La Banque du Canada a maintenu les taux d’intérêt comme prévu. Andrew Kelvin, chef, Stratégie canadienne et mondiale liée aux taux à Valeurs Mobilières TD, explique pourquoi la banque centrale maintient la possibilité d’une autre hausse de taux, même si l’inflation montre des signes de ralentissement.
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La Banque du Canada déclare que la hausse des coûts d'emprunt freine les dépenses et contribue à réduire l'inflation, mais la Banque du Canada n'est pas encore prête à déclarer que la mission est accomplie puisqu'elle maintient son taux directeur à 5%. Où en est l'économie et quelle direction pourraient prendre les taux? Andrew Kelvin de Valeurs mobilières TD commente. Bon, nous avons appris la décision qui était prévue, mais dans les détails de la déclaration de la banque, est-ce qu'il y a quelque chose à retenir? La banque maintient son discours ferme affirmant qu'elle relèvera les taux au besoin. S'il y a une chose que je conclus de cette déclaration qui était très courte, la banque n'avait pas grand-chose à dire, le ton de la déclaration était attendu. La banque semble davantage à l'aise avec l'idée qu'elle en a fait suffisamment pour ramener l'inflation à son objectif. Les termes de la déclaration laissent accroire qu'elle estime avoir franchi un ou deux pas de plus sur le chemin de la baisse de l'inflation. À l'automne, la banque parlait d'une aggravation des risques de l'inflation, le procès-verbal de la réunion de novembre laisse accroire que certains membres du conseil du gouverneur considéraient que tout était suffisamment élevé pour parvenir à la cible de l'inflation. La déclaration d'octobre en revanche démontrait que la banque n'était pas à l'aise avec le contexte de l'inflation. Le mois dernier, on avait parlé dans la déclaration d'un décrochage de la croissance au Canada et dans le monde. Plusieurs fois, le mois dernier, la banque déclarait que les taux élevés freinaient les dépenses des ménages. Bref, la banque semble davantage se faire à l'idée qu'elle a terminé sa série de hausses de taux. Elle a répété que l'inflation n'est pas assez faible, ce qui est vrai, elle se situe à 3% et la cible est de 2%, et qu'elle doit donc envisager de réduire les taux. Je serais inquiet si la banque disait que sa mission est accomplie et demandait à tout le monde de passer de belles fêtes. Oui, ce serait de belles fêtes, mais je pense qu'il faut encore attendre un peu avant d'arriver à ce résultat. Tant que la menace, même théorique, plane, cela constitue une restriction sur les marchés. Si la banque n'avait pas déclaré qu'elle aurait été disposée à relever les taux au besoin, les marchés en auraient conclu que les coupures de taux étaient imminentes. Les rendements obligataires auraient baissé, surtout au début de la courbe de rendement grâce à ce desserrement des conditions financières. Pour avoir un impact maximum à partir des hausses déjà réalisées, et pour éviter de devoir en pratiquer d'autres, la banque doit maintenir cette menace crédible, de préférence, qu'elle relèvera les taux encore une fois pour éviter que les marchés et les ménages ne se laissent aller, car la banque avec ses taux d'intérêt plus élevés veut augmenter l'épargne et réduire les dépenses. Aujourd'hui, la déclaration était courte comme vous l'avez dit, il n'y a pas eu de conférence de presse, pas de rapport sur la politique monétaire. Il n'y a pas eu de possibilité de poser des questions au gouverneur Macklem. S'il y avait eu une conférence de presse, l'un des journalistes dans la salle, j'en étais dans mon ancien métier, aurait demandé quand les coupures de taux arriveront. Mais selon Valeurs mobilières TD, les coupures de taux s'en viennent. Oui, à chaque réunion, on se rapproche de la date des coupures de taux. Nous prévoyons toujours que cela interviendra à la mi-2024. Nous prévoyons toujours que la première réduction