Les efforts de la Banque du Canada pour lutter contre l’inflation soulèvent des inquiétudes quant à une possible récession. Greg Bonnell discute avec Andrew Kelvin, stratège en chef, Canada à Valeurs Mobilières TD, de l’état de l’économie et de la probabilité d’un ralentissement.
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Le risque d’une récession préoccupe de plus en plus certains investisseurs, les banques centrales s’efforçant de lutter contre l’inflation galopante. Toutefois, comme les indicateurs économiques montrent des signaux contradictoires quant à la vigueur du Canada, un ralentissement de la croissance est-il imminent? Andrew Kelvin, stratège en chef, Canada à Valeurs Mobilières TD, se joint à nous pour en discuter.
Andrew, c’est un plaisir de vous accueillir. Je ne sais pas quelle valeur vous voulez attribuer à cette question, mais c’est la plus importante pour les investisseurs. Il y a beaucoup de gens qui parlent énormément de récession. Quels sont les risques réels d’un ralentissement?
Je pense qu’ils sont importants. Je ne pense pas qu’on ait à s’inquiéter d’une récession imminente, en soi, pour le mois de juin, qui est maintenant derrière nous, donc en juillet ou même août. Mais je pense que si on pouvait examiner le premier semestre de l’année prochaine, on serait dans une situation où les dernières répercussions persistantes des mesures de relance budgétaire se seraient probablement estompées.
Les taux d’intérêt auront été élevés pendant trois trimestres, essentiellement, et à ce moment-là, on pense qu’il y a un risque que les répercussions persistantes de la mise en œuvre de la politique budgétaire et les taux d’intérêt élevés vont vraiment nuire aux ménages. Et, à l’heure actuelle, ce sont les dépenses des ménages qui font rouler l’économie. Si les ménages estiment qu’ils doivent commencer à réduire leur consommation discrétionnaire, au quatrième trimestre et au premier trimestre de l’année prochaine, ça pourrait nuire à l’économie canadienne, pour ainsi dire.
La seule chose qui puisse nous aider, c’est la forte croissance démographique. On pourrait donc se retrouver dans un scénario où la croissance du PIB... habituellement, deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB en période de récession. On pourrait se retrouver dans un scénario où l’économie croîtrait techniquement, mais c’est seulement parce que la population croît de plus en plus. Et ça va ressembler à une récession pour beaucoup de gens, même si techniquement ce n’est pas le cas.
INTERVIEWEUR : Parlons des dépenses de consommation, car l’effet de richesse me fascine vraiment. N’est-ce pas? Par exemple, lorsque la valeur de notre maison augmente, on se sent riche. Quand notre portefeuille d’actions et notre portefeuille de placement sont en hausse, on se sent riche.
Mais ce n’est pas le cas en 2022. On observe un ralentissement du marché de l’habitation. On a assisté à un repli important au premier semestre de l’année de négociation, et on a vu la valeur d’un grand nombre de portefeuilles diminuer. Est-ce que ça commence à avoir un effet sur notre perception de l’économie pour l’avenir, sur nos dépenses et, au bout du compte, sur la possibilité d’une récession?
Je pense que ça fait partie du problème, parce que si on pense à quelque chose qui va être stimulé par le resserrement excessif des banques centrales, le secteur de l’habitation va être le plus durement touché. Le secteur de l’habitation est probablement le secteur le plus sensible aux taux d’intérêt de l’économie. Et pour revenir à votre point, on a parlé de l’effet de richesse. Le marché de l’habitation, pour les Canadiens en particulier, ça semble dominer tous les autres secteurs... c’est l’élément qu’on peut examiner pour évaluer la vigueur de l’économie. Lorsque le marché de l’habitation grimpe en flèche, même si le reste de l’économie est médiocre, souvent les gens y voient un signe de vigueur, au Canada.
