La dernière année a été difficile pour les marchés obligataires mondiaux. Alexandra Gorewicz, gestionnaire de portefeuille, Titres à revenu fixe à gestion active, Gestion de Placements TD, explique à Greg Bonnell que les marchés obligataires pourraient renouer avec la stabilité au cours de l’année à venir, ce qui pourrait se traduire par des occasions pour les investisseurs.
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L’année a été rude pour les investisseurs, avec peu de refuges contre la volatilité. Alors que les banques centrales annoncent la fin du cycle de hausse des taux, y a-t-il des occasions à saisir du côté des titres à revenu fixe? Pour en savoir plus, j’accueille Alex Gorewicz, gestionnaire de portefeuille de titres à revenu fixe à gestion active à Gestion de Placements TD. Alex, ravi de vous revoir. C’est toujours un plaisir de vous recevoir.
Merci, Greg. C’est un plaisir d’être là.
Il est bientôt temps de dire au revoir à 2022, et le temps file vite. Décembre approche à grands pas. On a vécu beaucoup de turbulences cette année, avec des hausses de taux brutales. On peut espérer qu’on commence à en voir le bout. Qu’est-ce que ça veut dire pour les titres à revenu fixe en 2023?
Avec un peu de chance, plus de stabilité, en partie parce qu’on s’attend à un ralentissement des hausses de taux de la part des banques centrales. Mais si elles sont en mesure de ralentir le rythme des hausses, c’est parce que l’inflation semble enfin se calmer. L’inflation sera le facteur déterminant. Selon nous, c’est surtout au premier trimestre, voire au premier semestre, que l’on verra le plus de progrès vers une normalisation de l’inflation, c’est-à-dire un retour vers 2 %. Avec cette normalisation, les obligations pourront de nouveau se comporter normalement.
GREG BONNELL : Comme des obligations.
Comme des obligations, exactement. L’année a été très difficile pour toutes les catégories d’actif, comme vous l’avez dit. L’inflation était non seulement forte, mais en hausse. C’est un contexte défavorable aux obligations, mais ça devrait changer l’an prochain.
Si les obligations recommencent à se comporter comme des obligations l’an prochain, et si on arrive au bout de cette période d’inflation et de hausses de taux, peut-on refaire un peu confiance au portefeuille 60/40? Je crois que leur bien-fondé a été remis en question cette année. D’habitude, on se dit qu’en période de turbulences, si les actions vont mal, on a toujours une portion d’obligations dans le portefeuille qui procure un peu de sécurité, un refuge. Mais cette année, il n’y a pas eu de refuge à cause des mécaniques du marché qui ont causé ce repli.
C’est vrai, mais il y a un élément de sécurité. Souvent, les obligations se comportent bien quand l’économie ralentit et quand il n’y a pas de problème d’inflation. Comme l’inflation a été problématique cette année et que rien n’allait bien, l’inflation va forcément finir par entraîner un ralentissement de la croissance. La consommation va commencer à ralentir à mesure que les gens resserrent leur budget et donnent la priorité à l’essentiel plutôt qu’à l’accessoire. Et on commence à voir des signes de ralentissement.
Si on regarde la tendance d’un trimestre à l’autre aux États-Unis, qui est sans doute l’économie la plus résiliente en ce moment, on voit que la consommation est sur une trajectoire descendante. On peut en conclure d’une part que l’inflation a malmené l’économie. Mais en plus, comme les entreprises vont avoir de la difficulté à gérer les coûts qu’elles ont encourus, la croissance économique va probablement ralentir. Et en général, c’est là que les obligations se portent bien. Donc entre le ralentissement de la croissance et un répit du côté de l’inflation en 2023, les obligations retrouveront leur place de valeur refuge dans un portefeuille 60/40.
Si on regarde les titres à revenu fixe en ce moment, on constate quelque chose que l’on n’a pas l’habitude de voir, à savoir un rendement, et un rendement assez fort par rapport à ce à quoi on est habitués depuis de nombreuses années.
