
Les marchés ont commencé le mois de novembre sur des bases plus solides que les mois précédents, mais cette tendance peut-elle se maintenir? David Sekera, stratège en chef des marchés américains à Morningstar Research, discute avec Greg Bonnell, animateur de MoneyTalk, des évaluations boursières actuelles et des répercussions possibles du ralentissement de la croissance.
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Après un ou deux mois difficiles, les marchés ont bien progressé pour commencer le mois de novembre. Comment cela nous prépare-t-il pour le reste de l'année? David Sekera de Morningstar Research nous rejoint pour en discuter. Bonjour, David. - Bonjour, Greg! Ça me fait plaisir de vous voir comme toujours. - Alors, jusqu'ici, le mois de novembre se passe bien. Il a la réputation d'être un mois propice aux actions. Où en sommes-nous au niveau des valorisations, alors que nous abordons cette période de hausses? - Tout se passe assez bien dans nos perspectives pour le marché pour le mois de novembre. Parus la semaine dernière, au 31 octobre, les marchés nord-américains étaient en recul de 11% par rapport à la juste valeur des 700 actions que nous suivons, qui sont cotées sur des Bourses nord-américaines. En contexte, historiquement depuis 2011, les marchés n'ont atteint un tel niveau d'escompte que 12% du temps. Il y a eu une bonne remontée depuis la réunion de la Fed. Les marchés tournent à un taux d'escompte de 8% à l'heure actuelle. Ils se situent à un tel niveau ou à un niveau encore plus important 25% du temps. Nous sommes en territoire de valeurs, mais pas encore de valeurs profondes. La catégorie de valeurs chez Morningstar, c'est le secteur qui, selon nous, est le plus sous-évalué sur le marché, à raison d'un taux d'escompte de 25% par rapport aux composites de notre juste valeur. Les actions de croissance tournent à un taux d'escompte de 7%, c'est-à-dire qu'on forme à l'ensemble du marché. - Très bien! Alors nous sommes face à un marché qui aborde une période saisonnière de croissance traditionnelle. Il y a la Fed qui a peut-être achevé ses hausses de taux. Les marchés cherchent à le deviner. Ce sont des facteurs favorables. Que dire des facteurs défavorables? Que surveiller? - Tout d'abord, à court terme, je crois qu'il faut toujours suivre les événements géopolitiques. Que ce soit la guerre en Ukraine, le conflit au Moyen-Orient, tous ces éléments pourraient avoir des conséquences négatives pour les marchés si la situation empire ou si ces conflits se propagent encore plus. Je suis de très près les taux d'intérêts à long terme. S'ils commencent à augmenter considérablement une nouvelle fois, spécifiquement si le rendement du bon du Trésor à 10 ans crève de nouveau le plafond des 5% et s'y maintient, ce serait très défavorable pour les marchés. Mais fondamentalement, à moyen terme, le principal facteur négatif, c'est le ralentissement du rythme de la croissance. Notre argument de base pour notre équipe économique, c'est toujours l'atterrissage en douceur. Mais notre pronostic consiste à ce que le taux de croissance économique soit réduit de moitié pendant chaque trimestre de suite jusqu'au 3e trimestre de l'an prochain. Nous prévoyons que l'économie s'approche du décrochage, puis recommence d'accélérer, Ce ralentissement de la croissance va exercer une pression sur les bénéfices. Tandis que les marchés sont sous-évalués en ce qui concerne la valeur intrinsèque à long terme, je crois que cela va engendrer une certaine relativité. Il se pourrait qu'il y ait de brèves périodes de recul aux cours des quelques trimestres à venir. - Donc, ce n'est pas nécessairement une trajectoire en douceur. Nous sommes en pleine saison des annonces de bénéfices pour beaucoup de titres américains. Au Canada, il nous en reste quelques-unes. Qu'en avez-vous conclu? - La conclusion, ce ne sont pas les bénéfices du troisième trimestre. Ceux-ci étaient généralement positifs. Il a été facile à la plupart des entreprises d'atteindre ou de dépasser les attentes, puisque les orientations qui avaient été données étaient assez faibles. Personne ne s'attendait à ce que l'économie américaine se porte aussi bien qu'elle l'a fait depuis un trimestre. Mais les perspectives se détériorent. Une note parue l'autre jour note que les estimations de bénéfices ont été réduites à un rythme deux fois supérieur aux