
La Chine vise une croissance de 5 % pour 2023, soit son niveau le plus bas depuis des décennies. Haining Zha, gestionnaire de portefeuille principale à Gestion de Placements TD, explique à Greg Bonnell que Beijing cherche à mettre fin aux protocoles rigoureux de l’an dernier relatifs à la pandémie et à la faiblesse de l’activité économique en vue d’une reprise plus équilibrée
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La Chine a suivi de près la fin du Congrès national du peuple et la deuxième économie du monde planifie sa croissance pour le futur proche. Haining Zha se joint à nous pour nous éclairer sur la question. Il est gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD. Haining, c’est toujours un plaisir de vous avoir avec nous.
Merci de l’invitation.
Très bien. Commençons par le Congrès national du peuple. Qu’avez-vous retiré de l’événement?
D’abord, pour mettre les choses en contexte, le Congrès national du peuple est l’un des événements politiques annuels les plus importants en Chine et il attire beaucoup l’attention du marché. En effet, il s’agit d’une excellente fenêtre pour observer l’orientation générale de la politique économique et des autres politiques gouvernementales en général. Habituellement, durant le Congrès national du peuple, le gouvernement publie un ensemble d’objectifs numériques qui reflètent son cap pour le reste de l’année. L’un des plus suivis est, bien sûr, l’objectif de croissance du PIB et cette année, il a été fixé à 5 %. Il semble se situer dans une fourchette normale, mais c’est en fait très prudent. Et cela parce que la base était très faible l’an dernier. La croissance du PIB réalisé n’était que de 3 %. Si vous examinez les différentes estimations ou enquêtes auprès des grandes institutions, tous les taux se situent dans une fourchette allant de 5 % à 6 %, donc 5 % est vraiment dans le bas de la fourchette. Et c’est dû au fait que le gouvernement veut mettre l’accent sur la qualité plutôt que sur la quantité. Outre la cible de croissance du PIB, il y a aussi d’autres objectifs… par exemple, celui de l’emploi. Cette année, le gouvernement a l’intention de créer 12 millions de nouveaux emplois et il veut maintenir le taux de chômage en milieu urbain à environ 5,5 %. Les chiffres n’ont pas beaucoup changé par rapport à l’an dernier, mais c’est quand même important, car dans le contexte actuel, si la Chine veut retrouver la croissance de son PIB, son principal moteur sera la consommation. Si les gens veulent consommer, ils doivent d’abord récupérer leur emploi et leur revenu, c’est donc toujours très important. Le troisième objectif est, bien sûr, l’inflation. Le gouvernement veut que l’inflation demeure inférieure à 3 %. Dans le contexte actuel, l’IPC sur 12 mois n’est que de 2,1 %, ça ne sera donc pas un facteur contraignant dans un proche avenir. Bien sûr, il existe d’autres types d’objectifs, mais en général, ils demeurent stables d’une année à l’autre. Et selon nous, cela n’aura pas beaucoup d’incidence sur le marché. En tant qu’investisseurs, on doit se concentrer sur quelque chose de plus concret dans nos décisions de placement.
En ce début d’année, évidemment, la levée rapide des restrictions liées à la COVID-19 a suscité beaucoup d’enthousiasme à l’idée d’un boom économique après cette réouverture. Vous avez dit qu’un taux de 5 % était assez prudent pour l’économie chinoise. Est-ce qu’on pensait aussi que la politique monétaire ou budgétaire allait stimuler la croissance en Chine, et que ça ne se produit tout simplement pas?