Tout à fait. Quand on dit que les obligations procurent une certaine sécurité, en toute logique, si les taux d’intérêt baissent, les prix des obligations montent. Autrement dit, les titres à revenu fixe vont procurer des rendements positifs. Mais même si ça n’arrive pas, même si on évite une récession, que la situation se stabilise et que l’inflation baisse, ça va se traduire par une stabilité des taux d’intérêt.
Dans ce scénario, les taux ne bougeront pas beaucoup dans un sens ou dans l’autre. Le taux n’est qu’un indicateur du revenu que vous tirez de cette catégorie d’actif. Un fonds d’obligations canadiennes, par exemple, affiche un taux d’environ 5 %. C’est un bon rendement que l’on n’avait pas vu depuis plus de dix ans.
Qu’est-ce qui risque de nous faire dérailler en 2023 alors qu’elle s’annonce un peu plus favorable aux titres à revenu fixe? Est-ce que ce serait – Fondamentalement, la mécanique à l’œuvre est étrange. Les banques centrales tentent de ralentir l’économie. Selon elles, le marché du travail s’est emballé. Elles veulent infliger un peu de douleur. Quelles sont les conséquences pour les portefeuilles de titres à revenu fixe?
L’une des difficultés actuellement, c’est que l’on évoque une tendance à la baisse de l’inflation, mais le niveau d’inflation compte toujours. Et l’inflation demeure nettement plus élevée, du moins en ce moment, que les cibles établies par les banques centrales, qui se situent à 2 %. Comme l’inflation est supérieure à la cible, les banques centrales ne peuvent pas réduire les taux d’intérêt. Pour les obligations à court terme, de zéro à cinq ans, les taux devraient rester élevés.
Mais si la récession s’aggrave, les taux d’intérêt ou les obligations à plus long terme vont réagir à la politique monétaire mais aussi aux événements économiques. Les taux d’intérêt vont donc probablement baisser. On a eu un avant-goût de ce phénomène le mois dernier. Quand les banques centrales ont commencé à ralentir le rythme des hausses, le segment à court terme de la courbe des taux est resté assez élevé en termes de taux d’intérêt, mais les taux d’intérêt à plus long terme réagissent maintenant aux nouvelles données économiques qui indiquent un ralentissement au cours des prochains trimestres. Les taux d’intérêt ont baissé dans la portion à long terme de la courbe des taux.
Il n’y a pas vraiment de consensus, mais on a une assez bonne idée de ce que sera le taux final à la fin du cycle pour diverses banques centrales, d’après les projections et les déclarations des banques centrales. Mais pour ce qui est du niveau où cessera ce cycle de hausses, a-t-on une idée de ce qu’on considérera comme des taux d’intérêt normaux à l’avenir? Est-ce que ça arrivera un jour?
C’est plus difficile de répondre à cette question. C’est plus difficile à évaluer en raison d’un certain nombre de facteurs qui suggèrent en ce moment que l’inflation pourrait se normaliser, mais à un niveau plus élevé que celui auquel on était habitués, du moins avant la pandémie. Si on examine divers facteurs géopolitiques, les mesures prises par les différents gouvernements après la pandémie et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale, on voit des signes que les gouvernements veulent renforcer ce qu’ils appellent la résilience de leurs économies.
Autrement dit, ils veulent relocaliser certaines industries clés ou la production de certains biens et services clés, ce qui nécessitera beaucoup d’investissements. À cause de tous ces investissements, il est très probable que les prix restent plus élevés à long terme. Quand je dis « à long terme », je parle d’un horizon de un à deux ans.
Donc même si l’inflation, comme on s’y attend, se normalise dans les prochains trimestres, si elle diminue, la question est de savoir si elle va redescendre à 2 % ou à un niveau un peu plus élevé. Pour l’instant, les données portent à croire qu’elle sera un peu plus élevée. Si c’est le cas, les taux d’intérêt peuvent bien sûr se normaliser, on ne restera pas peut-être éternellement à 4 ou 5 %. Mais reviendront-ils à 0 ou 1 %? C’est peu probable dans les deux prochaines années.
