Le taux d’inflation au Canada a plus ralenti que prévu en janvier, principalement en raison de la baisse du prix de l’essence. Robert Both, stratège principal, Macroéconomie au sein de Valeurs Mobilières TD, discute des répercussions sur les taux d’intérêt et l’économie canadienne avec Greg Bonnell de MoneyTalk.
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Les pressions sur les prix à la consommation au Canada ont diminué plus que prévu en janvier. Les automobilistes payaient notamment moins cher à la pompe. L'inflation globale étant désormais inférieure à 3%, cela nous rapproche-t-il d'une baisse des taux par la Banque du Canada? Robert Both de Valeurs mobilières TD se joint à nous. Bonjour, Robert. Bonjour, Greg, ça me fait plaisir de passer à votre émission. Il s'agit du genre de statistiques que la Banque du Canada attend. Les marchés également, les spécialistes. L'inflation redescend en deçà de 3%. Qu'avez-vous trouvé le plus intéressant? Nous attendions que l'inflation diminue de 3,4 à 3,2%. Les marchés prévoyaient une diminution encore plus minime à 3,3. 2,9%, il s'agit d'une surprise très importante. Il est rare que l'inflation diminue ou augmente de 2 ou 3 dixièmes de pour cent de plus ou de moins que les marchés ne s'y attendaient. C'est donc l'ampleur du changement qui nous a étonnés. L'inflation est redescendue en deçà de 3%. Elle se rapproche de l'objectif de la Banque du Canada, c'est-à-dire 2%. Nous n'y sommes pas encore tout à fait. Certains éléments ont contribué à alimenter ce ralentissement. Le transport aérien a diminué de près de 25% d'un mois sur l'autre, il s'agit d'un secteur qui est assez volatil. Il y a également eu des éléments comme les services de voyages et les hôtels, l'habillement, les dépenses discrétionnaires, en un mot. Ceci souligne la pression que subissent les ménages canadiens qui s'exerce sur leur budget et qui commence à se répercuter sur la réduction de l'inflation. Mais il y avait des éléments positifs, pour ceux qui ne consacrent pas tant d'argent aux dépenses discrétionnaires. Les prix de l'alimentation augmentent toujours, mais de 0,1% sur un mois, c'est une augmentation beaucoup plus limitée que l'an dernier. Donc l'inflation alimentaire a diminué considérablement, elle est à présent à 3,9% au lieu de 5. Nous évoluons dans la bonne direction, mais nous n'y sommes pas encore tout à fait. Entrons dans le détail. Vous avez ventilé certains des secteurs pour notre auditoire, mais certains diront: tout va bien, l'inflation globale est en deçà de 3%, mais que dire des indicateurs clés que surveille la Banque du Canada? Certains semblent évoluer dans la bonne direction également. Oui. La Banque du Canada investit dans certains outils qui font abstraction de la volatilité de l'inflation globale. Ces indicateurs ont diminué également. Ceux que la Banque du Canada suit de plus près sont la médiane corrigée et la médiane pondérée, qui se situent autour de 3,3%, en baisse par rapport à 3,6% le mois dernier. C'est toujours au-delà de la fourchette cible. La Banque du Canada se concentre beaucoup sur le taux d'inflation de base à trois mois. Est-ce que l'inflation de base continue d'augmenter ou est-ce que la dynamique est plutôt à la baisse? Ces taux ont également diminué et s'établissent à 3,2%. Cela nous donne davantage confiance à l'idée que cette dynamique commence à s'infléchir vers la baisse. Bien sûr, la baisse des prix de l'essence par rapport à janvier de l'année dernière a été importante, mais nous savons que lorsqu'il s'agit d'essence, de pétrole brut, de géopolitique, cette catégorie pourrait être volatile. Est-ce que cela pourrait être un joker pour l'avenir en fonction de l'évolution du cours du brut? Bien sûr. Les cours du pétrole peuvent être volatils, comme vous l'avez dit. Ils sont affectés non seulement