La période qui précède le temps des fêtes est l’une des plus lucratives de l’année pour les détaillants. Mais l’incertitude économique va-t-elle tempérer les dépenses des consommateurs? Greg Bonnell reçoit Jacky He, analyste, Consommation discrétionnaire mondiale, Gestion de Placements TD, pour discuter de ce qui nous attend.
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[LOGO AUDIO] Dans un peu plus d’une semaine, c’est le début de l’incontournable magasinage du temps des fêtes. Comme toujours, le Vendredi fou donnera le coup d’envoi. Il y a un an, les détaillants se débattaient avec des problèmes d’approvisionnement et des étagères vides. Cette année, ils font face à une surabondance de l’offre et à des marges réduites, sans parler d’une récession imminente. Voici Jacky He, analyste, Consommation discrétionnaire mondiale à Gestion de Placements TD. Bienvenue, Jacky. Parlons un peu de la santé du secteur en ce moment. Comment se porte-t-il? Merci beaucoup, Greg. C’est une semaine chargée. C’est un grand jour. Jusqu’à présent, le tableau des bénéfices est mitigé. D’une part, Walmart, Home Depot, Lowe’s et même TJX enregistrent d’excellents résultats et dépassent les attentes. Par contre, Target a déçu aujourd’hui à cause de ses marges. Dans l’ensemble, les détaillants affichent de bons chiffres d’affaires, parce que les consommateurs achètent moins mais paient plus cher, parce que les détaillants répercutent l’inflation. Le grand défi pour l’ensemble du secteur reste la pression sur les marges. Les coûts de la main-d’œuvre, des transports, des produits de base restent très élevés. Dans le même temps, les consommateurs délaissent leurs envies pour combler leurs besoins. Et les besoins portent sur des produits à plus faible marge. L’autre facteur, comme vous l’avez dit, ce sont les stocks. En ce moment, c’est le principal problème. L’an dernier, les détaillants n’arrivaient pas à garnir suffisamment leurs étagères. Cette année, ils ont trop commandé. L’approvisionnement se débloque rapidement, et ils se retrouvent avec trop de produits, ce qui se traduit par davantage de remises et une rentabilité plus faible. A-t-on l’impression que les détaillants commencent à écouler ces stocks excédentaires? Comme vous le soulignez, pour vendre ces surplus, pour se débarrasser des stocks indésirables, le meilleur moyen, c’est de casser les prix. Mais ça ne va pas faire du bien à vos marges. Non, mais c’est bien pour nous! [RIRES] [RIRES] Pour vous et moi, oui! Oui, ils les écoulent lentement. Je tiens à souligner que tous les stocks ne se valent pas. Je crois que c’est important de tenir compte de la nature des stocks. Prenons Target, par exemple. Target a trop de stocks de produits à la mode, saisonniers et discrétionnaires. Il faut de l’espace d’entreposage et des gens pour gérer ces stocks. Ça coûte cher. D’un autre côté, Home Depot a aussi constitué beaucoup de réserves. Mais ces produits ne sont pas tributaires des modes. Les magasins Home Depot sont déjà de grands entrepôts. On voit les stocks invendus s’empiler sur les étagères. Home Depot peut facilement les retirer et les vendre l’année suivante. Le risque lié à la marge est donc bien plus faible. C’est une semaine importante pour les résultats des activités de détail. Le constat est un peu mitigé, selon les détaillants. Mais on a aussi reçu les chiffres des ventes au détail, et je crois qu’ils sont un peu plus élevés que prévu. Qu’est-ce que ça révèle sur les consommateurs? Oui, c’est la bonne nouvelle d’aujourd’hui. La hausse des prix de l’essence contribue à ce résultat, ainsi que le rétablissement des chaînes d’approvisionnement. Mais même sans cela, les ventes au détail affichent une hausse surprenante. Il faut regarder la situation dans son ensemble. Sur 12 mois, le taux est d’environ 8 %. C’est nettement plus que les 4 % d’avant la COVID, malgré un ralentissement. La vraie question, c’est de savoir combien de temps ça peut durer. Je crois que l’on peut trouver des éléments de réponse en s’intéressant aux consommateurs, en regardant combien ils ont dans leurs poches et dans leurs comptes bancaires. Jusqu’à présent, tous les chiffres indiquent toujours une bonne liquidité et un bon bilan. Je parle de la majorité. Certains consommateurs sont en difficulté, mais la majorité se porte bien. Il y a donc un solide pouvoir d’achat pour le temps des fêtes. Je ne serais pas surpris que les gens dépensent l’argent très différemment cette fois-ci. Il est très possible qu’ils privilégient les expériences. Plus tôt dans l’émission, j’ai discuté avec Hussein Allidina des produits de base, de l’énergie et du poids que la Chine pourrait avoir si elle ouvrait davantage son économie après la COVID. La Chine pourrait-elle aussi influer sur le secteur du détail? Absolument. La Chine représente environ 10 % des revenus issus de la consommation discrétionnaire. Et elle a un impact sur l’inflation, notamment à cause des produits de base. La semaine dernière, elle a annoncé 20 mesures pour assouplir les restrictions COVID. C’est sans aucun doute une bonne nouvelle pour la consommation. Mais je ne m’attendrais pas à un revirement radical, parce que les hauts dirigeants viennent de réaffirmer leur soutien à la politique de zéro COVID. À l’heure où nous parlons, les cas de COVID en Chine sont au plus haut depuis six mois. En ce qui concerne l’application des restrictions, c’est le gouvernement central chinois qui établit les orientations, et les gouvernements locaux qui les appliquent. Tant que cette priorité absolue ne changera pas, les gouvernements locaux seront plus enclins à appliquer les mesures strictement. Le risque est toujours présent. Il vaut mieux attendre la réunion de décembre du Politburo pour avoir une meilleure idée de l’orientation future. Il ne nous reste plus qu’une minute. Je crois que vous avez quelques noms de détaillants qui, en ces temps difficiles, s’en sortent peut-être un peu mieux que les autres. On est dans une période difficile. Cette année, pour le moment, on parle beaucoup des ratios et des évaluations. L’an prochain, je m’attends à ce que les projecteurs soient plutôt sur les bénéfices. Ceux qui peuvent mieux protéger leurs bénéfices et les faire croître seront sans doute en meilleure position. J’aime bien Tractor Supply. C’est le plus grand détaillant pour agriculteurs et éleveurs. Leur force, c’est la nourriture pour animaux de compagnie. Pendant la COVID, on est nombreux à avoir adopté un animal. Ce n’est pas une dépense ponctuelle. En fait, c’est un abonnement. Ils grandissent, et il faut les nourrir. Et il faut les nourrir, qu’il y ait une récession ou pas. L’autre société que j’aime bien s’appelle TJX. C’est un détaillant à bas prix. Ici, tout repose sur les stocks. Quand d’autres ont des problèmes de stocks, c’est une opportunité pour TJX. Pour les Canadiens, il s’agit de la société mère de Winners. Ils peuvent acheter des produits de marque haut de gamme à des prix bien plus bas. Et la plupart de ces produits qu’ils achètent aujourd’hui ou pendant le temps des fêtes seront vendus l’an prochain. Leurs marges devraient donc augmenter sensiblement. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]