Le taux d’inflation s’établit à 6,9 % en octobre au Canada, un chiffre comparable à celui de septembre. Robert Both, stratège en macroéconomie à Valeurs Mobilières TD, explique à Greg Bonnell pourquoi d’autres hausses de taux seront peut-être encore nécessaires, mais à un rythme plus lent qu’auparavant.
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[MUSIQUE]
Même si l’IPC canadien montre que l’inflation reste élevée, elle a fait du surplace en octobre, à 6,9 %. Selon notre invité, voilà qui donne un argument à la fois aux camps de l’approche ferme et de l’approche conciliante. Voici Robert Both, stratège en macroéconomie à Valeurs Mobilières TD. Bienvenue sur ce plateau. Parlons du chiffre publié aujourd’hui. Bien sûr, tout le monde surveille l’inflation de très près. Qu’est-ce que ça vous inspire?
Merci, Greg. Ravi de vous retrouver. Comme vous l’avez dit, le chiffre d’aujourd’hui est conforme aux prévisions consensuelles du marché, à 6,9 %. Les prix ont augmenté de 0,7 % sur un mois. Je crois qu’il faut en retenir deux choses. D’abord, avec un taux d’inflation de 6,9 % en octobre, on se situe en dessous des prévisions de la Banque du Canada pour le quatrième trimestre.
Dans son rapport sur la politique monétaire d’octobre, elle prévoyait 7,1 % pour le quatrième trimestre. D’après les données d’aujourd’hui, l’inflation devrait se situer entre 6,9 et 7 %. C’est encore très élevé, mais on avance dans la bonne direction. Deuxièmement, l’inflation demeure inconfortablement élevée, surtout avec la hausse de l’inflation de base depuis septembre.
La Banque du Canada garde surtout deux chiffres dans son viseur, à savoir la moyenne tronquée et la médiane pondérée de l’inflation. Les deux ont augmenté d’un dixième de pour cent. Ça veut dire que l’on va dans la bonne direction, mais peut-être pas aussi vite qu’on le souhaiterait.
Le taux d’inflation de base donne à penser que l’inflation risque de persister et qu’il faudra un peu plus de temps avant que l’inflation globale ne recule de manière significative. Ceci dit, il y avait des données prometteuses dans ce rapport. L’inflation des services affiche une hausse relativement faible sur un mois.
Et c’est une préoccupation majeure, non? Les prix volatils, comme ceux de l’énergie et de l’alimentation, peuvent changer assez rapidement. Mais la crainte, c’est que si l’inflation s’empare des services, elle devient plus difficile à maîtriser. Parlez-nous un peu du secteur des services.
C’est exact. Dans les services, on constate une légère compensation des autres pressions provenant de la composante du logement. Cette composante comporte deux sous-composantes sensibles au prix des maisons. D’abord, le coût de remplacement par le propriétaire, qui suit simplement le coût des nouvelles constructions au Canada. Ensuite, les autres dépenses pour le logement en propriété.
Cette mesure tient compte des frais de transfert de propriété et permet un suivi plus global des prix des maisons. Ces données contrebalancent d’autres volets plus inflationnistes du secteur des services. Prises ensemble, elles laissent entrevoir un ralentissement.
De plus, la mesure hors alimentation et énergie que les États-Unis utilisent pour l’inflation de base a enregistré l’une des hausses les plus modérées depuis l’an dernier. Dans l’ensemble, les signes sont assez mitigés. Comme vous l’avez dit, on peut y voir les signes d’une approche ferme ou conciliante.
Selon votre vision du monde, vous lisez ce que vous voulez dans ce rapport. La dernière fois que la Banque du Canada s’est exprimée, elle a un peu relâché la pression. Après une année de hausses de taux brutales, elle a un peu ralenti le rythme. Qu’est-ce que ça annonce pour la réunion de décembre?
