Plusieurs grands précurseurs technologiques sont sur le point de publier leurs résultats trimestriels. Jim Kelleher, directeur de la recherche à Argus Research, explique à Greg Bonnell pourquoi, selon lui, le secteur des technologies pourrait surpasser les attentes du marché.
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[LOGO AUDIO] C’est une grande semaine pour le secteur des technologies. Apple, Amazon et Alphabet se préparent à publier leurs plus récents résultats trimestriels. Nous connaissons déjà ceux de sociétés semblables, notamment Snap, IBM et d’autres. Je reçois à l’instant Jim Kelleher, directeur de la recherche chez Argus Research, qui va nous en dire plus sur les points importants à retenir jusqu’à maintenant. Jim, c’est un plaisir de vous recevoir. Merci. Bonjour! Je suis content d’être ici. Et merci de m’avoir invité. Très bien, alors parlons du secteur technologique. De toute évidence, c’est une grosse semaine pour certaines des actions technologiques à mégacapitalisation. Mais on a observé certains bénéfices jusqu’à présent. Quel est le principal point que vous retenez? Quel est votre sentiment à l’égard du secteur ce trimestre-ci? Je crois que le secteur va probablement surpasser un peu les attentes. On a l’impression que les bénéfices tirés des sociétés technologiques aux États-Unis vont diminuer légèrement. Je crois qu’ils vont finir par augmenter légèrement. IBM a récemment publié ses résultats. C’est un bon exemple du type d’illusion qu’on pourrait avoir avec les bénéfices. Leurs bénéfices rajustés ont diminué d’environ 2 %. Toutefois, cela a seulement reflété le fait qu’IBM avait un avantage fiscal il y a un an, et une lourde facture fiscale cette fois-ci. Donc si on regarde son revenu avant impôt rajusté, il était en hausse d’un bon 20 %. Mais ce n’est pas ce chiffre-là qui est déclaré, ni celui-là qui est pris en compte. Mais je pense que dans l’ensemble, comme vous l’avez mentionné, c’est une grosse semaine de bénéfices, non seulement pour les sociétés du secteur technologique officiel, mais aussi pour d’autres grandes sociétés du secteur de la consommation discrétionnaire, comme Amazon et certains services de communication, les actions des médias qui, à une certaine époque, étaient toutes considérées comme des actions technologiques. Et je pense qu’elles vont toutes faire assez bonne figure cette fois-ci. De toute évidence, le marché a été assez difficile dans la plupart des catégories d’actif. Le secteur technologique a été très durement touché après la forte remontée observée durant la pandémie. Toutefois, l’une des préoccupations était, je suppose, la vigueur du dollar américain. Beaucoup de ces grandes sociétés font beaucoup d’affaires à l’étranger. Vous rapatriez ces devises étrangères en dollars américains. Et ce n’est pas une bonne chose. Le marché en a-t-il déjà tenu compte? Parce que ça a été communiqué assez clairement. C’est une excellente question. Je dirais qu’il y a deux effets compensatoires. Le premier, c’est que l’inflation a ce qu’on appelle un petit secret inavoué. En d’autres termes, cela tend à entraîner une assez bonne croissance des revenus. On a vu la croissance des revenus avoir tendance à dépasser la croissance des bénéfices au cours des derniers trimestres, légèrement inférieure à 10 %, tandis que la croissance des bénéfices a ralenti, se traduisant par une croissance à un chiffre faible. Et c’est parce que les entreprises réussissent à répercuter les coûts. Mais pour les grandes multinationales américaines, le problème des devises est très difficile. Ça se situe entre 600 et 800 points de base en deçà de la devise pour certaines de ces sociétés... les IBM ou les Intel de ce monde, dont 60 % ou 70 % des revenus sont tirés de l’étranger. Je pense donc que l’effet de l’inflation sur la hausse des revenus est plus que compensé par l’effet négatif de la devise. Donc je n’appellerais pas ça un événement neutre. Mais on continue de voir la croissance des bénéfices... désolé, on continue de voir la croissance des revenus augmenter, ce qui me porte à croire que, malgré les difficultés