Le prix du cuivre grimpe en flèche depuis le début de l’année en raison des inquiétudes suscitées par une possible baisse de l’offre. Hussein Allidina, directeur général et chef, Produits de base, Gestion de Placements TD, explique pourquoi le métal a peut-être grimpé trop vite et donne ses perspectives pour l’avenir.
Print Transcript
[LOGO SONORE] * Le prix du cuivre a augmenté d’environ 25 % depuis le début de cette année. Mais est-ce que les paramètres fondamentaux du marché soutiennent cette hausse importante? Hussein Allidina, directeur général et chef, Produits de base, GPTD se joint à nous pour en discuter. Hussein, c’est un plaisir de vous retrouver. * Merci de m’avoir invité. * Très bien. J’ai consulté les cours ce matin. J’ai fait les calculs. On assiste à un changement important pour le cuivre depuis le début de 2024. Qu’est-ce qui se passe exactement? * Oui, alors le métal rouge est soutenu, selon moi, par trois principaux facteurs. L’an dernier, une importante mine au Panama a été mise hors service ou elle n’a pas été mise en service, ce qui a forcé tout le monde à revoir l’équilibre entre l’offre et la demande et à reconnaître que cet équilibre n’est peut-être pas si souple quand les prix sont actualisés. Cette année, l’activité économique chinoise, qui s’est améliorée par rapport aux faibles niveaux précédents, mais qui n’empire pas, et qui en marge, s’améliore même, est très favorable à la demande de cuivre. * Le troisième élément est la reconnaissance que l’IA et la quantité d’énergie qui sera nécessaire pour soutenir les centres de données sont importantes. Nous pouvons débattre de la source d’énergie nécessaire pour la production, mais on aura besoin de cuivre pour transporter cette électricité. * Vous avez demandé si le prix reflétait les données fondamentales aujourd’hui? Nous pensons que les prix du cuivre ont trop augmenté trop rapidement. Sur plusieurs années, les prix du cuivre doivent augmenter. Mais au-delà de 10 000 $, compte tenu des paramètres fondamentaux actuels, je pense que c’est un peu trop. * Toutefois, dans une perspective pluriannuelle, c’est une bonne chose. Je ne veux pas ennuyer les auditeurs… nous en avons déjà parlé. Nous n’avons pas investi du côté de l’offre. Nous n’avons pas investi pendant une grande partie des 10 dernières années. Et on peut essayer de trouver une mine de cuivre. Mais on ne mettra pas le minerai sur le marché avec de nouvelles usines avant 10 ans. Les prix du cuivre vont donc dépasser les 10 000 $ que nous voyons en ce moment. Mais je pense qu’il y aura probablement un certain repli, de 5 % à 7 % au cours des deux prochaines semaines. * Au cours des deux prochaines semaines? J’allais demander si les données fondamentales, à long terme, pourraient soutenir le prix, mais actuellement on observe un repli? * Oui, alors les produits de base, dans l’ensemble, sont des indicateurs qui coïncident. Ils doivent refléter l’offre et la demande actuelles. Les actions peuvent négliger l’avenir. C’est pourquoi on a une faible corrélation entre les produits de base et les actions. Pourrions-nous avoir un scénario où l’optimisme du point de vue pluriannuel maintiendrait les prix du cuivre à un niveau plus élevé qu’à l’heure actuelle? * Bien sûr, c’est ce qui s’est produit sur le marché de l’énergie en 2005 2006, l’anticipation de déficits futurs a contribué à la hausse des prix sur le moment. En fait, cela affaiblit l’équilibre fondamental aujourd’hui. Si le prix du cuivre est plus élevé qu’il ne le devrait, en théorie, la demande va diminuer et l’offre pourrait augmenter à la marge. Est-ce qu’on va observer un repli? Oui. Est-ce que les performances du cuivre seront parmi les meilleures des produits de base sur plusieurs années? Tout à fait. * Parlons de certains des facteurs que vous avez énumérés, en particulier ce qui s’est passé au Panama. Le secteur s’efforce de surmonter cette crise et parallèlement vous dites qu’il est très difficile de trouver une nouvelle mine de cuivre. À mesure que nous avancerons dans le temps et que les facteurs dont vous avez parlé… je parlerai également des véhicules électriques dans un instant. Est-ce qu’on va avoir assez de cuivre? * Étant donné l’offre actuelle, l’offre que nous pouvons déterminer qui sera produite au cours des cinq à dix prochaines années… par rapport aux projections de la demande, non, nous n’aurons pas assez de cuivre. Cela signifie que le prix du cuivre doit augmenter considérablement pour faire deux choses : accroître la production. Mais on doit composer avec le retard associé à la mise en marché du cuivre. Les prix devront augmenter en moyenne pour décourager la demande à la marge. * Est-ce que cela découragera la demande de véhicules