Les bénéfices les plus récents des banques américaines montrent le contexte difficile dans lequel les banques exercent leurs activités, en raison de la hausse des taux d’intérêt et de la baisse des revenus des services d’investissement. Greg Bonnell discute des perspectives du secteur avec Stephen Biggar, directeur de la recherche sur les institutions financières à Argus Research.
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Étant donné que les craintes d’un ralentissement économique sont de plus en plus fortes, nous avons analysé les bénéfices les plus récents des grandes banques américaines cette semaine. Stephen Biggar, directeur de la recherche sur les institutions financières à Argus Research, se joint maintenant à nous pour nous faire part de quelques-uns des principaux points à retenir de tout ça.
Stephen, c’est un plaisir de vous avoir de nouveau avec nous.
C’est un plaisir d’être ici. Merci de m’avoir invité, Greg.
Très bien, donc on connaît maintenant les bénéfices de certains des grands noms de Wall Street. Quels sont les principaux points à retenir de tout ça?
Eh bien, je dirais que c’est un autre trimestre d’extrêmes importants. Le revenu d’intérêts net a augmenté de 20 %, voire de 30 % dans bien des cas; c’est donc dire à quel point la hausse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale a été favorable pendant toute l’année. Au dernier trimestre, les taux étaient presque nuls, donc aucune amélioration... et il y a eu une hausse de 400 points de base dans les taux.
C’est très bien pour le revenu d’intérêts net, mais le provisionnement pour pertes, l’autre volet du secteur des prêts, est venu en grande partie contrebalancer ça. Essentiellement, les banques regardent l’avenir et se disent que l’économie est affaiblie, qu’il va y avoir plus de radiations de cartes de crédit à venir, en particulier, et que les consommateurs sont plus faibles. Le marché de l’emploi résiste encore assez bien, ce qui est habituellement un excellent indicateur des défauts de paiement.
Mais si on regarde les prochains trimestres, on s’attend à ce que... et le nombre de radiations est vraiment très bas depuis quelques années. Donc, dans bien des cas, les provisions pour pertes ont doublé et, dans certains cas, on est passés d’une récupération l’an dernier à des provisions cette année.
Et l’autre élément important, ça a été les services d’investissement, qui ont reculé de 45 % et de 55 % pour la plupart des grandes banques. Le contexte est donc très peu favorable à la mobilisation de capitaux. Les sociétés américaines font une pause et regardent à quoi vont ressembler les perspectives cette année, mais on constate une certaine faiblesse de ce côté-là.
Habituellement, les banques sont un peu des sociétés de croissance stables, mais cette fois-ci, on a simplement constaté de fortes fluctuations dans beaucoup de catégories de revenu.
Très bien. Examinons d’un peu plus près l’activité des marchés financiers. Il est normal, à l’approche de ce que vous considérez comme un affaiblissement de l’économie ou peut-être même une légère récession, de prévoir davantage de provisions pour pertes, parce qu’il y a un ralentissement de l’activité sur les marchés financiers. Si le deuxième semestre de l’année s’annonçait meilleur, y aurait-il un appétit? Y aurait-il une sorte d’activité sur les marchés financiers qui attendrait de frapper, si on peut surmonter tout ça?
Je crois qu’il y a, effectivement, une forte demande accumulée. Beaucoup de sociétés... je veux dire, les marchés financiers et l’innovation qui se produit dans l’économie à n’importe quel moment... c’est vraiment toujours là. Il y a donc de nouvelles sociétés qui attendent de percer le marché. Je crois qu’il y a donc une forte demande accumulée, en particulier dans le secteur des soins de santé et presque toujours dans le secteur des technologies; il y a des sociétés de technologie financière qui aimeraient entrer sur les marchés financiers.
Mais, oui, je pense que nous devons aller au-delà des hausses de taux de la Fed à ce stade-ci. James Gorman, de Morgan Stanley, l’a même mentionné, en disant qu’à son avis, la situation va s’améliorer dès que la Fed va signaler pour la première fois qu’elle n’enregistrera aucune hausse de taux.
On prévoit donc tous deux ou trois hausses de 25, peut-être une de 50, puis une de 25, ou encore quelques hausses de 25 points de base. Et quand il n’y aura plus de hausse, ou qu’elle va indiquer que c’est terminé pour le moment, cela pourrait être un catalyseur pour l’ensemble des marchés et offrir une certaine stabilité, redonnant confiance aux sociétés américaines.
