Le secteur mondial du transport maritime est resté pris dans une soi-disant récession du transport de marchandises, alors que les entreprises composaient avec des stocks excédentaires. Toutefois, bon nombre d’entre elles ont maintenant commencé à réapprovisionner ces stocks. Juliana Faircloth, vice-présidente, Recherche de portefeuille à Gestion de Placements TD, discute des conséquences sur le secteur du transport avec Greg Bonnell de MoneyTalk.
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Le secteur du transport maritime mondial a été touché par la récession de fret en 2023, les clients ayant réduit leurs stocks et expédié moins de marchandises en conséquence. Nous sommes au début d'une nouvelle année. Notre invité surveille un catalyseur potentiel pour l'industrie, une tendance à la reconstitution des stocks. Juliana Faircloth, de gestion de placements TD, nous rejoint. Bonjour, Juliana.
Merci. Merci, Greg.
La dernière fois que nous nous sommes entretenus, nous avions évoqué cette récession du fret, l'évolution de la demande des consommateurs, la restructuration de notre existence au sortir de la pandémie. Mais alors que nous abordons cette année, les entreprises qui ont réduit leurs stocks vont-elles les reconstituer?
C'est un thème intéressant. Ce genre de point de bascule peut offrir des opportunités aux investisseurs. C'est un thème auquel il est intéressant de songer, surtout dans le contexte de l'économie américaine, laquelle affiche une saine croissance depuis trois ans. Mais sous la surface, il y a une récession du fret comme vous l'avez dit. Il y a eu des vagues de diminution des stocks et des facteurs qui ont des conséquences pour plusieurs industries. L'industrie du détail, du fret, j'ai un ou deux graphiques pour illustrer ce qui se produit. Le premier graphique porte sur les dépenses de consommation personnelle aux États-Unis. La ligne grise représente la consommation de biens. Il y a eu une flambée en 2020 et 2021. Tout le monde était à domicile. Nous commandions des vêtements de sport, divertissement, des ordinateurs. En 2020-2023, c'est là où l'épuisement des stocks a eu lieu. Les détaillants comme Target et Walmart nous l'ont dit, ils ont dû déboucler d'énormes stocks qu'ils avaient constitués sur leur bilan. Le même phénomène s'applique au secteur industriel. Voici l'indice des nouvelles commandes du secteur industriel et manufacturier aux États-Unis. Encore une fois, il y a eu une flambée fin 2020, puis une contraction en 2020-2023. Il y a un moment intéressant, au tout début du graphique, on voit une légère remontée au-delà du niveau de cinq ans qui représente une phase d'expansion. Voilà le potentiel intéressant qu'offre cette thèse de la reconstitution des stocks.
Bien sûr, la reconstitution des stocks de matières premières, de biens, peu importe votre activité, qu'est-ce que cela signifie pour l'industrie mondiale du fret?
Commençons par un secteur. Il y a beaucoup de chemins de fer. Oui, dans le secteur du fret, les deux exemples intéressants sont justement le chemin de fer et le camionnage. Pour commencer par le chemin de fer... c'était une année difficile, 2023, pour les chemins de fer, presque tous les chemins de fer de catégorie A ont annoncé une baisse de leurs bénéfices. Ils ont transporté des volumes réduits, vu leur réseau très important, ce qui peut avoir un impact très net sur la rentabilité. Pour l'avenir, les perspectives semblent plus intéressantes. Au quatrième trimestre 2023, les chemins de fer viennent d'annoncer leurs bénéfices il y a une quinzaine de jours. Tous les grands chemins de fer de catégories A nord-américains annoncent une croissance des volumes de fret. C'est la première fois depuis assez longtemps. Les perspectives sont donc intéressantes pour une relance de la croissance des bénéfices en 2024, sous l'impulsion de la hausse des volumes et du levier d'exploitation positif au fur et à mesure que l'économie reconstitue ses stocks.
Voilà pour les chemins de fer. Que dire des camions?
Le camionnage, c'est une autre industrie qui a été très affectée. Il y a même eu une faillite importante l'an dernier, de la compagnie Yellow, aux États-Unis qui a fait faillite à cause de cette conjoncture difficile pour l'exploitation et les volumes, surtout de l'industrie du camionnage. Pour 2024, on espère qu'il y aura un avantage au niveau des volumes liés à la reconstitution des stocks, peut-être une rationalisation de la capacité dans l'industrie, puisqu'un joueur important n'y est plus présent. Ceci crée une situation intéressante au niveau de l'accélération des bénéfices courant 2024. Je pense que cela ressort dans le contexte du paysage industriel global. Il y a les chemins de fer et le camionnage qui devraient voir une accélération de leurs bénéfices courant 2024. Par contraste à divers autres secteurs, par exemple le transport aérien ou le bâtiment, là, les bénéfices commencent à voir leur accélération ralentir puisque le pic de la demande se normalise.