Si on regarde le deuxième trimestre de 2022, c’était vraiment le contraire, car de nombreux autres indicateurs qu’on peut examiner pour évaluer la vigueur de l’économie... le taux de chômage est à son plus bas depuis plusieurs décennies. Mais le marché de l’habitation a vraiment commencé à s’effondrer. Et ça a vraiment ébranlé la confiance des consommateurs. C’est quelque chose qu’on voit dans les données sur la confiance des consommateurs, qui est en train de couler comme une pierre depuis plusieurs mois.
Si on se retrouve... et, évidemment, ce n’est pas un « fait accompli ». Mais si on devait se retrouver en récession, comment le Canada se comporterait-il par rapport aux autres pays du G7 ou aux États-Unis? Y a-t-il une raison pour laquelle notre économie serait un peu plus mal en point?
ANDREW KELVIN : Tout dépend vraiment de la forme que va prendre la récession, de son ampleur et de ce qui va la déclencher. Une récession déclenchée par des taux d’intérêt très, très élevés... supposons que l’inflation est encore plus persistante que prévu. Et la Banque du Canada et la Fed doivent resserrer davantage que ce à quoi on s’attendait. Parce qu’à l’heure actuelle, les marchés prennent en compte un changement de taux à environ 3,5 % pour les deux banques centrales.
S’il faut atteindre 5 %, et je donne ce pourcentage-là au hasard, mais dans un tel scénario, le Canada serait durement touché par rapport aux États-Unis, simplement parce que le niveau d’endettement des ménages est très élevé dans ce pays, ce qui est une arme à double tranchant. Le fort endettement des ménages canadiens est l’une des raisons pour lesquelles, en période de repli, les réductions de taux d’intérêt ont tendance à accélérer les choses. La Banque du Canada réduit les taux. Les gens dépensent plus d’argent, achètent des maisons, etc., et le Canada a, au cours des derniers cycles, enregistré des replis relativement faibles. On peut prendre la crise financière ou la période qui a suivi comme exemple.
En revanche, si les taux d’intérêt sont très, très élevés, le Canada va être plus durement touché que ses voisins du Sud. En revanche, si on examine d’autres chocs liés à l’offre, comme une autre hausse importante des prix du pétrole... je sais qu’ils diminuent considérablement aujourd’hui. Mais si vous voulez arriver à un scénario où les prix élevés de l’énergie causent des ralentissements en Europe, et que cela se répercute sur le reste du monde, le Canada va se porter relativement bien, comparativement à nos voisins, simplement parce qu’on a cette composante de produits de base dans notre économie.
Maintenant, si je regarde le facteur le plus probable qui peut causer un repli mondial, ça va être les taux d’intérêt plus élevés, déclenchés par une inflation élevée, et le Canada est probablement un peu plus à risque à ce moment-là. Toutefois, j’ajouterais qu’il y a une boucle de rétroaction. Si les effets négatifs des taux d’intérêt élevés au Canada sont plus importants qu’aux États-Unis, il va de soi que la Banque du Canada va effectuer un resserrement probablement moins élevé que la Réserve fédérale dans un tel scénario.
INTERVIEWEUR : Parlons du rôle que jouent les banques centrales dans tout ça. Bien sûr, la semaine prochaine, la Banque du Canada va prendre une décision. On a reçu l’enquête sur les perspectives des entreprises cette semaine et le sondage auprès des consommateurs. Et qu’on discute avec un propriétaire d’entreprise ou avec un ménage, tout le monde s’attend à ce que l’inflation persiste pendant un certain temps. Ça semble ouvrir de nouveau la porte à la hausse de 75 points de base. Compte tenu de ces hausses massives de taux, je n’ai pas l’impression que qui que ce soit les a vues venir. Combien de temps cette situation va-t-elle persister?
ANDREW KELVIN : C’est incroyable à quelle vitesse la conversation s’est orientée sur des scénarios qui ne sont même pas possibles ou plausibles, mais simplement... eh bien, « possibles », je devrais dire. Parce que si vous m’aviez dit en mars que j’allais discuter d’une hausse des taux de 75 points de base d’ici juillet, j’aurais ri et je serais parti. Ça ne semblait tout simplement pas plausible.
