La Banque du Canada a laissé son taux du financement à un jour inchangé, mais a également averti que l’inflation demeurait persistante, même si la croissance économique ralentissait. Andrew Kelvin, chef, Stratégie canadienne et mondiale liée aux taux à Valeurs Mobilières TD, discute de la dernière décision de taux et de la stratégie de la Banque du Canada avec Greg Bonnell.
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La Banque du Canada a maintenu son taux directeur à 5 %, mais affirme qu'elle est disposée à le relever une fois de plus, grâce à la lenteur des progrès dans la lutte contre l'inflation. Andrew Kelvin de Valeurs mobilières TD commente. Bonjour, Greg. Alors... la pause ferme, c'est l'ambiguïté que maintient la Banque du Canada, mais parlez-nous de son évaluation et son analyse quant à l'avenir. La dégradation était intéressante, même si elle n'était pas étonnante. La Banque du Canada devait réaliser un arbitrage entre la faiblesse de la croissance, moins importante que prévu, et la persistance de l'inflation, plus grande que prévu. On s'interrogeait sur ce qui se produirait. Ce n'était pas tellement le taux du jour au lendemain qui était incertain. Personne ou presque ne pensait que le taux de jour au lendemain serait augmenté. La banque a cherché à aborder les deux versants de la question en insistant davantage sur le ralentissement de la demande. Je crois que la Banque du Canada aimerait beaucoup avoir achevé sa série de hausses de taux. Elle a déclaré qu'il fallait laisser le temps aux hausses de taux de se répercuter sur l'économie. En même temps, il est important que la Banque du Canada laisse savoir aux Canadiens qu'elle demeure vigilante, afin que les conditions financières demeurent relativement serrées. Car si la Banque du Canada déclare qu'elle en a terminé, qu'elle voudrait en avoir terminé, qu'elle pense avoir terminé, sans donner à lire entre les lignes, les marchés réagissent et c'est contre-productif. La Banque du Canada avertit que l'inflation baisse plus lentement qu'elle l'avait espéré... L'inflation est toujours élevée. Il faut qu'il y ait davantage de progrès dans les tendances de l'inflation. La banque a toutefois déclaré, dans le contexte de cette forte révision à la hausse, dans son pronostic d'inflation: Une nouvelle source d'incertitudes géopolitiques, c'est bien entendu le Moyen-Orient, ce que cela pourrait signifier pour le cours du pétrole, on considère qu'il y a donc des progrès, mais plus lents que prévu, mais il y a toujours des jokers. Ce que la Banque du Canada veut signaler, c'est qu'il y a toujours des incertitudes dans l'économie. Je crois que le message qu'elle cherche à transmettre, c'est que tout d'abord, il y a plus d'incertitudes que d'habitude, et deuxièmement, puisque l'inflation est élevée depuis plusieurs années, il faut qu'elle soit plus vigilante. Je crois que ça faisait partie de leur message et l'une des raisons pour lesquelles on continue d'évoquer les risques inflationnistes qui augmentent, parce que l'inflation n'a pas diminué dans la mesure où elle l'aurait espéré. Bon, cette lutte prend plus longtemps que prévu. Le retour à 2 % prend plus longtemps que prévu, l'économie est plus faible l'an prochain... Il y a une information que j'ai vue passer, c'est que Tiff Macklem déclare que la voie vers un atterrissage en douceur est désormais étroite. Est-ce que c'est parce que la lutte prend plus longtemps que prévu, que la voie est étroite? Je crois que le fait que la Banque du Canada a été un peu lente l'an dernier a toujours entraîné une certaine étroitesse pour la voie vers l'atterrissage en douceur, puisque la banque a dû augmenter les taux par fortes étapes, plutôt que progressivement. Les Canadiens sont très endettés et l'inflation étant persistante, il va falloir nous tenir dans un scénario plus long, plus élevé, plus longtemps. Il n'y aura pas un retour rapide à une situation de desserrement de la politique