La réunion de décembre va s’inscrire dans un contexte très intéressant. À l’heure actuelle, le marché table sur une hausse des taux entre 25 et 50 points de base. Les données de l’IPC d’aujourd’hui n’ont rien changé. On ne sait pas sur quel pied danser, avec ces signes annonciateurs d’une position ferme ou conciliante.
Entre la hausse des mesures de base de la Banque du Canada, la variation sur un mois de l’inflation des services, les chiffres hors alimentation et énergie – chacun peut y aller de sa propre interprétation. Le marché a donc plus ou moins décidé de faire abstraction. On fait partie de ceux qui estiment qu’une hausse de 25 points de base semble plus prudente pour la réunion de décembre.
Même après la hausse de 50 points de base d’octobre, qui était en dessous des prévisions, les taux sont encore largement en territoire restrictif. On note des signes de ralentissement dans d’autres pans de l’économie qui sont sensibles aux taux d’intérêt, comme l’a dit le gouverneur Macklem. Pour moi, l’approche risque/rendement incite à la prudence. On anticipe une hausse de 25 points de base en décembre et de 25 points de base en janvier, pour culminer à 4,25 %.
A-t-on le sentiment que la Banque du Canada, et peut-être même la Fed, tente d’adopter une vision à plus long terme? Elles savent que la politique monétaire fonctionne avec un décalage. Elles en ont déjà beaucoup fait. Elles doivent commencer à penser à l’inflation dans un an, dans 18 mois, à l’état futur de l’économie.
De ce fait, les données rétrospectives sont-elles moins importantes maintenant qu’elles ne l’étaient cet été? On a vraiment sursauté à chaque fois que des données étaient publiées. Et les données sont toujours rétrospectives, dans une certaine mesure.
Oui. Vous avez tout à fait raison. La Banque du Canada a évoqué un relèvement rapide des taux. On a vu une hausse de 100 points de base en juin. Depuis, on a eu des hausses de 75 et 50 points de base. Maintenant que les taux sont bien au-dessus de la fourchette neutre, il est logique d’accorder un peu plus de poids aux indicateurs précurseurs.
Nos données les plus récentes sur le PIB datent du deuxième trimestre. On a l’impression que ça fait une éternité. Les taux d’intérêt étaient bien plus bas à l’époque. Traditionnellement, il faut un à deux ans pour que les hausses de taux produisent des effets sur la demande. Je crois qu’il va falloir revenir à une approche plus fine, pour reprendre les mots du gouverneur.
Bien sûr, on se pose tous une grande question. Quand notre banque centrale ou la Fed estimera qu’elle peut maintenant cesser les hausses de taux, combien de temps les taux se maintiendront-ils à ce niveau? On a assisté à des hausses spectaculaires cette année. Cette question préoccupe tous ceux qui ont un prêt lié au taux directeur. J’imagine qu’ils se demandent quand ça va s’arrêter, et combien de temps les taux vont rester à ce niveau.
Oui. Je pense que cela dépend de plusieurs facteurs. Avant tout, les perspectives d’inflation. La banque devra voir des signes évidents que les attentes d’inflation sont bien ancrées et qu’une baisse est déjà bien amorcée avant d’envisager d’inverser partiellement ces hausses de taux. Mais les prévisions en matière d’inflation dépendent aussi de l’économie mondiale, des perturbations de l’offre qui ont fait des ravages dans le secteur de la production de biens ces deux dernières années, et de la façon dont l’économie canadienne réagit aux hausses de taux qui ont eu lieu à ce jour.
Comme je l’ai dit, on voit les premiers signes que ces hausses de taux commencent à avoir un effet sur le marché du travail et sur certains secteurs, du point de vue du PIB. On s’attend à... Quand l’IPC retombera aux alentours de 3 % et si les attentes d’inflation restent ancrées, la Banque du Canada pourra commencer à ramener les taux à un niveau neutre. Elle ne prendra pas de mesures d’assouplissement, mais elle relâchera un peu le frein. Selon nous, il est peu probable que cela se produise avant le premier trimestre 2024. On s’attend à rester à un taux directeur de 4,25 % pendant environ 12 mois.