réductions d'estimations de bénéfices historiques, ce qui indique que l'économie ralentit, ce qui exerce une pression sur la croissance des bénéfices. Mais je crois que cette réduction n'était pas assez forte pour me laisser entendre que nous sommes sur le point d'entrer en récession à court terme. - Parlons de récession, justement. Dans vos pronostics, vous prévoyez une évolution de l'économie, mais il y a une heure et demie... un an et demi à présent que les investisseurs s'inquiètent d'une récession qui ne semble jamais au rendez-vous. L'économie américaine est assez résiliente. Il y a un ou deux jours, quelqu'un opine que tout se passera peut-être bien aux États-Unis. La situation est d'autant plus faible au Canada. Peut-être que les États-Unis vont maîtriser l'inflation sans trop de dégâts pour l'économie. Est-ce un beau rêve? - Nous recherchons l'atterrissage en douceur. Mais malheureusement, les taux d'intérêts élevés, la politique monétaire resserrée, les normes de montage de prêts resserrées par les banques, tout cela va prélever un tribut sur l'économie. Mais nous pensons que cela va commencer à se produire au 4e trimestre. Je prévois également que les dépenses de la consommation, qui maintiennent l'économie américaine à bout de bras, vont commencer à ralentir. Il y a plusieurs facteurs. L'inflation se répercute toujours sur les bilans des ménages. Beaucoup de ménages qui avaient une épargne excédentaire accumulée pendant la pandémie, ... il y a des remboursements de prêts aux études qui recommencent. Il y a plusieurs facteurs qui se conjuguent pour exercer une pression sur les consommateurs. En tant qu'ancien analyste du secteur de la consommation, je suis d'accord qu'il ne faut jamais sous-estimer la propension à dépenser du consommateur américain, mais il faudra que celle-ci recule et cela va exercer une pression sur l'économie d'ici un ou deux trimestres. - Nous avons parlé de cette remontée qui inaugure le mois de novembre. Les titres à grande capitalisation suscitent toute l'attention. La remontée se poursuit pour le S&P500, mais le Russell 2000 ne participe pas, au moins aujourd'hui, à la remontée. Titres à grande ou à petite capitalisation, Comparez-les. - Quand on décompose une valorisation en fonction de la capitalisation boursière, les titres à petite capitalisation et à moyenne capitalisation sont très sous-évalués. Je pense que les titres à petite capitalisation sont proches des plus basses valorisations que nous avons vues par rapport à notre modèle au fil du temps. Toutefois, je mets en garde les investisseurs. Il se pourrait qu'il s'écoule un ou deux trimestres avant que des titres à petite capitalisation commencent à se comporter mieux que les titres à grande capitalisation. La raison en est qu'avec le ralentissement de l'économie, beaucoup d'investisseurs, spécifiquement des investisseurs institutionnels, vont se réfugier dans les titres à grande capitalisation et ne voudront pas s'exposer à la volatilité des bénéfices plus importante dans le secteur des titres à petite capitalisation. Une fois que les marchés tiennent compte d'un rebond économique, sans doute vers le milieu de l'an prochain, je prévoirais qu'il y aurait une remontée rapide des titres à petite capitalisation, qui rattraperont et même surclasseront les titres à grande capitalisation. Donc, l'an prochain peut-être, c'est un secteur où certains de nos spectateurs voudront faire leurs recherches. Pour le reste de cette année, novembre, décembre, l'année va passer très rapidement. Que faut-il se rappeler? - Encore une fois, quand on considère le calendrier, il faut prendre garde à ce que la Fed fera à sa prochaine réunion. Un ou deux responsables de la Fed prononcent des allocutions aujourd'hui. Je vais écouter leurs propos, le discours qu'ils tiennent et voir s'il y a une convergence avec l'évolution que l'on a perçue dans les propos du président, Jerome Powell. Que va faire la Fed? Notre prévision, c'est qu'avec le ralentissement de l'économie, le pronostic de l'inflation qui continue de refluer, la Fed va non seulement maintenir sa pause pendant quelque temps, mais elle va se positionner pendant le premier semestre de l'an prochain pour commencer à réduire les taux. Je voudrais m'assurer que les autres responsables de la Fed sont d'accord avec cette évolution du discours tenu par la Banque. (indicatif musical)