Comment les actions des lignes aériennes se comparent-elles à celles des compagnies ferroviaires alors que le boom des voyages de l’été touche à sa fin? Juliana Faircloth, vice-présidente, Recherche de portefeuille, Gestion de Placements TD, se joint à Greg Bonnell de MoneyTalk pour en discuter.
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Si vous vous étiez intéressés au secteur des transports cet été, vous auriez constaté que les compagnies aériennes ont surclassé les chemins de fer, mais cette tendance s'est inversée au fur et à mesure de l'automne. Juliana Faircloth, Gestion de Placement TD, nous rejoint pour en discuter. Bonjour, ça me fait plaisir de vous accueillir une nouvelle fois. Les trains, les avions. Bonjour, Greg. Merci de m'inviter. Comme vous l'avez dit, l'année a été volatile pour ces deux sous-secteurs... ...du secteur des titres industriels. Ce graphique montre les deux segments qui, jusqu'ici, ont eu un comportement légèrement inférieur à celui du marché. L'ensemble du marché, c'est le gris et puis les compagnies aériennes, c'est le bleu et le troisième… la troisième courbe est celle des chemins de fer. Si vous aviez détenu des compagnies aériennes jusqu'au mois de juillet, vous auriez été en hausse de 40%, mais la trajectoire des deux sous-secteurs a été très différente. Les compagnies aériennes sont tirées par la hausse de la demande de trajets en avion. Les billets d'avion coûtent de plus en plus cher. Au troisième trimestre, les bénéfices des compagnies aériennes ont augmenté de 90%. Au troisième trimestre, Delta vient d'annoncer une hausse de 35%. Inversement, les chemins de fer connaissent une récession des marchandises. C'est ce que les chemins de fer vous diront et les entreprises de camionnage également. Au niveau des bénéfices, c'est un peu plus délicat. Pour les chemins de fer, au deuxième trimestre, les bénéfices des chemins de fer américains ont reculé de 15 à 16%. Encore une fois, cela se compare à plus de 90% de hausse pour les compagnies aériennes. Des trajectoires très divergentes pour ces deux sous-secteurs des transports. Vous avez parlé d'une récession des marchandises. De quoi s'agit-il? Dans l'ensemble de l'économie, on parle du passage des biens aux services. Est-ce le phénomène qui alimente cette récession des marchandises? Oui, tout à fait. La notion de la transition des biens aux services se répercute de façon très claire dans la divergence entre les compagnies aériennes et les chemins de fer. Quand je parle d'une récession des marchandises, je veux dire que les volumes des expéditions par chemin de fer ont diminué pour l'essentiel de 2023, notamment en ce qui concerne les volumes intermodaux, c'est-à-dire essentiellement des volumes de marchandises destinées aux consommateurs que les chemins de fer transportent au Canada ou aux États-Unis. Et ce, pour deux raisons. Tout d'abord, la transition, comme vous le disiez, des biens aux services, les consommateurs ne dépensent pas autant en mobilier, ils dépensent davantage en voyage, et ils prennent des vols sur des avions d'Air Canada. Et puis il y a également la réduction des inventaires, ce qui reliait la transition des biens aux services. Pendant la pandémie, en 2021 et 2022, les détaillants ont constitué d'énormes stocks qui ont pris quelque temps à s'écouler, puisque les consommateurs dépensent moins en biens. Alors le secteur des compagnies aériennes a surclassé cette année. C'est un marché difficile pour beaucoup d'actions depuis plusieurs semaines, mais en même temps, quand on parle de compagnies aériennes, c'est un secteur qui peut être délicat. Est-ce que certains de ces facteurs commencent à se faire sentir? Vous avez raison. Le secteur des compagnies aériennes peut être difficile pour l'investisseur. À long terme, mettons depuis cinq ans, vous voyez que les compagnies aériennes offrent un rendement nettement inférieur à celui des chemins de fer. La ligne orange est l'ensemble du marché. La ligne grise... Bien sûr, ce graphique inclut la période de la pandémie. C'est une période qui est sans précédent pour les compagnies aériennes. Mais même si on considère les cinq années entre 2014 et 2019, la situation est semblable. Les compagnies aériennes stagnent en tant que secteur, tandis que les chemins de fer surclassent et que l'ensemble du marché est à la hausse sur ses 5 ans pré-COVID. Il y a un certain nombre de raisons... ...qui constituent une intéressante étude de cas sur ce que recherchent les investisseurs fondamentaux en matière de qualité dans une