Certaines grandes sociétés technologiques sont de plus en plus soumises à la surveillance des organismes de réglementation, qui cherchent à réduire leur influence et à encourager la concurrence. Phil Davis, fondateur de Philstockworld.com, examine les possibles répercussions de cette surveillance accrue sur le secteur et les investisseurs.
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Les régulateurs de l’Union européenne ont ouvert une enquête sur Apple, Google et Meta pour violation des règles strictes de la nouvelle loi sur les marchés numériques. Ces règles ont pour but d’empêcher les grandes sociétés technologiques de dominer certains marchés et de devenir ce que l’UE appelle des contrôleurs d’accès dans certains secteurs.
Selon mon invité, il pourrait s’agir d’un tournant pour le secteur des technologies. Phil Davis, fondateur de PhilStockWorld.com, se joint à nous pour parler des retombées potentielles. Phil, c’est toujours un plaisir de vous voir. Comment allez-vous?
Bonjour, Kim. Très bien. Et vous?
Très bien, merci. Ravie que vous soyez là pour nous donner votre point de vue. Commençons par l’enquête. Essentiellement, l’UE a ouvert une enquête pour entrave à la concurrence, semble-t-il. Quel est l’impact de ces enquêtes pour les sociétés que je viens d’énumérer?
Elles ont un impact très important. Il faut bien comprendre qu’on ouvre la boîte de pandore en laissant l’UE et les États-Unis réguler ce que font les sociétés de médias sociaux. Évidemment, il y a 200 autres pays sur la planète qui aimeraient bien les réglementer eux aussi, imposer des amendes, etc.
Les médias sociaux sont omniprésents. Facebook compte 3 milliards d’utilisateurs. Près la moitié de la population mondiale utilise Facebook. C’est un réseau qui dépasse les frontières. Votre propre famille est sur Facebook. Les gens sont dispersés dans différents pays, dans différents fuseaux horaires, ils sont dispersés géographiquement.
S’il y a soudain un consensus mondial pour contrôler ce réseau déjà omniprésent, la seule conséquence logique, c’est qu’il va se fragmenter. Imaginez les difficultés que ça va créer. Est-ce qu’on vous interdira d’amener votre iPhone en Europe parce qu’il fonctionne seulement conformément aux règles américaines? C’est le type de situations auxquelles il faut penser.
Je crois que vous avez déjà un peu répondu, mais si les régulateurs estiment qu’en effet, il y a une entrave à la concurrence, qu’est-ce qui va vraiment changer? Est-ce qu’on va entrer dans un monde qui bifurque ou, je ne sais pas si le mot existe, qui trifurque et où nos appareils ne marcheront que dans certains endroits? Comment est-ce que ça va marcher?
Ça ne va pas marcher. C’est comme vivre dans le multivers. En gros, vous devrez attendre de vous réveiller le matin pour savoir ce que votre iPhone peut faire ou non, ce qui sera référencé sur vos médias sociaux, qui vous pourrez joindre sur Facebook et qui ne pourra plus communiquer avec vous. C’est délirant.
L’UE cherche surtout à protéger la confidentialité des données. C’est son cheval de bataille. Elle veut surtout régler les problèmes touchant à la confidentialité. Mais prenez Facebook, par exemple. L’UE demande à Facebook d’arrêter de vendre les données privées des gens.
Facebook répond : D’accord, alors on va facturer un abonnement mensuel et on va arrêter de vendre les données. Mais l’UE répond que non, on ne peut pas faire payer d’abonnement mensuel. Ça n’a aucun sens. Qu’est-ce que Facebook est censé faire? On ne peut pas offrir ce genre de services gratuitement. Ça coûte des milliards de dollars d’offrir ce service.
C’est vrai. Sans vouloir me faire l’avocat du diable, par simple curiosité, les régulateurs analysent souvent les coûts par rapport aux avantages, non? Combien est-ce que ça coûte au secteur ou aux gens par rapport aux avantages? Et vous soulignez le pour et le contre. Il faut bien faire quelque chose, il faut bien réglementer ce secteur.
