Le passage à l’énergie renouvelable exige un réoutillage des infrastructures mondiales, donc quantité de produits de base. Avec des stocks insuffisants, les métaux de base ont vu leur prix grimper. Kim Parlee discute de la course aux produits de base avec Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base, Valeurs Mobilières TD.
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[MUSIQUE]
Les prix des produits de base battent presque tous des records : le cuivre, le zinc, le nickel. Et c’est parce que la transition à des énergies renouvelables plus propres requiert la construction de nouvelles infrastructures. Or, ces infrastructures nécessitent de nouveaux produits de base. Pour comprendre comment les choses pourraient évoluer, j’accueille Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base à Valeurs Mobilières TD.
Bart, c’est un plaisir de vous accueillir. J’aimerais commencer par parler du graphique que vous nous avez remis. Il va s’afficher à l’écran. Il montre les produits de base nécessaires pour bâtir des infrastructures d’énergie renouvelable et à base de carbone. On voit qu’il faut beaucoup de métaux différents.
Bonjour. Merci beaucoup de l’invitation. Ce qui saute aux yeux en regardant ce tableau, c’est que les métaux de base, en particulier le cuivre et le nickel, jouent un rôle absolument essentiel pour se diriger vers la carboneutralité de l’économie à l’échelle mondiale. Le cuivre, le nickel et, bien sûr, d’autres métaux sont indispensables à la transition vers un avenir sans carbone.
Intéressant. Si les gens suivent de près les manchettes, il y a une nouvelle qui s’est propagée comme une traînée de poudre dans l’actualité et sur les médias sociaux : les stocks de cuivre à la bourse des métaux de Londres ont atteint leur plus bas niveau depuis 1974 en début de semaine. Le marché est assez mouvementé en ce moment.
Oui, effectivement. Mais en ce moment, ce n’est pas tant l’élan global vers un monde sans carbone qui est en cause, quoique ce soit tout de même lié au climat. Ce n’est pas tant la transition à long terme vers des infrastructures qui utiliseront ces métaux. Nous assistons à une crise énergétique en Asie et à une crise énergétique en Europe, où il y a une pénurie de gaz naturel.
Ils ont de la difficulté à alimenter les fonderies parce que les sources renouvelables d’électricité se sont pratiquement taries. Les fleuves et rivières coulent moins vite qu’avant. Ils ne peuvent plus compter sur l’énergie hydraulique. Et de nombreux pays européens sont passés un peu prématurément aux énergies renouvelables sans vraiment assurer la charge de base. Tout cela se conjugue à des flux éoliens anormaux, au débit insuffisant des cours d’eau, et à un manque d’investissement dans les champs de gaz naturel. Le marché est donc extrêmement tendu. Maintenant, de nombreux pays doivent faire un choix : utiliser l’électricité pour les populations ou alimenter les fonderies, qui sont extrêmement énergivores. En Europe, beaucoup de fonderies tournent maintenant au ralenti. Les producteurs chinois réduisent l’activité des fonderies de zinc et d’aluminium. Ajoutez à cela la reprise après la pandémie de COVID, et on se retrouve avec un marché des métaux de base extrêmement tendu dans l’ensemble.
C’est une situation incroyable quand on y pense, en raison de tout ce que vous avez expliqué. L’offre est actuellement restreinte, en partie à cause de la crise climatique. Et bien sûr, pour lutter contre le changement climatique, on a besoin précisément de ce que l’on n’a pas, à cause du resserrement de l’offre. Mais revenons au tableau et aux lignes très nettes que dessinent le cuivre et le nickel, les deux principaux métaux. Qu’anticipez-vous pour ces métaux, compte tenu de la thèse que vous venez de formuler.
Pour ce qui est du cuivre... L’offre de cuivre restera très tendue dans les 12 prochains mois. On s’attend à une amélioration. Mais avant, cela suppose que les fonderies tournent de nouveau à pleine capacité, quand les autorités européennes – ou plutôt les entreprises – se remettront à utiliser une énergie coûteuse. Rien n’est certain. Mais si on regarde les mines de cuivre, les réserves devraient être amplement suffisantes pour les prochaines années.
C’est après que l’on va se heurter au problème. Le volume de capitaux injectés dans ces projets est terriblement insuffisant. Je rappelle qu’il faut 7 à 10 ans avant qu’une mine produise des métaux. C’est donc maintenant qu’il faut investir. Mais les capitaux ne sont pas au rendez-vous. Notamment parce que beaucoup d’investisseurs s’inquiètent des enjeux ESG. Ils craignent pour leur réputation, et ils ne veulent pas qu’on les associe à une industrie perçue comme étant « sale ». Mais paradoxalement, on va avoir besoin de cuivre et de nickel pour passer à une énergie propre.
