fluide. L’une des choses que l’on a précisées dans notre article, c’est qu’il faut rester prudent et se garder de faire des affirmations grandioses sur ce qui va se passer, parce que l’on vit une période tourmentée, entre les évolutions géopolitiques, les interventions militaires, sans parler des changements de politique des banques centrales. Le scénario le plus optimiste, c’est que malgré les événements, on assiste à une normalisation des chaînes d’approvisionnement. Et que cette normalisation jugule vraiment l’inflation qui provoque en ce moment une surchauffe des marchés. Même si les coûts de l’énergie et des denrées alimentaires restent élevés, l’inflation se met à diminuer, peut-être pas jusqu’aux niveaux d’avant, mais loin des sommets actuels. L’économie commence à ralentir, et la Fed revient peut-être en partie sur les hausses de taux d’intérêt prévues. Ensuite, à partir de là, il faut se dire qu’en général, on se trompe sur ce que la Fed va faire. Souvent, on a tendance à faire des surestimations dans nos projections. De ce côté-là, on reste donc dans la continuité. Puis vous regardez du côté de la Chine, qui a connu le scénario exactement inverse de celui de l’Amérique du Nord. Là-bas, les efforts de reflation commencent à porter fruit. Et l’économie mondiale commence à retrouver un semblant d’équilibre. On se retrouve en bien meilleure posture. On avait estimé à 70% la probabilité de ce scénario. Je dirais que maintenant, il n’y a plus que 50 à 60 % de chances qu’il se concrétise, ce qui dénote une tendance difficile. Pour ce qui est du scénario baissier, on part du principe que le conflit va durer. Et dans ce cas, la prime à payer augmente considérablement pour les investisseurs, les bénéfices des sociétés s’affaiblissent, on limite les dépenses, et on se retrouve dans cette spirale baissière dont personne ne veut. Les prix des aliments et de l’énergie grimpent. Admettons que cette inflation continue de monter en flèche et se répercute sur tout le reste des biens et des services et au bout du compte, sur les salaires. On se retrouve alors avec des niveaux d’inflation plus élevés que ceux d’aujourd’hui, avec un marché plus difficile. Je dirais que c’est vraiment en fonction de ces scénarios que le marché négocie, au jour le jour. Le marché oscille en quelque sorte entre ces deux extrémités.
Et on voit bien cette oscillation. Brad, il ne reste que 15 secondes, alors ça va être serré. Pour ce qui est des actions, des titres à revenu fixe, des placements alternatifs, en 15 secondes, qu’est-ce que vous en pensez?
Pour ce qui est des actions, on conserve une surpondération. On est d’avis que leur rendement est bridé et qu’un rendement positif d’ici la fin de l’année reste encore très possible. J’ajouterais simplement qu’on n’est pas obligés de voir parfaitement juste. On adopte une stratégie défensive, on se couvre, avec beaucoup de positions courtes. Et dans ce contexte, il est parfaitement logique d’adopter cette stratégie. Les marchés des titres à revenu fixe vont rester très volatils. C’est donc logique de miser sur des durées courtes. Mais on s’assure d’avoir une bonne exposition aux obligations pour gérer le risque. Et on continue de recomposer nos portefeuilles. On a surpondéré le secteur des infrastructures, car l’économie mondiale commence à se redresser, et on poursuit la construction qui accompagne cet élan, avec la reconstruction de l’infrastructure mondiale. Nous pensons qu’il va continuer d’y avoir énormément d’opportunités, tant dans le secteur privé que public.
Bonjour, Kim. Ravi de vous voir. Effectivement. Il est clair que l’on vit une époque mouvementée. Ce que montre l’écran qui va s’afficher, c’est qu’effectivement, si vous interrogez des investisseurs individuels en ce moment, ils sont très pessimistes, autant si ce n’est plus qu’au moment de la grande crise financière. Et avec tout ce qui se passe dans le monde, il est logique d’être pessimiste. On a donc décidé de comparer l’évolution du S&P 500 par rapport à l’indice d’incertitude économique. Et ce que l’on voit ici, c’est le fonctionnement de cet indice d’incertitude. Les investisseurs parcourent les journaux à grand tirage et ils voient des mots comme « incertitude », « économie », « marchés », « incertitude sur les marchés » dont l’usage se généralise. Ensuite, ils regardent ce qu’en disent les prévisionnistes. Et quand on atteint ces pics, l’emploi de ce type de langage augmente dans la presse. Et puis les pronostics sur l’orientation de l’indice des prix à la consommation vont bon train, et on entend que les consommateurs ont peur, que la consommation va finir par ralentir. Et ces pronostics font monter en flèche l’indice d’incertitude. Au final, le résultat de tout cela, si on revient un peu en arrière – et on en a déjà discuté vous et moi – ce qui arrive, c’est que l’on se retrouve absorbé dans l’immédiat. Mais ce n’est pas ainsi que les marchés fonctionnent. Habituellement, les marchés réagissent en se disant que l’on vit une période sombre, mais que l’on ne va pas simplement se résigner. Les choses vont changer. Des mesures vont être prises. Des politiques vont être mises en place. Il va y avoir une action militaire. Il va y avoir une intervention. Il va se passer tout ce qui s’est passé depuis le 24 février. Et les marchés touchent le fond, puis ils repartent à partir de ce creux. Et si on regarde la situation actuelle, si on prend par exemple les contrats à terme e-mini S&P 500, ils ont piqué du nez le 24, à 4 094, avant de remonter de 13 % depuis cette date. Sur les 12 derniers jours de bourse, il y en a 10 qui ont été vraiment positifs. Quant au VIX, il a grimpé en flèche, presque jusqu’à 40, pour finalement redescendre aux alentours de 19. Et donc, malgré tous les moments difficiles, le marché a réagi de manière tout à fait classique.