On a parlé des services d’investissement, mais les activités de fusion et d’acquisition ont également été faibles, mais pas autant que les services d’investissement. Mais c’est un autre domaine où on veut simplement retrouver une certaine stabilité sur les marchés. Les taux sont plus élevés et cela va leur coûter plus cher, s’il y a du financement à faire. Mais il y a aussi une forte demande accumulée, je crois, du côté des fusions et acquisitions.
Donc une histoire qui pourrait se répéter plus tard cette année. En ce moment, certains signes nous portent à croire que les consommateurs américains sont effectivement durement touchés par la hausse des coûts d’emprunt. On observe un recul des ventes au détail, peut-être un temps des fêtes décevant. Comment cela se répercute-t-il sur les activités liées aux cartes de crédit d’une banque?
En fait, oui. Et ça mérite certainement d’être mentionné. Les ventes au détail ont diminué de 1 % aujourd’hui. Ça montre que le consommateur est beaucoup plus prudent qu’il ne l’a été pendant la majeure partie de 2022. Ça a été la pire baisse mensuelle. En fait, ça correspond au taux de novembre, qui a été révisé à la baisse pour s’établir aussi à 1 %.
Il est donc certain que les consommateurs dépensent moins. Et cela signifie une diminution des dépenses sur carte de crédit, et si on pense à certains autres éléments importants, eh bien les prêts hypothécaires et l’achat de maisons sont bien loin de leurs sommets. Les prêts automobiles ont également été un point faible.
Je pense donc qu’à l’heure actuelle, il y a tout un éventail de facteurs à considérer. Et le taux des ventes au détail aujourd’hui a été très faible dans beaucoup de catégories. Les restaurants. Les ventes en ligne. L’électronique, les meubles et le logement. Ça a donc été une baisse généralisée des dépenses de détail.
Alors oui, pour les sociétés de cartes de crédit, c’est un scénario positif à long terme, en ce sens qu’il y a encore une migration de l’argent comptant et des chèques vers les cartes de crédit ou d’autres paiements numériques. Ça favorise donc la croissance à long terme.
Il y a aussi un facteur naturel favorable associé à l’inflation. Donc, si le panier d’articles l’année dernière vous a coûté 100 $ à ce moment-là et que cette année il vous a coûté 108 $ et que c’est ce qu’on facture sur la carte, c’est évidemment un avantage pour ces sociétés. Je ne prévois donc pas nécessairement une forte baisse, mais oui, un ralentissement du taux de croissance et une évolution conforme à l’humeur des consommateurs.
On pense à de nombreux segments des services bancaires, dont certains sont évidemment très connus et dont on a beaucoup parlé. Mais qu’en est-il des dépôts? Quelles sont les tendances dans ce secteur après une pandémie? Parce que c’était un secteur assez intéressant.
Oui, les dépôts... tout au long de la pandémie, les banques ont accumulé beaucoup de dépôts. Les consommateurs épargnaient beaucoup. Ils ont obtenu des chèques de relance du gouvernement aux États-Unis, et aussi au Canada. Ils ont réduit leurs dépenses parce qu’ils ne pouvaient pas voyager. Beaucoup de commerces étaient fermés. On ne pouvait pas voyager. On pouvait dépenser plutôt en ligne, dans une certaine mesure. Mais les dépenses étaient vraiment freinées.
Donc les comptes de dépôt et les comptes-chèques ont beaucoup augmenté durant la pandémie. Les banques disposaient donc de beaucoup de liquidités. Comme les taux étaient à zéro, il était impossible d’obtenir un bon rendement des certificats de dépôt. Les taux obligataires étaient également beaucoup plus faibles. Beaucoup de gens ont donc simplement accumulé des liquidités jusqu’à très récemment, au deuxième semestre de 2022 seulement, où les hausses de taux de la Fed ont permis des rendements vraiment décents dans l’ensemble du spectre. Les obligations de qualité supérieure, les titres municipaux, les certificats de dépôt et même les comptes d’épargne offrent des rendements beaucoup plus élevés.
Il y a donc une migration en cours. En revanche, l’augmentation de la marge d’intérêt nette des banques a été spectaculaire pendant une bonne partie de 2022, les banques ayant relevé les taux des prêts et moins rapidement les taux des dépôts et des autres sources de financement. Mais ça a changé maintenant. La plupart des avantages découlent donc de la hausse des taux d’intérêt.
