En janvier, la banque centrale de la Chine a réduit de façon inattendue les coûts d’emprunt dans un contexte de ralentissement économique. Anthony Okolie discute avec Christian Medeiros, gestionnaire de portefeuille, Gestion de Placements TD, des répercussions que le relâchement de la politique monétaire chinoise pourrait avoir sur les actions technologiques des marchés émergents.
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[MUSIQUE]
Christian, les actions technologiques nord-américaines subissent des pressions depuis le début de cette année. On a assisté à une hausse des taux des titres du Trésor américain, à une politique monétaire énergique des banques centrales et à l’expression d’attentes concernant une hausse des taux d’intérêt cette année pour freiner l’inflation. Quelle a été l’expérience dans le secteur des technologies des marchés émergents?
Excellente question, Anthony. On observe pas mal la même chose du côté des sociétés technologiques des marchés émergents, en particulier chez les sociétés de logiciels qui affichent une forte croissance et une faible rentabilité. Et il y a trois raisons à ça.
La première raison, c’est que beaucoup de ces sociétés-là se sont extraordinairement bien comportées durant la pandémie, ce qui a stimulé la demande dans leurs principaux domaines d’activité, comme le commerce électronique, les paiements, les jeux vidéo et la livraison de nourriture. Mais elles sont maintenant victimes de leur propre réussite, parce qu’elles font face à des bases de comparaison élevées par rapport aux années précédentes et qu’elles doivent s’adapter à la réouverture. Beaucoup d’investisseurs craignent donc que leurs bénéfices ne soient pas aussi intéressants cette année.
Deuxièmement, bon nombre d’entre elles affichent une forte croissance et ne sont actuellement pas rentables, de sorte qu’une grande partie de leurs bénéfices pour les investisseurs vont être à long terme. Une grande partie de leur valeur est fondée sur leur valeur finale. Alors quand les taux d’intérêt augmentent, ces futurs flux de trésorerie sont davantage actualisés et leur valeur diminue.
Enfin, l’indice des marchés émergents dans son ensemble compte plus d’actions de valeur que la plupart des autres indices dans le monde. Et on a vu que l’inflation élevée, la hausse des taux d’intérêt et la vigueur des prix des produits de base ont entraîné un virage vers la valeur plutôt que vers la croissance. Et cela est également évident dans les marchés émergents, car les gestionnaires veulent vendre leurs titres gagnants sur le plan de la croissance et acheter des titres de valeur qui donnent de bons résultats en ce moment.
D’accord, j’aimerais parler un peu de la politique de taux d’intérêt, car nous avons vu deux aspects différents. Contrairement au reste du monde, la Chine a en fait resserré sa position l’an dernier en réaction à la réduction de l’excédent du marché immobilier là-bas. Quelles ont été les répercussions sur les actions chinoises et les autres économies des marchés émergents?
Oui, cela a eu un impact majeur sur les actions chinoises et des marchés émergents l’an dernier. Nous avons vu en Chine que le resserrement de sa position, sa répression du marché immobilier et sa répression très publique des actions technologiques ont vraiment pesé sur les rendements des actions chinoises. En particulier parmi les actions technologiques et les actions chinoises cotées sur des bourses étrangères. Les actions chinoises ont donc enregistré de forts rendements à deux chiffres négatifs l’an dernier. Et parce que la pondération de l’indice de référence des marchés émergents est si élevée, ça s’est traduit par un rendement négatif pour l’indice des marchés émergents dans son ensemble, et l’impact a été énorme.
Et l’autre problème, c’est que la Chine est un important partenaire commercial pour la plupart des pays émergents. Et c’est aussi un important marché final pour de nombreux produits de base qu’elle produit. Ça a donc a freiné les économies de l’ensemble des marchés émergents.
Pouvez-vous nous parler un peu des marchés et des secteurs qui pourraient profiter de l’assouplissement de la politique monétaire en Chine?
Oui, c’est une excellente question. Donc, ce qu’on observe depuis le début de l’année, le fait le plus marquant sur les marchés, c’est que les banques centrales des marchés développés ont pris du retard et ont dû adopter une approche plus ferme pour composer avec l’inflation. Par contre, de nombreuses économies des marchés émergents ont déjà enregistré une hausse pendant une bonne partie de l’année dernière ou se sont resserrées. Et même maintenant, certaines d’entre elles, comme la Chine, commencent à s’assouplir. Et on les voit abaisser leurs taux d’intérêt pour tenter de stimuler leur économie.