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L’année a été rude pour les investisseurs, avec peu de refuges contre la volatilité. Alors que les banques centrales annoncent la fin du cycle de hausse des taux, y a-t-il des occasions à saisir du côté des titres à revenu fixe? Pour en savoir plus, j’accueille Alex Gorewicz, gestionnaire de portefeuille de titres à revenu fixe à gestion active à Gestion de Placements TD. Alex, ravi de vous revoir. C’est toujours un plaisir de vous recevoir.
Merci, Greg. C’est un plaisir d’être là.
Il est bientôt temps de dire au revoir à 2022, et le temps file vite. Décembre approche à grands pas. On a vécu beaucoup de turbulences cette année, avec des hausses de taux brutales. On peut espérer qu’on commence à en voir le bout. Qu’est-ce que ça veut dire pour les titres à revenu fixe en 2023?
Avec un peu de chance, plus de stabilité, en partie parce qu’on s’attend à un ralentissement des hausses de taux de la part des banques centrales. Mais si elles sont en mesure de ralentir le rythme des hausses, c’est parce que l’inflation semble enfin se calmer. L’inflation sera le facteur déterminant. Selon nous, c’est surtout au premier trimestre, voire au premier semestre, que l’on verra le plus de progrès vers une normalisation de l’inflation, c’est-à-dire un retour vers 2 %. Avec cette normalisation, les obligations pourront de nouveau se comporter normalement.
GREG BONNELL : Comme des obligations.
Comme des obligations, exactement. L’année a été très difficile pour toutes les catégories d’actif, comme vous l’avez dit. L’inflation était non seulement forte, mais en hausse. C’est un contexte défavorable aux obligations, mais ça devrait changer l’an prochain.
Si les obligations recommencent à se comporter comme des obligations l’an prochain, et si on arrive au bout de cette période d’inflation et de hausses de taux, peut-on refaire un peu confiance au portefeuille 60/40? Je crois que leur bien-fondé a été remis en question cette année. D’habitude, on se dit qu’en période de turbulences, si les actions vont mal, on a toujours une portion d’obligations dans le portefeuille qui procure un peu de sécurité, un refuge. Mais cette année, il n’y a pas eu de refuge à cause des mécaniques du marché qui ont causé ce repli.
C’est vrai, mais il y a un élément de sécurité. Souvent, les obligations se comportent bien quand l’économie ralentit et quand il n’y a pas de problème d’inflation. Comme l’inflation a été problématique cette année et que rien n’allait bien, l’inflation va forcément finir par entraîner un ralentissement de la croissance. La consommation va commencer à ralentir à mesure que les gens resserrent leur budget et donnent la priorité à l’essentiel plutôt qu’à l’accessoire. Et on commence à voir des signes de ralentissement.
Si on regarde la tendance d’un trimestre à l’autre aux États-Unis, qui est sans doute l’économie la plus résiliente en ce moment, on voit que la consommation est sur une trajectoire descendante. On peut en conclure d’une part que l’inflation a malmené l’économie. Mais en plus, comme les entreprises vont avoir de la difficulté à gérer les coûts qu’elles ont encourus, la croissance économique va probablement ralentir. Et en général, c’est là que les obligations se portent bien. Donc entre le ralentissement de la croissance et un répit du côté de l’inflation en 2023, les obligations retrouveront leur place de valeur refuge dans un portefeuille 60/40.
Si on regarde les titres à revenu fixe en ce moment, on constate quelque chose que l’on n’a pas l’habitude de voir, à savoir un rendement, et un rendement assez fort par rapport à ce à quoi on est habitués depuis de nombreuses années.
