Après avoir rebondi à la suite d’une courte récession causée par la pandémie, l’économie mondiale a été confrontée à plusieurs menaces en 2022, ce qui a éveillé les craintes d’un ralentissement prolongé. Anthony Okolio reçoit Jing Roy, gestionnaire de portefeuille, Gestion de Placements TD, qui parle de ses perspectives pour les marchés boursiers et l’économie.
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Jing, les dernières semaines et les derniers mois ont été assez turbulents pour les investisseurs et les marchés financiers, et il semble que cette volatilité ne disparaîtra pas de sitôt. Alors qu’est-ce qui retient votre attention en ce moment et pourquoi?
Oui. Ce qui retient mon attention en ce moment, c’est vraiment de prédire la future trajectoire des rendements des actifs, et je me concentre actuellement sur trois grandes questions. Premièrement, l’inflation, deuxièmement, les dépenses de consommation et les bénéfices des sociétés, et troisièmement, les conditions financières. Je crois que je vais commencer par l’inflation. Lorsque l’inflation est élevée, les investisseurs ont besoin de rendements plus élevés pour préserver leur pouvoir d’achat.
Une façon d’obtenir des rendements plus élevés, c’est de payer moins pour les actifs de placement dès le départ. On observe donc une baisse des cours des actifs, des obligations aux actions et, dans certains cas, les actifs réels. J’examine aussi les dépenses de consommation et les bénéfices des sociétés pour déterminer la santé de l’économie en général. En fait, ce sont les deux côtés d’une même médaille. Pensez-y, parce que les dépenses de consommation se traduisent habituellement par des bénéfices plus élevés pour les sociétés, ce qui favorise l’emploi et, en fin de compte, des dépenses de consommation plus élevées.
Enfin, comme nous sommes maintenant dans un cycle de resserrement, je regarde les conditions financières pour surveiller la disponibilité du crédit dans le système. L’absence de crédit a tendance à entraîner une paralysie du système financier et à forcer la vente d’actifs financiers à des prix dissociés des paramètres fondamentaux.
ANTHONY OKOLIE : D’accord. Alors, dans ce contexte, qu’en est-il du cours des actions? On les a vus. Ils se sont repliés par rapport aux sommets de l’an dernier. Pensez-vous que nous sommes déjà en situation de survente, ou est-ce que d’autres facteurs vont entrer en jeu?
Je pense que les investisseurs doivent faire preuve d’un peu de patience quant à la progression des cours boursiers. Pour que le marché boursier se stabilise, il faut éclaircir trois questions importantes. Premièrement, l’inflation atteint-elle un sommet? Ensuite, les banques centrales peuvent-elles maîtriser l’inflation sans causer une grave récession? Enfin, le système financier peut-il composer avec une diminution du crédit face au contexte géopolitique et aux chocs des chaînes d’approvisionnement?
Donc ce qu’on voit maintenant, c’est un signe avant-coureur d’un ralentissement de l’inflation. C’est très encourageant, car ça permet aux banques centrales d’augmenter moins fortement les taux d’intérêt et de réduire la demande globale, et ça réduit le risque d’une récession plus profonde et d’un resserrement des liquidités. Mais tout ça prend du temps.
ANTHONY OKOLIE : D’accord. Alors comme vous l’avez mentionné, l’inflation est certainement encore élevée. Les banques centrales vont continuer à resserrer vigoureusement les politiques monétaires. On craint de plus en plus un éventuel ralentissement de l’économie mondiale. Que prévoyez-vous sur ce plan?
Eh bien, c’est très difficile d’être une banque centrale en ce moment. Leurs outils de politique sont bruts, parce qu’ils répondent à la demande globale, mais ont beaucoup moins d’effet sur l’offre. Et ce problème est particulièrement grave aujourd’hui, parce que l’offre est restreinte. Un ralentissement est non seulement inévitable, mais aussi le résultat escompté de la politique des banques centrales. Donc, si c’est bien fait, ça ouvre la voie à une autre phase d’expansion économique.
La Fed a en fait procédé à un atterrissage en douceur en 1994 sous la direction de Greenspan. La Fed peut-elle le refaire? Je pense que la situation est beaucoup plus difficile cette fois-ci en raison des limites inhérentes aux outils de politique de la Fed et du niveau plus élevé de l’inflation au début de ce cycle de hausse. Donc, comme on pouvait s’y attendre, le marché boursier évalue actuellement la probabilité d’une légère récession. Et la baisse des actions est généralement plus prononcée en période de récession financière ou causée par une erreur de politique.
À l’heure actuelle, le risque d’une récession financière est plutôt limité, à mon avis, en raison d’un système bancaire renforcé et de la bonne santé financière des consommateurs. Par contre, bien que le risque d’une grave récession causée par une ère de politiques caractérisée par le resserrement excessif des banques centrales soit également faible pour le moment, le marché boursier va réagir assez négativement si les attentes d’inflation ne se réalisent pas en raison de la spirale salaires-prix ou de nouveaux chocs de l’offre.
ANTHONY OKOLIE : Alors, selon vos perspectives, où voyez-vous des occasions en ce moment?
En tant qu’investisseurs, c’est à cette étape-ci qu’on doit se concentrer sur la préservation du capital et réduire le risque global du portefeuille de placements. Dans ce contexte, on aime les secteurs défensifs, comme les biens de consommation de base, les services publics et les télécommunications, parce qu’ils ont tendance à inscrire des rendements supérieurs grâce aux flux de trésorerie stables qu’ils génèrent et aux dividendes sûrs. Et en ce qui concerne les titres à revenu fixe, on aime les titres de créance de qualité investissement à court terme, et on essaie de les conserver jusqu’à l’échéance pour tirer parti du taux plus élevé et d’éviter des pertes en capital. De plus, comme les corrélations entre les catégories d’actif sont très élevées et que les obligations et les actions sont touchées par la hausse des taux d’intérêt, on doit trouver des moyens de compenser ces effets au moyen de stratégies de placements alternatifs.
Ce qu’on fait, c’est qu’on souscrit une assurance de portefeuille au moyen d’options de vente et qu’on augmente notre pondération du dollar américain par rapport aux monnaies cycliques. On peut aussi atténuer la volatilité de notre portefeuille tout en obtenant une prime de risque alternative en investissant dans des actifs privés. Lorsque les taux obligataires vont se stabiliser, les sociétés technologiques qui peuvent croître de façon rentable vont commencer à afficher de nouveau un bon rendement. Le moment venu, on veut s’assurer d’avoir le capital nécessaire pour déployer et garantir des rendements intéressants pour les années à venir.
ANTHONY OKOLIE : D’accord. À l’avenir, quels sont certains des principaux points que les investisseurs devraient retenir?
Investir n’est pas très facile, mais ce sera beaucoup plus difficile cette année. On entre dans une période de ralentissement et de volatilité. C’est très important pour nous de conserver notre mentalité axée sur la gestion des risques, de gérer le risque de façon appropriée dans le portefeuille et de mettre l’accent sur la préservation du capital.
ANTHONY OKOLIE : Jing, merci beaucoup pour votre temps.
Merci.
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