Les soi-disant sept grandes actions technologiques, dont Apple et Nvidia, sont souvent considérées comme le principal moteur des marchés. Par contre, Ben Gossack, directeur général et gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD, nous dit que regarder de plus près le rendement récent des marchés pourrait très bien nous faire changer d’idée.
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Certains observateurs du marché… attribuent les performances de l'indice S&P 500, cette année, à une petite concentration de grands titres technologiques, les Sept Magnifiques. Mais selon notre invité, si l'on creuse un peu plus, une autre histoire se dessine. Ben Gossack, de Gestion de Placements TD, nous rejoint. Bonjour, Ben. Ça me fait toujours plaisir de vous accueillir et de bénéficier de vos analyses. Je sais que c'est une question qui vous préoccupe, les Sept Magnifiques. J'apprécie, moi aussi, nos entretiens. Oui, effectivement. Dans plusieurs épisodes où je suis passé, nous avons évoqué l'étendue du marché, les domaines du marché qui offrent un rendement élevé, mais je vois toujours les Sept Magnifiques contre les 93 autres du S&P. Je ne comprends toujours pas ce qui se produit, sauf que… Un discours convaincant est persuasif, si quelqu'un me dit: le S&P 500 attribue sa hausse intégralement à sept titres. Mais vous, vous aimez approfondir les analyses, et, d'après ce que vous nous disiez tout à l'heure, il y aura des gains dans le S&P 500, qui va au-delà des Sept Magnifiques. Oui, j'ai décidé de compter tous les titres du S&P 500 qui ont donné un résultat supérieur à 19,3 % donc c'est-à-dire qui ont dépassé l'indice. J'ai réalisé mon analyse à compter de vendredi dernier. Le S&P 500 était en hausse de 19,3 % en cumul annuel, ce qui est extraordinaire, ce qui était plus que ce qu'on avait prévu. Je m'attendais à ce que les actions qui auraient dépassé la progression du marché seraient au nombre de sept, mais j'en ai trouvé 132. Il y a donc 132 actions qui, à ce jour, ont dépassé le S&P 500. Ce qui est intéressant également, c'est que j'ai relevé la composition sectorielle. Dans d'autres émissions, nous avons évoqué le secteur industriel qui est porteur, même si nous sommes censés être en récession, ce qui est étrange, nous avons parlé de la solidité des entreprises de construction, c'est discrétionnaire. J'aurais pensé que personne n'achèterait des logements. Pourquoi ces actions obtiennent-elles de bons résultats? Sur ces 132 actions, vous ne devriez pas être étonné qu'une bonne proportion des gagnants appartienne au secteur de la technologie. Voici le graphique, la plus grande barre, bien sûr, est celle de la technologie de l'information, mais même alors… Oui, il y a Microsoft, Apple, NVIDIA… Il y a 64 titres qui constituent le secteur de la technologie du S&P 500. 36 dépassent l'indice S&P 500. Donc vous auriez eu une chance sur deux, si vous aviez choisi un titre dans le secteur de la technologie, le 1er janvier, de dépasser l'indice. Je dis que c'est une probabilité assez élevée. Mais il ne s'agit pas d'un simple groupe sélect d'actions. Il y a des actions de quincaillerie, de services, de logiciels, qui dépassent les performances de l'indice. C'est donc généralisé dans la technologie. Et puis il y a 27 actions dans le secteur industriel qui dépassent également l'indice. C'est le deuxième secteur en importance. Nous avons évoqué des thèmes comme la loi Chips, la loi sur la réduction de l'inflation, bref les paquets de mesures aux États-Unis qui ont débloqué toutes sortes de crédit pour l'énergie propre. Ces actions-là en bénéficient. Et puis il y a une autre catégorie importante, ce sont les biens de consommation discrétionnaire. Ce ne sont pas les secteurs typiques qui dépasseraient l'ensemble du marché quand on parle d'une récession depuis le début de l'année. Parlons-en justement d'une récession. La menace plane. Certains secteurs du marché donnent des résultats qu'on attendrait pas dans un environnement de récession. D'autres secteurs, on s'attendrait à ce qu'ils représentent des refus si nous étions en récession ou sur le point de l'être, ne donnent pas de bons résultats. Qu'en est-il de cette récession? Que sommes-nous censés penser puisque l'année est presque terminée? Je ne conteste pas la thèse d'une récession ou la crainte d'une récession. Il y a beaucoup d'indicateurs prospectifs qui montrent que nous sommes en récession, nous l'avons été, nous allons l'être, mais c'est un peu comme si nous habitions dans des cavernes, si nous voyions un ennemi, nous nous serions enfuis. Typiquement quand quelqu'un dit qu'il y a une récession qui s'en vient, nous fuyons et nous nous cachons. Et où nous cachons-nous? Nous nous cachons dans les titres à revenu fixe et dans les actions de biens de consommation courante et de service public, et dans les fiducies de placement immobilières, et nous évitons les secteurs cycliques dits dangereux. Les biens de consommation discrétionnaire, le secteur industriel… Donc la thèse voulant qu'il y aurait une récession et que nous devrions chercher refuge était éventuellement fondée, mais lorsque vous êtes dans une salle pleine de baissiers et que vous êtes le plus baissier, que pouvez-vous en tirer? Si vous êtes économiste, vous pouvez écrire un livre et faire une tournée pour en faire la promotion. Mais je n'essaie pas d'être à contre-courant pour le plaisir. Simplement, quand on considère les domaines qui surclassent, je commence à poser des questions. Pourquoi ceci se produit-il? On en revient à un autre épisode dans lequel nous nous sommes entretenus du fait que le marché pourrait toucher le fond, avoir touché le fond l'an dernier, l'été. Mais si vous considérez sur la base de la capitalisation boursière, il aurait fallu envisager la situation davantage en pondération égale pour discerner la tendance. Je pense que les discours prédominants sont difficiles à contrer, mais en tant qu'investisseur, que gestionnaire de fonds, des capitaux nous sont confiés et il est de notre devoir de scruter le discours prédominant et, bien souvent, il recèle une opportunité. Parlons-en. Je sais que parfois, vous éprouvez des difficultés avec la définition arbitraire, par exemple le découpage en année civile, bon, mais beaucoup de gens pensent ainsi. Nous sommes presque en décembre. Tout ce qui s'est passé jusqu'ici cette année, est-ce que nous pouvons en conclure, en tirer des conclusions, de ces événements qui ont été contraires aux prévisions? Oui, on peut en tirer la conclusion qu'il ne faut pas pronostiquer. J'arrive à la fin de l'année, je vois déjà les prévisions, telle institution financière prédit que le S&P atteindra 5000 d'ici la fin de l'année… C'est intéressant, oui, c'est ce que l'on veut entendre, mais si vous suivez les pronostics de l'an dernier qui étaient que les bénéfices s'effondreraient, ce qui n'a pas été le cas, que les actions s'effondreraient aussi, ce qui n'a pas été le cas, que les rendements s'effondreraient, ce qui n'a pas été le cas. Le plus important, c'est de suivre son processus, et pour nous, ça a toujours été une question de tendance longue qui peut s'étendre sur trois à cinq ans, et nous pouvons éviter les perspectives d'ici trois à six mois. Moi, j'essaie d'apprendre à jouer au golf, et ce que j'ai appris, c'est qu'on peut pas commencer à penser au prochain trou avant d'avoir franchi celui qui s'en vient. Et c'est ce que j'aime appliquer aux investissements.