par la demande, mais encore par l'offre. Les événements géopolitiques peuvent avoir un impact considérable sur le cours du brut. Nous prévoyons que les cours du pétrole aux États-Unis demeureront entre 82 et 84 dollars pendant le deuxième semestre 2024. C'est un peu plus élevé que le point où ils sont actuellement, mais nous ne prévoyons pas nécessairement que les risques géopolitiques auront un impact considérable sur les cours du pétrole brut. Voilà certains des risques pour notre scénario de base. La Banque du Canada va annoncer sa prochaine décision sur les taux le 6 mars. Il y a encore des statistiques de l'inflation à prendre en compte, même si Tiff Macklem a dit et répété, quand il s'adresse à nous, par les médias ou autrement, nous a dit et répété qu'il va prendre son temps. Il n'est plus question de hausse de taux, mais il est question du temps que nous devons passer à ce niveau-ci. Combien longtemps la Banque du Canada va-t-elle rester au niveau actuel? L'inflation globale est de retour dans cette fourchette de 1 à 3% mais la banque veut la ramener à 2%. Cela rapproche un peu du résultat souhaité. C'est la première fois que l'inflation est revenue dans la fourchette de 1 à 3% depuis le mois de juin dernier, mais comme on l'a vu en juin dernier, cette baisse a été éphémère en deçà de la limite supérieure de 3%. Il faudra qu'il y ait davantage d'éléments probants pour signaler qu'il ne s'agit pas d'une baisse éphémère mais d'un retour durable à la fourchette cible. La banque attendra davantage de preuves de ralentissement de la hausse des indicateurs clés. 3,3%, ces indicateurs clés augmentent beaucoup moins rapidement que le mois dernier mais il faut que cette décélération se poursuive. L'inflation de base sur trois mois doit se rapprocher du point médian de la fourchette. Nous n'y sommes pas, nous sommes encore à 3,2%. Encore un ou deux mois de données semblables et nous nous rapprocherons de l'objectif. Mais nous pensons qu'il faudra qu'il y ait davantage de statistiques positives avant que la Banque du Canada ne soit en mesure de réduire les taux. Nous continuons de prévoir cette première réduction de taux au mois de juillet. Du point de vue la Banque du Canada, c'est une bonne nouvelle, mais la tâche n'est pas terminée. Mois de juillet, cela nous mène à l'été. Au début de l'année, certains prévoyaient le printemps. Juillet, c'est bien en été. Après que la banque sera convaincue que nous nous rapprochons de 2%, que ce sera durable, que la banque pourra réduire les taux, combien de coupures de taux pourront être attendues? Est-ce que la banque va être prudente ou estimer sa mission accomplie? Nous pensons que la Banque du Canada va procéder avec prudence jusqu'à la première coupure de taux. Elle voudra disposer de preuves que nous sommes en bonne voie de parvenir à 2%. Elle ne va pas déclarer que sa mission est accomplie aux premiers signes que la cible se rapproche. Nous prévoyons que la Banque du Canada va approcher la décision de réduire les taux avec prudence. Mais une fois que les dés seront jetés, et que la banque est prête à agir, nous prévoyons que la banque va réduire de 25 points de base à chaque réunion pendant le deuxième semestre. Il s'agit de réductions plus modestes que celles qui ont été, que les hausses qui ont été mises en œuvre antérieurement. En diminuant par étapes de 25 points de base, cela montre que la banque est prudente, elle ne veut pas faire passer le taux directeur d'un niveau restrictif à un niveau neutre d'un coup. Elle veut procéder avec prudence. Nous pensons qu'elle parviendra à 4% d'ici la fin de cette année. Et puis, le rythme des coupures de taux va sans doute ralentir au courant 2025. Plutôt que de réduire de 25 points de base à chaque réunion, nous pensons qu'elle réalisera une coupure de taux par trimestre.