Mais maintenant, on voit que les consommateurs sont de plus en plus malins; ils voient ces taux beaucoup plus élevés qui sont disponibles sur le marché grâce aux certificats de dépôt et à d’autres obligations et titres, et transfèrent ces dépôts qui ne portent pas intérêt à quelque chose qui offre un rendement assez raisonnable. Donc, à notre avis, cela va commencer à nuire aux marges d’intérêt nettes au cours de 2023. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]
Étant donné que les craintes d’un ralentissement économique sont de plus en plus fortes, nous avons analysé les bénéfices les plus récents des grandes banques américaines cette semaine. Stephen Biggar, directeur de la recherche sur les institutions financières à Argus Research, se joint maintenant à nous pour nous faire part de quelques-uns des principaux points à retenir de tout ça.
Stephen, c’est un plaisir de vous avoir de nouveau avec nous.
C’est un plaisir d’être ici. Merci de m’avoir invité, Greg.
Très bien, donc on connaît maintenant les bénéfices de certains des grands noms de Wall Street. Quels sont les principaux points à retenir de tout ça?
Eh bien, je dirais que c’est un autre trimestre d’extrêmes importants. Le revenu d’intérêts net a augmenté de 20 %, voire de 30 % dans bien des cas; c’est donc dire à quel point la hausse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale a été favorable pendant toute l’année. Au dernier trimestre, les taux étaient presque nuls, donc aucune amélioration... et il y a eu une hausse de 400 points de base dans les taux.
C’est très bien pour le revenu d’intérêts net, mais le provisionnement pour pertes, l’autre volet du secteur des prêts, est venu en grande partie contrebalancer ça. Essentiellement, les banques regardent l’avenir et se disent que l’économie est affaiblie, qu’il va y avoir plus de radiations de cartes de crédit à venir, en particulier, et que les consommateurs sont plus faibles. Le marché de l’emploi résiste encore assez bien, ce qui est habituellement un excellent indicateur des défauts de paiement.
Mais si on regarde les prochains trimestres, on s’attend à ce que... et le nombre de radiations est vraiment très bas depuis quelques années. Donc, dans bien des cas, les provisions pour pertes ont doublé et, dans certains cas, on est passés d’une récupération l’an dernier à des provisions cette année.
Et l’autre élément important, ça a été les services d’investissement, qui ont reculé de 45 % et de 55 % pour la plupart des grandes banques. Le contexte est donc très peu favorable à la mobilisation de capitaux. Les sociétés américaines font une pause et regardent à quoi vont ressembler les perspectives cette année, mais on constate une certaine faiblesse de ce côté-là.
Habituellement, les banques sont un peu des sociétés de croissance stables, mais cette fois-ci, on a simplement constaté de fortes fluctuations dans beaucoup de catégories de revenu.
Très bien. Examinons d’un peu plus près l’activité des marchés financiers. Il est normal, à l’approche de ce que vous considérez comme un affaiblissement de l’économie ou peut-être même une légère récession, de prévoir davantage de provisions pour pertes, parce qu’il y a un ralentissement de l’activité sur les marchés financiers. Si le deuxième semestre de l’année s’annonçait meilleur, y aurait-il un appétit? Y aurait-il une sorte d’activité sur les marchés financiers qui attendrait de frapper, si on peut surmonter tout ça?
Je crois qu’il y a, effectivement, une forte demande accumulée. Beaucoup de sociétés... je veux dire, les marchés financiers et l’innovation qui se produit dans l’économie à n’importe quel moment... c’est vraiment toujours là. Il y a donc de nouvelles sociétés qui attendent de percer le marché. Je crois qu’il y a donc une forte demande accumulée, en particulier dans le secteur des soins de santé et presque toujours dans le secteur des technologies; il y a des sociétés de technologie financière qui aimeraient entrer sur les marchés financiers.
Mais, oui, je pense que nous devons aller au-delà des hausses de taux de la Fed à ce stade-ci. James Gorman, de Morgan Stanley, l’a même mentionné, en disant qu’à son avis, la situation va s’améliorer dès que la Fed va signaler pour la première fois qu’elle n’enregistrera aucune hausse de taux.
On prévoit donc tous deux ou trois hausses de 25, peut-être une de 50, puis une de 25, ou encore quelques hausses de 25 points de base. Et quand il n’y aura plus de hausse, ou qu’elle va indiquer que c’est terminé pour le moment, cela pourrait être un catalyseur pour l’ensemble des marchés et offrir une certaine stabilité, redonnant confiance aux sociétés américaines.
On a parlé des services d’investissement, mais les activités de fusion et d’acquisition ont également été faibles, mais pas autant que les services d’investissement. Mais c’est un autre domaine où on veut simplement retrouver une certaine stabilité sur les marchés. Les taux sont plus élevés et cela va leur coûter plus cher, s’il y a du financement à faire. Mais il y a aussi une forte demande accumulée, je crois, du côté des fusions et acquisitions.