Oui, c’est d’ailleurs l’un des principaux sujets à venir pour le Congrès national du peuple. Pour commencer, en ce qui concerne la politique budgétaire, ce qu’on retient, c’est qu’il n’y aura pas d’important programme de relance budgétaire. Si vous examinez le plan budgétaire du gouvernement, le déficit ne représente que 3 % du PIB, ce qui est légèrement plus expansionniste que les 2,8 % de l’an dernier. Toutefois, le déficit budgétaire global officiel pose deux problèmes. Le premier, c’est qu’il comprend une grande partie du rajustement et du report, il pourrait donc ne pas refléter la réalité économique réelle. Si on fait le bon ajustement, on peut voir que cette année, ils prévoient un déficit de 4,4 %. L’an dernier, il était de 4,7 %, donc en matière fiscale… on se retrouve légèrement du côté négatif. Et le deuxième problème quant au déficit budgétaire global, c’est qu’il s’agit d’une mesure définie très étroitement. Par exemple, elle n’inclut pas le fonds public local qui est la principale source de financement des activités des administrations locales. Donc, si on fait l’ajustement et qu’on l’inclut, on voit que le chiffre de l’an dernier est en fait d’environ 7,4 et cette année, il sera à 7,5… encore une fois, c’est seulement légèrement expansionniste. L’important, c’est qu’il n’y aura probablement pas d’importantes mesures de relance budgétaire parce que le gouvernement, en particulier les administrations locales, après le confinement lié à la COVID, sont en relativement mauvaise posture et ont besoin de temps pour se remettre. À l’heure actuelle, donc, compte tenu de la viabilité budgétaire, ce n’est pas une bonne idée d’adopter un important programme de relance budgétaire. Du point de vue de la politique monétaire, à l’instar de la politique budgétaire, on ne prévoit pas non plus d’importantes mesures de relance. N’oubliez pas qu’à la fin de l’année dernière, le discours du gouvernement était que la stabilité de la politique monétaire devait être plus forte. L’exécution devait être plus énergique. Mais cette année, dans le relevé de MPC, l’énoncé portant sur la stabilisation de la politique monétaire était qu’elle devait être plus ciblée et exacte. C’est une chose. Deuxièmement, il faut tenir compte de l’effet réel sur l’économie réelle, les taux hypothécaires moyens par rapport à la fin de l’année dernière, ils étaient déjà de 150 points de base. Et le taux d’intérêt moyen des sociétés a déjà diminué d’environ 60 points de base. Donc à ce stade, il n’y a pas de raison de réduire considérablement les taux d’intérêt. En tout cas, ce n’est pas urgent. Mais on voit, du côté du ratio des réserves obligatoires, que le gouvernement peut en faire un peu plus parce que la croissance globale du crédit est toujours solide. Elle sera proportionnelle à la croissance du PIB nominal, plus un écart. La réduction du ratio des réserves obligatoires constitue donc essentiellement une réduction de l’impôt sur le système bancaire.
Vous avez parlé du financement public local, du besoin pour les gouvernements locaux d’avoir le temps de se remettre du confinement. Quel rôle le secteur immobilier joue-t-il dans tout cela? Parce que, de toute évidence, c’est une source de préoccupation en Chine.
Alors. En fait, un plus petit détail que nous remarquons dans le budget est que l’entrée des revenus des gouvernements locaux ne devrait augmenter que de 0,4 %, ce qui est très léger. Et cet élément a tendance à avoir une corrélation très élevée avec les ventes de terrains, le secteur immobilier. Ça veut tout simplement dire que le gouvernement s’attend à ce que l’activité immobilière, du moins du côté des nouvelles constructions, soit assez faible… sensiblement stable. Mais c’est une amélioration par rapport à sa forte baisse d’environ 20 % l’an dernier. Néanmoins, il n’y a pas lieu de s’en réjouir du point de vue des placements.
J’aimerais vous demander de parler du problème de la Silicon Valley Bank, qui est évidemment spécifique à la Silicon Valley Bank, mais cela a inquiété les investisseurs nord-américains pour le système financier. Et cela a suffisamment inquiété la Fed pour qu’elle prenne des mesures extraordinaires au cours des derniers jours. Y a-t-il un quelconque lien avec le secteur bancaire chinois?
Alors. Notre analyse de la situation est qu’automatiquement la situation financière va se resserrer partout ailleurs. Pour la Fed, le resserrement de la situation financière actuelle est une bonne chose. La Fed a donc probablement une motivation supplémentaire d’attendre que les choses se stabilisent avant d’aller de l’avant. Mais à l’heure actuelle, les conditions sur le marché du travail sont encore serrées, elle ne va donc pas renoncer facilement à la hausse des taux et à la maîtrise de l’inflation. Quant à son incidence sur les deux institutions financières ailleurs, en particulier dans le cas des banques chinoises, je pense qu’elle plaide en faveur d’une meilleure diversification dans ce contexte, car la Chine est dans un cycle monétaire très différent. Alors que le reste du monde se resserre, la Chine procède à un assouplissement. L’ampleur de l’assouplissement est probablement inférieure à ce qui était attendu, néanmoins, la diversification demeure assez bonne. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]
La Chine a suivi de près la fin du Congrès national du peuple et la deuxième économie du monde planifie sa croissance pour le futur proche. Haining Zha se joint à nous pour nous éclairer sur la question. Il est gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD. Haining, c’est toujours un plaisir de vous avoir avec nous.