J’aimerais vous poser une question, en me basant sur cette réaction classique dont vous parlez. Vous envisagez deux scénarios. Vous pensez qu’un scénario haussier est plus probable qu’un scénario baissier, mais pouvez-vous nous les exposer tous les deux?
Bien sûr. Et on est dans un contexte très fluide. L’une des choses que l’on a précisées dans notre article, c’est qu’il faut rester prudent et se garder de faire des affirmations grandioses sur ce qui va se passer, parce que l’on vit une période tourmentée, entre les évolutions géopolitiques, les interventions militaires, sans parler des changements de politique des banques centrales. Le scénario le plus optimiste, c’est que malgré les événements, on assiste à une normalisation des chaînes d’approvisionnement. Et que cette normalisation jugule vraiment l’inflation qui provoque en ce moment une surchauffe des marchés. Même si les coûts de l’énergie et des denrées alimentaires restent élevés, l’inflation se met à diminuer, peut-être pas jusqu’aux niveaux d’avant, mais loin des sommets actuels. L’économie commence à ralentir, et la Fed revient peut-être en partie sur les hausses de taux d’intérêt prévues. Ensuite, à partir de là, il faut se dire qu’en général, on se trompe sur ce que la Fed va faire. Souvent, on a tendance à faire des surestimations dans nos projections. De ce côté-là, on reste donc dans la continuité. Puis vous regardez du côté de la Chine, qui a connu le scénario exactement inverse de celui de l’Amérique du Nord. Là-bas, les efforts de reflation commencent à porter fruit. Et l’économie mondiale commence à retrouver un semblant d’équilibre. On se retrouve en bien meilleure posture. On avait estimé à 70% la probabilité de ce scénario. Je dirais que maintenant, il n’y a plus que 50 à 60 % de chances qu’il se concrétise, ce qui dénote une tendance difficile. Pour ce qui est du scénario baissier, on part du principe que le conflit va durer. Et dans ce cas, la prime à payer augmente considérablement pour les investisseurs, les bénéfices des sociétés s’affaiblissent, on limite les dépenses, et on se retrouve dans cette spirale baissière dont personne ne veut. Les prix des aliments et de l’énergie grimpent. Admettons que cette inflation continue de monter en flèche et se répercute sur tout le reste des biens et des services et au bout du compte, sur les salaires. On se retrouve alors avec des niveaux d’inflation plus élevés que ceux d’aujourd’hui, avec un marché plus difficile. Je dirais que c’est vraiment en fonction de ces scénarios que le marché négocie, au jour le jour. Le marché oscille en quelque sorte entre ces deux extrémités.
Et on voit bien cette oscillation. Brad, il ne reste que 15 secondes, alors ça va être serré. Pour ce qui est des actions, des titres à revenu fixe, des placements alternatifs, en 15 secondes, qu’est-ce que vous en pensez?
Pour ce qui est des actions, on conserve une surpondération. On est d’avis que leur rendement est bridé et qu’un rendement positif d’ici la fin de l’année reste encore très possible. J’ajouterais simplement qu’on n’est pas obligés de voir parfaitement juste. On adopte une stratégie défensive, on se couvre, avec beaucoup de positions courtes. Et dans ce contexte, il est parfaitement logique d’adopter cette stratégie. Les marchés des titres à revenu fixe vont rester très volatils. C’est donc logique de miser sur des durées courtes. Mais on s’assure d’avoir une bonne exposition aux obligations pour gérer le risque. Et on continue de recomposer nos portefeuilles. On a surpondéré le secteur des infrastructures, car l’économie mondiale commence à se redresser, et on poursuit la construction qui accompagne cet élan, avec la reconstruction de l’infrastructure mondiale. Nous pensons qu’il va continuer d’y avoir énormément d’opportunités, tant dans le secteur privé que public.