Les marchés américains sont mis à l’épreuve après avoir atteint des sommets inégalés. Selon Michael Craig, chef, Répartition des actifs et Produits dérivés, Gestion de Placements TD, le contexte actuel présente de nombreux risques, mais aussi des signes que la récente remontée pourrait se poursuivre.
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Les marchés américains atteignent de nouveaux sommets après que le S&P 500 a clôturé au-dessus de 5000 pour la première fois de son histoire. La remontée se poursuivra-t-elle? Voilà la question. La Fed pourrait maintenir les taux à des niveaux élevés plus longtemps que certains ne l'avaient prévu. Michael Craig de Gestion de placements TD nous rejoint pour en discuter. Bonjour, Michael. Bonjour, Greg. Il s'agit d'une situation assez délicate. Les marchés américains atteignent des sommets, mais en tant qu'investisseurs, on commence à se demander ce qui propulse cette remontée et ce qui pourrait l'enrayer. Il s'agit d'un horizon temporel et il s'agit également d'une base de comparaison. Il y a une remontée depuis quelques mois, mais depuis deux mois, nous faisons essentiellement du surplace. Il s'agit d'une phase de consolidation qui a duré deux ans, la septième plus longue de l'histoire. Les choses ont progressé, mais les actions ne sont pas démesurément coûteuses. Si vous songez à ce qui s'est passé depuis quelques années, il ne s'agit pas d'un marché exubérant. Cette remontée du quatrième trimestre intervient après une dégringolade assez notable au troisième trimestre. Il ne sert à rien de se désoler d'avoir raté la remontée. Il y a un peu d'effervescence, par exemple dans le secteur de la technologie, mais globalement, l'inflation recule. Il n'y a pas de forte hausse du chômage. Il y aura vraisemblablement des coupures de taux par la Fed cette année. C'est favorable aux actifs à risque. Quand on considère l'indice S&P 500, il semble que toutes les conditions sont réunies: l'inflation a reculé, le marché du travail n'est pas endommagé, au contraire il se porte bien, l'économie, au moins américaine, n'est pas endommagée, tout semble se passer parfaitement bien. Est-ce le genre de scénario qui peut amener quelques inquiétudes? Tout semble trop bien se passer. Il s'agit d'actifs à risque, comme leur nom l'indique. Demain, l'inflation pourrait évoluer dans la mauvaise direction. Au niveau saisonnier, janvier est un mois difficile depuis 20 ans. Je pense que cela ne change pas la trajectoire globale de l'inflation, mais si l'inflation est plus élevée que prévu demain, cela va atténuer les marchés. La Fed a su atténuer les attentes de coupure de taux. Il y a donc des risques, mais chaque fois qu'un indice parvient à de nouveaux sommets, typiquement, il ne s'agit pas d'un point final. Le marché poursuit sur sa dynamique. Or il reste énormément de capitaux qui sont garés dans les liquidités. Pour les investisseurs, la question est de savoir avec quelle rapidité on passe de la crainte à la cupidité. C'est à ce moment-là que les gens commencent à réaffecter leurs capitaux jusqu'ici parqués dans des liquidités et à les mettre à l'oeuvre sur les marchés. Comment réaffecter les liquidités? Il y a un record au S&P 500, par exemple, mais à long terme, à quoi faut-il songer lorsqu'on réaffecte les capitaux? On peut parfois se laisser gagner par l'exubérance. Oui. La politique monétaire demeure très restrictive. Historiquement, cela a causé des dégâts. Au cours des 12 mois à venir, il existe des risques. Mais je dirais que sur 12 mois et plus, nous vivons une époque très intéressante. Il y a des technologies fantastiques qui vont accroître la productivité, surtout dans l'économie américaine, mais dans le monde entier aussi. La meilleure façon de gagner de l'argent avec une augmentation de la productivité, c'est en achetant des actions, que ce soit l'intelligence artificielle, les nouveaux traitements pharmaceutiques, la science des matériaux, l'électrification. Tous ces thèmes qui se déclinent à l'heure actuelle vont augmenter les bénéfices. Pour moi, je ne voudrais pas sous-pondérer cela. C'est ainsi que l'on crée un patrimoine en investissant dans ces secteurs. Je crois qu'il faut que les investisseurs tiennent compte du long terme parce que c'est cela que vous achetez. Cela va dominer les fluctuations à court terme du marché. Quand on se demande ce que va faire la Fed cette année et quand ces coupures de taux vont intervenir, dans