Merci de l’invitation.
Très bien. Commençons par le Congrès national du peuple. Qu’avez-vous retiré de l’événement?
D’abord, pour mettre les choses en contexte, le Congrès national du peuple est l’un des événements politiques annuels les plus importants en Chine et il attire beaucoup l’attention du marché. En effet, il s’agit d’une excellente fenêtre pour observer l’orientation générale de la politique économique et des autres politiques gouvernementales en général. Habituellement, durant le Congrès national du peuple, le gouvernement publie un ensemble d’objectifs numériques qui reflètent son cap pour le reste de l’année. L’un des plus suivis est, bien sûr, l’objectif de croissance du PIB et cette année, il a été fixé à 5 %. Il semble se situer dans une fourchette normale, mais c’est en fait très prudent. Et cela parce que la base était très faible l’an dernier. La croissance du PIB réalisé n’était que de 3 %. Si vous examinez les différentes estimations ou enquêtes auprès des grandes institutions, tous les taux se situent dans une fourchette allant de 5 % à 6 %, donc 5 % est vraiment dans le bas de la fourchette. Et c’est dû au fait que le gouvernement veut mettre l’accent sur la qualité plutôt que sur la quantité. Outre la cible de croissance du PIB, il y a aussi d’autres objectifs… par exemple, celui de l’emploi. Cette année, le gouvernement a l’intention de créer 12 millions de nouveaux emplois et il veut maintenir le taux de chômage en milieu urbain à environ 5,5 %. Les chiffres n’ont pas beaucoup changé par rapport à l’an dernier, mais c’est quand même important, car dans le contexte actuel, si la Chine veut retrouver la croissance de son PIB, son principal moteur sera la consommation. Si les gens veulent consommer, ils doivent d’abord récupérer leur emploi et leur revenu, c’est donc toujours très important. Le troisième objectif est, bien sûr, l’inflation. Le gouvernement veut que l’inflation demeure inférieure à 3 %. Dans le contexte actuel, l’IPC sur 12 mois n’est que de 2,1 %, ça ne sera donc pas un facteur contraignant dans un proche avenir. Bien sûr, il existe d’autres types d’objectifs, mais en général, ils demeurent stables d’une année à l’autre. Et selon nous, cela n’aura pas beaucoup d’incidence sur le marché. En tant qu’investisseurs, on doit se concentrer sur quelque chose de plus concret dans nos décisions de placement.
En ce début d’année, évidemment, la levée rapide des restrictions liées à la COVID-19 a suscité beaucoup d’enthousiasme à l’idée d’un boom économique après cette réouverture. Vous avez dit qu’un taux de 5 % était assez prudent pour l’économie chinoise. Est-ce qu’on pensait aussi que la politique monétaire ou budgétaire allait stimuler la croissance en Chine, et que ça ne se produit tout simplement pas?