Tout à fait. Quand on dit que les obligations procurent une certaine sécurité, en toute logique, si les taux d’intérêt baissent, les prix des obligations montent. Autrement dit, les titres à revenu fixe vont procurer des rendements positifs. Mais même si ça n’arrive pas, même si on évite une récession, que la situation se stabilise et que l’inflation baisse, ça va se traduire par une stabilité des taux d’intérêt.
Dans ce scénario, les taux ne bougeront pas beaucoup dans un sens ou dans l’autre. Le taux n’est qu’un indicateur du revenu que vous tirez de cette catégorie d’actif. Un fonds d’obligations canadiennes, par exemple, affiche un taux d’environ 5 %. C’est un bon rendement que l’on n’avait pas vu depuis plus de dix ans.
Qu’est-ce qui risque de nous faire dérailler en 2023 alors qu’elle s’annonce un peu plus favorable aux titres à revenu fixe? Est-ce que ce serait – Fondamentalement, la mécanique à l’œuvre est étrange. Les banques centrales tentent de ralentir l’économie. Selon elles, le marché du travail s’est emballé. Elles veulent infliger un peu de douleur. Quelles sont les conséquences pour les portefeuilles de titres à revenu fixe?
L’une des difficultés actuellement, c’est que l’on évoque une tendance à la baisse de l’inflation, mais le niveau d’inflation compte toujours. Et l’inflation demeure nettement plus élevée, du moins en ce moment, que les cibles établies par les banques centrales, qui se situent à 2 %. Comme l’inflation est supérieure à la cible, les banques centrales ne peuvent pas réduire les taux d’intérêt. Pour les obligations à court terme, de zéro à cinq ans, les taux devraient rester élevés.
Mais si la récession s’aggrave, les taux d’intérêt ou les obligations à plus long terme vont réagir à la politique monétaire mais aussi aux événements économiques. Les taux d’intérêt vont donc probablement baisser. On a eu un avant-goût de ce phénomène le mois dernier. Quand les banques centrales ont commencé à ralentir le rythme des hausses, le segment à court terme de la courbe des taux est resté assez élevé en termes de taux d’intérêt, mais les taux d’intérêt à plus long terme réagissent maintenant aux nouvelles données économiques qui indiquent un ralentissement au cours des prochains trimestres. Les taux d’intérêt ont baissé dans la portion à long terme de la courbe des taux.
Il n’y a pas vraiment de consensus, mais on a une assez bonne idée de ce que sera le taux final à la fin du cycle pour diverses banques centrales, d’après les projections et les déclarations des banques centrales. Mais pour ce qui est du niveau où cessera ce cycle de hausses, a-t-on une idée de ce qu’on considérera comme des taux d’intérêt normaux à l’avenir? Est-ce que ça arrivera un jour?
C’est plus difficile de répondre à cette question. C’est plus difficile à évaluer en raison d’un certain nombre de facteurs qui suggèrent en ce moment que l’inflation pourrait se normaliser, mais à un niveau plus élevé que celui auquel on était habitués, du moins avant la pandémie. Si on examine divers facteurs géopolitiques, les mesures prises par les différents gouvernements après la pandémie et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale, on voit des signes que les gouvernements veulent renforcer ce qu’ils appellent la résilience de leurs économies.
Autrement dit, ils veulent relocaliser certaines industries clés ou la production de certains biens et services clés, ce qui nécessitera beaucoup d’investissements. À cause de tous ces investissements, il est très probable que les prix restent plus élevés à long terme. Quand je dis « à long terme », je parle d’un horizon de un à deux ans.
Donc même si l’inflation, comme on s’y attend, se normalise dans les prochains trimestres, si elle diminue, la question est de savoir si elle va redescendre à 2 % ou à un niveau un peu plus élevé. Pour l’instant, les données portent à croire qu’elle sera un peu plus élevée. Si c’est le cas, les taux d’intérêt peuvent bien sûr se normaliser, on ne restera pas peut-être éternellement à 4 ou 5 %. Mais reviendront-ils à 0 ou 1 %? C’est peu probable dans les deux prochaines années.
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