La Banque du Canada a maintenu son taux directeur à 5 %, mais elle laisse la porte ouverte à de nouvelles hausses en raison des inquiétudes entourant l’inflation persistante. Anthony Okolie discute avec Sam Chai, vice-président, Gestion active des portefeuilles de titres à revenu fixe, Gestion de Placements TD, de cette récente décision et des perspectives à l’égard des taux.
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Comme prévu, la Banque du Canada a maintenu son taux directeur du financement à un jour à 5 %. Sam, y a-t-il quelque chose qui vous a marqué aujourd’hui?
Je dirais que, compte tenu des nouvelles données qu’on a vues et de l’évolution des marchés qu’on a observée depuis la dernière réunion de la Banque du Canada, le résultat d’aujourd’hui n’est pas tellement surprenant pour nous. En fait, le marché et nous-mêmes, on s’attendait à ce que la Banque du Canada prenne une position ferme à l’occasion de cette réunion. Elle avait aussi laissé ses taux directeurs inchangés et maintenu son intention de resserrement dans son cadrage prospectif.
Pourquoi en sommes-nous arrivés à cette conclusion? Si on examine les données économiques révisées, on constate qu’en juillet, la Banque du Canada avait prévu une expansion économique d’environ 1,5 % au deuxième trimestre. Toutefois, les données réelles témoignent d’une contraction négative de 0,2 %. Alors...
Alors les résultats sont en fait inférieurs aux attentes.
Bien sûr. C’est une importante baisse-surprise. De plus, l’enquête sur les perspectives des entreprises du troisième trimestre montre que les dépenses de consommation et la confiance des entreprises ont considérablement diminué. Il est donc peu probable que le PIB rebondisse au troisième trimestre aussi, par rapport au deuxième trimestre.
Pour ce qui est de l’inflation, les données sur l’IPC de septembre ont aussi été très encourageantes, car c’était une baisse-surprise. La réduction de l’inflation de base annualisée sur trois mois, une mesure que la Banque du Canada examine de très près, est passée de 4 % à la fourchette de 3,5 % à 4 %. Sur un mois, la hausse de l’inflation de base en septembre est en fait la plus faible en plus d’un an. C’est donc très encourageant.
En revanche, les données sur les attentes d’inflation, mesurées par l’enquête sur les perspectives des entreprises, ont aussi légèrement diminué par rapport au trimestre précédent. Encore une fois, ça réduit le risque extrême d’inflation. Tous ces facteurs ont donc contribué à ce que la Banque du Canada se sente suffisamment à l’aise pour maintenir les taux inchangés lors de cette réunion.
En général, les marchés réagissent de façon assez ordonnée aux résultats de la Banque du Canada. De façon générale, la courbe des taux au Canada s’est légèrement accentuée.
D’accord, alors compte tenu du contexte économique, pensez-vous que la Banque du Canada a terminé de hausser ses taux pour cette année?
Oui. Selon notre scénario de base actuel, la Banque du Canada devrait maintenir ses taux d’intérêt au même niveau pour le reste de l’année, mais selon notre scénario de risque, on prévoit une nouvelle accélération de l’inflation et la Banque du Canada pourrait devoir effectuer un resserrement supplémentaire. Laissez-moi juste en parler un peu plus en détail.
Donc, en général, compte tenu des indicateurs économiques prospectifs, par exemple, le taux de postes vacants qui a fortement diminué au cours des derniers mois, ces indicateurs montrent un nouveau ralentissement de l’activité économique et du marché du travail, ce qui devrait se traduire par une diminution des pressions inflationnistes à la hausse. En effet, la Banque du Canada a également reconnu que, compte tenu du taux directeur très restrictif en vigueur, ça avait déjà fortement pesé sur la demande. Par conséquent, on s’attend à ce que la Banque du Canada laisse ses taux inchangés pour le reste de l’année.
Cela dit, il y a certainement des facteurs de risque. Si on considère les mesures de l’inflation de base annualisée sur trois mois, malgré des résultats positifs en septembre, au cours des derniers mois, cette mesure se situait autour de 3,5 % à 4 % depuis déjà plusieurs mois.
Et si on considère aussi que la croissance des salaires horaires au Canada depuis plusieurs mois a constamment été supérieure à 5 %, ça indique que ça ne cadre toujours pas avec la cible d’inflation de 2 % de la Banque du Canada. Donc si ces pressions persistent, voire se détériorent, cela pourrait inciter la Banque du Canada à resserrer un peu plus ses politiques.
D’accord. Et qu’est-ce que le marché obligataire nous dit à l’heure actuelle en ce qui a trait à une nouvelle fluctuation du taux du financement à un jour de la Banque du Canada?