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Même si l’IPC canadien montre que l’inflation reste élevée, elle a fait du surplace en octobre, à 6,9 %. Selon notre invité, voilà qui donne un argument à la fois aux camps de l’approche ferme et de l’approche conciliante. Voici Robert Both, stratège en macroéconomie à Valeurs Mobilières TD. Bienvenue sur ce plateau. Parlons du chiffre publié aujourd’hui. Bien sûr, tout le monde surveille l’inflation de très près. Qu’est-ce que ça vous inspire?
Merci, Greg. Ravi de vous retrouver. Comme vous l’avez dit, le chiffre d’aujourd’hui est conforme aux prévisions consensuelles du marché, à 6,9 %. Les prix ont augmenté de 0,7 % sur un mois. Je crois qu’il faut en retenir deux choses. D’abord, avec un taux d’inflation de 6,9 % en octobre, on se situe en dessous des prévisions de la Banque du Canada pour le quatrième trimestre.
Dans son rapport sur la politique monétaire d’octobre, elle prévoyait 7,1 % pour le quatrième trimestre. D’après les données d’aujourd’hui, l’inflation devrait se situer entre 6,9 et 7 %. C’est encore très élevé, mais on avance dans la bonne direction. Deuxièmement, l’inflation demeure inconfortablement élevée, surtout avec la hausse de l’inflation de base depuis septembre.
La Banque du Canada garde surtout deux chiffres dans son viseur, à savoir la moyenne tronquée et la médiane pondérée de l’inflation. Les deux ont augmenté d’un dixième de pour cent. Ça veut dire que l’on va dans la bonne direction, mais peut-être pas aussi vite qu’on le souhaiterait.
Le taux d’inflation de base donne à penser que l’inflation risque de persister et qu’il faudra un peu plus de temps avant que l’inflation globale ne recule de manière significative. Ceci dit, il y avait des données prometteuses dans ce rapport. L’inflation des services affiche une hausse relativement faible sur un mois.
Et c’est une préoccupation majeure, non? Les prix volatils, comme ceux de l’énergie et de l’alimentation, peuvent changer assez rapidement. Mais la crainte, c’est que si l’inflation s’empare des services, elle devient plus difficile à maîtriser. Parlez-nous un peu du secteur des services.
C’est exact. Dans les services, on constate une légère compensation des autres pressions provenant de la composante du logement. Cette composante comporte deux sous-composantes sensibles au prix des maisons. D’abord, le coût de remplacement par le propriétaire, qui suit simplement le coût des nouvelles constructions au Canada. Ensuite, les autres dépenses pour le logement en propriété.
Cette mesure tient compte des frais de transfert de propriété et permet un suivi plus global des prix des maisons. Ces données contrebalancent d’autres volets plus inflationnistes du secteur des services. Prises ensemble, elles laissent entrevoir un ralentissement.
De plus, la mesure hors alimentation et énergie que les États-Unis utilisent pour l’inflation de base a enregistré l’une des hausses les plus modérées depuis l’an dernier. Dans l’ensemble, les signes sont assez mitigés. Comme vous l’avez dit, on peut y voir les signes d’une approche ferme ou conciliante.
Selon votre vision du monde, vous lisez ce que vous voulez dans ce rapport. La dernière fois que la Banque du Canada s’est exprimée, elle a un peu relâché la pression. Après une année de hausses de taux brutales, elle a un peu ralenti le rythme. Qu’est-ce que ça annonce pour la réunion de décembre?
La réunion de décembre va s’inscrire dans un contexte très intéressant. À l’heure actuelle, le marché table sur une hausse des taux entre 25 et 50 points de base. Les données de l’IPC d’aujourd’hui n’ont rien changé. On ne sait pas sur quel pied danser, avec ces signes annonciateurs d’une position ferme ou conciliante.
