La Réserve fédérale américaine a relevé son taux de 50 points de base, mais elle écarte des hausses plus importantes pour atténuer les pressions inflationnistes. Anthony Okolie reçoit Scott Colbourne, directeur général, Gestion active des titres à revenu fixe, Gestion de Placements TD, pour discuter des répercussions sur l’économie américaine.
La Fed a relevé son taux directeur de 50 points de base aujourd’hui. C’est la plus forte hausse depuis 22 ans. Les marchés avaient fortement anticipé cette annonce. Scott, que retenez-vous surtout aujourd’hui?
Bonjour, Tony. Comme prévu, la Fed a relevé les taux de 50 points de base. Elle avait préparé le marché à une hausse de cette ampleur. Elle a aussi annoncé une réduction progressive de son bilan à partir de juin. Ces deux mesures n’étonnent personne. Dans son communiqué de presse, la Fed laisse très peu de place aux surprises.
Elle veut continuer de relever les taux. Elle reconnaît l’importance des pressions et des risques inflationnistes, qu’il s’agisse des chocs liés aux produits de base ou de l’invasion de l’Ukraine. On reste dans un contexte à haut risque. De mon point de vue, le communiqué de presse était assez direct. En gros, il faut s’attendre à d’autres hausses de taux.
Jerome Powell s’est aussi exprimé. Il laisse la porte ouverte à d’autres hausses d’un demi-point de base aux prochaines réunions. Mais il semble exclure une hausse de 75 points de base. Que pensez-vous de ces commentaires?
Voilà qui souligne vraiment l’écart entre le communiqué de presse qu’on a reçu à 14h, et ce qu’on a entendu après avoir attendu jusqu’à 14h30 pour la conférence de presse. C’est exactement ce que vous avez dit... Honnêtement, en entendant la réaction après la réunion, quand le président Powell a dit que l’inflation était trop élevée et le marché de l’emploi trop tendu, je me suis dit à 14h30 qu’ils durcissaient vraiment le ton.
Et au fil des questions, ils ont écarté la perspective d’une hausse de 0,75 en disant que ce n’était vraiment pas à l’ordre du jour. Il faut s’attendre à une série de hausses de 50 points de base. Pour résumer, le marché estime que par rapport au durcissement anticipé jusqu’ici, la Fed se montre plutôt conciliante.
Et je suis un peu surpris, très franchement, parce qu’en ce moment, l’inflation fait peser un risque que la Fed n’a pas manqué de souligné, mais elle renonce à une partie de ses options. Au final, ça m’a un peu surpris que la Fed écarte cette option, cette hausse de 75 points de base. Et le marché y voit une approche plutôt conciliante.
Les taux à deux ans se redressent. Bien sûr, les marchés boursiers sont en hausse. Le dollar s’est un peu affaibli. Tout compte fait, c’est ce qui m’a pris par surprise.
Une autre chose que les marchés anticipaient, ou que les investisseurs anticipaient, c’est l’annonce d’une réduction progressive du bilan de 9 000 milliards de dollars qui commencera en juin. Est-ce que ça vous a surpris?
Non. On vient juste d’en apprendre un peu plus. La Fed commencera en juin avec 30 milliards pour les obligations d’État et 17,5 milliards du côté des titres adossés à des créances hypothécaires. Elle compte atteindre les plafonds de 65 et 30 d’ici août. Très franchement, ça n’a pas vraiment eu d’incidence sur le marché.
Mais ça va contribuer au contexte général de retrait de liquidités, ce qui appuie les hausses de taux. Au-delà de l’inflation et du conflit entre la Russie et l’Ukraine, quels risques majeurs pèsent sur les futures hausses de taux de la Fed?
Je crois que la Fed a parlé d’un atterrissage en douceur. Et c’est aussi relativement conciliant aux yeux du marché. Je crois que le risque ici, c’est bien sûr celui d’un atterrissage plus difficile, que ce soit en raison des évolutions en Europe ou en Chine. Mais il ne fait aucun doute que l’économie américaine ralentit.
En ce moment même, les données à haute fréquence montrent un ralentissement. On s’inquiète donc un peu de la croissance et de la possibilité d’un atterrissage un peu plus brutal. C’est certainement un risque.
Mais en fin de compte, on se situe dans un contexte extrêmement incertain pour la suite et l’évolution de l’inflation. Et il est certain que l’on s’inquiète de la montée de l’inflation. Si elle persiste et continue de grimper sans reculer, la Fed sera résolue à lutter et resserrera davantage sa politique.
Pour finir, j’aimerais qu’on parle un peu du dollar américain. L’indice du dollar américain est sur une belle lancée depuis quelque temps. Il s’est apprécié. Il se négocie au plus haut depuis 20 ans par rapport à un panier de devises. Comment le dollar américain va-t-il se comporter à court terme?
C’est vrai qu’on a assisté à une remontée spectaculaire, dans la mesure où le durcissement de ton marque une pause. Le dollar américain va connaître une consolidation, peut-être un léger repli. Mais selon que la croissance nous réserve de nouvelles surprises, le dollar américain va se raffermir, en particulier par rapport aux devises sensibles aux cycles ou aux produits de base.
On voit clairement une divergence dans la politique monétaire à l’échelle mondiale, surtout en Europe et au Japon, ce qui renforce la vigueur du dollar américain. Mais à court terme, compte tenu de ce que j’ai entendu aujourd’hui, il se peut que les devises liées aux produits de base comme l’AUD ou le CAD se redressent et que le dollar américain stagne quelque temps.
Scott, merci beaucoup d’avoir répondu à ces questions.
Merci, Anthony.
[MUSIQUE]