Le risque de récession augmente alors que la Fed poursuit sa guerre contre l’inflation. Michael Craig, chef, Répartition des actifs, GPTD et Scott Colbourne, directeur général, Titres à revenu fixe à gestion active, GPTD, expliquent ce à quoi on doit s’attendre pour les actions et les titres à revenu fixe au deuxième semestre de 2022 et par la suite.
[MUSIQUE]
À quoi peut-on s’attendre pour la deuxième moitié de cette année et pour la suite? J’accueille Michael Craig, chef, Répartition des actifs, Gestion de Placements TD et Scott Colburn, directeur général, Gestion active des titres à revenu fixe, GPTD. Messieurs, nous allons aborder des sujets importants. Évidemment, c’est difficile de prédire ce qui nous attend pour la deuxième moitié de l’année et la suite.
Mais commençons par ce qui s’est passé aujourd’hui, avec Scott, pour ce qui est de l’inflation. Elle est élevée, peut-être un peu moins que prévu, mais 21 %, c’est encore assez important.
Oui, et c’est la même chose partout dans le monde. L’inflation globale est très élevée. Je vais essayer de présenter les choses positivement, on commence à voir ou à envisager le pic de l’inflation globale.
On voit donc les attentes d’inflation baisser un peu, on voit des signes de demande, je n’aime pas utiliser le mot destruction, mais on a un ralentissement de la croissance à l’échelle mondiale. Et ça va limiter l’inflation globale et réduire les pressions sur la chaîne d’approvisionnement partout dans le monde.
Je vais donc être légèrement positif, c’est moins important que ce qu’on avait prévu. Et je pense qu’il s’agit du pic.
Un pic d’inflation, Michael, est-ce que ce sera suffisant pour les investisseurs? Ce serait bien que ce soit le pic, parce qu’on vit tous cette situation. Cela touche nos portefeuilles, notre vie quotidienne… l’essence, l’alimentation. Mais les marchés se porteront-ils mieux si on atteint 7,9 % le mois prochain?
Je pense que l’automne sera très révélateur de la fin de l’année. Ça va vraiment se jouer entre la rapidité du retour de l’inflation à la cible de 2 % et le ralentissement rapide de la croissance. Le risque, c’est que si la croissance ralentit rapidement, mais que l’inflation reste un peu soutenue, on se retrouve avec un deuxième semestre volatil.
Pour moi, l’essentiel, c’est que certains aspects de l’inflation vont certainement baisser. Dans l’ensemble, les produits de base redescendent des sommets qu’ils avaient atteints. Les prix de l’essence baissent partout. On assiste à d’énormes ralentissements et une forte croissance.
Mais il y a des segments de l’inflation qui vont rester difficiles, comme les loyers. Et ça va mener à… d’ici la fin de l’année, une inflation qui sera encore à 4 %, 5 % sur 12 mois. On n’est certainement pas sorti du bois. La clé, c’est la course entre la croissance et le ralentissement et la croissance par rapport au ralentissement de l’inflation, pour la négociation des marchés à court terme.
Si j’étais banquier central, j’espérerais que l’inflation atteigne un sommet, voire qu’elle commence à baisser. Mais elle reste très agressive, et on s’attend à d’autres mesures fortes, non seulement de la Fed, qui sera la prochaine, mais aussi de la Banque du Canada en septembre. Alors, Scott, quand est-ce que tout ça pourrait s’arrêter?
Oui, je pense qu’on est près de la fin, 3 et 1/2, 3 et 3/4, c’est en quelque sorte le niveau où les marchés ont établi leur cours, au Canada et aux États-Unis, on est à 2 et 1/2 % au Canada. On a donc un autre pour cent de la Banque du Canada, d’ici la fin de l’année.
Ils veulent dépasser ce qu’ils considèrent comme neutre, ou un peu plus, puis réévaluer et, pour revenir à ce que disait Mike sur la persistance de l’inflation, la stabilité sous-jacente de l’inflation, des salaires, du logement, des soins de santé, etc. Il s’agit de réfléchir à la persistance, puis de voir si l’année prochaine, et ce qui est prévu pour l’année prochaine, et l’année après, pour ce qui est des réductions, si cela se concrétise ou non.
Et c’est vraiment le facteur impondérable, tout dépendra tellement de la façon dont les choses se dérouleront cette année, en matière de politique. En fait, le marché obligataire prévoit trois réductions l’an prochain. Le marché obligataire nous indique qu’on va entrer en récession.
Tout à fait, si on parle de réduction, on parle de récession, alors commençons par la récession.