Oui, c’est d’ailleurs l’un des principaux sujets à venir pour le Congrès national du peuple. Pour commencer, en ce qui concerne la politique budgétaire, ce qu’on retient, c’est qu’il n’y aura pas d’important programme de relance budgétaire. Si vous examinez le plan budgétaire du gouvernement, le déficit ne représente que 3 % du PIB, ce qui est légèrement plus expansionniste que les 2,8 % de l’an dernier. Toutefois, le déficit budgétaire global officiel pose deux problèmes. Le premier, c’est qu’il comprend une grande partie du rajustement et du report, il pourrait donc ne pas refléter la réalité économique réelle. Si on fait le bon ajustement, on peut voir que cette année, ils prévoient un déficit de 4,4 %. L’an dernier, il était de 4,7 %, donc en matière fiscale… on se retrouve légèrement du côté négatif. Et le deuxième problème quant au déficit budgétaire global, c’est qu’il s’agit d’une mesure définie très étroitement. Par exemple, elle n’inclut pas le fonds public local qui est la principale source de financement des activités des administrations locales. Donc, si on fait l’ajustement et qu’on l’inclut, on voit que le chiffre de l’an dernier est en fait d’environ 7,4 et cette année, il sera à 7,5… encore une fois, c’est seulement légèrement expansionniste. L’important, c’est qu’il n’y aura probablement pas d’importantes mesures de relance budgétaire parce que le gouvernement, en particulier les administrations locales, après le confinement lié à la COVID, sont en relativement mauvaise posture et ont besoin de temps pour se remettre. À l’heure actuelle, donc, compte tenu de la viabilité budgétaire, ce n’est pas une bonne idée d’adopter un important programme de relance budgétaire. Du point de vue de la politique monétaire, à l’instar de la politique budgétaire, on ne prévoit pas non plus d’importantes mesures de relance. N’oubliez pas qu’à la fin de l’année dernière, le discours du gouvernement était que la stabilité de la politique monétaire devait être plus forte. L’exécution devait être plus énergique. Mais cette année, dans le relevé de MPC, l’énoncé portant sur la stabilisation de la politique monétaire était qu’elle devait être plus ciblée et exacte. C’est une chose. Deuxièmement, il faut tenir compte de l’effet réel sur l’économie réelle, les taux hypothécaires moyens par rapport à la fin de l’année dernière, ils étaient déjà de 150 points de base. Et le taux d’intérêt moyen des sociétés a déjà diminué d’environ 60 points de base. Donc à ce stade, il n’y a pas de raison de réduire considérablement les taux d’intérêt. En tout cas, ce n’est pas urgent. Mais on voit, du côté du ratio des réserves obligatoires, que le gouvernement peut en faire un peu plus parce que la croissance globale du crédit est toujours solide. Elle sera proportionnelle à la croissance du PIB nominal, plus un écart. La réduction du ratio des réserves obligatoires constitue donc essentiellement une réduction de l’impôt sur le système bancaire.
Vous avez parlé du financement public local, du besoin pour les gouvernements locaux d’avoir le temps de se remettre du confinement. Quel rôle le secteur immobilier joue-t-il dans tout cela? Parce que, de toute évidence, c’est une source de préoccupation en Chine.
Alors. En fait, un plus petit détail que nous remarquons dans le budget est que l’entrée des revenus des gouvernements locaux ne devrait augmenter que de 0,4 %, ce qui est très léger. Et cet élément a tendance à avoir une corrélation très élevée avec les ventes de terrains, le secteur immobilier. Ça veut tout simplement dire que le gouvernement s’attend à ce que l’activité immobilière, du moins du côté des nouvelles constructions, soit assez faible… sensiblement stable. Mais c’est une amélioration par rapport à sa forte baisse d’environ 20 % l’an dernier. Néanmoins, il n’y a pas lieu de s’en réjouir du point de vue des placements.
J’aimerais vous demander de parler du problème de la Silicon Valley Bank, qui est évidemment spécifique à la Silicon Valley Bank, mais cela a inquiété les investisseurs nord-américains pour le système financier. Et cela a suffisamment inquiété la Fed pour qu’elle prenne des mesures extraordinaires au cours des derniers jours. Y a-t-il un quelconque lien avec le secteur bancaire chinois?
Alors. Notre analyse de la situation est qu’automatiquement la situation financière va se resserrer partout ailleurs. Pour la Fed, le resserrement de la situation financière actuelle est une bonne chose. La Fed a donc probablement une motivation supplémentaire d’attendre que les choses se stabilisent avant d’aller de l’avant. Mais à l’heure actuelle, les conditions sur le marché du travail sont encore serrées, elle ne va donc pas renoncer facilement à la hausse des taux et à la maîtrise de l’inflation. Quant à son incidence sur les deux institutions financières ailleurs, en particulier dans le cas des banques chinoises, je pense qu’elle plaide en faveur d’une meilleure diversification dans ce contexte, car la Chine est dans un cycle monétaire très différent. Alors que le reste du monde se resserre, la Chine procède à un assouplissement. L’ampleur de l’assouplissement est probablement inférieure à ce qui était attendu, néanmoins, la diversification demeure assez bonne. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]