La demande a été forte, mais l’offre encore plus forte a pesé sur le pétrole cette année. Greg Bonnell de MoneyTalk discute avec Andriy Yastreb, vice-président, Recherche de portefeuille, Gestion de Placements TD, pour savoir si cette tendance se poursuivra.
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Les cours du pétrole sont volatiles cette année et cela crée des hauts et des bas pour les investisseurs du secteur de l'énergie. Cette tendance se poursuivra-t-elle en 2024? Andryi Yastreb de gestion de placements TD nous rejoint pour en parler. Bonjour, Andryi. Bonjour, Greg. Alors... L'année qui vient de s'écouler a été assez mouvementée pour le pétrole et l'énergie. Que s'est-il passé? Au début de l'année, nous avions certaines idées à l'égard de la demande, ce qui a été positif. Oui, considérez ce qui s'est passé en 2023. La demande était forte et on prévoyait qu'elle le serait. On peut entrer dans le détail, il y a un an, on s'attendait à ce que la croissance de la demande serait de 2 millions de barils par jour. Or, nous n'avons pas encore achevé l'année, il s'agit d'estimations, mais nous devrions nous situer autour de 2 millions de barils par jour, plus ou -10 %. Donc la demande a augmenté très fortement comme prévu. Certains des facteurs de hausse, la réouverture de la Chine, il y a un an, le déconfinement commençait à peine. Par ailleurs, il y a un an, les déplacements en avion étaient inférieurs au niveau prépandémie. Au niveau de la demande de pétrole, la Chine s'est déconfinée, les consommateurs chinois se déplacent, ils voyagent. Les taux d'encombrement sont élevés et les déplacements aériens sont remontés au-delà du niveau prépandémie. Eh bien, alors, les facteurs qui étaient attendus étaient au rendez-vous. Qu'est-il arrivé au cours du pétrole? C'est une question intéressante. En 2023, la surprise, c'est que l'OPEP a dû réduire la production à plusieurs reprises et malgré ses coupures de production, le cours du pétrole est encore en baisse. La demande était forte, c'était positif, l'OPEP tâchait de soutenir les prix, mais ça n'a pas marché. Le seul facteur qui reste, c'est l'offre. Dans l'offre, il y a trois grandes corbeilles. Tout d'abord, la production américaine était plus élevée que prévu. Si on considère les données du ministère américain de l'Énergie sur la production, un peu plus d'un million de barils. À compter de ce jour, il y a un an, les attentes étaient d'environ un demi-million, peut-être plus d'un demi-million de croissance de la production aux États-Unis, donc c'était plus élevé que prévu. Ceci est peut être attribuable au détail du décompte des barils par le ministère de l'Énergie, il y a justement des statistiques, mais même sans ces ajustements fins, il y a beaucoup de brut qui est produit aux États-Unis. Premier facteur. Un autre facteur, si on considère les producteurs dont la production a augmenté, Canada, Brésil, Guyana, ainsi que les membres de l'OPEP qui ont éprouvé des difficultés au niveau de la production, surtout en Afrique, Libye, Nigéria, Angola, toute cette production, si elle a augmenté un peu plus rapidement que prévu, il y a eu une surprise à la hausse après une année de déception. C'est l'autre facteur. La croissance de la production. Et puis, l'OPEP n'a pu compenser la plus grande partie de cette situation. Alors il y a trois facteurs en dépit du fait que la demande s'est maintenue, il y a eu des facteurs de l'offre. Donc, ça, c'était l'année qui est presque achevée, presque terminée. Nous arrivons à la fin décembre. En 2024, comment la situation se présente sur les marchés pétroliers? La question est intéressante. Si on considère la demande, d'abord, nous n'avons pas ces facteurs ponctuels. Donc il n'y a plus une réouverture de la Chine, ce phénomène s'est essentiellement concrétisé, la relance du transport aérien n'est pas non plus au rendez-vous. L'an prochain, la croissance de la demande sera surtout attribuable à la croissance du PIB. Et après toutes ces hausses de taux d'intérêt partout dans le monde, on s'attend à ce que la croissance économique ralentira l'an prochain. Donc si on réunit tous ces éléments, on s'attend à ce qu'il y ait une croissance d'environ 1 million de barils par jour pour l'an prochain. À long terme, typiquement, sur une période longue, la demande augmente d'un million à un million et demi de barils par jour. Donc on peut s'attendre à se trouver vers le bas de cette fourchette pour l'an prochain. Si vous considérez la croissance de l'offre, elle est un peu plus intéressante, car nous aurons toujours une croissance de production dans des pays comme le Brésil, le Guyana et le Canada, qui sont à l'extérieur de l'OPEP. C'est là que nous voyons une croissance durable à long terme. Si vous considérez les États-Unis, c'est là où ça devient intéressant, car les marchés s'attendent, encore une fois, à une croissance de production d'un demi-million de barils, l'an prochain. La raison pour laquelle je dis que c'est intéressant, c'est que parce que si vous considérez le décompte des installations de forage aux États-Unis, il a beaucoup diminué. À ce jour, cette année, il n'a pas encore commencé à remonter. Pour avoir une croissance durable de la production dans l'avenir, il faut qu'il y ait une augmentation du nombre d'installations de forage et que les compagnies investissent davantage dans la production, mais nous ne le constatons pas encore. Ce sera intéressant de voir si la production américaine va offrir une surprise à la baisse ou à la hausse si les compagnies investissent davantage ou sont plus productives. Et puis, il y a un autre facteur important, ce sont les sanctions. Le pétrole russe continue d'être mis en marché. Il y a un an, on s'inquiétait de ce que la production russe diminue à cause des sanctions infligées par les États-Unis et l'Europe, qui voulaient plafonner le cours du brut européen à 60 $. Ça ne s'est pas concrétisé l'an dernier. On s'attend à ce que la croissance continue, mais c'est une autre surprise depuis 12 à 18 mois, il y a davantage de pétrole produit par le Venezuela, par l'Iran. À l'heure actuelle, il semble que l'Occident n'applique pas ces sanctions. Il se pourrait qu'il y ait une surprise l'an prochain. Donc certains facteurs à surveiller, mais la situation ne semble pas tellement défavorable pour les marchés de l'énergie à l'approche de 2024. Est-ce que les marchés seraient un peu trop pessimistes? Les marchés sont prospectifs. Est-ce qu'il y a trop de pessimisme pris en compte dans les cours? La question est intéressante. S'agissant de nos attentes à l'heure actuelle, les marchés s'attendent à environ une croissance de la demande d'un million de barils et peut-être... peut-être un peu plus d'un million de croissance de l'offre. La croissance de l'offre en 2023 a offert une surprise à la hausse. Tout ce qui aurait pu bien se passer pour l'offre s'est bien passé. Dans l'avenir, nous verrons s'il y a des perturbations de l'offre, il n'y en a eu aucune d'importance en 2023, mais il est très difficile de prédire l'évolution de la situation d'un an sur l'autre. Une inquiétude au niveau de la baisse, risque possible, c'est l'OPEP. L'OPEP s'est efforcée de réduire les cours autour de 80 $ et bien sûr, cela ne s'est pas produit jusqu'ici. Si vous considérez la réunion de l'OPEP en novembre, ça devait être une réunion très tranquille, mais qui devait prolonger les coupures existantes, et les politiques existantes, et puis c'est devenu un affrontement quand l'Angola a dit qu'il ne se conformerait pas au quota.