Et historiquement, quand la Chine assouplit son économie, il y a un boom important pour les marchés émergents et la croissance mondiale, la Chine étant un important consommateur d’un grand nombre de produits. Toutefois, cette fois-ci, on ne pense pas que l’assouplissement de la Chine va être aussi amplifié qu’il l’a été dans le passé, simplement parce qu’elle est toujours inquiète de son marché immobilier et des inégalités, et qu’elle doit encore composer avec d’autres problèmes intérieurs. Mais tout compte fait, un assouplissement de la politique chinoise est très positif pour les produits de base, et devrait l’être pour de nombreuses autres économies des marchés émergents dont la Chine est le plus important partenaire commercial.
Comme vous le savez, en Amérique du Nord, la volatilité a été très importante au début de l’année; quelles sont vos perspectives à l’égard des actions des marchés émergents en 2022?
C’est une excellente question. En ce qui concerne les pays émergents, on a dit à plusieurs reprises, Anthony, qu’on ne peut pas considérer les marchés émergents comme une entité monolithique; ce sont tous des pays très uniques qui ont leur propre histoire. Alors si on divise ça en quelques catégories, je vais vous faire part de mes réflexions sur la Chine, l’Inde, les pays sensibles aux produits de base et la technologie.
En Chine, les évaluations sont maintenant très raisonnables. On a vu que le prix des actions chinoises tient compte d’une grande partie des mesures répressives de l’année dernière, et on a déjà souligné dans cette conversation la façon dont les pays assouplissent actuellement leur politique monétaire. Ils devraient donc tous soutenir les actions chinoises cette année, et on recommence lentement à le faire aussi. Mais la situation va rester volatile et difficile, d’autant plus qu’ils doivent composer avec une politique zéro COVID et une foule d’autres problèmes intérieurs.
Passons à l’Inde, qui est une des coqueluches des investisseurs depuis quelques années. Elle a enregistré des rendements positifs d’environ 30 % l’an dernier. C’est un des principaux pays émergents les plus performants.
Par contre, elle commence l’année avec des évaluations et des prévisions de bénéfices élevées. Et traditionnellement, l’économie indienne, qui est un important importateur de produits de base, éprouve des difficultés lorsque les prix du pétrole sont élevés et montent en flèche. On pense donc que l’Inde va connaître plus de difficultés cette année.
En ce qui concerne les marchés émergents producteurs de produits de base, comme le Brésil et la Russie, on pense qu’ils bénéficient d’un grand soutien, surtout étant donné que leurs indices boursiers affichent des proportions énormes dans les secteurs du pétrole et du gaz, des mines et des services financiers. Ils profitent vraiment de l’échange de valeur. Mais entre ces deux pays, c’est l’histoire de deux villes, de deux pays.
Le Brésil est l’un des marchés les plus performants cette année; je pense qu’il est en hausse d’environ 14 %, alors que la Russie affiche une baisse à deux chiffres. Et c’est simplement parce que le Brésil a vu ses politiques et sa situation politique s’améliorer et qu’il a été en mesure de profiter des rentrées d’argent dans le commerce des produits de base. Mais la Russie est manifestement aux prises avec la crise en Ukraine, et aussi le risque de sanctions américaines. La situation est donc très différente dans les pays émergents, et c’est ce que reflètent les résultats des investisseurs.
Enfin, en ce qui concerne la composante technologique de l’indice, Taïwan et la Corée du Sud et leur secteur des semi-conducteurs représentent une part importante. Et on a vu ces sociétés vraiment faire du surplace au cours de la dernière année. Toutefois, à l’heure actuelle, leurs marchés finaux sont encore très solides, les chaînes d’approvisionnement s’améliorent et elles laissent entrevoir une croissance des bénéfices à deux chiffres. Il est donc possible qu’elles sortent de leur fourchette récente.
Enfin, en ce qui concerne les sociétés de logiciels et le secteur à forte croissance, en particulier les sociétés qui profitent vraiment de la numérisation des consommateurs qu’on trouve tellement excitante, on pense que cette année, elles vont devoir digérer les difficiles comparaisons de bénéfices dont on a parlé, et aussi composer avec des taux d’intérêt plus élevés. Mais une fois qu’elles vont pouvoir digérer ces deux facteurs, on pense que les facteurs favorables derrière la numérisation vont toujours être là. Je pense qu’elles ont d’excellentes pistes de croissance et on prévoit toujours que la croissance va reprendre vers la deuxième moitié de l’année.
