Le début d’année a été difficile pour les marchés boursiers mondiaux, ébranlés par les risques géopolitiques, l’inflation et les hausses de taux. Anthony Okolie et Michael Craig, chef, Répartition des actifs et Produits dérivés, Gestion de Placements TD, discutent de ce que cette situation signifie pour votre portefeuille de placement.
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Mike, c’est très compliqué pour le marché actuellement. Qu’est-ce qui cause autant de difficultés?
Eh bien, il y a beaucoup de choses qui se passent en ce moment. Et cela influence quotidiennement le marché. Par exemple, sur le plan géopolitique, on a les mesures de confinement sévères en Chine en raison de la COVID-19. En Europe, évidemment, les nouvelles de l’Ukraine sont très mauvaises, il y a beaucoup de tensions, et c’est certainement ce qui ébranle le plus le marché.
Ensuite, sur le plan plus fondamental, nous sommes dans une situation où l’inflation est bien au-dessus de ce qu’elle devrait être. Les banques centrales ont entièrement fait demi-tour en début d’année en matière de politique, et je pense que nous sommes sur le point de connaître un ralentissement de la croissance. Je viens donc d’énumérer cinq grands obstacles pour les marchés financiers en ce moment, et cela explique la volatilité importante, la volatilité intrajournalière et la volatilité quotidienne.
Dans ce contexte, voyez-vous des signes d’un repli plus soutenu, compte tenu de tous les risques et difficultés sur le marché en ce moment?
Eh bien, passons en revue les catégories d’actif. Je pense qu’avec les titres à revenu fixe, qui viennent de connaître l’un des plus mauvais débuts d’année en 50 ans, le pire est probablement derrière nous. Je pense que les marchés des titres à revenu fixe ne seront bientôt plus aussi dépendants de l’inflation actuelle, mais plus de ce qui se passera dans six mois, avec plutôt un ralentissement. Et ce sera créatif pour les taux obligataires. Je pense que l’inflation sera partout. Je m’attends donc à ce que la volatilité du marché obligataire diminue ou, mieux encore, que nous verrons une remontée des taux.
Sur les marchés boursiers, le S&P a fait preuve d’une grande résilience à ces niveaux. Nous avons vu des acheteurs arriver. J’ai l’impression que c’est probablement le marché où la volatilité se poursuivra au cours des prochains trimestres.
Essayer de prédire le monde est un peu stérile, on pense toujours à des probabilités des résultats. Et je dirais qu’il y en a vraiment deux. Pour ce qui est des scénarios positifs, nous avons un ralentissement, l’inflation devient beaucoup plus positive, et les banques centrales relâchent la pression sur l’essence en matière de hausses. C’est probablement le meilleur scénario. Dans ce cas, vous obtenez un rendement stable ou légèrement en hausse.
Le scénario négatif, c’est que certaines parties du monde entrent en récession. C’est un peu plus négatif pour les actions, et il y aurait probablement d’autres baisses si cela se concrétisait.
Comme vous l’avez mentionné, les banques centrales relèvent fortement les taux d’intérêt ou indiquent qu’elles le feront à un rythme plus rapide. Quelles répercussions les réunions des banques centrales auront-elles sur les marchés?
Pour être très clair, on a déjà un impact important sur le marché. Dans le segment à court terme et les courbes droites, les marchés anticipent plus ou moins 10 ou 11 hausses d’ici le début de l’année prochaine. Je revois ça plutôt à la baisse. Je ne pense pas que ça ira aussi loin.
Il faudrait qu’une banque centrale soit à 75 points de base pour vraiment perturber le marché. On déjà vu les principaux décideurs de la Banque du Canada et la Fed vraiment résisté à cela. Des vice-présidents ou présidents régionaux ont parlé de hausses de 75 points de base. Je ne pense pas que ça arrivera.
Le marché s’attend à 50. C’est beaucoup, il y a un risque que ce soit 25, mais le scénario intermédiaire est 50. Et je dirais que c’est déjà clair, surtout sur le marché obligataire et sur le marché des devises. Et maintenant, il s’agit de savoir ce qui va réellement se passer au cours de… en fait, je me concentre sur la période d’ici à l’automne pour les politiques des banques centrales.
OK, alors, compte tenu de la volatilité et des perspectives économiques incertaines, quelle est l’approche de Gestion de Placements TD dans ces conditions difficiles?