Donc une histoire qui pourrait se répéter plus tard cette année. En ce moment, certains signes nous portent à croire que les consommateurs américains sont effectivement durement touchés par la hausse des coûts d’emprunt. On observe un recul des ventes au détail, peut-être un temps des fêtes décevant. Comment cela se répercute-t-il sur les activités liées aux cartes de crédit d’une banque?
En fait, oui. Et ça mérite certainement d’être mentionné. Les ventes au détail ont diminué de 1 % aujourd’hui. Ça montre que le consommateur est beaucoup plus prudent qu’il ne l’a été pendant la majeure partie de 2022. Ça a été la pire baisse mensuelle. En fait, ça correspond au taux de novembre, qui a été révisé à la baisse pour s’établir aussi à 1 %.
Il est donc certain que les consommateurs dépensent moins. Et cela signifie une diminution des dépenses sur carte de crédit, et si on pense à certains autres éléments importants, eh bien les prêts hypothécaires et l’achat de maisons sont bien loin de leurs sommets. Les prêts automobiles ont également été un point faible.
Je pense donc qu’à l’heure actuelle, il y a tout un éventail de facteurs à considérer. Et le taux des ventes au détail aujourd’hui a été très faible dans beaucoup de catégories. Les restaurants. Les ventes en ligne. L’électronique, les meubles et le logement. Ça a donc été une baisse généralisée des dépenses de détail.
Alors oui, pour les sociétés de cartes de crédit, c’est un scénario positif à long terme, en ce sens qu’il y a encore une migration de l’argent comptant et des chèques vers les cartes de crédit ou d’autres paiements numériques. Ça favorise donc la croissance à long terme.
Il y a aussi un facteur naturel favorable associé à l’inflation. Donc, si le panier d’articles l’année dernière vous a coûté 100 $ à ce moment-là et que cette année il vous a coûté 108 $ et que c’est ce qu’on facture sur la carte, c’est évidemment un avantage pour ces sociétés. Je ne prévois donc pas nécessairement une forte baisse, mais oui, un ralentissement du taux de croissance et une évolution conforme à l’humeur des consommateurs.
On pense à de nombreux segments des services bancaires, dont certains sont évidemment très connus et dont on a beaucoup parlé. Mais qu’en est-il des dépôts? Quelles sont les tendances dans ce secteur après une pandémie? Parce que c’était un secteur assez intéressant.
Oui, les dépôts... tout au long de la pandémie, les banques ont accumulé beaucoup de dépôts. Les consommateurs épargnaient beaucoup. Ils ont obtenu des chèques de relance du gouvernement aux États-Unis, et aussi au Canada. Ils ont réduit leurs dépenses parce qu’ils ne pouvaient pas voyager. Beaucoup de commerces étaient fermés. On ne pouvait pas voyager. On pouvait dépenser plutôt en ligne, dans une certaine mesure. Mais les dépenses étaient vraiment freinées.
Donc les comptes de dépôt et les comptes-chèques ont beaucoup augmenté durant la pandémie. Les banques disposaient donc de beaucoup de liquidités. Comme les taux étaient à zéro, il était impossible d’obtenir un bon rendement des certificats de dépôt. Les taux obligataires étaient également beaucoup plus faibles. Beaucoup de gens ont donc simplement accumulé des liquidités jusqu’à très récemment, au deuxième semestre de 2022 seulement, où les hausses de taux de la Fed ont permis des rendements vraiment décents dans l’ensemble du spectre. Les obligations de qualité supérieure, les titres municipaux, les certificats de dépôt et même les comptes d’épargne offrent des rendements beaucoup plus élevés.
Il y a donc une migration en cours. En revanche, l’augmentation de la marge d’intérêt nette des banques a été spectaculaire pendant une bonne partie de 2022, les banques ayant relevé les taux des prêts et moins rapidement les taux des dépôts et des autres sources de financement. Mais ça a changé maintenant. La plupart des avantages découlent donc de la hausse des taux d’intérêt.
Mais maintenant, on voit que les consommateurs sont de plus en plus malins; ils voient ces taux beaucoup plus élevés qui sont disponibles sur le marché grâce aux certificats de dépôt et à d’autres obligations et titres, et transfèrent ces dépôts qui ne portent pas intérêt à quelque chose qui offre un rendement assez raisonnable. Donc, à notre avis, cela va commencer à nuire aux marges d’intérêt nettes au cours de 2023. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]