Même si la Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine n’ont pas augmenté les taux d’intérêt lors de leurs dernières réunions, les deux banques centrales ont laissé entrevoir une hausse des taux. Priya Misra, chef, Stratégie mondiale liée aux taux, Valeurs Mobilières TD (VMTD), explique pourquoi cette hausse pourrait mener à une volatilité accrue des marchés dans l’avenir.
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La Banque du Canada surprend en maintenant son taux directeur à un jour. Alex, vous vous attendiez à ce que le taux soit maintenu. Pourquoi, selon vous, la Banque agit-elle ainsi?
Il y a deux raisons, Tony. D’abord, nous pensions qu’Omicron freinerait l’activité économique. D’ailleurs, la banque s’attend à ce qu’il ait un impact sur le PIB au premier trimestre, bien qu’il soit moins important que pour les vagues précédentes. Ensuite, nous nous attendions à ce qu’elle publie des prévisions révisées sur le moment où l’écart de production se rétrécirait, selon l’évolution de l’inflation pendant l’année. C’est pourquoi nous pensions qu’elle maintiendrait son taux, mais qu’elle indiquerait peut-être à quel moment elle pensait le relever.
S’agit-il d’une position ferme qui nous prépare à une hausse à la prochaine réunion?
J’aime la façon dont vous l’exprimez. Oui, on pourrait croire que, maintenant que les conditions sont respectées, la Banque du Canada estime que les capacités excédentaires ont été absorbées. Il pourrait donc y avoir une hausse des taux d’intérêt en mars. Mais je pense que ce qui est encore plus important pour la politique monétaire en 2022, c’est ce qui adviendra du bilan. La banque a indiqué qu’une fois qu’elle commencerait à relever les taux d’intérêt, elle pourrait envisager de réduire le bilan et cela pourrait être une autre manière de resserrer la politique monétaire cette année.
Combien de hausses de taux prévoyez-vous cette année? Et où cela nous mènera-t-il d’ici la fin de 2022?
Nous pourrions avoir trois ou quatre hausses de taux. Je pense que cela dépend en partie de la façon dont la banque commence à réduire le bilan et à quelle vitesse. Mais, en général, la Banque est plus prudente quand il y a des hausses de taux d’intérêt.
Par exemple, à l’approche de ce rendez-vous, le marché pensait globalement que la Banque du Canada augmenterait les taux d’intérêt cinq ou six fois d’ici la fin de 2022, et nous ne pensions pas que cela arriverait pour deux raisons. L’incertitude en cas de pandémie prolongée ou persistante nous a tous appris, investisseurs, économistes, décideurs monétaires, qu’il faut augmenter les marges d’erreur de nos projections économiques.
Ensuite, d’après la banque, le taux d’intérêt neutre qui maintient l’équilibre de l’économie canadienne à long terme est possiblement plus faible que par le passé. Et si c’est le cas, elle dispose d’un nombre de fluctuations des taux d’intérêt probablement plus faible. Elle doit donc agir avec prudence.
Comme je l’ai dit, nous nous attendons à ce que les taux d’intérêt augmentent. Nous pensons que les taux à court terme augmenteront en fonction de ce que la banque fait. Toutefois, nous pensons que les taux à long terme augmenteront moins, voire pas du tout, en raison de la faiblesse de ce taux d’intérêt neutre. Les taux d’intérêt devraient donc augmenter, mais la courbe des taux devrait s’aplatir.
D’accord, parlons un peu de l’inflation. La Banque du Canada a également revu à la hausse ses prévisions d’inflation. Que pensez-vous de ce mouvement et dans quelle mesure sera-t-il défavorable?
C’est une excellente question. C’est vraiment difficile d’évaluer la vitesse à laquelle... elle dispose d’un arsenal plus restreint de hausses de taux. Le risque, c’est l’apparition d’un nouveau variant... qui pourrait être aussi perturbateur qu’Omicron, peut-être même plus. Cela prolongerait les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales et en générerait même sur le marché du travail local, ces deux phénomènes expliquant l’inflation obstinément élevée et au-dessus des projections de la banque.