électriques? Est-ce que cela découragera la demande d’IA? Cela pourrait faire l’objet d’un débat. Le cuivre sera plutôt remplacé par l’aluminium, dans la production d’électricité, dans le transport de cette production, peut-être dans des unités de climatisation en Chine, etc. Selon l’offre et la demande actuelles, il n’y a pas suffisamment de cuivre pour répondre à la demande projetée. * Mais à mesure que les prix augmenteront, nous trouverons plus de mines. Ces mines ne seront pas opérationnelles en 2025, 2026 ou 2027. Il faudra de 8 à 10 ans pour qu’elles le soient. Et pendant cette période, il faudra décourager la demande. La seule façon d’y parvenir est par le biais du prix. * Pour ce qui est des véhicules électriques… J’aimerais creuser un peu, parce que, nous avons vu cette hausse du cuivre… importante cette année, dans le contexte des… les véhicules électriques ont joué un rôle dans cette histoire. Mais la demande de véhicules électriques va dans le sens inverse, et maintenant on parle d’hybrides, etc. Quel est le lien avec ce que nous observons? * Je veux être très clair. La croissance de la demande de véhicules électriques diminue. Le nombre absolu de véhicules électriques c.-à-d. le nombre absolu de livres de cuivre dont on a besoin pour chaque véhicule électrique vendu est toujours plus élevé que pour une voiture dotée de moteur à combustion interne. Il ne fait aucun doute que le deuxième produit dérivé a ralenti et qu’il devrait rester plutôt modéré en 2024, voire jusqu’en 2025. Mais on utilise de plus en plus le cuivre. * On peut se dire qu’on l’utilise moins qu’on pensait l’utiliser il y a 6 à 12 mois. C’est vrai. Encore une fois, c’est un facteur baissier pour le cuivre. Mais aujourd’hui, tout le monde se concentre sur les rapports de recherche du côté de la vente de la production d’électricité, l’IA. Je reçois plusieurs rapports par jour. Tout le monde se concentre sur cette tranche du marché. Aujourd’hui, il s’agit d’une composante relativement petite de la demande. Elle augmentera sensiblement. Mais ce n’est pas encore le cas. Et c’est pourquoi je pense que le marché a peut-être évolué un peu trop rapidement… trop de croissance trop rapidement. * De toute évidence, le prix du cuivre plus élevé à l’avenir incitera les gens à extraire le cuivre. Il semble toutefois que le chemin sera parsemé d’embûches. * Ce n’est pas facile, non? Même durant le dernier cycle, lorsque nous tentions de trouver une réserve de cuivre… et le cuivre… contrairement au pétrole, nous n’avons pas de cuivre de schiste. Nous n’avons pas d’OPEP qui interrompt la production de cuivre en prévision d’un meilleur cours. On produit tout ce qu’on peut aujourd’hui. La raison pour laquelle le marché a été surpris par la première crise au Panama, c’est qu’elle était censée se concentrer, ce cuivre allait sur le marché pour contribuer à l’équilibre entre l’offre et la demande. * Il y a12 mois, les gens croyaient encore que Cobre Panamá ouvrirait, la plupart des gens avaient une offre et une demande égales en 2024. On a perdu cette production. On a également eu des problèmes de production dans d’autres régions. On avait un marché équilibré aux stocks serrés, on a maintenant un marché déficitaire. Un marché déficitaire et des stocks serrés sont synonymes de prix plus élevés. * Il est difficile de savoir ce qui se produira dans le cas du Panama. Et j’essaie de rester au fait de la situation, y aura-t-il un changement de perception? Sera-t-il possible de redémarrer les choses et de satisfaire les dirigeants là-bas? Est-ce qu’il s’agira d’une possibilité dans les mois à venir? Il ne semble pas que le problème sera résolu rapidement, car c’est compliqué. Mais pourrait-il s’agir d’une possibilité? * Je pense que la production finira par arriver sur le marché. Les facteurs économiques pour le producteur ne sont probablement pas aussi bons qu’il le pensait lorsqu’il a commencé à investir. Et c’est une autre chose que nous avons un peu oubliée au cours des dix, quinze dernières années, parce que les prix des produits de base étaient bas. * Mais dans des contextes où les prix des produits de base sont élevés, on assiste à un nationalisme accru des ressources. Il y a plus de grèves. La main-d’œuvre qui travaille dans ces mines… tout le monde a un iPhone aujourd’hui. Elle connaît le prix du cuivre. Lorsque le cuivre coûte plus de 4 $ ou 4,50 $, elle est beaucoup plus susceptible de demander plus. Encore une fois, c’est un problème auquel nous n’étions pas confrontés depuis 5, 10 ou 12 ans. Comme les prix des produits de base augmentent, il faut s’attendre à ce que les pays de production veuillent en conserver une plus grande partie. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]