Entre la hausse des mesures de base de la Banque du Canada, la variation sur un mois de l’inflation des services, les chiffres hors alimentation et énergie – chacun peut y aller de sa propre interprétation. Le marché a donc plus ou moins décidé de faire abstraction. On fait partie de ceux qui estiment qu’une hausse de 25 points de base semble plus prudente pour la réunion de décembre.
Même après la hausse de 50 points de base d’octobre, qui était en dessous des prévisions, les taux sont encore largement en territoire restrictif. On note des signes de ralentissement dans d’autres pans de l’économie qui sont sensibles aux taux d’intérêt, comme l’a dit le gouverneur Macklem. Pour moi, l’approche risque/rendement incite à la prudence. On anticipe une hausse de 25 points de base en décembre et de 25 points de base en janvier, pour culminer à 4,25 %.
A-t-on le sentiment que la Banque du Canada, et peut-être même la Fed, tente d’adopter une vision à plus long terme? Elles savent que la politique monétaire fonctionne avec un décalage. Elles en ont déjà beaucoup fait. Elles doivent commencer à penser à l’inflation dans un an, dans 18 mois, à l’état futur de l’économie.
De ce fait, les données rétrospectives sont-elles moins importantes maintenant qu’elles ne l’étaient cet été? On a vraiment sursauté à chaque fois que des données étaient publiées. Et les données sont toujours rétrospectives, dans une certaine mesure.
Oui. Vous avez tout à fait raison. La Banque du Canada a évoqué un relèvement rapide des taux. On a vu une hausse de 100 points de base en juin. Depuis, on a eu des hausses de 75 et 50 points de base. Maintenant que les taux sont bien au-dessus de la fourchette neutre, il est logique d’accorder un peu plus de poids aux indicateurs précurseurs.
Nos données les plus récentes sur le PIB datent du deuxième trimestre. On a l’impression que ça fait une éternité. Les taux d’intérêt étaient bien plus bas à l’époque. Traditionnellement, il faut un à deux ans pour que les hausses de taux produisent des effets sur la demande. Je crois qu’il va falloir revenir à une approche plus fine, pour reprendre les mots du gouverneur.
Bien sûr, on se pose tous une grande question. Quand notre banque centrale ou la Fed estimera qu’elle peut maintenant cesser les hausses de taux, combien de temps les taux se maintiendront-ils à ce niveau? On a assisté à des hausses spectaculaires cette année. Cette question préoccupe tous ceux qui ont un prêt lié au taux directeur. J’imagine qu’ils se demandent quand ça va s’arrêter, et combien de temps les taux vont rester à ce niveau.
Oui. Je pense que cela dépend de plusieurs facteurs. Avant tout, les perspectives d’inflation. La banque devra voir des signes évidents que les attentes d’inflation sont bien ancrées et qu’une baisse est déjà bien amorcée avant d’envisager d’inverser partiellement ces hausses de taux. Mais les prévisions en matière d’inflation dépendent aussi de l’économie mondiale, des perturbations de l’offre qui ont fait des ravages dans le secteur de la production de biens ces deux dernières années, et de la façon dont l’économie canadienne réagit aux hausses de taux qui ont eu lieu à ce jour.
Comme je l’ai dit, on voit les premiers signes que ces hausses de taux commencent à avoir un effet sur le marché du travail et sur certains secteurs, du point de vue du PIB. On s’attend à... Quand l’IPC retombera aux alentours de 3 % et si les attentes d’inflation restent ancrées, la Banque du Canada pourra commencer à ramener les taux à un niveau neutre. Elle ne prendra pas de mesures d’assouplissement, mais elle relâchera un peu le frein. Selon nous, il est peu probable que cela se produise avant le premier trimestre 2024. On s’attend à rester à un taux directeur de 4,25 % pendant environ 12 mois.
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