Vous laissez le micro là et vous vous en allez.
ANDREW KELVIN : Et je dis ça, même en mars, quand c’était évident que la Banque du Canada accusait un retard. N’est-ce pas? Parce que bien des gens s’attendaient à ce que la Banque relève les taux en janvier. Elle a décidé de ne pas le faire. Avec le recul, je pense qu’elle aurait pris une décision différente à ce moment-là.
Mais même si les taux avaient augmenté de 25 points de base en janvier, je pense qu’on aurait tout de même été surpris par la vigueur et l’ampleur de cette poussée inflationniste. Je pense que c’est vraiment ce que la banque n’avait pas prévu, ce que beaucoup de prévisionnistes n’avaient pas prévu. Récemment, j’ai notamment dit que, si vous cherchiez des conseils en matière d’inflation, vous auriez probablement mieux fait de parler à des gens ordinaires au cours des six à huit derniers mois qu’aux investisseurs, pour parler franchement.
C’est un scénario où des facteurs transitoires persistent depuis plus d’un an, et les gens ne croient plus qu’ils sont transitoires. Cela vient menacer les attentes d’inflation. C’est ce qu’on a vu dans l’enquête sur les perspectives des entreprises qui a été publiée hier, et c’est ce qui, selon nous, a vraiment effrayé la Banque du Canada une fois les 1er et 2 juin passés, c’est qu’elle aurait peut-être vu les premiers résultats de cette enquête.
Si les attentes d’inflation sont menacées, la Banque doit vraiment agir énergiquement pour montrer sa crédibilité. Et si elle n’augmente pas les taux de 75 points de base la semaine prochaine, et on s’attend à ce que ce soit le cas, toute hausse inférieure à ça va soulève selon moi de sérieuses questions quant à sa volonté de prendre les décisions difficiles nécessaires pour contenir l’inflation. En fin de compte, ça ne ferait que reporter les problèmes. Donc, même si les fortes hausses de taux d’intérêt vont être douloureuses pour l’économie, une autre option pourrait être bien pire.
Dans le contexte de tout ce dont on a déjà parlé, les investisseurs cherchent actuellement un signe que l’inflation a atteint un pic. Vous avez mentionné que les banques centrales n’avaient pas vraiment une idée précise de l’ampleur de l’inflation dans le contexte actuel. Le terme « transitoire » a été utilisé tellement souvent, avant qu’elles n’arrêtent de l’utiliser. Où devrait-on chercher des signes indiquant que l’inflation a atteint un sommet ou qu’elle va peut-être atteindre un sommet sous peu?
Selon moi, les gens ont parlé de plusieurs sommets de l’inflation au cours de la dernière année. Je ne vais donc pas parler de sommet aujourd’hui. Je ne vais pas vous dire quand l’inflation va atteindre son sommet, parce que je ne suis même pas certain que ce soit une façon utile de voir les choses à l’heure actuelle. Si les prix de l’énergie s’éloignent de leurs sommets, si le changement qu’on voit actuellement dans les prix de l’énergie se maintient, et les prix de l’énergie ont été très volatils, alors je ne suis pas prêt à parier que le changement d’une journée dans les prix de l’énergie va faire diminuer l’inflation d’une manière ou d’une autre.
Selon moi, ce qu’il faut surtout retenir, c’est que l’inflation est tellement généralisée qu’elle ne touche pas seulement les hôtels et l’essence.
C’est très largement réparti dans l’ensemble de l’économie.
Ce type d’inflation a tendance à persister plus longtemps.