ANTHONY OKOLIE : Christian, merci beaucoup pour vos observations et merci de vous être joint à nous.
Merci, Anthony.
[MUSIQUE]
Christian, les actions technologiques nord-américaines subissent des pressions depuis le début de cette année. On a assisté à une hausse des taux des titres du Trésor américain, à une politique monétaire énergique des banques centrales et à l’expression d’attentes concernant une hausse des taux d’intérêt cette année pour freiner l’inflation. Quelle a été l’expérience dans le secteur des technologies des marchés émergents?
Excellente question, Anthony. On observe pas mal la même chose du côté des sociétés technologiques des marchés émergents, en particulier chez les sociétés de logiciels qui affichent une forte croissance et une faible rentabilité. Et il y a trois raisons à ça.
La première raison, c’est que beaucoup de ces sociétés-là se sont extraordinairement bien comportées durant la pandémie, ce qui a stimulé la demande dans leurs principaux domaines d’activité, comme le commerce électronique, les paiements, les jeux vidéo et la livraison de nourriture. Mais elles sont maintenant victimes de leur propre réussite, parce qu’elles font face à des bases de comparaison élevées par rapport aux années précédentes et qu’elles doivent s’adapter à la réouverture. Beaucoup d’investisseurs craignent donc que leurs bénéfices ne soient pas aussi intéressants cette année.
Deuxièmement, bon nombre d’entre elles affichent une forte croissance et ne sont actuellement pas rentables, de sorte qu’une grande partie de leurs bénéfices pour les investisseurs vont être à long terme. Une grande partie de leur valeur est fondée sur leur valeur finale. Alors quand les taux d’intérêt augmentent, ces futurs flux de trésorerie sont davantage actualisés et leur valeur diminue.
Enfin, l’indice des marchés émergents dans son ensemble compte plus d’actions de valeur que la plupart des autres indices dans le monde. Et on a vu que l’inflation élevée, la hausse des taux d’intérêt et la vigueur des prix des produits de base ont entraîné un virage vers la valeur plutôt que vers la croissance. Et cela est également évident dans les marchés émergents, car les gestionnaires veulent vendre leurs titres gagnants sur le plan de la croissance et acheter des titres de valeur qui donnent de bons résultats en ce moment.
D’accord, j’aimerais parler un peu de la politique de taux d’intérêt, car nous avons vu deux aspects différents. Contrairement au reste du monde, la Chine a en fait resserré sa position l’an dernier en réaction à la réduction de l’excédent du marché immobilier là-bas. Quelles ont été les répercussions sur les actions chinoises et les autres économies des marchés émergents?
Oui, cela a eu un impact majeur sur les actions chinoises et des marchés émergents l’an dernier. Nous avons vu en Chine que le resserrement de sa position, sa répression du marché immobilier et sa répression très publique des actions technologiques ont vraiment pesé sur les rendements des actions chinoises. En particulier parmi les actions technologiques et les actions chinoises cotées sur des bourses étrangères. Les actions chinoises ont donc enregistré de forts rendements à deux chiffres négatifs l’an dernier. Et parce que la pondération de l’indice de référence des marchés émergents est si élevée, ça s’est traduit par un rendement négatif pour l’indice des marchés émergents dans son ensemble, et l’impact a été énorme.
Et l’autre problème, c’est que la Chine est un important partenaire commercial pour la plupart des pays émergents. Et c’est aussi un important marché final pour de nombreux produits de base qu’elle produit. Ça a donc a freiné les économies de l’ensemble des marchés émergents.
Pouvez-vous nous parler un peu des marchés et des secteurs qui pourraient profiter de l’assouplissement de la politique monétaire en Chine?
Oui, c’est une excellente question. Donc, ce qu’on observe depuis le début de l’année, le fait le plus marquant sur les marchés, c’est que les banques centrales des marchés développés ont pris du retard et ont dû adopter une approche plus ferme pour composer avec l’inflation. Par contre, de nombreuses économies des marchés émergents ont déjà enregistré une hausse pendant une bonne partie de l’année dernière ou se sont resserrées. Et même maintenant, certaines d’entre elles, comme la Chine, commencent à s’assouplir. Et on les voit abaisser leurs taux d’intérêt pour tenter de stimuler leur économie.
