L’OPEP a revu à la baisse ses prévisions de demande de pétrole, alléguant des difficultés économiques croissantes. Greg Bonnell discute avec Hussein Allidina, chef, Produits de base, Gestion de Placements TD, de ce que cela pourrait signifier pour le secteur et les prix à l’avenir.
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Nous commençons ce soir par les défis auxquels le secteur de l’énergie est confronté. Plus tôt cette semaine, l’OPEP a revu à la baisse ses prévisions de la demande mondiale pour cette année et l’année prochaine. Elle parle de ce qu’elle appelle les défis économiques mondiaux. Alors qu’est-ce que ça signifie pour les prix? Je suis accompagné d’Hussein Allidina, chef, Produits de base, Gestion de Placements TD, qui va nous en dire davantage. C’est toujours un plaisir de vous recevoir. Parlons de cette autre prévision à la baisse. Est-ce qu’elles vont bientôt cesser? L’OPEP a donc revu à la baisse ses prévisions de la demande, comme vous l’avez souligné. L’AIE a fait de même, tout comme l’EIA. Je crois qu’une foule de banques côté vendeur revoient leurs estimations de la demande à la baisse. Pour être honnête, Greg, je ne pense pas que ce soit la fin. La croissance économique ralentit. Ce qu’il est important de garder à l’esprit, toutefois, c’est que les prévisions pour l’année prochaine sont toujours constructives. Elles sont toujours positives. On parle toujours d’une croissance de 1,5, 1,6 million de barils par jour, ce qui est en baisse par rapport à la croissance de deux et quelque qu’on a observée cette année, mais qui demeure positive dans le contexte d’un équilibre très, très serré. À quatre reprises depuis 1970, la demande globale s’est contractée en termes absolus. On n’en parle pas encore, du moins pour 2023. Les deux dernières fois où la demande s’est contractée en termes absolus, c’était pendant la pandémie. En mars 2020, la demande s’est effondrée parce que le monde s’est arrêté. De même, pendant la crise financière, lorsqu’il était impossible d’obtenir une ligne de crédit pour déplacer une voiture ou voyager dans le monde, il y avait une contraction de la demande. On continue de prévoir et d’anticiper une croissance positive l’an prochain, ce qui est très préoccupant, compte tenu du resserrement de l’offre, des stocks existants et de la capacité de réserve. Je savais quand l’OPEP a revu à la baisse ses prévisions et, encore une fois, elle a ajouté que pour cette raison, on pouvait s’attendre à un peu plus de 500... 500 000 barils par jour. 500 000 barils par jour. Donc l’OPEP semble se demander si ça va baisser en deçà de ce qu’elle souhaite, afin de s’assurer que l’offre diminue pour respecter cette baisse-là... le cartel a-t-il toujours le pouvoir de faire ça? Oui. Eh bien, il a éprouvé des difficultés plus tôt cette année, il a peiné à respecter le quota de production qu’il avait. Plus récemment, il a été en mesure de mieux y parvenir. Et je pense qu’il fait de son mieux pour gérer le marché et maintenir les prix dans une fourchette, que ce soit de 80 à 100 ou 75. Je ne sais pas. Mais il fait de son mieux pour gérer l’offre. Oui, c’est aussi ce que fait l’OPEP du côté de l’offre. Bien sûr, il y a des difficultés. Parlons-en. Je crois que vous êtes préoccupé par les enjeux géopolitiques et les difficultés opérationnelles. Commençons par les enjeux géopolitiques. Oui. Donc, vous savez, il y a cette date de sanction du 5 décembre pour le pétrole brut russe. Je pense que le montant ou l’ampleur de l’offre qui va être perdue en Russie est incertain. Janet Yellen a déclaré la semaine dernière ou la semaine précédente qu’elle n’avait aucune objection à ce que la Chine et l’Inde prennent des provisions. Et je pense que cela a fait augmenter les attentes quant à ce que la Russie pourrait faire. Mais progressivement, à partir de maintenant, j’ai du mal à croire que l’offre de la Russie ne va pas diminuer. Ce n’est peut-être pas une réduction des exportations de 1,5 million de barils par jour, comme certains le croyaient peut-être plus tôt cette année. C’est peut-être 200 000, 300 000. On ne peut pas vraiment se permettre une contraction de l’offre à partir de maintenant, compte tenu du resserrement actuel de l’équilibre. Qu’en est-il des opérations? Au fil des ans, et je pense que vous et moi avons probablement eu cette discussion au cours de l’année, beaucoup d’investissements ont été effectués dans le secteur de l’énergie en raison du climat. Oui. Dans l’ensemble, le secteur des produits de base n’a pas fait l’objet d’investissements parce que le rendement du capital utilisé au cours des dix dernières années était nul ou négatif, étant donné qu’on était dans un marché baissier. Du côté de l’offre, en 2023, les gens s’attendent à une croissance du côté des États-Unis, du Canada, du Brésil et de la Norvège. Si on regarde les producteurs américains, dont les bénéfices sont actuellement élevés, ils ont indiqué qu’ils dépensaient davantage. Mais une grande partie de ces dépenses servent à compenser l’inflation des coûts. Comme le président des États-Unis l’a mentionné, les producteurs américains souhaitent toujours fortement remettre des flux