industrie. Les chemins de fer, comme les compagnies aériennes, ont une forte intensité de capital. Ça coûte beaucoup d'argent pour créer un réseau ferré. Ça coûte beaucoup d'argent pour démarrer une compagnie aérienne. Il y a beaucoup de réglementations auxquelles les compagnies aériennes et les chemins de fer doivent se conformer. Il y a une pression qui émane des syndicats, de la main-d'œuvre, mais en revanche, il y a les obstacles à l'entrée dans le secteur, l'intensité concurrentielle et les coûts de substitution des consommateurs. Moi, je ne suis pas en mesure de créer une compagnie aérienne ni un réseau ferré. Les obstacles à l'entrée sur le secteur sont importants, mais pas autant, dites-vous, pour une compagnie aérienne? Vous avez raison. En ce qui concerne les obstacles à l'entrée dans le secteur... ...là où il y a... il est presque inconcevable d'envisager un nouveau réseau ferré transcontinental au Canada ou aux États-Unis. Les territoires qu'il faudrait, les communautés dont il faudrait obtenir l'autorisation, c'est tellement important que cela crée un obstacle insurmontable à l'entrée dans le secteur ferroviaire. Les compagnies aériennes, en revanche... Une compagnie aérienne est difficile à créer, mais ce n'est pas impossible. On peut acheter quelques avions et se lancer. Depuis quelques décennies, il y a eu de nouvelles compagnies aériennes créées. Il y a eu une forte poussée du secteur des transporteurs à faible coût. Il y a Ryan air, en Europe, au Canada, Flair et Swoop. Les obstacles à l'entrée dans le secteur sont structurellement un peu moins importants pour le transport aérien. S'agissant des chemins de fer... il semble s'agir d'une activité plus stable à long terme, mais en même temps, c'est un secteur qui est très dépendant de l'économie. À court, à moyen, à long terme, est-ce que les chemins de fer suivent le cycle de l'économie? En cas de récession, les chemins de fer donneraient sans doute des résultats décevants. Oui c'est certain. Dans le secteur des titres dits industriels, bon nombre des entreprises sont reliées à l'ensemble des cycles du marché. Le secteur industriel... ...présente une forte corrélation avec les indices PMI, c'est-à-dire les indices des gestionnaires des achats. C'est le secteur qui a la plus forte corrélation avec les indices PMI. L'ensemble de ce secteur évolue au gré de l'économie en général. Les chemins de fer ne diffèrent pas. Leur volume augmente en général avec le PIB. À long terme, ce sont des chemins de fer qui ont un pouvoir positif d'établissement des prix, tandis que dans le cas du transport aérien, le transport aérien est un multiple de la croissance du PIB. Si l'économie est en récession, les gens voyagent moins, les entreprises envoient moins leurs employés en voyages d'affaires, et la tarification peut être plus volatile pour les compagnies aériennes. Cela peut représenter un facteur plus négatif que pour les chemins de fer. Une certaine gêne quant à l'économie... Si je ressens une certaine inquiétude, je ne vais pas acheter un téléviseur et je ne vais pas non plus prendre l'avion. Quand les investisseurs étudient ces deux secteurs, quels sont les facteurs qu'ils doivent prendre en compte? La concurrence et la dynamique en matière de coûts de substitution sont deux facteurs intéressants. Au niveau de la concurrence... depuis que Canadien Pacifique a acheté le Kansas City Southern, il existe six chemins de fer de catégorie 1. Cela semble beaucoup, mais la réalité, c'est que la plupart des chemins de fer se font concurrence dans le cadre de duopoles régionaux. Il y a deux chemins de fer canadiens, deux dans l'est et deux dans l'ouest. Dans le secteur aérien, c'est beaucoup plus concurrentiel. Saisissez "vol Toronto New York"... toute une série de vols s'affichera dans un moteur de recherche, proposés par un grand nombre de compagnies aériennes, ce qui rappelle les coûts de substitution. Il m'est très facile de préférer la compagnie aérienne A ou la compagnie B. Si je vis une expérience désagréable à bord d'un avion de la compagnie A, je peux emprunter un avion de la compagnie B la prochaine fois. Le consommateur est plus volage. Les chemins de fer n'ont pas nécessairement affaire à des consommateurs. Ils ont donc une dynamique à plus long terme. Dans le cadre de partenariat stratégique avec des industries manufacturières ou des expéditeurs internationaux, ces relations s'inscrivent dans le long terme et permettent donc difficilement aux clients de passer disons du Canadien Pacifique au Canadien National.