Vraiment? Est-ce qu’on aurait dit la même chose à l’apparition de l’imprimerie, des livres et des premiers journaux, etc.? Il faut que ça cesse! En fait, oui, on l’a fait. On a décrété qu’on ne pouvait pas publier tel ou tel magazine. C’est interdit de dire telle ou telle chose.
Mais en fin de compte, ça ne marche pas. On pourrait croire qu’on a évolué et qu’on a compris que ça ne marche pas. Mais non, on se retrouve pris dans le tourniquet des réglementations.
On pourrait y voir une occasion pour les petites entreprises de profiter du démantèlement des grandes entreprises. Mais aucune petite entreprise n’a pas les moyens de composer avec ces réglementations. En fait, elles profiteront sans doute aux grandes sociétés à long terme, parce qu’elles ont l’armée d’avocats dont on a besoin pour fonctionner dans un contexte multinational. Oui. Ce sont d’excellents arguments. Ce n’est pas facile. Si c’était facile, ce serait déjà résolu. J’aimerais qu’on parle un peu d’Apple et des retombées pour les investisseurs. Les meilleurs moments sont peut-être derrière nous.
Mais en plus, Apple est en ce moment la cible d’un procès intenté par le Département de la Justice, au motif que l’écosystème d’Apple – et c’est aussi ce que beaucoup d’utilisateurs apprécient chez Apple, car tout fonctionne ensemble impeccablement. Mais c’est un système fermé. Le ministère de la Justice ne voit pas ça d’un bon œil. Oui. On en revient un peu à la même question. Il faut trouver un équilibre entre les avantages d’un écosystème étroitement intégré et le coût de l’innovation qui est un aspect vital. Je pense qu’Apple est presque une entreprise de services publics à ce stade. C’est un peu comme AT&T.
On ne peut pas démanteler Apple. Ça ne fonctionne pas, de toute façon. AT&T a fini par se reformer. Mais il faut réglementer et forcer Apple à travailler avec le gouvernement. Si le fait qu’Apple prélève 30 % sur les applications vous dérange, demandez-lui de baisser cette part à 20 %. Ou 15 %.
Trouvez un chiffre qui vous va, et laissez Apple gagner de l’argent, comme on le fait avec les services publics. Quand on branche un appareil électrique, la tension n’est pas aléatoire. C’est complètement normalisé. Si l’écosystème d’Apple fonctionne de telle manière qu’on peut utiliser des téléphones dans un environnement sûr, échanger de l’information de façon sécurisée, et télécharger des applis sans craindre de virus, etc. pourquoi mettre des bâtons dans les roues?
C’est vraiment la dernière chose à faire, surtout à l’heure où on s’inquiète de la menace d’attaques chinoises et russes qui viennent pirater les téléphones et mettre des chevaux de Troie. Pourquoi s’en prendre à Apple, qui a le système le moins vulnérable de tous, et lui imposer des interdictions? Ça n’a aucun sens.
Ce n’est pas une question évidente, parce que dans une large mesure, le secteur s’autorégulait jusqu’à présent. Qu’on le veuille ou non, je pense qu’on entre dans une ère de réglementation. C’est ce qu’on observe avec l’IA, la loi sur les marchés numériques. Et ce n’est pas fini.
Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs? On a connu cette belle période que certains qualifient même de renaissance, avec la création des sociétés technologiques. Aujourd’hui, tout comme les services publics, elles sont de plus en plus régulées. Quel sera l’impact sur les rendements?
Je pense qu’au départ, dans les cinq prochaines années, les rendements vont être mis à rude épreuve, parce que tout le monde est sous pression. C’est beaucoup plus facile pour quelqu’un comme moi d’offrir un système numérique ou automatisé qui va rivaliser avec ceux des plus grands. Il y a donc beaucoup de pression. Mes coûts sont plus faibles.