Mais le problème, c’est que je ne pense pas que la réduction soit possible à moins que l’inflation revienne à deux chiffres. Et c’est vraiment le défi, si l’inflation atteint les deux chiffres, de manière un peu audacieuse, mais modérée, je pense que ça peut se passer.
Mais le risque est que l’on connaisse un ralentissement marqué ou une récession et que les banques centrales ne puissent pas réduire les taux, car l’inflation reste soutenue; ça mènerait à un environnement de stagflation. C’est un contexte très difficile et on verrait probablement des courbes très inversées. En fin de compte, ils vont réduire les taux, mais la question est de savoir quand. Au deuxième trimestre de l’an prochain, au quatrième trimestre? Encore une fois, on revient à ça. Ils ne vont pas ralentir jusqu’à ce qu’ils voient que l’inflation a vraiment baissé.
Maintenant que la Banque du Canada nous a annoncé une hausse de 100 points de base, ils ont indiqué qu’ils allaient préparer tout ça, dans l’espoir d’obtenir un atterrissage en douceur. Évidemment, si on parle d’une récession difficile on n’aura pas d’atterrissage en douceur, n’est-ce pas? Il s’agirait même plutôt d’un atterrissage très difficile.
Extrêmement difficile. La fenêtre est étroite pour atterrir étant donné la taille de notre économie, et encore plus de l’économie américaine. Quant à la récession, on a différentes versions à l’échelle mondiale.
Ici, au Canada, les points faibles sont le secteur du logement et les ménages, on a donc une récession financière, les gens font vraiment machine arrière. C’est la récession classique du bilan de la Banque du Japon. Pour les États-Unis, c’est légèrement différent, l’Europe a une autre version sous le coup de l’énergie.
Et on n’en parle pas beaucoup, mais la Chine en est bien là aussi. C’est la deuxième économie mondiale et elle vient de connaître un deuxième trimestre de croissance du PIB plat. Et le secteur immobilier là-bas est vraiment en difficulté. On aura une récession, mais avec des versions différentes à l’échelle mondiale.
Et probablement pas… si vous pensez aux récessions précédentes avec un taux de chômage nettement plus élevé. Je ne suis pas certain que cette fois-ci, on ait un taux de chômage à 6 % ou 7 %. Du point de vue de l’emploi, ça ne sera peut-être pas si brutal.
Et ce sera différent, les gens vont vivre cette récession de manière différente. Comme si vous étiez trop endetté et que vous honoriez à peine vos versements hypothécaires avec un prêt hypothécaire à taux variable, c’est un contexte difficile, si votre emploi est axé sur le logement. Ce sera un marché difficile, mais pour d’autres secteurs de l’économie, ça ne sera pas la fin du monde.
Parce que je ne pense pas que les marchés de l’emploi soient aussi tendus aujourd’hui. Et on verra probablement une ouverture, et on verra le chômage augmenter. Mais je ne pense pas qu’on revienne à la situation de chômage de 2008, d’il y a 14 ans.
Dernière réflexion sur ce sujet. Le Canada est-il à la merci de l’économie mondiale? Vous avez mentionné la Chine, Scott. Il y a de grandes forces mondiales face à notre petit pays ouvert.
Oui, on est une petite économie ouverte et vulnérable aux vents extérieurs. Et évidemment, ce qui est positif, ce sont les prix des produits de base, et ça change, mais est-ce qu’on a beaucoup de répit? On peut approfondir la question.
Je pense que les prix des produits de base ont atteint un sommet. Et il y aura de la fermeté. Mais ça va passer d’un vent arrière à un vent contraire, c’est certain. Le Canada va donc éprouver des difficultés à l’échelle mondiale. En fait, je… on était leader en matière de politique monétaire et on devançait la Fed, avec 100 points de base. Mais je pense qu’on sera bientôt à la traîne par rapport à la Fed.
Examinons les actions. Examinons les titres à revenu fixe. Je vais commencer par vous, Michael, pour ce qui est des actions. On reste dans le dur. La période des bénéfices est bien entamée, du moins au sud de la frontière, il y a des préoccupations au sujet de la vigueur du dollar américain, comment est-ce que tout ça se passe?
La période des bénéfices a été un peu mouvementée, JP Morgan a fait des commentaires préoccupants, avec moins de rachats d’actions, etc. Avec cette période de bénéfices, on voit quand le chef des finances, le chef de la direction commence à tout jeter par la fenêtre et profiter de l’occasion pour vraiment réduire les attentes. Les marchés se sont déjà repliés cette année, on négocie à 16 fois plus.
Cela ne s’est pas encore vraiment produit. Et avant d’être optimistes à l’égard des actions actuellement, notons que le marché cherche toujours une croissance de bénéfices assez solide pour 2023. Selon nous, ce n’est probablement pas réaliste.