Et même si la Banque du Canada pense que l’inflation diminuera vers le sommet de sa fourchette cible d’inflation, elle prévoit un taux d’environ 3 % d’ici la fin de l’année. Ce chiffre a été révisé à la hausse de près d’un pour cent, et en grande partie parce qu’on a dû se rappeler qu’on était toujours dans la pandémie. Une autre vague exercera des pressions à la hausse sur ces projections inflationnistes.
Et ce n’est pas le cas pour le moment, mais, bien sûr, encore une fois, l’incertitude nous incite à la prudence. Nous nous attendons donc à ce que l’inflation demeure élevée cette année.
Après cette décision, le dollar a perdu un peu de son élan. Comment le dollar devrait-il évoluer, selon vous?
Il est important de noter que quelques facteurs influent sur le dollar canadien, particulièrement par rapport au dollar américain... les projections de croissance économique, l’écart de taux réel, donc l’activité des banques centrales et les prix des produits de base, en particulier le pétrole. Nos perspectives sur le pétrole sont extrêmement prometteuses pour 2022, ce qui donne au dollar canadien un avantage non seulement par rapport au dollar américain, mais par rapport aux principales devises du marché.
Nous nous attendons donc à ce que le dollar canadien s’apprécie. Mais avec certains des autres facteurs que j’ai mentionnés, le dollar canadien devrait évoluer dans une fourchette étroite autour du dollar américain, étant donné que nous nous attendons à ce que la politique monétaire soit mise en œuvre à un rythme relativement stable entre les deux banques et que des événements économiques entourant le PIB et l’inflation évolueront de nouveau à un rythme très semblable entre les deux économies.
Le pétrole est donc le facteur déterminant. Si le dollar canadien en 2021 s’est négocié à environ 0,80 $ par rapport au dollar, dans une fourchette de quelques cents, nous nous attendons à ce qu’il soit plus élevé, mais aussi serré l’an prochain.
Alex, merci beaucoup d’avoir été avec nous aujourd’hui.
Merci beaucoup, Tony.
[MUSIQUE]
Il y a deux raisons, Tony. D’abord, nous pensions qu’Omicron freinerait l’activité économique. D’ailleurs, la banque s’attend à ce qu’il ait un impact sur le PIB au premier trimestre, bien qu’il soit moins important que pour les vagues précédentes. Ensuite, nous nous attendions à ce qu’elle publie des prévisions révisées sur le moment où l’écart de production se rétrécirait, selon l’évolution de l’inflation pendant l’année. C’est pourquoi nous pensions qu’elle maintiendrait son taux, mais qu’elle indiquerait peut-être à quel moment elle pensait le relever.
S’agit-il d’une position ferme qui nous prépare à une hausse à la prochaine réunion?
J’aime la façon dont vous l’exprimez. Oui, on pourrait croire que, maintenant que les conditions sont respectées, la Banque du Canada estime que les capacités excédentaires ont été absorbées. Il pourrait donc y avoir une hausse des taux d’intérêt en mars. Mais je pense que ce qui est encore plus important pour la politique monétaire en 2022, c’est ce qui adviendra du bilan. La banque a indiqué qu’une fois qu’elle commencerait à relever les taux d’intérêt, elle pourrait envisager de réduire le bilan et cela pourrait être une autre manière de resserrer la politique monétaire cette année.
Combien de hausses de taux prévoyez-vous cette année? Et où cela nous mènera-t-il d’ici la fin de 2022?
Nous pourrions avoir trois ou quatre hausses de taux. Je pense que cela dépend en partie de la façon dont la banque commence à réduire le bilan et à quelle vitesse. Mais, en général, la Banque est plus prudente quand il y a des hausses de taux d’intérêt.