Eh bien, il y a deux types de marchés. Dans certains cas, vous obtenez un rendement élevé et vous êtes audacieux, et il y a des marchés où vous avez une orientation un peu plus défensive. Et il s’agit vraiment de préserver le capital des investisseurs et de se préparer à la prochaine étape des marchés plus créatifs.
Au sein de notre groupe, nous avons amélioré les titres à revenu fixe. Le contexte est plus neutre. En tant que société, nous sous-pondérons les taux des obligations d’État depuis longtemps. Avec le récent délestage des taux et des niveaux maintenant que les obligations du Trésor à 10 ans sont d’environ 3 %, ce sont des niveaux intéressants pour les points d’entrée. On a donc accru nos placements dans les titres à revenu fixe.
On a accordé une note élevée à nos actions. Il faut vraiment mettre l’accent sur les sociétés qui ont un modèle d’affaires supérieur. Avec une croissance un peu plus lente, mais des flux de bénéfices et des bilans de qualité beaucoup plus élevée. Ce sont ces sociétés qui ont tendance à réussir dans un marché plus spéculatif.
Il faut réduire les placements dans des secteurs comme les titres à petite capitalisation, en Europe et en Asie, car ils souffrent vraiment de la hausse des prix des produits de base, et mettre l’accent sur les actions nord-américaines, parce qu’on pense que c’est probablement ce qu’il y a de mieux pour le moment. Donc une approche plus défensive.
On conservera toujours plus de liquidités que d’habitude simplement pour surmonter ces épisodes de volatilité, et pour être prêts lorsque les perspectives sont beaucoup plus optimistes qu’actuellement.
Merci pour ce contexte, Michael. Lorsque les marchés sont difficiles et volatils, comme vous le savez, il n’est pas toujours facile de garder la tête froide. Qu’est-ce que les investisseurs doivent garder à l’esprit en ce moment?
Eh bien, ce sont des marchés où vous pouvez perdre beaucoup d’argent si vous vous laissez influencer par ce qui se passe au quotidien. Vous devez presque être insensible aux fluctuations intrajournalières, car il n’y a pas beaucoup de liquidité sur les marchés en ce moment. Et il ne faut pas beaucoup de flux pour créer des fluctuations de prix plus importantes que d’habitude. Vous devez vraiment ignorer tout cela.
Encore une fois, il faut vous demander ce que vous essayez d’accomplir. Quelle est votre vision à long terme? Acquérez-vous des actions que vous aimeriez acheter plus si elles baissent de 5 %? Comprenez vraiment ce dans quoi vous investissez et ayez une mentalité stratégique, ouverte aux diverses probabilités que je viens de décrire en fonction de l’état du monde. C’est difficile. Très difficile.
Mais voilà mes conseils. Et faites très attention à ne pas vous faire massacrer. L’autre jour, j’ai parlé à un voisin qui a investi dans une entreprise sur la base du rapport sur les bénéfices à venir. C’est une façon très dangereuse d’investir, si vous ne comprenez pas bien l’entreprise, ce qui était son cas.
Ce sont des choses que j’aime répéter. Réfléchissez vraiment à vos styles de placement et ayez une perspective un peu plus à long terme de ce que vous essayez de faire.
Qu’allez-vous surveiller au cours des prochaines semaines?
Je pense que le plus important en ce moment, c’est l’inflation. Et personne, ou très peu de gens, ne pensait à une inflation de 7 % ou 6 % il y a un an, et maintenant, beaucoup de gens acceptent l’accélération de l’inflation.
Je pense qu’il y a des arguments à faire valoir au sujet d’un taux d’inflation plus élevé dans les années à venir en raison du manque d’offre de produits de base et des problèmes de réchauffement de la planète et des facteurs ESG, mais mettez ça de côté. Au cours des 12 prochains mois, l’inflation devrait ralentir. Et c’est vraiment essentiel de voir ce qui commence à se passer.
Ça ouvre la voie à un environnement très différent dans environ six mois, par rapport à celui dans lequel nous sommes maintenant. Je pense que c’est vraiment la clé de beaucoup de choses en ce moment. Et c’est là que nous mettons l’accent en ce moment.
Mike, merci beaucoup de votre présence aujourd’hui.
Avec plaisir, Tony. Prenez soin de vous.
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