monétaire. Le gouverneur Macklem l'a bien dit, il est trop tôt pour parler de coupures de taux. Plus longtemps nous restons à 5 %, et plus la voie vers l'atterrissage en douceur est étroite? Bon, c'est une question de mots dans un certain sens. La banque du Canada voudrait que la croissance... ... soit, en termes réels, légèrement au-delà de zéro. Dans le contexte d'une forte croissance démographique, il s'agit d'une croissance par habitant négative. Mais nous nous sommes entendus sur l'idée qu'un atterrissage en douceur, c'est une situation dans laquelle l'économie globale ne se rétrécit pas, mais quand on commence à parler de deux trimestres consécutifs de croissance inférieure à 1, après un trimestre qui était très légèrement négatif, oui, il s'agit d'une limite assez subtile entre l'atterrissage brutal et l'atterrissage en douceur. Le gouverneur Macklem a dit qu'il est trop tôt pour parler de coupures de taux, les investisseurs se posent la question, on la lui a posée, à ce stade, il est bien difficile de tâcher de pronostiquer les coupures de taux si cela prend si longtemps pour maîtriser l'inflation. Précisément, combien longtemps prendra-t-il pour maîtriser l'inflation? Pour que la Banque du Canada réduise les taux, il faut que quatre éléments soient réalisés. Deux sont faciles à réunir et les deux autres sont plus difficiles. Pour que la Banque du Canada puisse couper les taux avec crédibilité, il faut qu'il y ait un excès d'offre, donc que l'économie soit moins tendue, c'est peut-être le cas, il faut que la croissance soit inférieure à la tendance, la Banque du Canada croit que c'est le cas dans le trimestre actuel, le trimestre précédent et le trimestre d'avant. Donc ces deux facteurs sont présents. Dans un cycle où nous n'avons pas eu deux années ou plus de croissance supérieure à l'inflation, nous pourrions parler de coupures. Mais dans un environnement où l'inflation annualisée tourne autour de 3,7 %, et où l'inflation est largement au-delà de l'objectif de 2 %, il est à 3,8, c'est une situation dans laquelle il est très difficile de réduire les taux de manière crédible quand votre cible d'inflation n'est pas atteinte. Donc pour que la Banque du Canada parle de réduire les taux, il faut qu'elle ait entamé une voie très claire et très nette vers 2 %. Il est pas nécessaire que nous y soyons arrivés dans l'inflation sur 12 mois, mais les tendances inflationnistes à haute fréquence, sur trois mois, doivent approcher de 2 %, et là, il nous reste pas mal de terrain à parcourir. Donc nous prévoyons des coupures de taux au troisième trimestre de l'an dernier, il s'agit de voir avec quelle rapidité l'inflation se normalisera. Bon, la Banque du Canada ayant communiqué sa décision ce matin ses commentaires au sujet de l'économie, à présent, c'est la Fed que l'on attend le 1er novembre. Que devrions-nous attendre de cette banque centrale là, la plus influente du monde? Bien sûr, que c'est la plus influente au monde. J'aimerais bien que la Banque du Canada soit au même niveau, ce n'est pas le cas. Donc la Fed a adopté une attitude intéressante, puisqu'elle doit gérer des chocs différents. Au Canada, il y a une croissance très légère. De façon inattendue, au troisième trimestre de cette année, la croissance aux États-Unis était très forte, au troisième trimestre. Donc la Fed fait face à une perspective de croissance très robuste, tandis que l'inflation s'améliore. La Banque du Canada a laissé ouverte la possibilité d'une nouvelle hausse de taux dans ce cycle, peut-être cette année. Je crois que cela ne sera pas évoqué par la Fed. La Fed va laisser ouverte la possibilité de mesures de resserrements futurs, et ce sera dépendant des données. On prévoit que l'économie recommence à ralentir, ce qui va permettre à la Fed de s'en tenir à son taux actuel. Mais il faut que la Fed constate une détérioration de la croissance, en définitive, pour qu'elle puisse maintenir ses taux au niveau actuel.