C’est probablement la dernière chose qu’on veut, une récession des bénéfices, ou les bénéfices négociés à la baisse pour 2023. À ce moment-là, les marchés boursiers semblent beaucoup plus intéressants pour ce qui est de l’engagement. Pendant la remontée estivale négociable, les volumes sont plutôt faibles. Mais encore une fois, je pense qu’on va être dans un environnement très volatil à l’automne.
Donc, malgré les difficultés, les évaluations sont bien meilleures qu’elles ne l’étaient. Et si on ne se concentre pas sur les 12 prochains mois, ce n’est probablement pas… on vit une période intéressante pour examiner les actions. Mais je crois tout de même qu’il y aura une certaine volatilité.
Si on n’obtient pas ces révisions à la baisse des bénéfices étant donné qu’on est un peu préoccupés par le début de la période des bénéfices, va-t-on souffrir davantage plus tard?
Oui, tout à fait, encore une fois, si l’inflation est revenue par magie à 2 d’ici octobre, ce qui ne sera pas le cas, et si les banques centrales ont ralenti, peut-être que ça peut se faire. Mais on a l’impression qu’il faudra voir une certaine réévaluation à la baisse en entrant en 2023 et réduire vraiment ces attentes, ensuite, on commencera à examiner la volatilité et les marchés boursiers.
Très bien, Scott, cette idée du portefeuille équilibré si le volet des actions ne fonctionne pas comme le volet des titres à revenu fixe. Comme vous l’avez dit au début de l’émission, l’année a été difficile, on observe un repli des actions. Il y a aussi le repli des titres à revenu fixe. Qu’est-ce qui se passe dans ce domaine et où va-t-on?
Oui, c’est un changement de régime qu’on n’a pas vu en plusieurs décennies. On a subi cet effet inflationniste dans un contexte de faible croissance. Les taux et les banques centrales ont été audacieux. On en est enfin au point où la valeur est raisonnable. Et un peu comme Mike l’a dit, on a réévalué les titres à revenu fixe. On a des taux, disons des taux à 10 ans aux États-Unis, entre 3 % et 3 et 1/2 %. Probablement le meilleur depuis un certain temps. Et je pense qu’il est logique de rééquilibrer les choses.
On utilise les titres à revenu fixe pour divers motifs dans les portefeuilles équilibrés. Et l’un d’eux vise à diversifier nos placements en fonction de la volatilité des actions. Et même si ça n’a pas été le cas au premier semestre en raison du contexte unique, je pense que ça joue de nouveau un rôle. Et il incombe aux investisseurs de commencer à en profiter un peu.
L’automne va être volatil, n’est-ce pas? On ne sait pas où va l’inflation ni où va l’inflation de base. Et on a encore quelques hausses de taux à venir. Mais il est tout à fait logique de commencer à en profiter.
Maintenant, je veux que vous vous affrontiez. Je sais que vous êtes collègues, amis même, mais… le fait qu’on commence à voir un certain rendement maintenant rend les obligations intéressantes, peut-être plus intéressantes qu’elles ne l’ont été depuis longtemps. Mais les gens se demandent alors pourquoi ils ne peuvent pas juste profiter d’une action avec un rendement en dividende assez intéressant. Ça pourrait leur donner une certaine plus-value de capital. Alors, allez-y, battez-vous, les gars. Je ne sais pas qui veut commencer.
OK.
Alors quelques éléments. Si on tente de constituer un patrimoine, les actions sont généralement le meilleur choix. En réalité, tous les taux des titres à revenu fixe sont de 4 et 1/2 % quand vous incluez les obligations de sociétés, etc. C’est vraiment intéressant. On a atteint des niveaux de rendement inédits depuis 10 ans. C’est une période intéressante.
Je pense qu’il y a encore un certain degré de volatilité pour les deux, mais qu’il y aura plus de volatilité sur les marchés boursiers. Je suis un peu en train de me dérober.
Oui, il me facilite la tâche.
[LES VOIX SE MÉLANGENT]
J’ai passé toute ma carrière avec les actions à long terme. Et une chose importante, c’est évidemment la répartition entre les actions et les titres à revenu fixe, on ne veut pas juste des actions. Mais j’aimerais parler des titres à rendement élevé. Et les titres à rendement élevé représentent 8 et 1/2 % de nos jours. Et cela favorise un rendement en dividende de 6 et 1/2 %.