Pour l’instant, les perspectives sont bonnes pour le nickel. Mais là encore, cela suppose un retour à la normale dans toutes les fonderies, et une reprise à pleine capacité des principaux producteurs, comme Norilsk. Cela suppose aussi qu’ils continueront d’investir. Et en Chine, nous ne sommes pas certains qu’il y aura assez d’énergie pour transformer le nickel brut en nickel pur, qui entre dans la composition de l’acier inoxydable.
On pense que dans les années qui viennent, les réserves de métal suffiront amplement, et que les problèmes commenceront plus tard. Mais ça pourrait prendre une autre tournure. Ce scénario pourrait ne pas avoir lieu. On pourrait rester dans une configuration de marché tendu. L’offre pourrait se desserrer, mais pas énormément.
Il nous reste à peine 30 secondes, Bart. Ça m’inquiète toujours quand j’entends que chaque événement engendre une hausse. Il doit bien avoir un côté positif... Ou pas? Y a-t-il un autre scénario possible dans lequel les prix pourraient diminuer? Ça me semble improbable.
Il y a toujours un scénario pessimiste. J’en ai un qui me vient à l’esprit. Les prix de l’énergie ont subi un choc mondial à cause de mauvaises décisions réglementaires et d’événements climatiques adverses qui ont empêché l’énergie hydraulique et éolienne de tenir ses promesses. On pourrait assister à une hausse très importante et peut-être semi-permanente des prix de l’énergie qui retournerait le public contre les énergies propres, qui sont pourtant une question de survie.
Dans des pays comme les États-Unis, si le prix de l’essence s’envole au-dessus de 5 $ le gallon, on s’expose à une forte réaction politique. Et les gouvernements risquent de mettre durablement leurs efforts en attente, malgré toutes les promesses pour atteindre la carboneutralité dans les prochaines décennies. Je crois que ce risque est réel. Il est surtout politique. Rien ne peut arriver tant que l’on n’est pas prêts et que les infrastructures ne sont pas là. L’empressement risque de faire plus de mal que de bien. Pour l’instant, je crois que nous sommes pris avec les combustibles fossiles.
Merci pour cette discussion fascinante, Bart. C’est un plaisir de vous accueillir. Merci beaucoup. C’était Bart Melek, de Valeurs Mobilières TD.
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Les prix des produits de base battent presque tous des records : le cuivre, le zinc, le nickel. Et c’est parce que la transition à des énergies renouvelables plus propres requiert la construction de nouvelles infrastructures. Or, ces infrastructures nécessitent de nouveaux produits de base. Pour comprendre comment les choses pourraient évoluer, j’accueille Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base à Valeurs Mobilières TD.
Bart, c’est un plaisir de vous accueillir. J’aimerais commencer par parler du graphique que vous nous avez remis. Il va s’afficher à l’écran. Il montre les produits de base nécessaires pour bâtir des infrastructures d’énergie renouvelable et à base de carbone. On voit qu’il faut beaucoup de métaux différents.
Bonjour. Merci beaucoup de l’invitation. Ce qui saute aux yeux en regardant ce tableau, c’est que les métaux de base, en particulier le cuivre et le nickel, jouent un rôle absolument essentiel pour se diriger vers la carboneutralité de l’économie à l’échelle mondiale. Le cuivre, le nickel et, bien sûr, d’autres métaux sont indispensables à la transition vers un avenir sans carbone.
Intéressant. Si les gens suivent de près les manchettes, il y a une nouvelle qui s’est propagée comme une traînée de poudre dans l’actualité et sur les médias sociaux : les stocks de cuivre à la bourse des métaux de Londres ont atteint leur plus bas niveau depuis 1974 en début de semaine. Le marché est assez mouvementé en ce moment.
Oui, effectivement. Mais en ce moment, ce n’est pas tant l’élan global vers un monde sans carbone qui est en cause, quoique ce soit tout de même lié au climat. Ce n’est pas tant la transition à long terme vers des infrastructures qui utiliseront ces métaux. Nous assistons à une crise énergétique en Asie et à une crise énergétique en Europe, où il y a une pénurie de gaz naturel.