certains des entretiens que j'ai eus depuis quelques jours, il y a une idée intéressante: personne ne pronostique cela, mais si les taux peuvent être à ce niveau-là, je parle aux États-Unis parce que la situation est plus faible ici, le marché du travail se porte encore très bien, l'économie se porte encore très bien, il y a des pressions sur les coûts qui se maîtrisent; est-ce que la Fed doit faire preuve d'énergie? La Fed semble demander un délai. Peut-elle attendre plus longtemps qu'on ne le croirait? Tout d'abord, la Fed veut être absolument certaine que l'inflation ne va pas se relancer lorsqu'elle commence à réduire les taux. C'est la préoccupation numéro un. Voilà pourquoi la Fed a essayé d'atténuer. Je pense que Powell voudrait réduire les taux au mois de mars, mais il n'y a pas de consensus parmi les gouverneurs. Cela sera donc différé quelque peu. Mais l'inflation diminue. Par conséquent, si l'inflation commence à diminuer, la politique monétaire est de plus en plus restrictive parce que c'est la différence entre l'inflation et le taux des fonds de la Fed qui se creuse et la politique devient de plus en plus restrictive. Il faut agir, sinon il y aura des accidents financiers. Oui, il y a une logique qui présidera aux coupures de taux cette année, absolument, mais l'an dernier, une énorme ponction sur l'épargne et des déficits budgétaires gigantesques, ces deux éléments ont impulsé le PIB nominal. Pourquoi y a-t-il cette croissance incroyable? Parce que les gouvernements ont réalisé des déficits massifs sans précédent sauf en temps de guerre ou de catastrophes naturelles. En plus, à l'issue de la COVID, les gens avaient beaucoup d'argent à cause des transferts de richesse. Nous nous ajustons à ce monde post-COVID; il oblige les investisseurs à adopter une réflexion plus générale quant à leur plan de jeu et à ne pas se fonder sur des tendances historiques pures en supposant qu'elles se reproduiront. Globalement, on parvient à une situation où les politiques monétaires seront très restrictives à moins que l'inflation ne recule cette année et que la Fed soit obligée d'agir. Où en reste-t-on au niveau des titres à revenu fixe? On parle beaucoup des marchés boursiers, il se passe des choses intéressantes. Si on tient compte de la Fed, de ce qui se produit, comment devrions-nous envisager ce volet du portefeuille? Avec 5% sur 10 ans, c'est une perspective vraiment assez positive pour les investisseurs qui recherchent un revenu. Le niveau des taux d'inflation attendus par rapport au rendement des obligations est de 2% donc on touche un revenu largement au-delà de l'inflation. C'est un contexte très favorable. Les obligations d'entreprise sont un peu coûteuses, à mon avis. Les titres de créances, quand on songe aux écarts, il y a des péripéties à attendre, mais globalement, jusqu'ici, on a fait du surplace après une année dernière qui a très bien fini. Je pense qu'il y aura des coupures de taux qui seront plus prononcées au Canada. Les obligations vont très bien tirer leur épingle du jeu. Parlons des éléments qui pourraient échapper aux pronostics. Il y a un ensemble de facteurs dont on tient compte, l'inflation, le risque géopolitique, qui ne semble pas beaucoup causer d'anxiété malgré qu'il se passe des choses graves sur la planète, mais à long terme, est-ce qu'il y a des facteurs qu'il faut se rappeler? J'ai commencé ma carrière à titre professionnel au moment même où la bulle des actions technologies, médias et télécommunications a éclaté. C'est resté gravé dans ma mémoire. J'ai vu comment les gestionnaires de portefeuilles hauts placés se comportaient dans cet environnement, c'était difficile. Je crains qu'il y ait certains catalyseurs qui pourraient engendrer une nouvelle bulle sur les marchés boursiers. Nous devons en tenir compte au fur et à mesure que les marchés surenchérissent sur les gains de productivité. C'est un risque. Ce n'est pas un pronostic généralisé, mais il faut se rappeler cela. À quoi ressemblera la politique monétaire après l'élection de novembre? Notre équipe y a beaucoup réfléchi au niveau des droits de douane, des modalités de commerce international. Et globalement, à quoi la situation ressemble-t-elle sur les marchés boursiers? En ce qui concerne l'électrification, quand est-ce que le cuivre va commencer à remonter? Je pense que ce n'est pas un thème en 2024, mais nous surveillons cela de près au niveau de la rareté des ressources.