Ce que vous et moi achetons, que nous attendons de voir apparaître sur notre pas-de-porte comme par magie, le fret et le camionnage jouent un rôle important, mais il n'y a pas de chemin de fer qui s'arrête devant chez moi. C'est UPS ou FedEx. Que dire de ces compagnies-là?
Oui, les compagnies de messagerie qui nous livrent les colis, ça a été une période intéressante pour UPS et pour FedEx. Ces deux compagnies ont connu des difficultés dans l'environnement d'exploitation et le thème de l'épuisement des stocks. Le comportement de leurs actions a beaucoup divergé. FedEx a largement surclassé UPS depuis un an. Ceci est attribuable à mon avis au fait que FedEx, sachant que les volumes sont faibles, s'est attaché à réduire ses coûts. L'action de FedEx a beaucoup bénéficié de mesures très fortes de réduction des coûts et de restructuration annoncées il y a plus d'un an. Alors qu'UPS a cherché à naviguer dans l'environnement d'exploitation sur une base différente. Pour 2024, il sera très important que ces deux entreprises démontrent qu'elles peuvent assumer le volume supplémentaire et gérer cette reconstitution des stocks sans augmenter trop leurs coûts.
Parlons de certains risques. La thèse sur laquelle nous nous fondons est la suivante: nous avons vécu une récession du fret, les compagnies ont épuisé les inventaires excessifs résultants de l'évolution de nos habitudes au sortir de la pandémie. La reconstitution des stocks pourrait être favorable. Quels seraient les risques reliés à cette thèse?
Encore une fois, c'est un point de bascule, une opportunité intéressante pour les investisseurs, mais il y a bien sûr des risques. Un gros risque serait la fragilité des chaînes d'approvisionnement dans le monde. Dans la mesure où nous comptons sur le transport maritime pour livrer en Amérique du Nord des marchandises qui peuvent circuler sur les rails et être livrées par FedEx ou UPS sur le pas de votre porte, c'est un risque. Il y a un conflit dans la mer Rouge, une sécheresse qui affecte le canal de Panama qui a un impact très fort sur le transport maritime. Les taux de fret maritime ont augmenté de plus de 100% depuis le mois d'octobre, c'est-à-dire le début de la crise en mer Rouge. Il pourrait s'agir d'un environnement difficile au niveau des coûts ainsi qu'au niveau des délais d'acheminement des marchandises du point A au point B.
Il y a un autre élément important à signaler sur ce thème, c'est que s'il y a une flambée des taux de fret maritime et des coûts de transport et de la demande de transport, cela semble un peu inflationniste.
Oui, j'en reviens à 2021-2022, où on disait: C'est transitoire, ne pas s'inquiéter. Oui, cela peut paraître inflationniste, il va falloir surveiller de très près, car nous savons que les banques centrales se concentrent de très près sur la maîtrise de l'inflation.
Merci. Merci, Greg.
La dernière fois que nous nous sommes entretenus, nous avions évoqué cette récession du fret, l'évolution de la demande des consommateurs, la restructuration de notre existence au sortir de la pandémie. Mais alors que nous abordons cette année, les entreprises qui ont réduit leurs stocks vont-elles les reconstituer?
C'est un thème intéressant. Ce genre de point de bascule peut offrir des opportunités aux investisseurs. C'est un thème auquel il est intéressant de songer, surtout dans le contexte de l'économie américaine, laquelle affiche une saine croissance depuis trois ans. Mais sous la surface, il y a une récession du fret comme vous l'avez dit. Il y a eu des vagues de diminution des stocks et des facteurs qui ont des conséquences pour plusieurs industries. L'industrie du détail, du fret, j'ai un ou deux graphiques pour illustrer ce qui se produit. Le premier graphique porte sur les dépenses de consommation personnelle aux États-Unis. La ligne grise représente la consommation de biens. Il y a eu une flambée en 2020 et 2021. Tout le monde était à domicile. Nous commandions des vêtements de sport, divertissement, des ordinateurs. En 2020-2023, c'est là où l'épuisement des stocks a eu lieu. Les détaillants comme Target et Walmart nous l'ont dit, ils ont dû déboucler d'énormes stocks qu'ils avaient constitués sur leur bilan. Le même phénomène s'applique au secteur industriel. Voici l'indice des nouvelles commandes du secteur industriel et manufacturier aux États-Unis. Encore une fois, il y a eu une flambée fin 2020, puis une contraction en 2020-2023. Il y a un moment intéressant, au tout début du graphique, on voit une légère remontée au-delà du niveau de cinq ans qui représente une phase d'expansion. Voilà le potentiel intéressant qu'offre cette thèse de la reconstitution des stocks.
Bien sûr, la reconstitution des stocks de matières premières, de biens, peu importe votre activité, qu'est-ce que cela signifie pour l'industrie mondiale du fret?