Ils ont de la difficulté à alimenter les fonderies parce que les sources renouvelables d’électricité se sont pratiquement taries. Les fleuves et rivières coulent moins vite qu’avant. Ils ne peuvent plus compter sur l’énergie hydraulique. Et de nombreux pays européens sont passés un peu prématurément aux énergies renouvelables sans vraiment assurer la charge de base. Tout cela se conjugue à des flux éoliens anormaux, au débit insuffisant des cours d’eau, et à un manque d’investissement dans les champs de gaz naturel. Le marché est donc extrêmement tendu. Maintenant, de nombreux pays doivent faire un choix : utiliser l’électricité pour les populations ou alimenter les fonderies, qui sont extrêmement énergivores. En Europe, beaucoup de fonderies tournent maintenant au ralenti. Les producteurs chinois réduisent l’activité des fonderies de zinc et d’aluminium. Ajoutez à cela la reprise après la pandémie de COVID, et on se retrouve avec un marché des métaux de base extrêmement tendu dans l’ensemble.
C’est une situation incroyable quand on y pense, en raison de tout ce que vous avez expliqué. L’offre est actuellement restreinte, en partie à cause de la crise climatique. Et bien sûr, pour lutter contre le changement climatique, on a besoin précisément de ce que l’on n’a pas, à cause du resserrement de l’offre. Mais revenons au tableau et aux lignes très nettes que dessinent le cuivre et le nickel, les deux principaux métaux. Qu’anticipez-vous pour ces métaux, compte tenu de la thèse que vous venez de formuler.
Pour ce qui est du cuivre... L’offre de cuivre restera très tendue dans les 12 prochains mois. On s’attend à une amélioration. Mais avant, cela suppose que les fonderies tournent de nouveau à pleine capacité, quand les autorités européennes – ou plutôt les entreprises – se remettront à utiliser une énergie coûteuse. Rien n’est certain. Mais si on regarde les mines de cuivre, les réserves devraient être amplement suffisantes pour les prochaines années.
C’est après que l’on va se heurter au problème. Le volume de capitaux injectés dans ces projets est terriblement insuffisant. Je rappelle qu’il faut 7 à 10 ans avant qu’une mine produise des métaux. C’est donc maintenant qu’il faut investir. Mais les capitaux ne sont pas au rendez-vous. Notamment parce que beaucoup d’investisseurs s’inquiètent des enjeux ESG. Ils craignent pour leur réputation, et ils ne veulent pas qu’on les associe à une industrie perçue comme étant « sale ». Mais paradoxalement, on va avoir besoin de cuivre et de nickel pour passer à une énergie propre.
Pour l’instant, les perspectives sont bonnes pour le nickel. Mais là encore, cela suppose un retour à la normale dans toutes les fonderies, et une reprise à pleine capacité des principaux producteurs, comme Norilsk. Cela suppose aussi qu’ils continueront d’investir. Et en Chine, nous ne sommes pas certains qu’il y aura assez d’énergie pour transformer le nickel brut en nickel pur, qui entre dans la composition de l’acier inoxydable.
On pense que dans les années qui viennent, les réserves de métal suffiront amplement, et que les problèmes commenceront plus tard. Mais ça pourrait prendre une autre tournure. Ce scénario pourrait ne pas avoir lieu. On pourrait rester dans une configuration de marché tendu. L’offre pourrait se desserrer, mais pas énormément.
Il nous reste à peine 30 secondes, Bart. Ça m’inquiète toujours quand j’entends que chaque événement engendre une hausse. Il doit bien avoir un côté positif... Ou pas? Y a-t-il un autre scénario possible dans lequel les prix pourraient diminuer? Ça me semble improbable.
Il y a toujours un scénario pessimiste. J’en ai un qui me vient à l’esprit. Les prix de l’énergie ont subi un choc mondial à cause de mauvaises décisions réglementaires et d’événements climatiques adverses qui ont empêché l’énergie hydraulique et éolienne de tenir ses promesses. On pourrait assister à une hausse très importante et peut-être semi-permanente des prix de l’énergie qui retournerait le public contre les énergies propres, qui sont pourtant une question de survie.
Dans des pays comme les États-Unis, si le prix de l’essence s’envole au-dessus de 5 $ le gallon, on s’expose à une forte réaction politique. Et les gouvernements risquent de mettre durablement leurs efforts en attente, malgré toutes les promesses pour atteindre la carboneutralité dans les prochaines décennies. Je crois que ce risque est réel. Il est surtout politique. Rien ne peut arriver tant que l’on n’est pas prêts et que les infrastructures ne sont pas là. L’empressement risque de faire plus de mal que de bien. Pour l’instant, je crois que nous sommes pris avec les combustibles fossiles.
Merci pour cette discussion fascinante, Bart. C’est un plaisir de vous accueillir. Merci beaucoup. C’était Bart Melek, de Valeurs Mobilières TD.
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