Donc, même si on est près du sommet, le ralentissement de l’inflation va être plus graduel que ce qu’on a vu dans les cycles précédents, parce que ce n’est pas qu’un ou deux facteurs qui en sont la cause. C’est une vague inflationniste généralisée, alimentée par un marché du travail très serré. Parce qu’hier, une des choses qu’on a vues dans l’enquête sur les perspectives des entreprises, c’est que les hausses salariales prévues dans le budget des entreprises atteignent des sommets records, ce qui tend à perpétuer l’inflation au fil du temps.
[MUSIQUE]
Andrew, c’est un plaisir de vous accueillir. Je ne sais pas quelle valeur vous voulez attribuer à cette question, mais c’est la plus importante pour les investisseurs. Il y a beaucoup de gens qui parlent énormément de récession. Quels sont les risques réels d’un ralentissement?
Je pense qu’ils sont importants. Je ne pense pas qu’on ait à s’inquiéter d’une récession imminente, en soi, pour le mois de juin, qui est maintenant derrière nous, donc en juillet ou même août. Mais je pense que si on pouvait examiner le premier semestre de l’année prochaine, on serait dans une situation où les dernières répercussions persistantes des mesures de relance budgétaire se seraient probablement estompées.
Les taux d’intérêt auront été élevés pendant trois trimestres, essentiellement, et à ce moment-là, on pense qu’il y a un risque que les répercussions persistantes de la mise en œuvre de la politique budgétaire et les taux d’intérêt élevés vont vraiment nuire aux ménages. Et, à l’heure actuelle, ce sont les dépenses des ménages qui font rouler l’économie. Si les ménages estiment qu’ils doivent commencer à réduire leur consommation discrétionnaire, au quatrième trimestre et au premier trimestre de l’année prochaine, ça pourrait nuire à l’économie canadienne, pour ainsi dire.
La seule chose qui puisse nous aider, c’est la forte croissance démographique. On pourrait donc se retrouver dans un scénario où la croissance du PIB... habituellement, deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB en période de récession. On pourrait se retrouver dans un scénario où l’économie croîtrait techniquement, mais c’est seulement parce que la population croît de plus en plus. Et ça va ressembler à une récession pour beaucoup de gens, même si techniquement ce n’est pas le cas.
INTERVIEWEUR : Parlons des dépenses de consommation, car l’effet de richesse me fascine vraiment. N’est-ce pas? Par exemple, lorsque la valeur de notre maison augmente, on se sent riche. Quand notre portefeuille d’actions et notre portefeuille de placement sont en hausse, on se sent riche.
Mais ce n’est pas le cas en 2022. On observe un ralentissement du marché de l’habitation. On a assisté à un repli important au premier semestre de l’année de négociation, et on a vu la valeur d’un grand nombre de portefeuilles diminuer. Est-ce que ça commence à avoir un effet sur notre perception de l’économie pour l’avenir, sur nos dépenses et, au bout du compte, sur la possibilité d’une récession?
Je pense que ça fait partie du problème, parce que si on pense à quelque chose qui va être stimulé par le resserrement excessif des banques centrales, le secteur de l’habitation va être le plus durement touché. Le secteur de l’habitation est probablement le secteur le plus sensible aux taux d’intérêt de l’économie. Et pour revenir à votre point, on a parlé de l’effet de richesse. Le marché de l’habitation, pour les Canadiens en particulier, ça semble dominer tous les autres secteurs... c’est l’élément qu’on peut examiner pour évaluer la vigueur de l’économie. Lorsque le marché de l’habitation grimpe en flèche, même si le reste de l’économie est médiocre, souvent les gens y voient un signe de vigueur, au Canada.
Si on regarde le deuxième trimestre de 2022, c’était vraiment le contraire, car de nombreux autres indicateurs qu’on peut examiner pour évaluer la vigueur de l’économie... le taux de chômage est à son plus bas depuis plusieurs décennies. Mais le marché de l’habitation a vraiment commencé à s’effondrer. Et ça a vraiment ébranlé la confiance des consommateurs. C’est quelque chose qu’on voit dans les données sur la confiance des consommateurs, qui est en train de couler comme une pierre depuis plusieurs mois.