Et historiquement, quand la Chine assouplit son économie, il y a un boom important pour les marchés émergents et la croissance mondiale, la Chine étant un important consommateur d’un grand nombre de produits. Toutefois, cette fois-ci, on ne pense pas que l’assouplissement de la Chine va être aussi amplifié qu’il l’a été dans le passé, simplement parce qu’elle est toujours inquiète de son marché immobilier et des inégalités, et qu’elle doit encore composer avec d’autres problèmes intérieurs. Mais tout compte fait, un assouplissement de la politique chinoise est très positif pour les produits de base, et devrait l’être pour de nombreuses autres économies des marchés émergents dont la Chine est le plus important partenaire commercial.
Comme vous le savez, en Amérique du Nord, la volatilité a été très importante au début de l’année; quelles sont vos perspectives à l’égard des actions des marchés émergents en 2022?
C’est une excellente question. En ce qui concerne les pays émergents, on a dit à plusieurs reprises, Anthony, qu’on ne peut pas considérer les marchés émergents comme une entité monolithique; ce sont tous des pays très uniques qui ont leur propre histoire. Alors si on divise ça en quelques catégories, je vais vous faire part de mes réflexions sur la Chine, l’Inde, les pays sensibles aux produits de base et la technologie.
En Chine, les évaluations sont maintenant très raisonnables. On a vu que le prix des actions chinoises tient compte d’une grande partie des mesures répressives de l’année dernière, et on a déjà souligné dans cette conversation la façon dont les pays assouplissent actuellement leur politique monétaire. Ils devraient donc tous soutenir les actions chinoises cette année, et on recommence lentement à le faire aussi. Mais la situation va rester volatile et difficile, d’autant plus qu’ils doivent composer avec une politique zéro COVID et une foule d’autres problèmes intérieurs.
Passons à l’Inde, qui est une des coqueluches des investisseurs depuis quelques années. Elle a enregistré des rendements positifs d’environ 30 % l’an dernier. C’est un des principaux pays émergents les plus performants.
Par contre, elle commence l’année avec des évaluations et des prévisions de bénéfices élevées. Et traditionnellement, l’économie indienne, qui est un important importateur de produits de base, éprouve des difficultés lorsque les prix du pétrole sont élevés et montent en flèche. On pense donc que l’Inde va connaître plus de difficultés cette année.
En ce qui concerne les marchés émergents producteurs de produits de base, comme le Brésil et la Russie, on pense qu’ils bénéficient d’un grand soutien, surtout étant donné que leurs indices boursiers affichent des proportions énormes dans les secteurs du pétrole et du gaz, des mines et des services financiers. Ils profitent vraiment de l’échange de valeur. Mais entre ces deux pays, c’est l’histoire de deux villes, de deux pays.
Le Brésil est l’un des marchés les plus performants cette année; je pense qu’il est en hausse d’environ 14 %, alors que la Russie affiche une baisse à deux chiffres. Et c’est simplement parce que le Brésil a vu ses politiques et sa situation politique s’améliorer et qu’il a été en mesure de profiter des rentrées d’argent dans le commerce des produits de base. Mais la Russie est manifestement aux prises avec la crise en Ukraine, et aussi le risque de sanctions américaines. La situation est donc très différente dans les pays émergents, et c’est ce que reflètent les résultats des investisseurs.
Enfin, en ce qui concerne la composante technologique de l’indice, Taïwan et la Corée du Sud et leur secteur des semi-conducteurs représentent une part importante. Et on a vu ces sociétés vraiment faire du surplace au cours de la dernière année. Toutefois, à l’heure actuelle, leurs marchés finaux sont encore très solides, les chaînes d’approvisionnement s’améliorent et elles laissent entrevoir une croissance des bénéfices à deux chiffres. Il est donc possible qu’elles sortent de leur fourchette récente.
Enfin, en ce qui concerne les sociétés de logiciels et le secteur à forte croissance, en particulier les sociétés qui profitent vraiment de la numérisation des consommateurs qu’on trouve tellement excitante, on pense que cette année, elles vont devoir digérer les difficiles comparaisons de bénéfices dont on a parlé, et aussi composer avec des taux d’intérêt plus élevés. Mais une fois qu’elles vont pouvoir digérer ces deux facteurs, on pense que les facteurs favorables derrière la numérisation vont toujours être là. Je pense qu’elles ont d’excellentes pistes de croissance et on prévoit toujours que la croissance va reprendre vers la deuxième moitié de l’année.
ANTHONY OKOLIE : Christian, merci beaucoup pour vos observations et merci de vous être joint à nous.
Merci, Anthony.
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