Les marchés parient que la Réserve fédérale américaine réduira son taux en 2024. Cependant, étant donné l’inflation persistante, à quel moment ces réductions pourraient-elles commencer? Greg Bonnell, de MoneyTalk, s’entretient avec Alexandra Gorewicz, vice-présidente et directrice, Gestion active des portefeuilles de titres à revenu fixe à Gestion de Placements TD.
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Les marchés parient que la réserve fédérale est proche de la fin de son cycle de hausses de taux. Elle se penche sur la question de savoir quand les réductions commenceront. Qu'est-ce que les données économiques, y compris le dernier rapport sur l'inflation aux États-Unis, nous apprennent sur le calendrier potentiel des réductions de taux? Alex Gorewicz, de Gestion de placements TD nous rejoint pour en discuter. Bonjour, Alex. Bonjour, Greg. Alors il y a beaucoup de matières à aborder. Tout d'abord les statistiques de l'inflation. Cela m'a frappé comme étant le cap au beau fixe. Oui, je suis d'accord. L'inflation globale, qui inclut l'énergie et l'alimentation, ainsi que l'inflation de base, sont conformes aux attentes et continuent de reculer par rapport au mois précédent. Ce qui est tout à fait conforme aux attentes de la Fed, voire même légèrement plus basse. Mais quand on entre dans les détails, c'est là où le bât blesse. Il semble que l'inflation est en fait un peu plus persistante que la Fed ne l'espère. Nous savons que le président de la Fed, Jerome Powell, scrute de près l'inflation de superbase, dont on exclut l'alimentation et le logement. Ce chiffre-là présente une résilience surprenante par rapport aux mois précédents. À 0,44 %, ce chiffre est beaucoup plus élevé que prévu, c'est-à-dire 5,5 %, ce n'est pas ce que la Fed voulait voir, mais cela laisse accroire qu'une bonne partie des gains désinflationnistes faciles sont derrière nous et que la trajectoire de l'avenir commence à paraître plus ardue. Que pensez-vous que la Fed va faire? Elle nous a avertis que ce ne serait pas une ligne droite, ce serait une lutte. Parfois je pense que le marché boursier ou le marché obligataire n'y attachent pas foi et attendent simplement les coupures de taux. Quel message la Fed va-t-elle véhiculer? L'un des problèmes pour la Fed, c'est que depuis deux réunions, elle comptait sur le resserrement des conditions financières pour ralentir l'économie beaucoup plus rapidement et exercer une pression à la baisse sur l'inflation. Il reste à voir si cela se produira, mais quand on considère les conditions financières générales depuis deux mois, elles sont beaucoup plus assouplies. Quand on analyse des chiffres d'emplois salariés non agricoles supérieurs aux prévisions et une inflation de superbase supérieure aux pronostics, cela va amener la Fed à envisager de réfuter les pronostics de coupures de taux en début d'année comme vous l'avez évoqué. Le marché obligataire faisait le travail de la Fed. Le rendement du bon du Trésor à 10 ans à 5 %, cela faisait le travail de la Fed. Or les rendements obligataires ont reculé. Est-ce que c'était le message des marchés obligataires qui pensaient que la Fed avait effectivement terminé ses hausses de taux et que les coupures s'en venaient? Il y avait à la fois des attentes à l'égard du fait que des taux d'intérêt aussi élevés finiraient par ralentir l'économie plus rapidement. Cela est relié au recul, mais le discours tenu par les membres de la Fed n'a pas aidé. Les conditions financières sont beaucoup plus serrées, disaient-ils, il n'est par conséquent pas nécessaire d'augmenter davantage les taux. De fait, si l'inflation continue de régresser comme nous l'avons vu dernièrement, nous pourrions même envisager de songer à des coupures de taux et cela a alimenté la remontée des rendements. On parle de coupures pour 2024. Mais l'an prochain, est très proche. Alors donc on peut parler du printemps, de l'été, de l'automne. Que pensons-nous vu l'ensemble des choses? - C'est très pertinent, car la Fed a dit et répété qu'il est trop tôt pour parler de 2024. Maintenant, ce n'est plus trop tôt, nous sommes en décembre. 2024 arrive. Je crois qu'à ce stade la Fed va devoir choisir ses mots lorsqu'elle commentera les attentes à l'égard de 2024. Une incertitude considérable persiste. Les données économiques montrent un ralentissement, mais une résilience aussi. Même si l'inflation de base demeure aux niveaux actuels, elle est tout de même conforme aux attentes de la Fed, il n'y a pas là de grande surprise. Ce qui signifie, si vous vous rappelez le graphique à points de la Fed, que des coupures de taux sont prévues pour 2024, et 2024 c'est demain. Mais combien de coupure de taux? Les marchés s'attendent à ce qu'il y en ait quatre environ l'an prochain, d'ici la fin de l'an prochain, à partir du deuxième trimestre. La première coupure intégrale de taux est prévue pendant ce deuxième trimestre, mais il s'agit d'un processus de réduction des taux assez énergiques quand on considère l'incertitude élevée au niveau de l'inflation. Qu'est-ce que ça signifie pour le marché obligataire? Au début de l'année, on peut considérer que les taux d'intérêt élevés avaient fait leur œuvre et qu'il y aurait des réductions de taux. Cela ne s'est pas réalisé en 2023. Qu'est-ce que les investisseurs du marché obligataire doivent penser pour l'an prochain? Sur le marché obligataire, il y a une gamme dans laquelle nous investissons. Il y a des obligations à courte durée, deux à cinq ans, et puis à longue durée, 10 à 30 ans. Depuis deux mois que les taux d'intérêt ont baissés très rapidement, cette chute s'est produite presque uniformément sur l'ensemble de la courbe, peut-être légèrement biaisée en faveur des obligations à long terme. Mais ces obligations de longue durée vont finir par réagir à la proportion de coupures de taux totales pendant le cycle, quel que soit le moment où le revirement se produira. Il n'est pas nécessaire que cela se produise d'ici un ou deux trimestres comme le marché obligataire le prévoit, cela pourrait être d'ici 12 à 18 mois, mais la question est de savoir combien de coupures de taux au total y aura-t-il. À l'heure actuelle, quand on considère les rendements obligataires à long terme, ils correspondent aux attentes de 200 points de base de réduction de taux, cumulativement, ce qui est plutôt vers le bas de la gamme quand on considère les cycles passés de réduction de taux. Mais le plus gros risque si la Fed réfute les attentes à l'égard du calendrier des premières réductions de taux, ce sont les rendements des obligations à court terme qui courent un risque d'ajustement à la hausse d'ici une quinzaine de jours ou quelques mois selon le discours que tient la Fed demain. Est-ce sur le long terme qu'il faut songer, dans le marché obligataire? Nous sommes dans une situation restrictive. Un moment donné, on pense que les conditions financières seront suffisamment serrées et que l'économie ralentira et qu'il faudra réduire les taux, mais s'agit-il de faire preuve de patience? Je le crois, oui. Quand on considère ce qui s'est produit depuis un an, le fait que nous achevons l'année, nous y sommes presque, avec un rendement total autour de 5 % pour une stratégie typique de titres à revenu fixe, c'est assez remarquable, quand on songe à toutes les trajectoires que nous avons empruntées au cours de l'année pour y parvenir. Mais s'il y a une autre année avec des rendements autour de 5 %, des rendements de type revenu, de type rendement, je pense que c'est sain, cela va donner confiance aux investisseurs qui vont persévérer dans la catégorie d'actifs. Les fluctuations de grandes amplitudes, positives comme négatives, à long terme, ont un effet destructif pour la confiance des investisseurs.