Si on se retrouve... et, évidemment, ce n’est pas un « fait accompli ». Mais si on devait se retrouver en récession, comment le Canada se comporterait-il par rapport aux autres pays du G7 ou aux États-Unis? Y a-t-il une raison pour laquelle notre économie serait un peu plus mal en point?
ANDREW KELVIN : Tout dépend vraiment de la forme que va prendre la récession, de son ampleur et de ce qui va la déclencher. Une récession déclenchée par des taux d’intérêt très, très élevés... supposons que l’inflation est encore plus persistante que prévu. Et la Banque du Canada et la Fed doivent resserrer davantage que ce à quoi on s’attendait. Parce qu’à l’heure actuelle, les marchés prennent en compte un changement de taux à environ 3,5 % pour les deux banques centrales.
S’il faut atteindre 5 %, et je donne ce pourcentage-là au hasard, mais dans un tel scénario, le Canada serait durement touché par rapport aux États-Unis, simplement parce que le niveau d’endettement des ménages est très élevé dans ce pays, ce qui est une arme à double tranchant. Le fort endettement des ménages canadiens est l’une des raisons pour lesquelles, en période de repli, les réductions de taux d’intérêt ont tendance à accélérer les choses. La Banque du Canada réduit les taux. Les gens dépensent plus d’argent, achètent des maisons, etc., et le Canada a, au cours des derniers cycles, enregistré des replis relativement faibles. On peut prendre la crise financière ou la période qui a suivi comme exemple.
En revanche, si les taux d’intérêt sont très, très élevés, le Canada va être plus durement touché que ses voisins du Sud. En revanche, si on examine d’autres chocs liés à l’offre, comme une autre hausse importante des prix du pétrole... je sais qu’ils diminuent considérablement aujourd’hui. Mais si vous voulez arriver à un scénario où les prix élevés de l’énergie causent des ralentissements en Europe, et que cela se répercute sur le reste du monde, le Canada va se porter relativement bien, comparativement à nos voisins, simplement parce qu’on a cette composante de produits de base dans notre économie.
Maintenant, si je regarde le facteur le plus probable qui peut causer un repli mondial, ça va être les taux d’intérêt plus élevés, déclenchés par une inflation élevée, et le Canada est probablement un peu plus à risque à ce moment-là. Toutefois, j’ajouterais qu’il y a une boucle de rétroaction. Si les effets négatifs des taux d’intérêt élevés au Canada sont plus importants qu’aux États-Unis, il va de soi que la Banque du Canada va effectuer un resserrement probablement moins élevé que la Réserve fédérale dans un tel scénario.
INTERVIEWEUR : Parlons du rôle que jouent les banques centrales dans tout ça. Bien sûr, la semaine prochaine, la Banque du Canada va prendre une décision. On a reçu l’enquête sur les perspectives des entreprises cette semaine et le sondage auprès des consommateurs. Et qu’on discute avec un propriétaire d’entreprise ou avec un ménage, tout le monde s’attend à ce que l’inflation persiste pendant un certain temps. Ça semble ouvrir de nouveau la porte à la hausse de 75 points de base. Compte tenu de ces hausses massives de taux, je n’ai pas l’impression que qui que ce soit les a vues venir. Combien de temps cette situation va-t-elle persister?
ANDREW KELVIN : C’est incroyable à quelle vitesse la conversation s’est orientée sur des scénarios qui ne sont même pas possibles ou plausibles, mais simplement... eh bien, « possibles », je devrais dire. Parce que si vous m’aviez dit en mars que j’allais discuter d’une hausse des taux de 75 points de base d’ici juillet, j’aurais ri et je serais parti. Ça ne semblait tout simplement pas plausible.
Vous laissez le micro là et vous vous en allez.