de taux interviendra en juillet. Nous pensons qu'il y aura 100 points de base de réduction l'an prochain. Est-ce que cela commencera en juillet, en juin, en avril, cela dépendra de la trajectoire de l'inflation. Pour que la Banque du Canada réduise les taux, il faudra que nous soyons en bonne voie de parvenir à l'objectif d'inflation. Il n'est pas nécessaire que nous soyons revenus à 2% de l'inflation sur 12 mois, elle l'a dit, mais il faut que la Banque soit absolument convaincue que nous parviendrons à 2%, il faut que la croissance soit toujours poussive avec un excès de demandes dans l'économie, une économie qui n'est pas en tension. Je pense que nous sommes revenus à l'équilibre dans l'économie, la croissance demeure lente comme nous le prévoyons. Au quatrième trimestre et au premier semestre de 2024, il y aura un desserrement de l'économie, une demande excédentaire. Au niveau de l'inflation, il y aura la tendance sous-jacente de l'inflation qui est conforme à un état stable de 3%, ce qui est encore trop élevé. C'est pourquoi la Banque du Canada a encore du travail à faire, maintenant les taux à ces niveaux-là, jusqu'à ce que nous puissions poursuivre la trajectoire de l'inflation vers 2%. Le risque qu'elle court, c'est que si elle réduisait les taux trop rapidement et que nous nous retrouvions à un niveau d'inflation supérieure à 2%, la banque court le risque de devoir faire machine arrière à un moment donné, plus tard, ce qui est absolument à éviter dans une économie où il y a de nombreux prêts hypothécaires qui arrivent à échéance en 2025. Ce que l'on veut éviter, c'est la possibilité qu'il y ait des hausses de taux en 2025. C'est un scénario négatif pour l'économie qui verrouillerait des conditions financières serrées pour beaucoup de ménages pendant longtemps et qui limiterait la Banque du Canada d'influencer l'économie entre 2025 et 2030, puisque beaucoup de propriétaires auraient verrouillé des taux d'intérêt plus élevés. Du point de vue de la banque, si elle commence à réduire les taux trop rapidement, après n'être pas arrivé à sa cible, les marchés perdront confiance dans la capacité de la banque à accomplir sa mission. Ce serait reflété dans les négociations salariales, ce serait reflété dans les contrats des entreprises avec leurs fournisseurs. L'inflation s'intègre dans le système et le travail de la banque, en définitive, en est rendu plus difficile. Je pense que la banque préférerait annoncer des réductions, une ou deux réductions plus tard, deux réunions trop tard plutôt qu'une ou deux réunions trop tôt. La banque veut s'assurer qu'elle est en bonne voie vers 2% d'inflation plutôt que de risquer d'intervenir trop tôt et d'exercer une pression sur l'économie. Nous avons eu la dernière décision sur les taux cette année, de la Banque du Canada, nous pouvons l'analyser comme nous l'avons fait. La Fed va annoncer sa propre décision la semaine prochaine. Est-ce que vous pensez que ce sera la même chose ou il y a d'autres facteurs aux États-Unis? Il y a d'autres facteurs aux États-Unis car l'économie américaine était très dynamique au troisième trimestre. Le contexte des marchés est semblable. Les participants prévoient des coupures de taux par la Fed semblables à celles que l'on escompte de la Banque du Canada. Les banques centrales des marchés développés, qui, à l'exception du Japon, ont selon nous terminé leur série de hausses de taux, tiennent un discours destiné à apaiser les coupures de taux à très court terme. Aucune banque centrale ne veut couper les taux trop tôt, la Fed s'attache toujours à analyser les conditions financières. Les rendements obligataires ont reculé, les conditions financières se sont desserrées et la banque ne veut pas encourager cette tendance. L'économie était plus dynamique aux États-Unis, ce qui permet à la banque de réfuter plus facilement les attentes de réduction de taux d'intérêt à court terme.