Commençons par un secteur. Il y a beaucoup de chemins de fer. Oui, dans le secteur du fret, les deux exemples intéressants sont justement le chemin de fer et le camionnage. Pour commencer par le chemin de fer... c'était une année difficile, 2023, pour les chemins de fer, presque tous les chemins de fer de catégorie A ont annoncé une baisse de leurs bénéfices. Ils ont transporté des volumes réduits, vu leur réseau très important, ce qui peut avoir un impact très net sur la rentabilité. Pour l'avenir, les perspectives semblent plus intéressantes. Au quatrième trimestre 2023, les chemins de fer viennent d'annoncer leurs bénéfices il y a une quinzaine de jours. Tous les grands chemins de fer de catégories A nord-américains annoncent une croissance des volumes de fret. C'est la première fois depuis assez longtemps. Les perspectives sont donc intéressantes pour une relance de la croissance des bénéfices en 2024, sous l'impulsion de la hausse des volumes et du levier d'exploitation positif au fur et à mesure que l'économie reconstitue ses stocks.
Voilà pour les chemins de fer. Que dire des camions?
Le camionnage, c'est une autre industrie qui a été très affectée. Il y a même eu une faillite importante l'an dernier, de la compagnie Yellow, aux États-Unis qui a fait faillite à cause de cette conjoncture difficile pour l'exploitation et les volumes, surtout de l'industrie du camionnage. Pour 2024, on espère qu'il y aura un avantage au niveau des volumes liés à la reconstitution des stocks, peut-être une rationalisation de la capacité dans l'industrie, puisqu'un joueur important n'y est plus présent. Ceci crée une situation intéressante au niveau de l'accélération des bénéfices courant 2024. Je pense que cela ressort dans le contexte du paysage industriel global. Il y a les chemins de fer et le camionnage qui devraient voir une accélération de leurs bénéfices courant 2024. Par contraste à divers autres secteurs, par exemple le transport aérien ou le bâtiment, là, les bénéfices commencent à voir leur accélération ralentir puisque le pic de la demande se normalise.
Ce que vous et moi achetons, que nous attendons de voir apparaître sur notre pas-de-porte comme par magie, le fret et le camionnage jouent un rôle important, mais il n'y a pas de chemin de fer qui s'arrête devant chez moi. C'est UPS ou FedEx. Que dire de ces compagnies-là?
Oui, les compagnies de messagerie qui nous livrent les colis, ça a été une période intéressante pour UPS et pour FedEx. Ces deux compagnies ont connu des difficultés dans l'environnement d'exploitation et le thème de l'épuisement des stocks. Le comportement de leurs actions a beaucoup divergé. FedEx a largement surclassé UPS depuis un an. Ceci est attribuable à mon avis au fait que FedEx, sachant que les volumes sont faibles, s'est attaché à réduire ses coûts. L'action de FedEx a beaucoup bénéficié de mesures très fortes de réduction des coûts et de restructuration annoncées il y a plus d'un an. Alors qu'UPS a cherché à naviguer dans l'environnement d'exploitation sur une base différente. Pour 2024, il sera très important que ces deux entreprises démontrent qu'elles peuvent assumer le volume supplémentaire et gérer cette reconstitution des stocks sans augmenter trop leurs coûts.
Parlons de certains risques. La thèse sur laquelle nous nous fondons est la suivante: nous avons vécu une récession du fret, les compagnies ont épuisé les inventaires excessifs résultants de l'évolution de nos habitudes au sortir de la pandémie. La reconstitution des stocks pourrait être favorable. Quels seraient les risques reliés à cette thèse?
Encore une fois, c'est un point de bascule, une opportunité intéressante pour les investisseurs, mais il y a bien sûr des risques. Un gros risque serait la fragilité des chaînes d'approvisionnement dans le monde. Dans la mesure où nous comptons sur le transport maritime pour livrer en Amérique du Nord des marchandises qui peuvent circuler sur les rails et être livrées par FedEx ou UPS sur le pas de votre porte, c'est un risque. Il y a un conflit dans la mer Rouge, une sécheresse qui affecte le canal de Panama qui a un impact très fort sur le transport maritime. Les taux de fret maritime ont augmenté de plus de 100% depuis le mois d'octobre, c'est-à-dire le début de la crise en mer Rouge. Il pourrait s'agir d'un environnement difficile au niveau des coûts ainsi qu'au niveau des délais d'acheminement des marchandises du point A au point B.
Il y a un autre élément important à signaler sur ce thème, c'est que s'il y a une flambée des taux de fret maritime et des coûts de transport et de la demande de transport, cela semble un peu inflationniste.
Oui, j'en reviens à 2021-2022, où on disait: C'est transitoire, ne pas s'inquiéter. Oui, cela peut paraître inflationniste, il va falloir surveiller de très près, car nous savons que les banques centrales se concentrent de très près sur la maîtrise de l'inflation.