ANDREW KELVIN : Et je dis ça, même en mars, quand c’était évident que la Banque du Canada accusait un retard. N’est-ce pas? Parce que bien des gens s’attendaient à ce que la Banque relève les taux en janvier. Elle a décidé de ne pas le faire. Avec le recul, je pense qu’elle aurait pris une décision différente à ce moment-là.
Mais même si les taux avaient augmenté de 25 points de base en janvier, je pense qu’on aurait tout de même été surpris par la vigueur et l’ampleur de cette poussée inflationniste. Je pense que c’est vraiment ce que la banque n’avait pas prévu, ce que beaucoup de prévisionnistes n’avaient pas prévu. Récemment, j’ai notamment dit que, si vous cherchiez des conseils en matière d’inflation, vous auriez probablement mieux fait de parler à des gens ordinaires au cours des six à huit derniers mois qu’aux investisseurs, pour parler franchement.
C’est un scénario où des facteurs transitoires persistent depuis plus d’un an, et les gens ne croient plus qu’ils sont transitoires. Cela vient menacer les attentes d’inflation. C’est ce qu’on a vu dans l’enquête sur les perspectives des entreprises qui a été publiée hier, et c’est ce qui, selon nous, a vraiment effrayé la Banque du Canada une fois les 1er et 2 juin passés, c’est qu’elle aurait peut-être vu les premiers résultats de cette enquête.
Si les attentes d’inflation sont menacées, la Banque doit vraiment agir énergiquement pour montrer sa crédibilité. Et si elle n’augmente pas les taux de 75 points de base la semaine prochaine, et on s’attend à ce que ce soit le cas, toute hausse inférieure à ça va soulève selon moi de sérieuses questions quant à sa volonté de prendre les décisions difficiles nécessaires pour contenir l’inflation. En fin de compte, ça ne ferait que reporter les problèmes. Donc, même si les fortes hausses de taux d’intérêt vont être douloureuses pour l’économie, une autre option pourrait être bien pire.
Dans le contexte de tout ce dont on a déjà parlé, les investisseurs cherchent actuellement un signe que l’inflation a atteint un pic. Vous avez mentionné que les banques centrales n’avaient pas vraiment une idée précise de l’ampleur de l’inflation dans le contexte actuel. Le terme « transitoire » a été utilisé tellement souvent, avant qu’elles n’arrêtent de l’utiliser. Où devrait-on chercher des signes indiquant que l’inflation a atteint un sommet ou qu’elle va peut-être atteindre un sommet sous peu?
Selon moi, les gens ont parlé de plusieurs sommets de l’inflation au cours de la dernière année. Je ne vais donc pas parler de sommet aujourd’hui. Je ne vais pas vous dire quand l’inflation va atteindre son sommet, parce que je ne suis même pas certain que ce soit une façon utile de voir les choses à l’heure actuelle. Si les prix de l’énergie s’éloignent de leurs sommets, si le changement qu’on voit actuellement dans les prix de l’énergie se maintient, et les prix de l’énergie ont été très volatils, alors je ne suis pas prêt à parier que le changement d’une journée dans les prix de l’énergie va faire diminuer l’inflation d’une manière ou d’une autre.
Selon moi, ce qu’il faut surtout retenir, c’est que l’inflation est tellement généralisée qu’elle ne touche pas seulement les hôtels et l’essence.
C’est très largement réparti dans l’ensemble de l’économie.
Ce type d’inflation a tendance à persister plus longtemps.
Donc, même si on est près du sommet, le ralentissement de l’inflation va être plus graduel que ce qu’on a vu dans les cycles précédents, parce que ce n’est pas qu’un ou deux facteurs qui en sont la cause. C’est une vague inflationniste généralisée, alimentée par un marché du travail très serré. Parce qu’hier, une des choses qu’on a vues dans l’enquête sur les perspectives des entreprises, c’est que les hausses salariales prévues dans le budget des entreprises atteignent des sommets records, ce qui tend à perpétuer l’inflation au fil du temps.
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