liées au rapatriement des devises, la croissance des ventes est assez solide. En ce qui concerne le secteur technologique, c’est très important. Ça englobe beaucoup de types de sociétés différents. En tant qu’investisseurs, commençons-nous à séparer celles qui vendent peut-être des logiciels ou des services infonuagiques de celles qui vendent du matériel informatique et celles qui dépendent beaucoup de la publicité en ligne pour faire fonctionner leurs modèles? Mm-hmm, oui. Exact, ça englobe beaucoup de choses. Et comme c’est un secteur à grande échelle, il faut tenir compte de toutes les parties et de tous les éléments. On observe des pressions dans le secteur de la publicité en ligne depuis au moins six mois. Et pour les sociétés de médias sociaux et de recherche qui dépendent des dépenses dans le numérique et des dépenses en publicité numérique, les pressions ont été réelles. De plus, de nombreux consommateurs, sinon la majorité, accèdent à des sites de médias sociaux, comme Snap ou Twitter, sur leur téléphone. Et en Amérique du Nord, en particulier, où l’iPhone est dominant, il y a eu des changements dans les iPhones, les pratiques de suivi des publicités d’Apple dans iOS. Et ces éléments-là ont été très défavorables. Ils ont été annoncés il y a plus d’un an, en fait. Snap a été l’un des premiers à les dénoncer. Mais ça a eu des répercussions sur Twitter, Meta et toutes les plateformes de médias sociaux. Donc l’absence de suivi des publicités, pour ainsi dire, et la protection de la vie privée, une préoccupation légitime à cet égard, ont rendu les entreprises plus réticentes à accroître leurs ventes de publicité en ligne. Et on entre maintenant dans une période économique plus difficile. Et les sociétés prennent vraiment leur temps pour réfléchir à quoi elles veulent affecter leur budget pour la publicité numérique. Et si vous regardez les chiffres de Snap, on constate que la publicité par utilisateur est en baisse. Je suis un de ces utilisateurs d’iPhone qui, lorsqu’on me demande si on peut me suivre sur Internet, je réponds non. Et je dis non depuis un bon moment. Je me suis dit qu’à un moment donné, et je vois ça avec une certaine dose de cynisme, ils allaient trouver un moyen de contourner le problème et quand même réussir à savoir ce que je fais. Mais jusqu’à présent, il semble qu’ils n’arrivent pas à suivre les habitudes des gens sur Internet en ce qui concerne les dépenses en publicité, et qu’ils n’aient pas encore trouvé le moyen de contourner ce genre de problème. Eh bien, Twitter et Snap ont tous les deux indiqué qu’ils travaillaient à des solutions de rechange pour s’assurer, sans porter atteinte à la vie privée des utilisateurs, de toujours donner à leurs annonceurs une meilleure idée de l’efficacité de leurs dépenses en publicité. Le principal problème à l’heure actuelle, selon moi, est d’ordre économique. Si vous regardez les chiffres de Snap, par exemple, son nombre d’utilisateurs a augmenté assez joliment au troisième trimestre. De mémoire, je dirais qu’il a augmenté entre 15 % et 19 % sur 12 mois, et il s’établit à environ 363 millions d’utilisateurs. Mais ses revenus de publicité ont augmenté de 6 %. Et si vous regardez le RMPU, le revenu moyen par utilisateur, il est vraiment en baisse, en particulier en Europe. Encore une fois, il pourrait y avoir un impact sur les devises là aussi, probablement. Mais c’était négatif sur 12 mois, et séquentiellement négatif aussi. Un autre problème pour Snap, c’est sa croissance plus élevée dans le reste du monde. On parle d’environ la moitié de ses utilisateurs. Mais le revenu moyen par utilisateur en Amérique du Nord est de 10 fois le revenu moyen par utilisateur dans le reste du monde, c’est-à-dire à l’extérieur des États-Unis et de l’Europe. Et c’est un gros problème; on peut presque parler de calories vides, avec l’ajout de tous ces utilisateurs qui ne rapportent pas beaucoup d’argent. Et le fait que Snap ait suspendu ses prévisions de revenus pour le quatrième trimestre m’indique qu’on va voir des baisses encore plus marquées du revenu moyen par utilisateur. [LOGO AUDIO]