En cette période d’achats des fêtes, les consommateurs au Canada montrent qu’ils sont toujours prêts à dépenser. Toutefois, Maria Solovieva, économiste à la TD, affirme que l’inflation élevée commence à peser sur ce sentiment. Elle discute des conséquences économiques avec Greg Bonnell de Parlons Argent.
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Les dernières statistiques sur les ventes au détail au Canada indiquent que les consommateurs continuent à dépenser malgré l'augmentation du coût de la vie. Que se passera-t-il pendant la saison des achats de Noël? Maria Solovieva, économiste à la Banque TD commente. Bonjour, Maria. Bonjour, Greg. Merci de m'inviter. Nous entendons dire sans cesse que le consommateur canadien se porte bien, remarquablement bien, du moins en ce qui concerne les statistiques générales, compte tenu de ce que nous avons vécu. Si vous considérez les ventes au détail, c'est surtout les ventes d'automobiles, ainsi que les ventes aux stations d'essence. Si vous retirez ces effets, les mesures de base… …si l'on élimine les effets de prix, en volume, les consommateurs sont vraiment sous pression, ne se sentent pas vraiment très bien. La raison principale en est que l'inflation exerce une pression. Ce n'est pas tout le monde qui veut dépenser plus et acheter moins. Ceci affecte la confiance des consommateurs. Nous prévoyons que cela persistera. Cette pression ne disparaît pas. Au moins pour l'instant. Les consommateurs sont pessimistes également, parce que le coût des emprunts augmente. Au Canada, ceci affecte particulièrement ceux qui ont contracté un prêt hypothécaire sur un logement. Cela affecte beaucoup la confiance, en effet, les consommateurs constatent l'impact, environ 50 % des consommateurs se ressentent, ou se ressentiront de la hausse des taux d'intérêt d'ici la fin de cette année et les 50 % restants, progressivement au cours des trois prochaines années. En prévoyant la hausse des coûts hypothécaires, ils continuent de… Il s'agit du mois, à l'approche du mois de décembre, pendant lequel on s'attend à ce que nous dépensions. Les ménages sont en difficulté. Est-ce que cela permet, toutefois difficilement, de mesurer les réactions du consommateur canadien? Personnellement, je prends des résolutions de discipline et puis on perd un peu la tête. Eh bien, oui, bien sûr, on peut dépenser pour ses êtres chers, mais les Canadiens vont chercher des aubaines. Les belles cravates, peut-être, mais les belles cravates au rabais, plutôt les tourtières de grand-maman. C'est ce que l'on va offrir après le Vendredi Fou et le Cyber Lundi. Il y a un certain nombre de rabais. Peut-être les rabais vont-ils s'accentuer encore. On pense généralement que les dépenses se poursuivront, mais pas au même rythme qu'auparavant. Oui, j'ai acheté une écharpe de 25 $, c'est parce qu'il a fait si froid à Toronto depuis des jours. Voilà donc mes excès. Alors les dettes s'alourdissent, les coûts d'emprunts augmentent. Que dire des États-Unis? Le consommateur là-bas semble un peu plus résilient. Oui, le consommateur est plus résilient aux États-Unis. Je dirais, si vous considérez les dépenses des fêtes qui excluent les autos et les achats aux stations-service, mais qui incluent le commerce électronique, ces ventes sont relativement fortes, plus fortes aux États-Unis. Elles étaient presque deux fois supérieures à celles au Canada. Le consommateur américain dépense typiquement un peu plus, mais nous prévoyons davantage de dynamique des ventes pour le consommateur dans l'avenir. Sur un an, on prévoit 4,5 % de croissance… …contre la moitié seulement au Canada… …en ce qui concerne les attentes pour le quatrième trimestre. Et c'est typiquement le cas. La différence entre les consommateurs canadiens et américains. Mais il y a davantage de pression qui s'exerce sur le consommateur canadien en ce qui concerne le coût des emprunts, puisqu'il est… Disons que les consommateurs ressentent l'impact de la hausse des taux d'intérêt beaucoup plus tôt et les niveaux d'endettement sont plus élevés, ce qui a pour effet de limiter les dépenses. L'endettement des ménages nous amène à tenir plus serrés les cordons de la bourse à cette saison des fêtes. Qu'est-ce que ça signifie pour l'économie en 2024? Si rien ne peut me convaincre de dépenser gros au mois de décembre, je ne vais certainement pas dépenser gros pendant les deux premiers mois de l'année. En général ce sont des mois où l'on se perd chez soi. On prévoit que le premier trimestre de 2024 sera faible au Canada comme aux États-Unis, mais en particulier au Canada, à cause des niveaux d'endettement. Nous pensons que le coût plus élevé des emprunts, ainsi que le coût plus élevé de la dette vont faire une différence au niveau de la consommation au Canada et aux États-Unis. Si on tient compte des mesures très courantes, le ratio de la dette au revenu, les Américains se désendettent depuis la grande crise financière. Il y a des coûts d'emprunt, c'est le même facteur pour les États-Unis, mais une sensibilité différente au Canada. Alors donc si on déduit cela des revenus, cela maintient les niveaux de l'endettement un peu plus élevés et c'est la raison principale pour laquelle nous avons cet écart entre les consommateurs canadiens et américains. Alors comment ramener tout cela à la politique monétaire? Voilà un an et demi que les taux d'intérêt augmentent de façon énergique, que les Canadiens se cramponnent à leur argent, il y aura des conséquences pour l'an prochain. Alors double question. Est-ce que la Banque du Canada en a fini pour de vrai? Et que se passera-t-il l'an prochain? Nous pensons qu'elle a terminé. Tout d'abord, le ralentissement des dépenses de consommation est évident, et c'est ce que la Banque du Canada voulait voir. Nous avons également des changements sur le marché du travail. Le nombre de chômeurs a augmenté depuis le niveau plus bas. Par ailleurs, les offres d'emploi ont diminué. C'est ce que la Banque du Canada recherche. Les pressions inflationnistes demeurent. Disons que l'inflation n'a pas reculé dans la mesure que la Banque du Canada voudrait voir. Il reste du travail à faire. La Banque du Canada demeurera énergique dans son discours. Elle veut maintenir des conditions financières relativement restrictives, mais en même temps… il n'y a pas de raison de penser qu'il y aura une autre hausse selon nous. Nous pensons que la Banque du Canada va commencer à réduire les taux pendant le deuxième trimestre de 2024. C'est ce que nous prévoyons et c'est ce que le marché prévoit dans les prix.