Là encore, c’est la marche du progrès. On gagne peu à peu en efficacité. Il n’y a rien d’anormal. C’est comme ça que les modèles d’affaires évoluent dans un système capitaliste. Mais en tant qu’investisseur, vous ne gagnerez plus à chaque fois que vous investissez dans certaines valeurs technologiques. Il va y avoir un temps d’ajustement. Il va falloir apprendre à distinguer les nouveaux gagnants et perdants. [MUSIQUE]
Les régulateurs de l’Union européenne ont ouvert une enquête sur Apple, Google et Meta pour violation des règles strictes de la nouvelle loi sur les marchés numériques. Ces règles ont pour but d’empêcher les grandes sociétés technologiques de dominer certains marchés et de devenir ce que l’UE appelle des contrôleurs d’accès dans certains secteurs.
Selon mon invité, il pourrait s’agir d’un tournant pour le secteur des technologies. Phil Davis, fondateur de PhilStockWorld.com, se joint à nous pour parler des retombées potentielles. Phil, c’est toujours un plaisir de vous voir. Comment allez-vous?
Bonjour, Kim. Très bien. Et vous?
Très bien, merci. Ravie que vous soyez là pour nous donner votre point de vue. Commençons par l’enquête. Essentiellement, l’UE a ouvert une enquête pour entrave à la concurrence, semble-t-il. Quel est l’impact de ces enquêtes pour les sociétés que je viens d’énumérer?
Elles ont un impact très important. Il faut bien comprendre qu’on ouvre la boîte de pandore en laissant l’UE et les États-Unis réguler ce que font les sociétés de médias sociaux. Évidemment, il y a 200 autres pays sur la planète qui aimeraient bien les réglementer eux aussi, imposer des amendes, etc.
Les médias sociaux sont omniprésents. Facebook compte 3 milliards d’utilisateurs. Près la moitié de la population mondiale utilise Facebook. C’est un réseau qui dépasse les frontières. Votre propre famille est sur Facebook. Les gens sont dispersés dans différents pays, dans différents fuseaux horaires, ils sont dispersés géographiquement.
S’il y a soudain un consensus mondial pour contrôler ce réseau déjà omniprésent, la seule conséquence logique, c’est qu’il va se fragmenter. Imaginez les difficultés que ça va créer. Est-ce qu’on vous interdira d’amener votre iPhone en Europe parce qu’il fonctionne seulement conformément aux règles américaines? C’est le type de situations auxquelles il faut penser.
Je crois que vous avez déjà un peu répondu, mais si les régulateurs estiment qu’en effet, il y a une entrave à la concurrence, qu’est-ce qui va vraiment changer? Est-ce qu’on va entrer dans un monde qui bifurque ou, je ne sais pas si le mot existe, qui trifurque et où nos appareils ne marcheront que dans certains endroits? Comment est-ce que ça va marcher?
Ça ne va pas marcher. C’est comme vivre dans le multivers. En gros, vous devrez attendre de vous réveiller le matin pour savoir ce que votre iPhone peut faire ou non, ce qui sera référencé sur vos médias sociaux, qui vous pourrez joindre sur Facebook et qui ne pourra plus communiquer avec vous. C’est délirant.
L’UE cherche surtout à protéger la confidentialité des données. C’est son cheval de bataille. Elle veut surtout régler les problèmes touchant à la confidentialité. Mais prenez Facebook, par exemple. L’UE demande à Facebook d’arrêter de vendre les données privées des gens.
Facebook répond : D’accord, alors on va facturer un abonnement mensuel et on va arrêter de vendre les données. Mais l’UE répond que non, on ne peut pas faire payer d’abonnement mensuel. Ça n’a aucun sens. Qu’est-ce que Facebook est censé faire? On ne peut pas offrir ce genre de services gratuitement. Ça coûte des milliards de dollars d’offrir ce service.
C’est vrai. Sans vouloir me faire l’avocat du diable, par simple curiosité, les régulateurs analysent souvent les coûts par rapport aux avantages, non? Combien est-ce que ça coûte au secteur ou aux gens par rapport aux avantages? Et vous soulignez le pour et le contre. Il faut bien faire quelque chose, il faut bien réglementer ce secteur.
Vraiment? Est-ce qu’on aurait dit la même chose à l’apparition de l’imprimerie, des livres et des premiers journaux, etc.? Il faut que ça cesse! En fait, oui, on l’a fait. On a décrété qu’on ne pouvait pas publier tel ou tel magazine. C’est interdit de dire telle ou telle chose.