Par exemple, à l’approche de ce rendez-vous, le marché pensait globalement que la Banque du Canada augmenterait les taux d’intérêt cinq ou six fois d’ici la fin de 2022, et nous ne pensions pas que cela arriverait pour deux raisons. L’incertitude en cas de pandémie prolongée ou persistante nous a tous appris, investisseurs, économistes, décideurs monétaires, qu’il faut augmenter les marges d’erreur de nos projections économiques.
Ensuite, d’après la banque, le taux d’intérêt neutre qui maintient l’équilibre de l’économie canadienne à long terme est possiblement plus faible que par le passé. Et si c’est le cas, elle dispose d’un nombre de fluctuations des taux d’intérêt probablement plus faible. Elle doit donc agir avec prudence.
Comme je l’ai dit, nous nous attendons à ce que les taux d’intérêt augmentent. Nous pensons que les taux à court terme augmenteront en fonction de ce que la banque fait. Toutefois, nous pensons que les taux à long terme augmenteront moins, voire pas du tout, en raison de la faiblesse de ce taux d’intérêt neutre. Les taux d’intérêt devraient donc augmenter, mais la courbe des taux devrait s’aplatir.
D’accord, parlons un peu de l’inflation. La Banque du Canada a également revu à la hausse ses prévisions d’inflation. Que pensez-vous de ce mouvement et dans quelle mesure sera-t-il défavorable?
C’est une excellente question. C’est vraiment difficile d’évaluer la vitesse à laquelle... elle dispose d’un arsenal plus restreint de hausses de taux. Le risque, c’est l’apparition d’un nouveau variant... qui pourrait être aussi perturbateur qu’Omicron, peut-être même plus. Cela prolongerait les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales et en générerait même sur le marché du travail local, ces deux phénomènes expliquant l’inflation obstinément élevée et au-dessus des projections de la banque.
Et même si la Banque du Canada pense que l’inflation diminuera vers le sommet de sa fourchette cible d’inflation, elle prévoit un taux d’environ 3 % d’ici la fin de l’année. Ce chiffre a été révisé à la hausse de près d’un pour cent, et en grande partie parce qu’on a dû se rappeler qu’on était toujours dans la pandémie. Une autre vague exercera des pressions à la hausse sur ces projections inflationnistes.
Et ce n’est pas le cas pour le moment, mais, bien sûr, encore une fois, l’incertitude nous incite à la prudence. Nous nous attendons donc à ce que l’inflation demeure élevée cette année.
Après cette décision, le dollar a perdu un peu de son élan. Comment le dollar devrait-il évoluer, selon vous?
Il est important de noter que quelques facteurs influent sur le dollar canadien, particulièrement par rapport au dollar américain... les projections de croissance économique, l’écart de taux réel, donc l’activité des banques centrales et les prix des produits de base, en particulier le pétrole. Nos perspectives sur le pétrole sont extrêmement prometteuses pour 2022, ce qui donne au dollar canadien un avantage non seulement par rapport au dollar américain, mais par rapport aux principales devises du marché.
Nous nous attendons donc à ce que le dollar canadien s’apprécie. Mais avec certains des autres facteurs que j’ai mentionnés, le dollar canadien devrait évoluer dans une fourchette étroite autour du dollar américain, étant donné que nous nous attendons à ce que la politique monétaire soit mise en œuvre à un rythme relativement stable entre les deux banques et que des événements économiques entourant le PIB et l’inflation évolueront de nouveau à un rythme très semblable entre les deux économies.
Le pétrole est donc le facteur déterminant. Si le dollar canadien en 2021 s’est négocié à environ 0,80 $ par rapport au dollar, dans une fourchette de quelques cents, nous nous attendons à ce qu’il soit plus élevé, mais aussi serré l’an prochain.
Alex, merci beaucoup d’avoir été avec nous aujourd’hui.
Merci beaucoup, Tony.
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