En ce moment, la fixation des prix par le marché pour la Banque du Canada présente une probabilité d’une autre hausse en décembre d’environ 20 %. Ensuite, pour la majeure partie de l’année prochaine, on devrait être en attente jusqu’à ce qu’une réduction soit entièrement prise en compte d’ici le quatrième trimestre de l’année prochaine. Et trois autres réductions vont suivre en 2024.
Et si on compare ça à notre voisin au Sud, la Fed va subir une baisse au troisième trimestre de l’année prochaine, suivie rapidement de deux autres baisses pour le reste de l’année prochaine. En bref, on s’attend à ce que notre voisin procède à des réductions à la fois plus importantes et plus rapides que les nôtres, même si, selon moi, ce n’est pas certain que la Fed va procéder à des réductions beaucoup plus importantes que la Banque du Canada.
C’est une excellente comparaison. Quels sont certains des principaux indicateurs que vous allez surveiller alors que la Banque du Canada envisage sa prochaine intervention?
Je suis heureux de dire que la Banque du Canada a été très claire quant à ce qu’elle surveille pour en arriver à ses décisions. Plus précisément, il existe quelques grandes catégories. La première, ce sont les données sur l’activité économique/le niveau de demande excédentaire. La deuxième, c’est l’inflation et les attentes d’inflation.
La troisième, ce sont les données sur le marché du travail et les salaires. Et la dernière, ce sont les habitudes de fixation des prix des sociétés. On n’a pas encore eu l’occasion d’écouter la conférence du gouverneur Macklem, mais j’ai hâte de voir s’il va faire la lumière sur les plus récentes réactions politiques.
D’accord. Enfin, quel sera selon vous l’évolution du dollar canadien au cours des prochains mois?
Je constate que, compte tenu de la surperformance économique relative des États-Unis et de la détérioration générale de l’appétit pour le risque qu’on a observée au cours des dernières semaines, le dollar canadien a augmenté de façon régulière au cours des dernières semaines. Ceci étant dit, depuis le début de l’année, les deux devises se situaient entre 1,3 % et 1,4 %, en raison des corrélations entre les politiques monétaires serrées. Je m’attends à ce que cette fourchette se maintienne.
Il pourrait donc y avoir des occasions tactiques intéressantes si les deux devises atteignent un côté ou l’autre de la fourchette. Cela dit, compte tenu de nos prévisions selon lesquelles l’évolution des données va probablement continuer de ralentir au cours des prochains mois, et du risque extrême, y compris les risques géopolitiques qu’on observe actuellement sur le marché, le fait de détenir des placements en dollars permet tout de même à un portefeuille de bénéficier d’une bonne diversification.
Sam, merci beaucoup de vous être joint à nous.
Merci de m’avoir invité aujourd’hui. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]
Comme prévu, la Banque du Canada a maintenu son taux directeur du financement à un jour à 5 %. Sam, y a-t-il quelque chose qui vous a marqué aujourd’hui?
Je dirais que, compte tenu des nouvelles données qu’on a vues et de l’évolution des marchés qu’on a observée depuis la dernière réunion de la Banque du Canada, le résultat d’aujourd’hui n’est pas tellement surprenant pour nous. En fait, le marché et nous-mêmes, on s’attendait à ce que la Banque du Canada prenne une position ferme à l’occasion de cette réunion. Elle avait aussi laissé ses taux directeurs inchangés et maintenu son intention de resserrement dans son cadrage prospectif.
Pourquoi en sommes-nous arrivés à cette conclusion? Si on examine les données économiques révisées, on constate qu’en juillet, la Banque du Canada avait prévu une expansion économique d’environ 1,5 % au deuxième trimestre. Toutefois, les données réelles témoignent d’une contraction négative de 0,2 %. Alors...
Alors les résultats sont en fait inférieurs aux attentes.
Bien sûr. C’est une importante baisse-surprise. De plus, l’enquête sur les perspectives des entreprises du troisième trimestre montre que les dépenses de consommation et la confiance des entreprises ont considérablement diminué. Il est donc peu probable que le PIB rebondisse au troisième trimestre aussi, par rapport au deuxième trimestre.
Pour ce qui est de l’inflation, les données sur l’IPC de septembre ont aussi été très encourageantes, car c’était une baisse-surprise. La réduction de l’inflation de base annualisée sur trois mois, une mesure que la Banque du Canada examine de très près, est passée de 4 % à la fourchette de 3,5 % à 4 %. Sur un mois, la hausse de l’inflation de base en septembre est en fait la plus faible en plus d’un an. C’est donc très encourageant.
En revanche, les données sur les attentes d’inflation, mesurées par l’enquête sur les perspectives des entreprises, ont aussi légèrement diminué par rapport au trimestre précédent. Encore une fois, ça réduit le risque extrême d’inflation. Tous ces facteurs ont donc contribué à ce que la Banque du Canada se sente suffisamment à l’aise pour maintenir les taux inchangés lors de cette réunion.