de trésorerie aux investisseurs, parce qu’ils sont récompensés pour ça. Ils ne sont pas récompensés comme il y a dix ans pour accroître leur production à tout prix. Au Canada, les prix du WCS se négocient à un cours nettement inférieur à ceux du WTI ou du BRENT, parce que le transport de ce pétrole brut est soumis à des problèmes intermédiaires au Canada. Donc, même si la production peut augmenter, va-t-on être en mesure d’acheminer ce pétrole brut vers le marché? C’est une bonne question. Le Brésil éprouve des problèmes. Leurs élections viennent de se terminer, même en dehors du contexte politique au Brésil. Vous savez, la production en haute mer ne s’effectue pas sans difficulté. Et, encore une fois, lorsque je regarde la situation dans le contexte de l’équilibre serré, vous savez, si j’obtiens 800 000, 900 000 ou un million de barils par jour, qui ne proviennent pas de l’OPEP, ce serait une bonne chose, mais ça ne change rien à l’histoire, l’histoire structurelle selon laquelle je n’ai pas suffisamment d’investissements. La croissance de l’offre n’est pas suffisante en fonction de la demande. Parlons un peu plus de la demande. On dit que l’OPEP a revu à la baisse ses prévisions de la demande. En même temps, y a-t-il un risque qu’une forte demande revienne en ligne et qu’un grand pays décide de mettre de côté certaines de ses restrictions liées à la COVID? Vous savez, la Chine est confinée depuis une bonne partie de l’année. Zéro COVID. Les données sur la demande en provenance de la Chine ont été assez faibles. Il y a environ 15 jours, il y a eu un changement potentiel dans sa politique zéro COVID. Mais les prix des métaux ont fortement fluctué en raison de cette nouvelle, et ils demeurent soutenus par cette nouvelle. Encore une fois, je pense que progressivement, comme dans le cas de l’offre de la Russie, je ne sais pas combien de barils on va perdre, mais il semble qu’on pourrait perdre quelques barils du côté de la demande, si la Chine revient sur le marché, ce qui représente un effet positif net pour la demande. Et les données à haute fréquence des dernières semaines font état d’une augmentation des importations en Chine, ce qui, encore une fois, est un signe positif. De toute évidence, le prix du pétrole brut peut fluctuer considérablement dans ce contexte de jour en jour. Comment les prix devraient-ils évoluer selon vous et qu’est-ce que cela signifie pour les entreprises du secteur? Nous avons parlé du produit de base lui-même, mais c’est certainement une relation entre le prix du pétrole brut et le rendement de certains de ces titres. Pour ce qui est du pétrole brut, Greg, lorsque je regarde l’équilibre ici et on en a déjà parlé, je pense. À l’approche de la fin de l’année, la demande augmente en raison de la normalité saisonnière. Vous savez, avant le début de l’émission, on parlait de la météo. On ne l’a pas encore vu. Si le temps devient plus froid, ce qui est habituellement le cas au début de l’hiver, la demande augmente. Du côté de l’offre, l’OPEP, comme vous l’avez mentionné, réduit la production. J’ai dit que la Russie va probablement produire moins de volume. Donc l’équilibre semble assez favorable, compte tenu de la situation déjà très, très serrée. Ce matin, les stocks quotidiens déclarés ont diminué de 10 millions de barils au cours de la semaine. C’est un nombre considérable. Et, vous savez, on a déjà montré ces graphiques. Les stocks sont à leur plus bas niveau aux États-Unis depuis 2004. Je suis donc très optimiste par rapport à ça. Toutefois, je suis préoccupé, et je crois que le marché s’inquiète de la faiblesse de la croissance économique à l’approche de 2023. On a parlé de la demande. Il faut une contraction importante de la croissance pour que la demande se contracte de façon significative. Mais la croissance va ralentir. Et je pense que c’est ce qui permet de contenir le prix du pétrole à moyen terme. Sans vouloir ennuyer les auditeurs, on n’a pas dépensé d’argent du côté de l’offre. On continue de consommer du pétrole. La demande va atteindre 100 millions de barils par jour, ce qui est un record cette année, et elle va continuer d’augmenter. On a parlé d’une baisse de la croissance de la demande l’an prochain, mais ça représente tout de même une croissance d’un million de barils par jour. Et ce genre de portrait, collectivement, avec le manque de dépenses en immobilisations, et le désir de ne pas dépenser en raison de la transition énergétique, en raison des enjeux ESG, ça indique selon moi des prix plus élevés à moyen terme, c’est certain. Il ne me reste qu’une trentaine de secondes. Peut-être qu’on ne peut pas rendre justice à ça, mais qu’est-ce que ça signifie pour certaines des actions dans ce secteur? Les actions se sont très, très bien comportées. Par exemple, comparativement au pétrole brut, XLE affiche un rendement nettement supérieur. Je ne sais pas si c’est le signe que le marché boursier s’attend à des jours meilleurs, ou qu’il n’y a pas eu assez d’investissements dans le secteur de l’énergie. Et on voit des gens quitter des secteurs qui ne sont pas aussi performants pour un secteur qui a remarquablement bien fonctionné cette année.