Quand on regarde la volatilité des titres à rendement élevé au fil du temps, cela donne une fraction de la volatilité. Peut-être un tiers de la volatilité du marché boursier. Donc, si on veut vraiment sortir de la courbe des risques et des titres à revenu fixe, il est logique de commencer à investir dans les titres à rendement élevé. Et c’est très intéressant, plus intéressant que certains des dividendes ordinaires.
Qu’il s’agisse d’actions ou de titres à revenu fixe, où est le risque en ce moment? Évidemment, on traverse une période de volatilité. Je discutais récemment avec quelqu’un qui m’a dit qu’on pourrait élaborer une stratégie si seulement on savait où on en était. Ça semble être la chose la plus difficile à savoir d’un jour à l’autre. Je suis à mon bureau, je regarde ce qui se passe et je me demande où on en est exactement.
Je pense qu’il y a un peu de risque dans les positions acheteur sur le dollar. Le dollar américain a beaucoup bougé. Il y a encore beaucoup de gens qui sont très optimistes. Encore une fois, dès que l’on constate que les États-Unis, la Fed devance la plupart des banques centrales à l’exception du Canada. Dès qu’on remarque qu’ils vont faire une pause, on voit un important renversement du dollar.
L’euro se négocie à parité. Le yen se négocie à peu près… Je ne sais pas, je ne pense pas avoir vécu depuis… eh bien, peut-être que j’avais quatre ans lorsque le yen a atteint ce haut niveau la dernière fois. Pour moi, le risque auquel les investisseurs devraient porter attention, c’est que le dollar américain est très élevé.
Il y a beaucoup d’aversion pour le risque. Et dès que les écarts de taux d’intérêt commencent bà se resserrer, je vois que le dollar… Ça ne se passera pas la semaine prochaine, mais dans les prochaines années, pour moi, c’est une situation qui n’a pas beaucoup de sens.
Scott, j’ai toujours cru que les gens spécialisés dans les obligations sont les plus intelligents ou affirment qu’ils sont les plus intelligents. Si on regarde le marché obligataire et ce qui se passe, qu’est-ce que ça nous apprend sur ce qui se passe vraiment dans le monde?
Je pense que ça indique qu’il ne faut pas trop réfléchir. En fait, c’est un été chaud. Je pense qu’il ne faut pas trop en faire et ne pas trop réfléchir. Je pense qu’on entre dans un deuxième semestre potentiellement difficile, il est difficile de savoir où on va. Comme Mike l’a dit, il y a beaucoup de négociations consensuelles. Position acheteur sur le dollar et les produits de base, position vendeur sur le yen. C’est vraiment négatif pour l’Europe.
Et on voit un certain recul et une contribution des remontées, des remontées boursières tout au long de l’été. Ne faites pas trop d’opérations, ne vous positionnez certainement pas comme acheteur. Si vous sous-pondérez les titres à revenu fixe, félicitations. Vous devriez commencer à en profiter. Mais je pense honnêtement qu’il faut s’éloigner un peu des marchés pendant l’été.
Très bien. On a donc une morosité estivale. Vous êtes d’accord?
Alors…
C’est là qu’il y a des frictions.
Les spécialistes des obligations avec leur position sur l’été. Je dirais que la décennie 2010 a été intéressante. Avec beaucoup de dispersion limitée. Tout s’est bien passé. Et je pense qu’on vit dans un monde bien différent aujourd’hui. Qu’il s’agisse de géopolitique ou de produits de base, le prochain invité va parler du manque de produits disponibles en termes d’offre, de populisme, des facteurs ESG et de réchauffement de la planète.
Il y a beaucoup de risques. Je ne veux pas être trop pessimiste. Je pense simplement qu’on doit revoir nos attentes à l’égard des placements. Le plus important, c’est d’éviter les erreurs éviter les défauts de paiement ou les faillites. Et je pense que ce sera une période où les gens qui réfléchissent à ça, les investisseurs se portent très bien.
Je pense qu’il y a beaucoup d’obstacles à surmonter. Et c’est un peu comme ça qu’on pense aux 10 prochaines années pour ce qui est de… je pense que les occasions sont excellentes. Les évaluations sont bien meilleures aujourd’hui, par définition. Mais on dit que le risque est très différent aujourd’hui. Les marchés vont évaluer ce risque, mais n’oubliez pas qu’il existe toujours.
Et dans un monde où… on parle peut-être d’une baisse de l’inflation l’an prochain. Et on parle peut-être d’une inflation élevée d’ici 2025. Parce que l’offre de biens est beaucoup plus restreinte. Je pense qu’il faut penser à long terme au cours de la prochaine décennie.
Excellente discussion, messieurs. Merci beaucoup de vous être joints à nous aujourd’hui.
Merci.
Le plaisir est pour nous.
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