En général, les marchés réagissent de façon assez ordonnée aux résultats de la Banque du Canada. De façon générale, la courbe des taux au Canada s’est légèrement accentuée.
D’accord, alors compte tenu du contexte économique, pensez-vous que la Banque du Canada a terminé de hausser ses taux pour cette année?
Oui. Selon notre scénario de base actuel, la Banque du Canada devrait maintenir ses taux d’intérêt au même niveau pour le reste de l’année, mais selon notre scénario de risque, on prévoit une nouvelle accélération de l’inflation et la Banque du Canada pourrait devoir effectuer un resserrement supplémentaire. Laissez-moi juste en parler un peu plus en détail.
Donc, en général, compte tenu des indicateurs économiques prospectifs, par exemple, le taux de postes vacants qui a fortement diminué au cours des derniers mois, ces indicateurs montrent un nouveau ralentissement de l’activité économique et du marché du travail, ce qui devrait se traduire par une diminution des pressions inflationnistes à la hausse. En effet, la Banque du Canada a également reconnu que, compte tenu du taux directeur très restrictif en vigueur, ça avait déjà fortement pesé sur la demande. Par conséquent, on s’attend à ce que la Banque du Canada laisse ses taux inchangés pour le reste de l’année.
Cela dit, il y a certainement des facteurs de risque. Si on considère les mesures de l’inflation de base annualisée sur trois mois, malgré des résultats positifs en septembre, au cours des derniers mois, cette mesure se situait autour de 3,5 % à 4 % depuis déjà plusieurs mois.
Et si on considère aussi que la croissance des salaires horaires au Canada depuis plusieurs mois a constamment été supérieure à 5 %, ça indique que ça ne cadre toujours pas avec la cible d’inflation de 2 % de la Banque du Canada. Donc si ces pressions persistent, voire se détériorent, cela pourrait inciter la Banque du Canada à resserrer un peu plus ses politiques.
D’accord. Et qu’est-ce que le marché obligataire nous dit à l’heure actuelle en ce qui a trait à une nouvelle fluctuation du taux du financement à un jour de la Banque du Canada?
En ce moment, la fixation des prix par le marché pour la Banque du Canada présente une probabilité d’une autre hausse en décembre d’environ 20 %. Ensuite, pour la majeure partie de l’année prochaine, on devrait être en attente jusqu’à ce qu’une réduction soit entièrement prise en compte d’ici le quatrième trimestre de l’année prochaine. Et trois autres réductions vont suivre en 2024.
Et si on compare ça à notre voisin au Sud, la Fed va subir une baisse au troisième trimestre de l’année prochaine, suivie rapidement de deux autres baisses pour le reste de l’année prochaine. En bref, on s’attend à ce que notre voisin procède à des réductions à la fois plus importantes et plus rapides que les nôtres, même si, selon moi, ce n’est pas certain que la Fed va procéder à des réductions beaucoup plus importantes que la Banque du Canada.
C’est une excellente comparaison. Quels sont certains des principaux indicateurs que vous allez surveiller alors que la Banque du Canada envisage sa prochaine intervention?
Je suis heureux de dire que la Banque du Canada a été très claire quant à ce qu’elle surveille pour en arriver à ses décisions. Plus précisément, il existe quelques grandes catégories. La première, ce sont les données sur l’activité économique/le niveau de demande excédentaire. La deuxième, c’est l’inflation et les attentes d’inflation.
La troisième, ce sont les données sur le marché du travail et les salaires. Et la dernière, ce sont les habitudes de fixation des prix des sociétés. On n’a pas encore eu l’occasion d’écouter la conférence du gouverneur Macklem, mais j’ai hâte de voir s’il va faire la lumière sur les plus récentes réactions politiques.
D’accord. Enfin, quel sera selon vous l’évolution du dollar canadien au cours des prochains mois?
Je constate que, compte tenu de la surperformance économique relative des États-Unis et de la détérioration générale de l’appétit pour le risque qu’on a observée au cours des dernières semaines, le dollar canadien a augmenté de façon régulière au cours des dernières semaines. Ceci étant dit, depuis le début de l’année, les deux devises se situaient entre 1,3 % et 1,4 %, en raison des corrélations entre les politiques monétaires serrées. Je m’attends à ce que cette fourchette se maintienne.
Il pourrait donc y avoir des occasions tactiques intéressantes si les deux devises atteignent un côté ou l’autre de la fourchette. Cela dit, compte tenu de nos prévisions selon lesquelles l’évolution des données va probablement continuer de ralentir au cours des prochains mois, et du risque extrême, y compris les risques géopolitiques qu’on observe actuellement sur le marché, le fait de détenir des placements en dollars permet tout de même à un portefeuille de bénéficier d’une bonne diversification.
Sam, merci beaucoup de vous être joint à nous.
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