Mais en fin de compte, ça ne marche pas. On pourrait croire qu’on a évolué et qu’on a compris que ça ne marche pas. Mais non, on se retrouve pris dans le tourniquet des réglementations.
On pourrait y voir une occasion pour les petites entreprises de profiter du démantèlement des grandes entreprises. Mais aucune petite entreprise n’a pas les moyens de composer avec ces réglementations. En fait, elles profiteront sans doute aux grandes sociétés à long terme, parce qu’elles ont l’armée d’avocats dont on a besoin pour fonctionner dans un contexte multinational. Oui. Ce sont d’excellents arguments. Ce n’est pas facile. Si c’était facile, ce serait déjà résolu. J’aimerais qu’on parle un peu d’Apple et des retombées pour les investisseurs. Les meilleurs moments sont peut-être derrière nous.
Mais en plus, Apple est en ce moment la cible d’un procès intenté par le Département de la Justice, au motif que l’écosystème d’Apple – et c’est aussi ce que beaucoup d’utilisateurs apprécient chez Apple, car tout fonctionne ensemble impeccablement. Mais c’est un système fermé. Le ministère de la Justice ne voit pas ça d’un bon œil. Oui. On en revient un peu à la même question. Il faut trouver un équilibre entre les avantages d’un écosystème étroitement intégré et le coût de l’innovation qui est un aspect vital. Je pense qu’Apple est presque une entreprise de services publics à ce stade. C’est un peu comme AT&T.
On ne peut pas démanteler Apple. Ça ne fonctionne pas, de toute façon. AT&T a fini par se reformer. Mais il faut réglementer et forcer Apple à travailler avec le gouvernement. Si le fait qu’Apple prélève 30 % sur les applications vous dérange, demandez-lui de baisser cette part à 20 %. Ou 15 %.
Trouvez un chiffre qui vous va, et laissez Apple gagner de l’argent, comme on le fait avec les services publics. Quand on branche un appareil électrique, la tension n’est pas aléatoire. C’est complètement normalisé. Si l’écosystème d’Apple fonctionne de telle manière qu’on peut utiliser des téléphones dans un environnement sûr, échanger de l’information de façon sécurisée, et télécharger des applis sans craindre de virus, etc. pourquoi mettre des bâtons dans les roues?
C’est vraiment la dernière chose à faire, surtout à l’heure où on s’inquiète de la menace d’attaques chinoises et russes qui viennent pirater les téléphones et mettre des chevaux de Troie. Pourquoi s’en prendre à Apple, qui a le système le moins vulnérable de tous, et lui imposer des interdictions? Ça n’a aucun sens.
Ce n’est pas une question évidente, parce que dans une large mesure, le secteur s’autorégulait jusqu’à présent. Qu’on le veuille ou non, je pense qu’on entre dans une ère de réglementation. C’est ce qu’on observe avec l’IA, la loi sur les marchés numériques. Et ce n’est pas fini.
Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs? On a connu cette belle période que certains qualifient même de renaissance, avec la création des sociétés technologiques. Aujourd’hui, tout comme les services publics, elles sont de plus en plus régulées. Quel sera l’impact sur les rendements?
Je pense qu’au départ, dans les cinq prochaines années, les rendements vont être mis à rude épreuve, parce que tout le monde est sous pression. C’est beaucoup plus facile pour quelqu’un comme moi d’offrir un système numérique ou automatisé qui va rivaliser avec ceux des plus grands. Il y a donc beaucoup de pression. Mes coûts sont plus faibles.
Là encore, c’est la marche du progrès. On gagne peu à peu en efficacité. Il n’y a rien d’anormal. C’est comme ça que les modèles d’affaires évoluent dans un système capitaliste. Mais en tant qu’investisseur, vous ne gagnerez plus à chaque fois que vous investissez dans certaines valeurs technologiques. Il va y avoir un temps d’ajustement. Il va falloir apprendre à distinguer les nouveaux gagnants et perdants. [MUSIQUE]